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CHAPITRE VI

DU PARTAGE ET DES RAPPORTS

217. Notre chapitre, qui est le dernier du titre Des successions, est divisé en cinq sections. Sa rubrique n'indique qu'incomplètement son

contenu.

SECTION PREMIÈRE

DE L'ACTION EN PARTAGE ET DE SA FORME

§ I. Généralités.

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218. Définition de l'indivision et du partage. L'indivision est l'état de plusieurs copropriétaires, ici de plusieurs cohéritiers, dont les droits ne sont pas encore liquidés. Le partage est l'acte qui met fin à l'indivision: c'est donc un acte de liquidation. A quelque époque qu'il soit fait, il produit un effet rétroactif au jour où l'indivision a pris naissance, c'est-à-dire ici au jour de l'ouverture de la succession, de sorte que chaque cohéritier est censé avoir seul succédé au défunt pour tout ce que le partage met dans son lot. Développons ces divers points. Pendant toute la durée de l'indivision, il y a communauté entre les héritiers ce qui signifie que les biens de la succession leur appartiennent en commun, qu'ils en sont copropriétaires. Le tout appartient à tous, et aussi chaque partie de ce tout. Or une longue expérience a révélé les inconvénients de cet état de choses. La communauté tout d'abord est une source de querelles. Discordias solet parere communio, dit un vieil adage. Ces discordes sont d'autant plus fâcheuses qu'elles éclateront ici entre les membres d'une même famille. D'autre part, la communauté anéantit l'initiative privée de chacun des communistes, et rend par suite toute amélioration presque impossible. En effet, pour améliorer, il faut innover; or, quand l'un voudra réaliser quelque innovation, il viendra se heurter contre l'opposition de l'autre, qui sera toute puissante en vertu de la règle In pari causa potior est causa prohibentis. Le vieux Loysel avait bien raison de dire: Qui a compagnon a maître. Enfin la communauté entrave la libre circulation des biens; car l'un des communistes ne peut pas aliéner sans le consentement des autres, et l'aliénation devient difficile quand elle ne peut avoir lieu que moyennant le concours de plusieurs volontés. On peut vendre, il est vrai, sa part indivise, mais la vente est difficile. A ces divers points de vue, et surtout au dernier, la communauté a pu paraître contraire à l'ordre public, c'est-à-dire à l'intérêt général. Aussi notre législateur la voit-il avec défaveur, et permet-il à chacun des cohéritiers d'exiger la cessation de l'indivision qui en est la cause, en demandant

le partage de la succession. Il donne à cet effet à chacun des cohéritiers contre les autres l'action en partage. « Nul ne peut être contraint » à demeurer dans l'indivision; et le partage peut être toujours provoqué » nonobstant prohibitions et conventions contraires », dit l'art. 815 al. 1. Ainsi donc, l'action en partage peut être intentée par chacun des cohéritiers contre les autres. Elle appartient aussi aux successeurs universels des cohéritiers, ou à ceux auxquels ils ont cédé leurs droits successifs, sauf l'exercice du retrait successoral dont il sera parlé plus loin.

Bien qu'écrit principalement en vue des cohéritiers, le principe, établi par l'art. 815 al. 1, est formulé dans des termes assez généraux pour qu'on doive le déclarer applicable à tous ceux qui sont dans l'indivision par suite d'une cause étrangère à leur volonté, notamment aux colégataires d'une même chose. Mais ce serait certainement dépasser les intentions du législateur que d'étendre ce principe au cas où l'indivision est le résultat de la volonté, même présumée, des parties. Il ne s'appliquerait donc pas à la communauté entre époux, qui est une véritable société (Cass., 30 novembre 1886, Sir., 87. 1. 401), ni à la société ordinaire. L'indivision est ici nécessaire pour la réalisation du but que se sont proposé les parties; elle doit donc subsister tant que ce but n'a pas été atteint. D'ailleurs elles supporteront facilement une indivision que leur volonté a créée. La question ne se pose que pour les sociétés qui ne constituent pas des personnes morales; car dans celles qui ont ce caractère il n'y a pas indivision entre les associés, puisque, par une fiction de droit, c'est la société, considérée comme personne juridique distincte de la personne des associés, qui est propriétaire des biensd épendant de la société.

Ainsi donc le principe, formulé par l'art. 815 al. 1, ne s'applique pas, en règle générale tout au moins, aux associés qui sont volontairement en état d'indivision. Il s'applique au contraire à tous les communistes, qui sont dans l'indivision par suite d'une circonstance étrangère à leur volonté. Mentionnons cependant une exception relative à la mitoyenneté : l'un des copropriétaires d'une chose mitoyenne n'en peut pas demander le partage; et cependant l'indivision, qui existe entre les copropriétaires d'une chose mitoyenne, n'est pas toujours le résultat de leur volonté (v. art. 661 et 663).

219. L'état de communauté ayant paru à certains égards contraire à l'ordre public, le législateur n'a pas voulu que l'indivision d'où il résulte pût être perpétuée par la volonté des parties ou d'un tiers. Serait donc nulle et de nul effet la disposition, par laquelle un testateur, en léguant ses biens à plusieurs personnes, leur aurait imposé la défense de procéder au partage: c'est à cette hypothèse que l'art. 815 fait allusion par les mots nonobstant prohibitions. Serait nulle aussi la convention, aux termes de laquelle les communistes se seraient réciproquement interdit le droit de demander le partage: telle est la portée des mots nonobstant conventions contraires.

Il peut cependant être de l'intérêt bien entendu des communistes d'ajourner momentanément le partage. Ainsi, parmi les cohéritiers il y en a un qui est mineur, mais sur le point d'arriver à sa majorité. Si l'on veut partager immédiatement, il faut de toute nécessité procéder

à un partage judiciaire (art. 840); tandis qu'en attendant pendant quelques années, quelques mois peut-être, il sera possible, le mineur étant devenu majeur, de procéder à un partage amiable, qui entrainera moins de frais et où les convenances réciproques des cohéritiers pourront être mieux observées. Ou bien encore le partage n'est possible qu'à la condition de vendre certains biens héréditaires non susceptibles d'être partagés en nature; et, par suite d'événements transitoires, tels qu'une guerre, une crise industrielle, commerciale out agricole, ils subissent pour le moment une grande dépréciation, de sorte qu'il y aurait avantage à retarder la vente et par suite le partage qui y donnera nécessairement lieu. Dans ces circonstances, et dans d'autres encore dont elle leur laisse l'appréciation, la loi permet aux parties de convenir qu'il sera sursis au partage pendant un certain temps. « On peut cependant », dit l'art. 815 al. 2, « convenir de sus» pendre le partage pendant un temps limité: cette convention ne peut » être obligatoire au-delà de cinq ans ; mais elle peut être renouvelée ». Cette convention ne peut être obligatoire au-delà de cinq ans. C'est dire qu'elle sera obligatoire dans cette limite, si elle a été faite pour un délai plus long, pour huit ans par exemple, et même pour une période indéterminée (Lyon, 25 août 1875, Sir., 76. 2. 68). Et cette solution, qui d'ailleurs est conforme à l'intention probable des parties, peut être fortifiée par un argument d'analogie tiré de l'art. 1660. Il y a toutefois quelques dissidences sur ce point.

Mais elle peut être renouvelée. Il n'est pas nécessaire que les intéressés attendent, pour faire ce renouvellement, l'expiration du délai fixé par leur première convention. Mais ils chercheraient en vain dans un renouvellement anticipé le moyen de s'obliger à rester dans l'indivision pendant plus de cinq ans à dater du moment où ils traitent; car la volonté bien évidente du législateur est qu'ils ne puissent dépasser cette limite, et ils ne sauraient y arriver par une voie détournée. Ainsi des cohéritiers ont fait une première convention, aux termes de laquelle ils se sont engagés à demeurer dans l'indivision pendant cinq ans; un an après, et alors par conséquent qu'il reste encore quatre ans à courir du délai fixé par la première convention, ils en font une nouvelle d'après laquelle ils s'engagent à rester dans l'indivision pendant cinq ans encore. Faudra-t-il dire que les cohéritiers sont liés pour neuf ans, la seconde convention étant valable, puisqu'elle n'est faite que pour cinq ans, et son exécution ne devant commencer qu'après l'expiration du délai fixé par la première? Non; car les cohéritiers arriveraient ainsi à se lier pour plus de cinq ans : ce que la loi ne leur permet pas. Résulte-t-il de là que la deuxième convention soit sans effet? Nullement; elle est seulement réductible aux limites légales, ainsi qu'on l'a dit tout à l'heure; elle ne produira donc son effet que pour un an à partir de l'expiration du délai fixé par la première convention. Ou, ce qui est équivalent, le délai fixé par la seconde convention commencera à courir immédiatement.

220. Un testateur pourrait-il imposer à ceux auxquels il transmet ses biens l'obligation de rester dans l'indivision pendant cinq ans ? La doctrine est divisée en deux camps à peu près égaux sur cette question. N'est-elle pas résolue cependant par le texte de notre article? Il établit cette double règle: 1o que l'état d'indivision ne peut pas être imposé par une prohibition du défunt à ses successeurs universels; 2o que ceux-ci ne peuvent pas se l'imposer à eux-mêmes par une convention. Or la

partie finale de notre article fait une exception à la seconde règle, mais il n'en apporte aucune à la première; donc elle demeure absolue. Etendre aux prohibitions l'exception que la loi formule en vue des conventions seulement, c'est violer la règle Exceptio est strictissimæ interpretationis. Au point de vue rationnel d'ailleurs, de puissants motifs plaident contre cette extension. En effet il y a lieu de supposer que les cohéritiers supporteront assez facilement les conséquences d'un état de choses qu'ils ont eux-mêmes créé. De là l'obligation que la loi leur impose de respecter la convention par laquelle ils se sont interdit le droit de demander le partage pendant cinq ans. Ils ont dû faire cette convention à bon escient, et parce que, se connaissant réciproquement, ils se sont cru capables de vivre en paix pendant le temps qu'ils ont assigné à la durée de l'indivision. Supporteraient-ils aussi facilement une indivision qui leur serait imposée par une volonté étrangère?

Le doute sur cette question naît principalement de ce que l'exception établie par l'art. 815 in fine est la reproduction presque littérale d'un passage de Pothier, qui, dans la pensée de cet auteur, comprenait les prohibitions comme les conventions, ainsi qu'il l'explique lui-même un peu plus loin. Cette raison a entraîné un grand nombre d'auteurs et la jurisprudence à leur suite; nous la croyons insuffisante en présence du texte si formel de l'art. 815.

221. L'art. 2205 ne permet pas aux créanciers personnels d'un cohéritier de mettre en vente la part indivise, qui appartient à ce cohéritier dans les immeubles de la succession; mais il les autorise à demander le partage pour faire déterminer la part de leur débiteur, et à mettre en vente les immeubles tombés dans son lot. C'est là, croyons-nous, un droit que les créanciers sont appelés à exercer de leur propre chef et non du chef de leur débiteur, de même que le droit d'intervenir au partage pour en surveiller les opérations (art. 882), dont l'art. 2205 parle immédiatement après; et nous en concluons que l'exercice de ce droit ne serait pas paralysé par une convention aux termes de laquelle les héritiers se seraient interdit de demander le partage pendant un certain temps. Autrement les créanciers pourraient se trouver indéfiniment (car la convention peut être renouvelée) dans l'impossibilité de saisir cette partie du patrimoine de leur débiteur.

L'action en partage est

222. Nature de l'action en partage. imprescriptible. Notre article dit en effet que « le partage peut être » toujours provoqué ». La raison en est que demander le partage est. un acte de pure faculté, et que la prescription n'atteint pas les actes de cette nature (art. 2232).

Mais, par définition même, l'action en partage ne subsiste que pendant la durée de l'indivision, puisqu'elle a pour but d'y mettre un terme. Or l'indivision peut cesser : 1o par un partage; 2o par la prescription. L'un ou l'autre de ces événements éteindra donc l'action en partage. C'est ce que dit l'art 816, ainsi conçu : « Le partage peut être » demandé, même quand l'un des cohéritiers aurait joui séparément de » partie des biens de la succession, s'il n'y a eu un acte de partage, ou » possession suffisante pour acquérir la prescription ».

223. 1° Nous disons d'abord que l'action en partage ne peut plus être exercée, s'il y a eu un partage. C'est cette idée que la loi veut exprimer en disant : « s'il y a eu un ACTE de partage » ; entendez : une convention de partage.

Le mot acte a deux sens dans la langue du droit. Il désigne, tantôt un fait juridique, negotium juridicum, tantôt un écrit destiné à constater un fait juridique, instrumentum. Nous croyons fermement qu'ici comme dans d'autres textes, notamment dans les art. 778, 888 et 1167, la loi l'emploie dans le premier sens: elle veut dire que l'action en partage peut être intentée tant qu'il n'y a pas un fait juridique de partage, tel qu'une convention de partage. L'existence d'un partage régulier suffit donc pour écarter l'action en partage, sauf à ceux qui l'opposent à en fournir la preuve. Mais la loi ne s'occupe nullement ici de ce dernier point, et par conséquent il demeure régi par les règles du droit commun. Donc, s'il s'agit d'un partage fait par convention, son existence pourra être prouvée, non seulement par écrit, mais aussi par témoins, si l'intérêt est inférieur à 150 fr. ou s'il y a commencement de preuve par écrit, et dans tous les cas par l'aveu ou le serment. La jurisprudence paraît se fixer en ce sens. Paris, 23 mars 1878, Sir., 78. 2. 256.

D'ailleurs la preuve d'un acte juridique de partage serait nécessaire pour écarter l'action en partage, « même quand l'un des cohéritiers aurait joui séparément de >> partie des biens de la succession ». La loi proscrit ainsi les partages de fait ou partages présumés, qui, d'après quelques coutumes, résultaient d'une possession prolongée pendant un certain temps, ordinairement dix ans : on présumait que le cohéritier, qui avait possédé pendant un aussi long délai certains biens héréditaires, sans opposition de la part de ses cohéritiers, les détenait en vertu d'un partage régulier, dont il n'avait jamais été dressé acte ou dont l'acte avait été perdu. Cpr. Cass., 27 juillet 1887, Sir., 87. 1. 416.

En résumé, notre disposition, écrite en vue de proscrire les partages de fait ou partages présumés, admis par quelques coutumes, est complètement étrangère à la question de savoir comment se fait la preuve du partage; ce point demeure donc, dans le silence de la loi, régi par les règles du droit commun. Les travaux préparatoires de la loi confirment pleinement cette interprétation.

Dans une autre opinion, le mot acte désignerait ici un acte écrit, instrumentum, et la disposition de la loi signifierait que la convention de partage, de même que la transaction (art. 2044) et l'antichrèse (art. 2085), ne peut être prouvée que par écrit, même au-dessous de 150 fr., contrairement aux règles du droit commun: ce qui n'exclurait pas d'ailleurs, suivant quelques-uns, la preuve par l'aveu et par le serment, la loi n'ayant pas entendu dire que le partage est un contrat solennel. Mais il faut avouer qu'on ne voit guère pour quel motif le législateur aurait subordonné la validité du partage à la rédaction d'un acte écrit: ce qui obligerait les parties qui ne savent pas écrire à faire les frais d'un acte notarié pour constater le partage d'une succession même de la plus minime importance.

224. 2° L'indivision peut prendre fin par la prescription. La prescription peut faire acquérir à l'un des cohéritiers la propriété exclusive de partie, ajoutons ou même de la totalité des biens héréditaires, et alors l'indivision ayant cessé quant aux biens ainsi acquis, il ne peut plus être question d'en demander le partage; car le partage suppose des biens indivis. La prescription est ici fondée sur la présomption que les biens possédés par l'un des cohéritiers, à titre de propriétaire exclusif et sans contradiction de la part de ses cohéritiers, pendant le temps requis par la loi, lui ont été attribués en vertu d'un partage régulier dont il n'a pas été dressé d'acte ou dont l'acte a été perdu. Cette supposition est admissible, même dans le cas où un cohéritier a possédé seul tous les biens de la succession; car il a pu

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