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§ III. Droits et obligations de l'héritier bénéficiaire. 205. La loi confie à l'héritier bénéficiaire le soin de liquider la succession, et, en attendant, d'administrer les biens dont elle se compose. Cette double mission lui revenait de droit : car il est plus intéressé que tout autre à la mener à bonne fin. L'héritier bénéficiaire en effet est propriétaire des biens héréditaires, sous l'obligation d'acquitter, jusqu'à concurrence de leur valeur, les charges de la succession, et se trouve ainsi appelé à profiter de l'excédent de l'actif sur le passif, excédent qui sera d'autant plus considérable que les opérations de la liquidation auront été conduites avec plus d'habileté. Même au point de vue des créanciers et des légataires, la loi ne pouvait pas faire un choix préférable; car la meilleure garantie d'une bonne gestion est encore l'intérêt personnel du gérant. Sans compter que la gestion de l'héritier bénéficiaire est gratuite.

Et toutefois, comme l'héritier bénéficiaire, qui doit son titre au hasard de sa vocation héréditaire, peut n'avoir pas les qualités requises pour bien gérer, comme d'autre part on peut craindre qu'il n'agisse de mauvaise foi, et qu'enfin son ministère est imposé par la loi, il convenait de donner des garanties aux créanciers et autres intéressés. Le législateur les leur a accordées avec usure en obligeant l'héritier bénéficiaire à fournir caution (art. 807), en prescrivant l'observation de certaines formalités pour la vente des biens (art. 805 et 806), et en prononçant la déchéance du bénéfice d'inventaire contre l'héritier bénéficiaire qui dépasse la limite de ses pouvoirs. Nous allons rencontrer bientôt ces diverses dispositions, en envisageant successivement l'héritier bénéficiaire comme administrateur et comme liquidateur de la succession.

A. Administration.

206. L'héritier bénéficiaire est chargé d'administrer les biens de la » succession, et doit rendre compte de son administration aux créanciers » et aux légataires » (art. 803 al. 1).

Est chargé. Donc ce n'est pas pour lui une. simple faculté, mais une obligation, à laquelle il peut toutefois se soustraire en faisant aux créanciers et aux légataires l'abandon autorisé par l'art. 802.

Les biens de la succession sont la propriété de l'héritier bénéficiaire; c'est donc sa chose qu'il administre. Aussi la loi le traite-t-elle moins rigoureusement que l'administrateur du bien d'autrui. Aux termes de l'art. 804: « Il n'est tenu que des fautes GRAVES dans l'administration » dont il est chargé ».

Un administrateur ordinaire est responsable de la faute que ne commet pas un bonus paterfamilias, de la culpa levis in abstracto (arg. art. 450, 1137, 1992). Notre article déroge à cette règle, en déclarant l'héritier bénéficiaire tenu de sa faute grave

seulement. Et toutefois il est très probable que le législateur entend désigner ici par cette expression, non pas la culpa lata, qui suppose une absence totale de prévoyance, crassa et supina negligentia, mais bien la culpa levis in concreto, c'est-àdire la faute que ne commettrait pas l'héritier bénéficiaire dans la gestion de ses propres intérêts. On en acquiert à peu près la certitude, quand on rapproche l'art. 804 de ce passage de Pothier, auquel il a été manifestement emprunté : « On exige de l'héritier bénéficiaire de la bonne foi dans son administration, mais on n'exige pas de lui d'autre diligence que celle dont il est capable et qu'il a coutume d'apporter à ses propres affaires. C'est pourquoi il n'est tenu envers les créanciers que de la faute grave, LAta culpa ».

B. Liquidation.

207. Liquider la succession, c'est réaliser les biens dont elle se compose, en vue de payer les charges qui la grèvent. A la différence de l'administration, la liquidation est facultative pour l'héritier bénéficiaire l'art. 803 le charge d'administrer, mais aucun texte ne le charge de liquider. Si l'héritier bénéficiaire ne se met pas en devoir de liquider la succession, les créanciers et les légataires pourront saisir les biens et les faire vendre pour se payer sur le prix. En outre ils pourront agir contre l'héritier jusqu'à concurrence des sommes dont il est reliquataire.

Investi du pouvoir de liquider la succession, l'héritier bénéficiaire a nécessairement le droit de procéder au recouvrement des créances héréditaires, et aussi de vendre les biens et d'en toucher le prix, sauf une exception dont il sera parlé tout à l'heure.

Mais il y avait à craindre que l'héritier bénéficiaire ne compromit les droits des créanciers et des légataires par des ventes faites à vil prix; d'un autre côté, il fallait se préoccuper aussi de son insolvabilité possible. La loi a paré au premier danger en prescrivant certaines formes particulières pour la vente des biens, et au deuxième en obligeant l'héritier bénéficiaire à fournir caution.

208. Formalités prescrites pour la vente des biens. Elles varient suivant qu'il s'agit des meubles ou des immeubles.

Avant d'entrer dans les détails, observons tout de suite que l'inaccomplissement des formalités légales n'aurait pas pour résultat de rendre nulles les aliénations consenties par l'héritier bénéficiaire, mais seulement d'entrainer contre lui la déchéance de son bénéfice d'inventaire (C. pr. art. 988 in fine et 989). La loi considère l'héritier qui aliène sans les formalités prescrites comme renonçant à son bénéfice d'inventaire. C'est un cas d'acceptation tacite. Et comme l'acceptation rétroagit au jour de l'ouverture de la succession (art. 777), il en résulte que l'héritier déchu de son bénéfice d'inventaire doit être considéré comme ayant toujours été héritier pur et simple.

Cette déchéance serait encourue par l'héritier, alors même que l'aliénation ne causerait en fait aucun préjudice aux créanciers, bien plus, alors même qu'elle ne

serait pas susceptible de leur en causer un; car elle n'est, comme nous venons de le dire, que la conséquence d'une acceptation tacite que la loi fait résulter de l'aliénation sans l'accomplissement des formalités prescrites. Ainsi l'héritier d'une femme dotale, qui a vendu à l'amiable un immeuble de la succession, devrait être déclaré déchu de son bénéfice d'inventaire, alors même qu'il s'agirait d'un immeuble dotal, qui n'a pu être grevé d'aucun engagement pendant la vie de la défunte et qui par suite échappe au droit de gage de ses créanciers. Cass., 22 juillet 1884, Sir., 86. 1. 271. La question est controversée.

* La déchéance édictée par les art. 988 et 989 C. pr. serait aussi attachée à l'accomplissement par l'héritier bénéficiaire d'actes de disposition autres que les aliénations, comme la transaction par exemple. Et il ne pourrait pas se soustraire à cette déchéance en se faisant autoriser d'avance par la justice à accomplir ces actes; car les tribunaux ne peuvent efficacement donner d'autorisation que dans les cas exprimés par la loi. La jurisprudence est constante en ce sens; la doctrine est divisée. Voyons maintenant quelles formalités sont prescrites soit pour la vente des meubles, soit pour celle des immeubles.

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a. Vente des meubles. — « Il [l'héritier bénéficiaire] ne peut vendre » les meubles de la succession que par le ministère d'un officier public, » aux enchères, et après les affiches et publications accoutumées » (art. 805 al. 1).

Malgré son apparente généralité, ce texte paraît ne devoir être appliqué qu'aux meubles dont le code de procédure règle la vente sur saisie, c'est-à-dire aux meubles corporels et aux rentes sur particuliers (arg. art. 989 C. pr.). Les formalités qu'il prescrit ne s'imposent donc pas à l'héritier bénéficiaire pour l'aliénation des autres meubles incorporels, notamment des valeurs de bourse. L'héritier peut les transférer sans publications préalables et d'après le mode accoutumé, c'est-à-dire par l'entremise d'un agent de change, sans compromettre son bénéfice d'inventaire. Mais l'autorisation de justice ne lui sera-t-elle pas au moins nécessaire pour opérer ce transfert? Un avis du conseil d'Etat du 17 novembre 1807, approuvé le 11 janvier 1808, appliquant par analogie à l'héritier bénéficiaire la disposition de la loi du 24 mars 1806, relative aux aliénations de rentes sur l'Etat appartenant à des mineurs, impose à l'héritier bénéficiaire l'obligation d'obtenir l'autorisation de justice pour transférer les rentes sur l'Etat dépendant de la succession, lorsque dans leur ensemble elles dépassent le chiffre de 50 fr. de rente. Par un arrêt en date du 4 avril 1881 (Sir., 81. 1. 206), cassant dans l'intérêt de la loi un jugement du tribunal de la Seine du juin 1880, la cour de cassation a jugé que l'avis du conseil d'Etat précité, n'ayant fait qu'interpréter la loi du 24 mars 1806 et la déclarer applicable à un cas particulier, se trouve implicitement abrogé, avec ladite loi, par l'art. 12 de la loi du 27 février 1880, et qu'en conséquence l'héritier bénéficiaire doit, sous peine d'être réputé héritier pur et simple, obtenir l'autorisation de la justice, même pour le transfert des rentes sur l'Etat inférieures à 50 fr. V. aussi Cass., 13 août 1883, Sir., 84. 1. 177 et la note de M. Lyon-Caen. En admettant que l'avis du conseil d'Etat du 11 janvier 1808 soit abrogé, ce qui peut paraître contestable, il nous semble qu'il faudrait tirer de cette abrogation une conclusion toute contraire à celle qu'en tire la cour de cassation, savoir que l'héritier bénéficiaire n'a plus besoin d'aucune autorisation de justice pour transférer les rentes sur l'Etat, quelle que soit leur importance, de même que les autres valeurs de bourse. En effet, l'héritier bénéficiaire est propriétaire, et à ce titre il a le droit de disposer des biens de la succession. Il n'y a pas d'autres restrictions à ses pouvoirs que celles qui résultent d'un texte formel. Or il n'y a plus de texte restrictif, la loi de 1806 étant abrogée et avec elle l'avis du

conseil d'Etat de 1808. — Quoi qu'il en soit, en présence de cette jurisprudence de la cour suprême, la prudence commande aux héritiers bénéficiaires de n'aliéner aucune rente sur l'Etat, ni même aucune valeur de bourse dépendant de la succession, quelque minime que soit son importance, sans s'être fait préalablement autoriser de justice.

L'art. 805 ajoute dans son alinéa 2: « S'il les représente en nature, » il n'est tenu que de la dépréciation ou de la détérioration causée par » sa négligence ».

b. Vente des immeubles. — « Il [l'héritier bénéficiaire] ne peut vendre » les immeubles que dans les formes prescrites par les lois sur la pro» cédure; il est tenu d'en déléguer le prix aux créanciers hypothécaires » qui se sont fait connaître » (art. 806).

La disposition finale de ce texte, au sujet de laquelle il s'est élevé quelques difficultés, signifie que l'héritier bénéficiaire, qui a vendu un immeuble dans les formes prescrites par la loi, doit faire tous ses efforts pour parvenir à une distribution amiable du prix entre les divers créanciers ayant privilège ou hypothèque sur cet immeuble. Pour parvenir à ce résultat, il devra offrir de leur déléguer le prix de l'immeuble, suivant le rang hypothécaire de chacun d'eux. S'ils tombent tous d'accord pour accepter cette délégation et qu'ils consentent à donner en échange mainlevée de leurs inscriptions, si d'un autre côté il n'y a pas d'opposition de la part des créanciers chirographaires, ils pourront, en vertu de la délégation qui leur a été consentie, se faire payer directement par l'adjudicataire de l'immeuble, sans que les deniers passent par les mains de l'héritier bénéficiaire; celui-ci n'aura droit de toucher que la partie du prix, qui, excédant le montant des créances inscrites sur l'immeuble, n'aurait pas été déléguée aux créanciers privilégiés ou hypothécaires. Si l'héritier bénéficiaire ne peut parvenir au règlement amiable dont il vient d'être parlé, il devra faire procéder à la distribution du prix par voie d'ordre judiciaire, conformément à l'art. 991 C. pr.

* Les mots « qui se sont fait connaître », par lesquels se termine l'art. 806, doivent être supprimés. Ils avaient été écrits en vue d'un système hypothécaire qui n'a pas été admis par le code civil, et d'après lequel, les charges hypothécaires des immeubles étant occultes, les créanciers privilégiés ou hypothécaires étaient tenus de se faire connaître.

209. Caution. L'héritier bénéficiaire ayant le droit de prendre possession de tout le mobilier de la succession, y compris le numéraire, de toucher les sommes provenant des créances recouvrées et le prix des biens vendus, à l'exception de la portion du prix des immeubles qui doit être déléguée aux créanciers hypothécaires, peut se trouver comptable de valeurs importantes envers les créanciers et autres intéressés. Aussi, pour les mettre en garde contre les dangers que pourrait leur faire courir l'insolvabilité de l'héritier, la loi leur permet-elle d'exiger de lui une caution. On lit à ce sujet dans l'art. 807 al. 1 : « Il est tenu, si les créanciers ou autres personnes intéressées l'exi» gent, de donner caution bonne et solvable de la valeur du mobilier » compris dans l'inventaire, et de la portion du prix des immeubles non » déléguée aux créanciers hypothécaires ».

La caution dont il s'agit est une caution légale; elle devrait donc satisfaire aux conditions prescrites par les art. 2018 et 2019 (arg. art. 2040). Elle n'est pas due de plein droit; mais tout intéressé peut l'exiger. Elle ne répond que du compte du mobilier compris dans l'inventaire et des deniers touchés par l'héritier (prix de ventes ou remboursement de créances) mais non des dommages et intérêts dont l'héritier serait débiteur à raison de fautes graves commises dans sa gestion, ni de la restitution des fruits; car son obligation ne saurait être étendue au-delà des termes de la loi.

Qu'arrivera-t-il, si l'héritier bénéficiaire ne peut ou ne veut fournir la caution qu'on lui demande ? L'art. 807 al. 2 répond : « Faute par lui de » fournir cette caution, les meubles sont vendus, et leur prix est déposé, » ainsi que la portion non déléguée du prix des immeubles, pour être em»ployés à l'acquit des charges de la succession ». C'est à la caisse des dépôts et consignations que doit être fait le dépôt.

210. Paiement des créanciers chirographaires et des légataires. Pour déterminer les règles à suivre en ce qui concerne ce paiement, la loi distingue s'il existe ou non des créanciers (ou des légataires) opposants. On désigne sous ce nom ceux qui ont manifesté à l'héritier la volonté de s'opposer à ce qu'aucune distribution de deniers héréditaires fût faite sans qu'ils fussent appelés à y concourir. Et comme, dans le silence de la loi, une manifestation tacite de volonté doit être tenue pour aussi efficace qu'une manifestation expresse; comme d'autre part la loi n'a pas réglé les formes de l'opposition, on admet en jurisprudence et en doctrine, sauf quelques dissentiments, qu'il y a lieu de considérer comme opposants hoc sensu, non seulement ceux qui ont formé entre les mains de l'héritier une opposition proprement dite (saisie-arrêt), mais aussi ceux qui, par un acte légal, ont fait connaftre à l'héritier qu'ils sont ou se prétendent créanciers de la succession; car ils s'opposent ainsi implicitement à ce qu'on paye les autres avant eux. Ce qui toutefois n'est pas sans difficulté, vu que Pothier, auquel a été empruntée la disposition de l'art. 808, parle de saisie-arrét.

PREMIÈRE HYPOTHÈSE. Il y a des opposants. « S'il y a des créanciers » [ajoutez ou des légataires] opposants, l'héritier bénéficiaire ne peut » payer que dans l'ordre et de la manière réglés par le juge » (art. 808 al. 1).

A moins, bien entendu, que tous les intéressés, dans le but d'éviter des frais, ne se mettent d'accord pour accepter un règlement amiable.

Si l'héritier bénéficiaire ne respectait pas une opposition régulièrement signifiée, il ne serait pas déchu pour cela du bénéfice d'inventaire, mais seulement tenu de réparer le préjudice causé par sa faute à l'opposant, c'est-à-dire de lui payer de suo une somme égale à celle qu'il aurait obtenue dans un ordre régulier, à supposer qu'au moment où l'opposant se présente tous les deniers soient distribués, ou qu'il n'en reste plus assez pour lui donner la part à laquelle il avait droit.

En outre, le créancier opposant pourrait exercer un recours contre les légataires payés à son préjudice, et même contre les créanciers qui ont obtenu plus qu'il n'aurait dû leur revenir dans un ordre régulier (arg. a contrario art. 809 al. 1).

DEUXIÈME HYPOTHESE. Il n'y a pas d'opposants. « S'il n'y a pas de » créanciers [ajoutez: ou de legataires] opposants, il paie les créanciers

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