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pour exprimer cette idée que c'est la loi qui dispose du droit du renonçant, et non le renonçant lui-même.

177. L'accroissement est forcé, comme en droit romain, partes renuntiantium accrescunt invitis. Les cohéritiers du renonçant ne pourraient donc pas refuser sa part pour s'en tenir à la leur : ce serait une violation de la règle Nemo pro parte heres. A cela rien d'injuste; car de deux choses l'une ou l'acceptation des cohéritiers du renonçant est postérieure à la renonciation de celui-ci, et alors c'est bien volontairement qu'ils ont accepté sa part; ou bien elle est antérieure, et alors ils ont dû prévoir la possibilité d'une renonciation de leur cohéritier et l'accroissement qui devait en être la conséquence.

Il y a cependant un cas dans lequel l'injustice semble apparaître : c'est celui où un héritier, qui avait accepté avant les autres, fait rescinder son acceptation et renonce ensuite à la succession. Ainsi Primus et Secundus sont appelés à une même succession; Primus accepte, Secundus accepte après lui; puis Primus fait rescinder son acceptation et renonce. Il peut paraître injuste d'imposer l'accroissement à Secundus, qui a accepté après Primus et qui a dû compter par conséquent que celui-ci l'aiderait à supporter les charges de la succession. Aussi quelques auteurs ont-ils soutenu que l'accroissement ne serait pas forcé dans ce cas. Mais cette solution, qui pourrait avoir pour résultat de laisser la succession vacante pour partie, doit être rejetée. La loi ne distingue pas; elle dit impérativement : La part du renonçant accroit à ses cohéritiers ». D'ailleurs il n'était pas impossible à l'héritier, qui a accepté après d'autres, de prévoir que ceux-ci pourraient plus tard renoncer après avoir fait rescinder leur acceptation.

178. Observation. La règle que l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier, n'est pas absolue; elle n'empêche pas l'héritier renonçant d'avoir valablement représenté l'hérédité jusqu'à sa renonciation, et laisse subsister par conséquent l'effet des actes qu'il a accomplis pendant cette période comme administrateur des biens de la succession et l'effet des poursuites qui ont été exercées contre lui, notamment au point de vue de l'interruption de la prescription et du cours des intérêts. D'un autre côté, notre règle reçoit exception au cas de représentation. Nous connaissons la disposition de l'art. 787, aux termes duquel: On ne vient jamais par représentation d'un héritier qui a renoncé si le renonçant est seul » héritier de son degré, ou si tous ses cohéritiers renonçent, les enfants viennent de » leur chef, et succèdent par téte ».

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III. De l'irrévocabilité de la renonciation.

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179. En principe, la renonciation est irrévocable, de même que l'acceptation. Cette règle comporte cependant une exception remarquable, que l'art. 790 formule en ces termes : « Tant que la prescrip»tion du droit d'accepter n'est pas acquise contre les héritiers qui ont » renoncé, ils ont la faculté d'accepter encore la succession, si elle » n'a pas déjà été acceptée par d'autres héritiers; sans prejudice nean» moins des droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la » succession, soit par prescription, soit par actes valablement faits avec » le curateur à la succession vacante ».

Ainsi l'héritier qui a renoncé peut, tant que les choses sont encore entières, c'est-à-dire tant que le droit héréditaire dont il s'est dépouillé n'est pas prescrit et qu'il n'a pas encore été acquis par un autre, reve

nir sur ses pas et accepter la succession soit expressément, soit tacitement. Cette faveur, qui avait d'abord été accordée à titre de privilège au mineur seulement par l'art. 462, a été généralisée par l'art. 790. Ces deux textes, conçus absolument dans le même ordre d'idées, ne doivent pas être isolés l'un de l'autre; ils s'éclairent et se complètent réciproquement.

Dans notre ancien droit, on n'autorisait pas l'héritier renonçant à revenir sur sa renonciation, et il est certain qu'il y a dans cette faculté quelque chose d'exorbitant. L'héritier qui renonce est regardé comme n'ayant jamais été saisi (arg. art. 785); par conséquent ceux que la loi appelait concurremment avec lui ou à son défaut doivent être considérés comme ayant toujours été saisis en son lieu et place (arg. art. 724). La loi permet donc au renonçant de s'emparer d'un droit dont il s'est dessaisi et dont un autre est saisi à sa place! Tout ce qu'on peut dire pour justifier cette disposition, qui, paraît-il, a été admise principalement dans le but de diminuer les chances de vacance des successions, c'est que la loi, qui donne la saisine à l'héritier appelé au lieu et place du renonçant, avait bien le droit de ne la lui donner que sous condition, sous cette condition résolutoire qu'elle sera considérée comme non avenue si le renonçant revient sur ses pas rebus integris. Quoi qu'il en soit, la disposition qui nous occupe, on l'a remarqué fort justement, présente cette singularité qu'entre le renonçant et celui qui est appelé à son défaut la succession appartient au premier occupant.

180. Deux conditions sont requises pour que le renonçant puisse revenir sur sa renonciation.

1° Qu'il n'y ait pas contre lui prescription du droit d'accepter. Cette prescription, comme nous le verrons plus loin, s'accomplirait par trente ans (art. 789);

2° Que la succession n'ait pas été déjà acceptée par d'autres héritiers (expression qui est prise ici lato sensu et comprend même les successeurs irréguliers); car alors il y aurait au profit des acceptants un droit acquis dont ils ne pourraient pas être dépouillés.

De là il résulte : 1° que le renonçant ne pourra pas revenir sur sa renonciation, si ses cohéritiers ou l'un d'eux avaient déjà accepté à l'époque où il a renoncé; leur acceptation comprenait en effet toute l'hérédité (arg. art. 786); 2o que si deux héritiers appelés à une même succession y ont renoncé l'un et l'autre, ils pourront revenir simultanément sur leur renonciation; mais l'acceptation de l'un rendrait celle de l'autre impossible (arg. art. 786).

181. Le respect que méritent toujours les droits acquis, a porté notre législateur à décider que l'acceptation, faite par un héritier qui a d'abord renoncé, ne peut porter aucun préjudice aux « droits qui >> peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession ». Notre article cite à titre d'exemples:

1o Les droits acquis par prescription. Ils devraient être maintenus, alors même que, par suite de la renonciation de l'héritier qui revient aujourd'hui sur ses pas, la succession se serait trouvée vacante; car la vacance n'empêche pas la prescription de courir contre la succession, fût-elle non pourvue d'un curateur (art. 2258 al. 2).

Si on compare l'art. 462, relatif au cas de l'héritier mineur qui revient sur sa renonciation, avec l'art. 790, écrit en vue des héritiers majeurs, on est frappé du silence que le premier de ces textes garde en ce qui concerne la prescription dont parle le second. Il est difficile de ne pas considérer cette différence de rédaction comme intentionnelle, et de n'en pas tirer cette conclusion que l'héritier mineur qui revient sur sa renonciation n'est pas obligé, comme le serait un majeur, de respecter les droits acquis à des tiers par prescription depuis l'ouverture de la succession. Solution qui d'ailleurs est conforme aux principes; car, en vertu de l'art. 777, l'acceptation rétroagit au jour de l'ouverture de la succession. La situation est donc la même pour l'héritier mineur, qui accepte la succession après l'avoir d'abord répudiée, que s'il l'eût acceptée dès le début; or, dans cette hypothèse, la prescription n'aurait certainement pas couru contre lui (arg. art. 2252). On n'a guère affaibli cette argumentation, en objectant qu'aux termes de l'art. 462 le mineur qui revient sur sa renonciation reprend la succession « dans l'état où elle se trouvera lors de la >> reprise »; il n'est en effet rien moins que démontré que ces mots fassent allusion aux droits dont la succession se trouverait privée par la prescription.

2o Les actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante. Le curateur est en effet le représentant légal de la succession.

Le principe, que l'héritier qui revient sur sa renonciation doit respecter les droits acquis à des tiers, est général; les deux applications qui précèdent paraissent n'avoir été citées qu'à titre d'exemples. De là nous conclurons, mais il y a controverse sur ce point, que l'héritier réservataire, qui accepte la succession de son auteur après l'avoir répudiée, ne peut plus faire réduire les dons ou les legs qui entament sa réserve. Sa renonciation, en lui faisant perdre son titre d'héritier et par suite de réservataire, a fait naître au profit des donataires ou des légataires un droit acquis à conserver le montant de leur on ou de leur legs (Cass., 5 juin 1878, Sir., 78. 1. 457).

IV. Des causes pour lesquelles la renonciation peut être attaquée.

182. Nous n'avons pas à nous occuper ici des cas où la renonciation est inexistante, ce qui arrive : 1° si elle a été faite avant l'ouverture de la succession; 2o si le successible a renoncé à telle succession, croyant renoncer à telle autre (cpr. t. I, n. 495), mais seulement des cas où une renonciation, étant atteinte de certains vices, qui ne l'empêchent pas d'exister provisoirement, peut être déférée à la justice et annulée par celle-ci. Cela peut arriver dans les trois cas suivants : PREMIER CAS. De même que l'acceptation, la renonciation peut être annulée, lorsqu'elle a été faite par une personne incapable ou pour son compte sans l'accomplissement des formalités prescrites par la loi, par exemple par une femme mariée non autorisée.

DEUXIÈME CAS. De même que l'acceptation également, la renonciation peut être annulée pour cause de dol ou de violence; car ce sont là des causes de rescision des contrats et actes en général.

Mais en aucun cas, la renonciation ne saurait être annulée pour cause de lésion. En effet la lésion, en principe, n'est pas dans notre droit une cause de rescision des actes ou engagements (arg. art.1118);

il ne peut pas y avoir de rescision pour cause de lésion sans un texte. Le seul qu'on pourrait songer à invoquer ici c'est l'art. 783; mais précisément il n'autorise la rescision pour cause de lésion qu'en ce qui concerne l'acceptation, et la nature exceptionnelle de sa disposition ne permet pas de l'étendre à la renonciation. Exceptiones sunt strictissimæ interpretationis.

TROISIÈME CAS, prévu par l'art. 788, ainsi conçu : « Les créanciers de » celui qui renonce au préjudice de leurs droits, peuvent se faire autori» ser en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son » lieu et place. Dans ce cas, la renonciation n'est annulée qu'en faveur » des créanciers, et jusqu'à concurrence seulement de leurs créances: » elle ne l'est pas au profit de l'héritier qui a renoncé ».

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Voici l'espèce prévue et réglée par cet article: Un débiteur qui a plus de dettes que de biens, est appelé à recueillir une succession avantageuse; mais, comme il sait que le profit en sera absorbé par ses créanciers, qu'il tient à ne point payer, il répudie cette succession. Les créanciers, auxquels cette renonciation préjudicie, ont le droit de la faire annuler par la justice. L'action qui leur est accordée à cet effet, doit être intentée contre les héritiers qui ont accepté au lieu et place du débiteur renonçant. Une fois annulée, la renonciation sera considérée comme non avenue, et les créanciers pourront se faire autoriser par la justice et par le jugement même qui prononce la révocation, à accepter ladite succession du chef de leur débiteur, comme ils en auraient le droit si celui-ci n'avait pas renoncé (arg. art. 1166).

C'est une application particulière de l'action, dite paulienne ou révocatoire, organisée par l'art. 1167. Deux conditions sont exigées d'une manière générale pour l'exercice de cette action : 1° que l'acte attaqué ait causé préjudice aux créanciers (eventus damni); 2o qu'il ait été accompli frauduleusement par le débiteur (consilium fraudis ex parte debitoris). Notre article n'exige expressément que la première condition; nous aurons à rechercher sous l'art. 1167, s'il y a lieu de suppléer la seconde.

183. Remarquez que les créanciers, qui acceptent ainsi avec l'autorisation de la justice, du chef de leur débiteur, la succession répudiée par celui-ci, ne deviennent point héritiers; ils exercent seulement dans la succession, jusqu'à concurrence du montant de leurs créances, les droits de leur débiteur, ou mieux ceux qu'il aurait eus s'il n'eût pas renoncé.

De là résultent quatre conséquences :

1o Les créanciers n'ont pas besoin d'accepter sous bénéfice d'inventaire pour échapper à l'obligation de payer sur leurs biens personnels les dettes de la succession;

2o Ils n'ont pas le droit de s'attribuer en nature les biens de la succession, mais seulement de saisir ces biens et de les faire vendre pour se payer sur le prix. Au cas où le débiteur n'était appelé à la succession que pour partie, les créanciers feront

PRÉCIS DE DROIT CIVIL.

- 3e éd.,

II.

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déterminer sa part par un partage qu'ils provoqueront et auquel ils auront le droit d'assister pour en surveiller les opérations, puis ils se feront payer comme il vient d'être dit sur les biens mis dans le lot de leur débiteur;

3o Les héritiers, appelés par la loi au lieu et place du débiteur renonçant, pourraient écarter les créanciers en leur payant le montant intégral de leurs créances;

4o Si les biens, formant la part de l'héritier dont la renonciation a été annulée, sont plus que suffisants pour payer les créanciers, l'excédent ne leur appartiendra pas. A qui reviendra-t-il donc ? Ce ne peut être à l'héritier qui a renoncé, car la renonciation n'est pas annulée en sa faveur, mais bien à ceux que la loi appelait en son lieu et place.

*Nous inclinerions même à penser que les héritiers, qui étaient appelés à profiter de la renonciation du débiteur, pourraient exercer contre lui, en supposant qu'il revînt à meilleure fortune, une action récursoire jusqu'à concurrence de la valeur des biens qui ont servi à désintéresser ses créanciers. Ils pourraient lui dire : « Par rapport à nous votre renonciation était irrévocable, et nous avions le droit d'en recueillir le bénéfice. Elle a été annulée; mais, aux termes de l'art. 788, vous ne pouvez pas profiter de cette annulation. Or vous en profiteriez, si vous pouviez être libéré purement et simplement à l'égard de vos créanciers. Indemnisez-nous donc du préjudice que nous souffrons par votre fait ou, ce qui est équivalent, par celui de vos créanciers >>.

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184. Observation — Les créanciers, qui veulent accepter du chef de leur débiteur la succession que celui-ci a répudiée à leur préjudice, n'auraient pas besoin de passer par le préliminaire de l'annulation de la renonciation, si la succession n'avait pas encore été acceptée par d'autres; ils pourraient dans ce cas, agissant en vertu de l'art. 1166, exercer le droit, que l'art. 790 accorde à leur débiteur, d'accepter la succession d'abord répudiée.

V. Disposition particulière à l'héritier qui a diverti ou recélé des effets de la succession.

185. « Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une suc» cession, sont déchus de la faculté d'y renoncer : ils demeurent héritiers » purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre » aucune part dans les objets divertis ou recélés » (art. 792). L'art. 801 ajoute : « L'héritier qui s'est rendu coupable de recélé, ou qui a omis, » sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l'inventaire, des » effets de la succession, est déchu du bénéfice d'inventaire ».

Le divertissement est un détournement frauduleux, le recel ou recélé une dissimulation frauduleuse d'objets héréditaires. L'héritier qui accomplit ces actes veut réaliser un profit illicite, en s'appropriant pour la totalité des objets auxquels il n'a droit que pour partie ou même auxquels il n'a aucun droit. Le divertissement ou le recel constituent toujours au moins un délit civil, c'est-à-dire un fait illicite et dommageable accompli avec intention de nuire; ils peuvent même, suivant les circonstances, constituer un vol, si les conditions dans lesquelles ils ont été accomplis permettent de les faire rentrer dans la définition que le code pénal donne de ce délit.

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