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186. La loi attache une double sanction au divertissement ou au recélé.

1. Elle inflige à l'héritier, qui s'est rendu coupable de l'un de ces faits, la qualité d'héritier pur et simple.

Il en est ainsi du moins : 1o si, à l'époque du divertissement ou du recélé, l'héritier n'a pas encore pris parti; 20 s'il a déjà accepté sous bénéfice d'inventaire : il est alors déchu de ce bénéfice; 3° s'il a renoncé et que la succession n'ait pas été acceptée par d'autres : la loi lui donne alors de sa propre autorité la qualité d'héritier pur et simple, qu'il pourrait prendre lui-même en revenant sur sa renonciation (art. 790). La même solution ne devrait plus être admise, si, à l'époque du divertissement ou du recélé, l'héritier avait déjà renoncé à la succession et qu'un autre l'eût acceptée à sa place. On se trouve ici en face d'un droit acquis, que la loi doit respecter. Le renonçant ne peut donc plus être déclaré héritier pur et simple; il peut seulement être poursuivi, s'il y a lieu, comme ayant soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartenait pas : ce qui constitue le délit de vol (C. pén. art. 379). Dans tous les cas donc, sauf celui d'une renonciation devenue irrévocable à l'époque du divertissement ou du recélé, l'héritier, qui s'est rendu coupable de l'un de ces faits, est déclaré héritier pur et simple. Ce n'est pas que la loi considère le divertissement ou le recélé comme entraînant acceptation tacite. « Les faits dont il s'agit, dit Demante, bien que commis dans l'intention de s'approprier la chose ainsi divertie ou recélée, ne constituent pas un acte d'héritier. Car loin de supposer nécessairement l'intention d'accepter, ils supposent bien plutôt l'intention toute contraire, c'est-à-dire celle de s'emparer sans droit des biens de la succession ». C'est donc à titre de peine du délit ou du quasi-délit qu'il a commis que le successible est ici déclaré héritier pur et simple.

Et de là il résulte que notre disposition s'appliquerait à une femme mariée, qui aurait diverti ou recélé des effets d'une succession sans l'autorisation ou le concours de son mari; car si cette autorisation lui est nécessaire pour accepter une succession, elle ne lui est pas nécessaire pour s'obliger par son délit (Cass., 10 avril 1877, Sir., 77. 1. 248). Elle s'appliquerait aussi à un héritier mineur; car, aux termes de l'art. 1310, le mineur « n'est point restituable contre les obligations résultant de son » délit ou de son quasi-délit ». La loi ne dit nulle part, comme le lui font dire ceux qui soutiennent l'opinion contraire, qu'un mineur ne peut pas être héritier pur et simple; elle dit seulement, ce qui est tout å fait différent, qu'il ne peut pas accepter purement et simplement (art. 462); or il ne s'agit pas ici d'une acceptation, mais bien d'une peine infligée par la loi, et le mineur doit la subir comme le majeur, sauf à examiner s'il n'a pas agi par faiblesse ou inexpérience plutôt que par dol; car il ne faut pas oublier que c'est seulement la mauvaise foi que la loi entend punir (arg. art. 801).

2° L'héritier coupable de divertissement ou de recélé ne peut prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés; pour avoir voulu s'emparer de la part des autres, il perdra donc la sienne dans lesdits objets. Disposition sévère, mais juste, qui a paru nécessaire pour prévenir les divertissements et les recélés, si fréquents dans la pratique et si faciles pour l'héritier saisi, puisqu'il peut, de sa propre autorité et sans aucun contrôle, se mettre en possession des biens héréditaires.

Pour que cette deuxième sanction soit applicable, il faut que l'héritier coupable

du divertissement ou du recélé ait des cohéritiers. C'est de sa part en effet que la loi le prive: ce qui suppose qu'il n'est pas le seul intéressé dans les objets divertis ou recélés. Il faut en outre, bien évidemment, que l'héritier coupable ait droit à une part dans ces objets; car il ne peut être question de priver de sa part celui qui n'a droit à rien. Cette seconde sanction, comme d'ailleurs la première, n'atteindrait donc pas l'héritier, dont la renonciation était devenue irrévocable, au moment du divertissement ou du recélé, par l'acceptation d'autres héritiers, sauf à le poursuivre et à le faire condamner comme voleur. Il est d'ailleurs sans difficulté que la sanction dont il s'agit est applicable même à l'héritier mineur (arg. art. 1310).

187. En l'absence d'une définition légale, les tribunaux ont un pouvoir souverain pour décider, dans chaque espèce qui leur est soumise, s'il y a divertissement ou recélé. Cass., 20 janvier 1885, Sir., 85. 1. 299. Ils pourront donc reconnaître ce caractère à des faits qui ne présenteraient pas les éléments constitutifs d'un vol. C'est ce que juge aujourd'hui, après variations, la cour de cassation, qui admet en principe que « les faits de divertissement ou de recel peuvent résulter de toute fraude ayant pour but de rompre l'égalité des partages entre cohéritiers, et notamment du silence que l'un des héritiers aurait gardé de mauvaise foi sur l'existence d'un effet de la succession qui se trouverait entre ses mains ». Voyez aussi Paris, 3 janvier 1874, Sir., 74. 2. 118. Mais la fraude est un élément essentiel du divertissement ou du recélé. Cass., 13 mars 1882, Sir., 82. 1. 213.

Il est de jurisprudence constante que le recéleur peut éviter la peine du recel en rapportant les objets divertis avant toute poursuite.

VI. De la prescription de la faculté d'accepter ou de renoncer. 188. « La faculté d'accepter ou de répudier une succession se prescrit » par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des » droits immobiliers ». Ainsi s'exprime l'art. 789.

Les mots : « par le laps de temps requis pour la prescription la >> plus longue des droits immobiliers » veulent dire par trente ans (arg. art. 2262). C'est le seul point sur lequel on ait pu se mettre d'accord au sujet de ce mystérieux article, que plusieurs nous présentent comme une énigme proposée par le législateur aux jurisconsultes, et dont il est impossible de trouver le mot.

Essayons de le découvrir cependant.

Et d'abord précisons la difficulté. On suppose un héritier qui est resté pendant trente ans sans prendre parti relativement à la succession qui lui a été déférée. Il s'agit de savoir quelle est sa situation. Doit-il être considéré comme définitivement héritier? ou au contraire comme définitivement étranger à la succession? Voilà ce que notre article ne dit pas clairement et ce qu'il importe de rechercher.

L'intérêt de la question apparaîtra dans tout son jour par les deux espèces qui suivent.

Première espèce. Une succession est ouverte depuis plus de trente ans. Pendant toute la durée de ce long délai, l'héritier appelé en première ligne a négligé de prendre parti; il n'a ni accepté ni répudié. Les biens de la succession sont entre les mains d'une personne, l'héritier du degré subséquent ou toute autre, qui n'en a pas encore acquis la propriété par la prescription, parcequ'elle ne les possède pas depuis un temps suffisant. Dans ces conditions, l'héritier du premier degré intente contre le possesseur une action en restitution des biens héréditaires. Qui triomphera dans ce débat? Ce sera le demandeur, si la prescription de trente ans de l'art. 789 a eu

pour résultat de l'investir d'une manière irrévocable de la qualité d'héritier; car alors il a un titre pour réclamer les biens héréditaires, dont le défendeur n'a pas encore acquis la propriété par la prescription. Ce sera le défendeur, au contraire, si la prescription a eu pour résultat de rendre le demandeur complètement étranger à l'hérédité; car alors il est sans titre pour réclamer les biens dont elle se compose. Deuxième espèce. Trente ans après l'ouverture d'une succession, un créancier de cette succession, dont la créance, on le suppose, n'est pas prescrite, parce que la prescription a été suspendue ou interrompue, se présente, et demande son paiement à l'héritier désigné par la loi, qui, pendant ce long laps de temps, n'a pas pris parti. Celui-ci devra-t-il être condamné à payer? Tout dépend du point de savoir quelle est la qualité qui lui appartient. Il devra être condamné, si la prescription de l'art. 789, que nous supposons acquise, lui a infligé définitivement la qualité d'héritier; tandis qu'il devra échapper à toute condamnation, si cette prescription a eu pour résultat de le rendre définitivement étranger à la succession.

On voit que la question qui nous préoccupe, celle de savoir quelle est après trente ans d'inaction la situation de l'héritier, peut se présenter indépendamment de toute question de pétition d'hérédité. Il ne faut donc pas confondre la prescription de l'art. 789 avec celle de l'action en pétition d'hérédité. Cette confusion, qui a été commise par quelques auteurs et que l'on rencontre aussi dans un grand nombre de décisions judiciaires, est peut-être la principale source des obscurités que l'on a accumulées dans cette difficile matière.

A présent que nous connaissons l'intérêt de la question, voyons comment elle doit être résolue. Quelle est donc la situation que la loi fait à l'héritier, après trente ans d'inaction?

Observons tout d'abord que l'effet ordinaire de la prescription est de consolider un état de choses préexistant, de transformer le fait en droit. Si nous appliquons cette notion élémentaire, nous arriverons à dire que l'héritier, qui est resté pendant trente ans sans prendre parti, doit conserver définitivement la situation qui lui appartenait au moment où la prescription s'est accomplie. Tout se réduit donc à savoir quelle était cette situation; or la question doit être résolue par une distinction. a. S'agit-il d'un héritier légitime, saisi aux termes de l'art. 724? Il était héritier indépendamment de toute acceptation; il conservera donc définitivement ce titre, la prescription une fois accomplie. Jusqu'alors il pouvait renoncer, car il était héritier sous la condition résolutoire de sa renonciation; désormais il ne le pourra plus, la condition résolutoire étant définitivement défaillie. Il ne pourra pas non plus accepter sous bénéfice d'inventaire; car la qualité que la loi lui attribuait était celle d'héritier pur et simple, tenu ultra vires (art. 724), et la prescription confirme définitivement cet état de choses. En ce qui concerne l'héritier légitime, l'art. 789 signifie donc qu'après trente ans il a perdu la faculté d'accepter sous bénéfice d'inventaire, ou de renoncer, et qu'il reste par suite ce que la loi l'a fait, c'est-àdire héritier pur et simple. On objecte qu'aux termes de l'art. 775 : « Nul n'est tenu >> d'accepter une succession qui lui est échue », qu'on ne peut donc pas infliger à un successible la qualité d'héritier pur et simple contrairement à sa volonté. Nous répondons qu'après avoir formulé le principe établi dans l'art. 775, la loi avait bien le droit d'y déroger dans un cas particulier; elle l'a fait dans une autre hypothèse (supra n. 186). D'ailleurs, à vrai dire, il n'y a pas de dérogation à la règle ; la loi admet en effet l'acceptation tacite, et on peut dire qu'elle interprète dans ce sens le silence gardé pendant trente ans par l'héritier saisi.

b. S'agit-il d'un successeur irrégulier, non saisi aux termes de l'art. 724? Son droit n'existait en quelque sorte qu'à l'état latent jusqu'à l'envoi en possession, nécessaire pour qu'il pût exercer son droit héréditaire, c'est-à-dire se mettre en possession des biens, intenter les actions héréditaires ou y défendre. Eh bien! au

bout de trente ans il ne pourra plus demander l'envoi en possession, qui est sa manière à lui d'accepter la succession; il sera donc définitivement étranger à l'hérédité, puisqu'il ne pourra plus remplir utilement la formalité nécessaire pour lui permettre d'exercer son droit. Il était héritier sous la condition suspensive de son acceptation; cette condition est aujourd'hui définitivement défaillie, et le titre d'héritier perdu.

La situation sera la même pour l'héritier renonçant, qui aura laissé prescrire la faculté, que lui accorde l'art. 790, de revenir sur sa renonciation: il sera définitivement ce qu'il était provisoirement au moment où la prescription s'est accomplie, c'est-à-dire étranger à l'hérédité.

En résumé, nous interprétons l'art. 789 de la manière suivante : La faculté d'accepter ou CELLE de répudier se prescrit par trente ans. Celui auquel une acceptation était nécessaire pour être héritier ou exercer les droits attachés à ce titre, aura perdu au bout de trente années la faculté d'accepter, et sera par suite définitivement étranger à la succession; telle est la situation des successeurs irréguliers, et des héritiers légitimes qui, ayant renoncé, pouvaient revenir sur leur renonciation. Celui, au contraire, qui avait besoin d'une renonciation ou d'une acceptation sous bénéfice d'inventaire pour se soustraire en tout ou en partie aux conséquences de la qualité d'héritier pur et simple, conservera définitivement cette dernière qualité après la prescription; il aura perdu la faculté d'accepter sous bénéfice d'inventaire ou de répudier: telle est la situation de l'héritier légitime.

189. Beaucoup d'autres interprétations de l'art. 789 ont été proposées. Voici les principales.

A. Un grand nombre d'auteurs acceptent le point de départ du système qui vient d'être exposé, à savoir que, pour donner de l'art. 789 une explication satisfaisante, il faut considérer la prescription qu'il édicte comme s'appliquant alternativement, et suivant les cas, tantôt à la faculté d'accepter, tantôt à celle de répudier. Mais, d'accord sur cette prémisse, ils se divisent à l'infini sur le point de savoir dans quels cas la prescription atteint la faculté d'accepter, dans quels cas celle de renoncer. D'après ceux-ci, ce serait la faculté de renoncer qui se prescrirait, lorsque l'héritier a été poursuivi par les créanciers de l'hérédité, et la faculté d'accepter lorsque la succession a été appréhendée par des successibles d'un degré plus éloigné. D'après ceux-là, l'héritier saisi serait, après trente ans, déchu de la faculté d'accepter, et par suite définitivement étranger à l'hérédité, lorsqu'elle a été appréhendée par des successibles du même degré ou d'un degré ultérieur ou par des légataires universels ou à titre universel; dans l'hypothèse contraire, il serait déchu de la faculté de renoncer, et par suite définitivement héritier. Il y a d'autres variantes.

B. Dans un autre système, l'art. 789 ne viserait que les héritiers légitimes, et ce qu'il déclarerait prescriptible par trente ans, ce serait le droit d'option de l'héritier. Après trente ans il resterait ce que l'a fait l'art. 724, c'est-à-dire héritier pur et simple. Cela revient à dire qu'au bout de trente ans la faculté de renoncer est prescrite, et on laisse sans explication la partie du texte relative à la prescription de la faculté d'accepter.

C. D'autres disent que la prescription de l'art. 789, s'applique au droit héréditaire. Après trente ans, l'héritier devrait donc être considéré comme définitivement étranger à la succession. - Mais alors l'art. 789 signifie que la faculté d'accepter se prescrit par trente ans, et on laisse sans explication les mots ou de répudier. La jurisprudence offre d'assez nombreuses décisions en ce sens. Voyez un arrêt tout récent de la cour de cassation du 28 février 1881, Sir., 81. 1. 343. La cour dit qu'après trente ans d'inaction le successible « est absolument dans la même position que l'héritier

renonçant ; et qu'il est, comme lui, considéré comme n'ayant jamais été héritier ». Cette doctrine est beaucoup plus nette que celle d'un assez grand nombre d'arrêts soit de la cour de cassation, soit de cours d'appel, qui, tout en reconnaissant que l'héritier légitime, appelé en première ligne, est définitivement héritier au bout de trente ans d'inaction, arrivent cependant à le faire succomber dans l'action qu'il intente contre un héritier du degré subséquent qui possède les biens héréditaires depuis moins de trente ans, et cherchent pour cela à construire au défendeur une possession trentenaire fictive basée sur la rétroactivité de son acceptation. En somme, la tendance de la jurisprudence, dans le conflit qui s'élève entre l'héritier saisi, qui n'a pas pris parti dans les trente ans de l'ouverture de la succession, et l'héritier, saisi ou non, qui possède les biens héréditaires, est de donner gain de cause à ce dernier dans tous les cas.

190. Il reste à dire quel est le point de départ de la prescription de l'art. 789. En principe, elle court à compter de l'ouverture de la succession. Toutefois, la prescription étant ici fondée sur cette idée que le successible, qui a gardé un silence prolongé, a renoncé à la faculté soit d'accepter, soit de répudier, il en résulte que, s'il venait à démontrer qu'il n'a pas eu connaissance de l'événement qui l'appelait à l'hérédité, la prescription n'aurait pas pu courir contre lui. Concevrait-on que l'exercice d'une faculté pût commencer à se prescrire avant que celui à qui elle appartient eût connaissance de son droit, et fût par suite à même de l'exercer? Et toutefois, sur ce point encore, il y a controverse, plusieurs n'admettant pas la restriction qui vient d'être indiquée.

SECTION III

DU BÉNÉFICE D'INVENTAIRE, DE SES EFFETS, ET DES OBLIGATIONS DE L'HÉRITIER BÉNÉFICIAIRE.

191. Nous avons déjà dit que le choix entre les trois partis qui s'offrent au successible peut être délicat. La loi devait lui fournir les moyens de l'exercer en connaissance de cause et avec toute la maturité qu'exige une décision de cette importance. Tel est le but des art. 795 à 800, qui auraient été mieux placés dans une introduction au chapitre V que dans la section consacrée au bénéfice d'inventaire.

La première condition pour prendre sagement parti, est de connaître exactement les forces de la succession. Parmi les mesures qui peuvent concourir le plus efficacement à renseigner le successible sur ce point, figure l'inventaire.

Une fois fixé sur les forces de la succession, le successible aura quelquefois besoin de se livrer à de longues méditations pour peser les avantages et les inconvénients des divers partis qui s'offrent à lui.

Il faut donc au successible un certain temps pour faire inventaire, et un certain temps pour délibérer. Aux termes de l'art. 795: « L'héri» tier a trois mois pour faire inventaire, à compter du jour de l'ouverture » de la succession. Il a de plus, pour délibérer sur son acceptation ou » sur sa renonciation, un délai de quarante jours, qui commence à cou» rir du jour de l'expiration des trois mois donnés pour l'inventaire, ou

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