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» du jour de la clôture de l'inventaire s'il a été terminé avant les trois » mois ».

Tels sont les délais légaux accordés au successible pour exercer paisiblement son droit d'option: trois mois pour faire inventaire, quarante jours pour délibérer. Rien ne l'empêche d'ailleurs d'employer à la confection de l'inventaire une partie du délai de quarante jours que la loi lui accorde pour délibérer.

Si le successible meurt dans les délais pour faire inventaire et délibérer, sans avoir pris parti, transmettant ainsi son droit d'option à son héritier, celui-ci aura, pour l'exercer, un nouveau délai de trois mois et quarante jours. En effet il ne saurait opter dans un sens quelconque relativement à la succession transmise, sans accepter tacitement la succession du transmettant (supra n. 166); et on ne peut pas, bien évidemment, le forcer à accomplir un acte qui entraîne une semblable conséquence, tant que dure le délai qui lui est accordé pour opter relativement à cette dernière succession.

Notre article indique suffisamment le point de départ des délais. Remarquons toutefois que, pour l'héritier appelé à la succession par suite de la renonciation de celui qui le précédait, les délais ne courent qu'à compter de cet événement; car le bon sens dit assez qu'ils ne peuvent pas courir avant que le successible soit appelé à les mettre à profit. Au cas où l'héritier du degré subséquent n'aurait pas eu immédiatement connaissance de la renonciation par suite de laquelle il est appelé à la succession, le délai n'en commencerait pas moins à courir, sauf la prorogation que le juge pourrait accorder, sur la demande du successible.

Ces préliminaires posés, il nous faut étudier successivement la situation du successible, suivant qu'il est encore dans les délais ou que les délais sont expirés.

A. Situation du successible qui est encore dans les délais.

192. « Pendant la durée des délais pour faire inventaire et pour déli» bérer, l'héritier ne peut être contraint à prendre qualité, et il ne peut » être obtenu contre lui de condamnation : s'il renonce lorsque les délais » sont expires ou avant, les frais par lui faits légitimement jusqu'à cette » époque sont à la charge de la succession » (art. 797).

La loi veille à ce que le repos du successible ne soit pas troublé pendant la durée des délais qu'elle lui accorde pour exercer son droit d'option; c'est surtout le calme qui lui est nécessaire. A tous ceux qui exerceront quelque action contre lui en sa qualité d'héritier, créanciers, légataires, cohéritiers demandant le partage de la succession, il pourra opposer l'exception DILATOIRE de l'art. 174 C. pr. Le nom même de cette exception indique son objet: temporis DILATIONEM tribuit. Elle permet à l'héritier de jouir en paix du délai qui lui est accordé, en obligeant les intéressés à suspendre leurs poursuites jusqu'à son expiration. L'utilité de l'exception dilatoire, disons mieux, sa nécessité, nous apparaît encore à un autre point de vue. Le juge ne peut statuer sur la demande qui lui est soumise, sans savoir quelle sera definitive

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ment la qualité du successible, la décision à rendre devant nécessairement varier, suivant qu'il sera héritier pur et simple, héritier sous bénéfice d'inventaire ou renonçant. Or, tant que les délais durent, l'héritier ne peut pas être forcé de prendre qualité, et il est impossible au juge de connaitre le sens dans lequel il fixera sa détermination. A quoi l'on peut ajouter que les délais sont accordés à l'héritier, en grande partie au moins, pour lui permettre de prendre connaissance des affaires de la succession, et que, jusqu'à leur expiration, il est présumé ne pas bien connaître les titres, les moyens et tous les éléments de la défense. En voilà plus qu'il ne faut pour justifier l'exception dilatoire, cette arme défensive que la loi met aux mains de l'héritier pendant toute la durée des délais pour faire inventaire et délibérer.

On dira peut-être : « Pourquoi toutes ces complications? Au lieu d'autoriser les créanciers et autres intéressés à agir contre le successible pendant la durée des délais, sauf le droit pour celui-ci de paralyser leur action par l'exception dilatoire, n'était-il pas beaucoup plus simple de retirer momentanément aux intéressés le droit d'agir »> ? C'eût été plus simple peut-être, mais en même temps fort injuste, et en tout cas contraire aux principes. Il est souvent d'une importance capitale pour celui auquel appartient une action, de pouvoir l'exercer immédiatement. En suspendant son cours, on aurait pu lui causer un préjudice considérable, irréparable quelquefois. Voilà par exemple un créancier de la succession qui est menacé par la prescription ; il lui faut agir en justice sans retard pour l'interrompre. Si vous le forcez d'attendre après l'expiration des délais, il sera peut-être trop tard : l'heure de la prescription aura sonné! De même une demande en justice peut être indispensable pour faire courir les intérêts d'une créance (arg. art. 1153). Retirer au créancier le droit d'agir tant que durent les délais pour faire inventaire et délibérer, c'eût été le priver pendant tout ce temps des intérêts de sa créance. Il fallait donc déclarer valables les actions héréditaires passives, intentées, même pendant les délais légaux, contre l'héritier saisi, le seul auquel les intéressés puissent s'attaquer, puisqu'il représente la succession, sauf à suspendre momentanément le cours régulier de l'action par le moyen de l'exception dilatoire, mais en maintenant d'ailleurs tous les effets de droit attachés à l'action intentée. C'est ce qu'a fait notre législateur. 193. Pour arriver à profiter de la faveur que la loi lui accorde, l'héritier, assigné pendant les délais pour faire inventaire et délibérer, devra nécessairement exposer certains frais il faudra d'abord qu'il constitue avoué, puis qu'il oppose l'exception dilatoire. Qui supportera ces frais? Il va sans dire que ce sera le demandeur, s'il succombe dans sa prétention (arg. art. 130 C. pr.). Mais, s'il gagne son procès, lesdits frais pourront-ils être mis au compte de l'héritier qui les a faits? L'art. 797 in fine répond : « s'il renonce [ajoutez ou s'il accepte sous bénéfice » d'inventaire] lorsque les délais sont expires [c'est-à-dire au moment de leur expi»ration] ou avant, les frais par lui faits légitimement jusqu'à cette époque sont à la » charge de la succession ». Et s'il renonce, ou s'il accepte sous bénéfice d'inventaire, après l'expiration des délais? Il y aura lieu encore de mettre à la charge de la succession les frais légitimement faits par l'héritier jusqu'à l'expiration des délais. Ceux qu'il a faits ensuite pourront être considérés, suivant les circonstances, comme frais frustratoires, et laissés à sa charge.

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Les délais légaux pour faire inven

taire et délibérer sont expirés; l'héritier est attaqué par un créancier ou tout autre intéressé. Peut-il encore opposer l'exception dilatoire? Non, en principe. Cependant, s'il n'a pas encore fixé son choix, il peut demander un nouveau délai au tribunal devant lequel il est traduit. L'art. 798 donne à celui-ci un pouvoir discrétionnaire et souverain pour l'accorder ou le refuser suivant les circonstances: « Après l'expi» ration des délais ci-dessus, l'héritier, en cas de poursuite dirigée contre » lui, peut demander un nouveau délai, que le tribunal saisi de la contes»tation accorde ou refuse suivant les circonstances ».

Le juge peut donc, c'est une simple faculté pour lui, accorder au successible un nouveau délai, alors même qu'il ne justifierait pas rigoureusement de l'insuffisance du délai légal. Le tribunal est autorisé à user ici d'une certaine indulgence, car la loi l'investit d'un pouvoir d'appréciation aussi large que possible (arg. des mots : << suivant les circonstances »). Notre disposition n'est pas contredite sur ce point, comme on l'a prétendu, par l'art. 174 C. pr. Tout ce qui résulte de ce texte, c'est que le juge doit accorder un nouveau délai au successible qui justifie de l'insuffisance du délai légal; mais il ne s'ensuit pas que le juge ne puisse pas accorder un délai à celui qui ne fait pas cette justification.

Le successible, qui, sur l'action intentée contre lui, obtient de la justice un délai supplémentaire, peut opposer l'exception dilatoire à son adversaire. C'est même précisément pour pouvoir arriver à ce résultat qu'il demande un nouveau délai, dont on n'apercevrait pas l'utilité sans cela. Rien ne s'oppose d'ailleurs à ce que le successible, à l'expiration de ce premier délai de faveur, en obtienne un second, et ainsi de suite..

A la charge de qui seront les frais faits par l'héritier pendant les délais judiciaires? La loi distingue : « Les frais de poursuite, dans le cas de l'article précédent, » sont à la charge de la succession, si l'héritier justifie, ou qu'il n'avait pas eu con»> naissance du décès, ou que les délais ont été insuffisants, soit à raison de la » situation des biens, soit à raison des contestations survenues: s'il n'en justifie pas » les frais restent à sa charge personnelle » (art. 799).

195. Pendant toute la durée des délais pour faire inventaire et délibérer, l'héritier, qui veut conserver intact son droit d'option, doit bien se garder d'accomplir aucun acte de disposition. Il ne peut faire, sans se compromettre, que les actes purement conservatoires, de surveillance et d'administration provisoire. Et toutefois nous trouvons une exception à ce principe dans l'art. 796, ainsi conçu: « Si cepen»dant, il existe dans la succession des objets susceptibles de dépérir ou » dispendieux à conserver, l'héritier peut, en sa qualité d'habile à succé» der, et sans qu'on puisse en induire de sa part une acceptation, se faire » autoriser par justice à procéder à la vente de ces effets. Cette vente » doit être faite par officier public, après les affiches et publications » réglées par les lois sur la procédure ».

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Les ventes auxquelles s'applique cet article sont seulement celles qui constituent

des actes de disposition, comme les ventes de chevaux, d'équipages, etc.; quant aux ventes qui, par leur nature même, rentrent dans la catégorie des actes d'administration provisoire, comme les ventes, faites au marché, de menus produits : œufs, lait, beurre, légumes, fruits, etc., l'héritier n'a besoin d'aucune autorisation pour y procéder.

B. Situation de l'héritier après l'expiration des délais.

196. L'expiration des délais légaux et judiciaires n'a pas d'autre résultat que de priver le successible du bénéfice de l'exception dilatoire. Si donc personne n'agit contre lui, il pourra, tant que la prescription n'aura pas définitivement réglé sa situation, exercer son droit d'option dans toute sa plénitude, et par conséquent même accepter sous bénéfice d'inventaire ou renoncer. Mais, s'il est attaqué, il pourra être forcé de prendre qualité; car désormais il ne peut plus légalement garder le silence à l'abri de l'exception dilatoire.

L'héritier poursuivi après l'expiration des délais sera donc obligé de s'expliquer, de dire quelle qualité il entend prendre. Supposons qu'il refuse de le faire, comment procèdera-t-on ? Le juge parlera pour lui: si la prétention de ceux qui l'attaquent lui paraît fondée, il le condamnera comme s'il avait accepté purement et simplement, consacrant ainsi dans son silence la solution la plus favorable à ses adversaires. C'est ce qui résulte de l'art. 800, ainsi conçu: « L'héritier conserve » néanmoins, après l'expiration des délais accordés par l'article 795, » même de ceux donnés par le juge, conformément à l'article 798, la » faculté de faire encore inventaire et de se porter héritier bénéficiaire, » s'il n'a pas fait d'ailleurs acte d'héritier, ou s'il n'existe pas contre lui de » jugement passé en force de chose jugée, qui le condamne en qualité » d'héritier pur et simple ». Cpr. C. pr. art. 174.

La décision judiciaire, qui condamne le successible comme héritier pur et simple, ne lui imprime irrévocablement cette qualité à l'égard de son adversaire que lorsqu'elle a acquis l'autorité définitive de la chose jugée. Jusque-là le successible peut remettre tout en question en attaquant la décision judiciaire, et accepter sous bénéfice d'inventaire ou renoncer tant que le débat n'est pas définitivement clos.

Supposons que la décision judiciaire, condamnant le successible comme héritier pur et simple, soit passée en force de chose jugée. Aura-t-il cette qualité erga omnes, ou seulement à l'égard de l'adversaire qui a obtenu la sentence, de sorte qu'à l'égard de tous autres il pourrait encore accepter sous bénéfice d'inventaire ou renoncer? Il y a sur ce point une grave controverse. Si l'art. 800 n'existait pas, la question ne ferait guère de doute; on appliquerait le principe de l'art. 1351, qui, reproduisant l'ancienne maxime Res inter alios judicata aliis neque nocere neque prodesse potest, donne aux décisions judiciaires une autorité toute relative. Le successible n'aurait donc la qualité d'héritier pur et simple qu'à l'égard du créancier qui a obtenu la condamnation; par rapport à tous autres, cette décision serait comme non avenue, et par suite le successible pourrait soit accepter sous bénéfice d'inventaire, soit renoncer. Il est vrai que la qualité d'héritier est indivisible; mais s'il résulte de cette indivisibilité qu'on ne peut pas être héritier pour partie, il n'en résulte nullement qu'on ne puisse pas être considéré comme ayant la qualité d'héri

tier à l'égard de celui-ci et comme ne la possédant pas à l'égard de celui-là. L'état est bien tout au moins aussi indivisible que la qualité d'héritier, et nous avons vu cependant (t. I, n. 290) que, par suite du principe de l'autorité relative de la chose jugée, on peut avoir tel état par rapport à une personne et un état différent à l'égard d'une autre.

Telle est, nous le répétons, la solution à laquelle conduisent tout naturellement les principes relatifs à l'autorité de la chose jugée, et, somme toute, au point de vue pratique, c'est encore la meilleure. Trouve-t-elle sa condamnation dans l'art. 800 ? On l'a prétendu; mais, à notre avis, on est loin de l'avoir démontré. La disposition finale de ce texte, qui sert de thème au débat, peut parfaitement s'expliquer dans le sens d'une application pure et simple des principes qui régissent la chose jugée. L'article précité, il est vrai, donne à entendre que le successible ne peut plus accepter sous bénéfice d'inventaire [ou renoncer], s'il existe un jugement passé en force de chose jugée qui le condamne en qualité d'héritier pur et simple. Mais, comme, en vertu du principe établi par l'art. 1351, ce jugement n'existe qu'à l'égard du créancier qui l'a obtenu, notre article peut très bien signifier que c'est seulement par rapport à ce créancier que l'héritier est déchu, en vertu de ce jugement, de la faculté d'accepter sous bénéfice d'inventaire ou de renoncer; il la conserverait donc à l'égard de tous autres. C'est bien ainsi que l'entendait Pothier, dont le suffrage est ici d'un grand poids, parce que l'art. 800, ainsi que ceux qui précèdent, a été presque littéralement reproduit de ses œuvres.

*Ceux qui admettent que l'art. 800 a voulu déroger à l'art. 4351, sont loin d'être d'accord sur le point de savoir quelle est la portée de la dérogation. Suivant les uns, le jugement passé en force de chose jugée, qui condamne le successible comme héritier pur et simple, lui imprimerait dans tous les cas cette qualité à l'égard de tous, le successible qui a subi une semblable condamnation devant être assimilé à celui qui a fait acte d'héritier, d'après la règle Judiciis quasi contrahimus, ainsi que cola paraît d'ailleurs résulter du rapprochement que la loi établit entre ces deux hypothèses. D'autres distinguent. Ils déclarent héritier erga omnes le successible condamné comme tel par un jugement passé en force de chose jugée, tandis qu'ils considèrent celui qui a été condamné par un jugement en dernier ressort comme n'étant héritier qu'à l'égard du créancier qui a obtenu ce jugement. Au point de vue rationnel, on justifie cette distinction de la manière suivante : Le jugement passé en force de chose jugée doit son autorité irrévocable à la volonté du successible qui ne l'a pas attaqué dans les délais; il y a donc ici de la part du successible une adhesion, qui équivaut à une acceptation tacite et lui imprime la qualité d'héritier erga omnes. Cette adhésion n'existe plus au cas d'un jugement en dernier ressort, rendu contre un héritier qui a lutté jusqu'au bout; aussi, dit-on, ce jugement ne doit produire son effet qu'à l'égard de celui qui l'a obtenu, conformément au droit commun. Au point de vue des textes, l'opinion que nous reproduisons se base surtout sur ces mots de l'art. 800 « jugement passé en force de chose jugée ». Mais ils paraissent bien désigner ici, comme dans beaucoup d'autres dispositions (art. 1262, 1263, 2056 et 2061), toute décision judiciaire ayant acquis d'une manière quelconque l'autorité définitive de la chose jugée; ils n'ont guère le sens spécial qu'on veut leur donner, que dans les textes où la loi les emploie par opposition aux mots jugements en dernier ressort, comme il arrive dans l'art. 2215. Il y a encore plusieurs autres variantes.

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La jurisprudence applique la solution que nous avons adoptée, et c'est à elle aussi que la doctrine paraît tendre à se rallier. Cass., 30 avril 1884, Sir., 86. 1. 173.

§ I. De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

197. Historique.

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Le bénéfice d'inventaire, introduit par Justinien dans la législation romaine (1. 22 C., De jur. delib., VI, 30), fut admis sans restriction dans

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