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4. Effet du retrait exercé.

239. Le retrayant, d'après la définition de Pothier, prend pour son compte le marché fait par le cessionnaire, et devient acheteur à sa place. Il est donc subrogé aux droits du cessionnaire. D'où le nom d'action en subrogation, qu'on employait dans notre ancien droit et que la doctrine moderne emploie quelquefois encore pour désigner l'institution qui nous occupe.

Le retrait successoral, on le voit, produit par rapport au retrayé l'effet d'une condition résolutoire accomplie. Perinde habetur ac si non emisset a venditore, dit Dumoulin. Il en résulte notamment que les aliénations, consenties par le cessionnaire relativement aux biens héréditaires, et les actes équivalents, c'est-à-dire les constitutions de droits réels, doivent être considérés comme non avenus.

Toutefois, c'est seulement entre le retrayant et le retrayé que la cession est anéantie. Le retrait successoral demeure complètement étranger aux relations du cédant et du cessionnaire. Par rapport au cédant, il est res inter alios acta; on ne peut donc pas le lui opposer, de même qu'en sens inverse il ne peut pas s'en prévaloir. De là il résulte notamment que, si le prix de la cession n'est pas encore payé, le cessionnaire en reste débiteur envers le cédant, sans pouvoir forcer celui-ci à accepter le retrayant comme débiteur en son lieu et place. « Le vendeur, dit Pothier, n'est pas obligé, quelque caution qu'on lui offre, d'accepter le retrayant comme débiteur à la place de l'acheteur ». Ce n'est qu'une application de ce principe qu'un créancier ne peut pas être forcé de changer de débiteur malgré lui. La jurisprudence est en ce sens; il y a des dissidences dans la doctrine.

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* 240. Historique. — L'institution du rapport tire son origine du droit romain. A une certaine époque, le préteur appela les enfants émancipés à succéder concurremment avec les enfants demeurés sous puissance; mais il leur imposa l'obligation de verser dans la masse héréditaire les biens par eux acquis à la faveur de l'émancipation, biens dont l'acquisition aurait profité au père de famille s'ils n'étaient pas sortis de sa puissance. C'était justice : car autrement les enfants émancipés auraient été traités plus favorablement que les enfants restés sous puissance, puisque certaines acquisitions faites par ces derniers auraient enrichi la masse commune, tandis que des acquisitions de même nature faites par les premiers en auraient été exclues. Aussi Ulpien dit-il, au début du titre consacré à cette matière: «Hic titulus manifestam habet æquitatem » (l. 1, D. De collat., XXXVII, 6).

Le versement, ainsi fait par les enfants émancipés, était un apport plutôt qu'un rapport. Nous ne retracerons pas l'historique des transformations successives, à la suite desquelles se dégagea l'idée du rapport telle que nous la concevons aujourd'hui, comme institution ayant pour but d'établir l'égalité entre plusieurs successibles dont un ou quelques-uns ont été avantagés par le défunt. Nous nous bornerons à dire que, d'après les constitutions impériales, le rapport n'avait lieu que dans les successions déférées aux descendants, inter fratres; qu'il ne s'appliquait qu'aux dons entre vifs, jamais aux legs; que le disposant pouvait en affranchir le donataire par une déclaration expresse; et qu'enfin le donataire pouvait s'y soustraire en renonçant à lạ succession.

Dans notre ancienne jurisprudence, les pays de droit écrit adoptèrent les principes de la législation romaine sur la collatio.

Quant à la législation des pays coutumiers, elle présentait sur cette matière une extrême diversité. La plupart des coutumes cependant s'accordaient sur les deux points suivants : 1o le rapport des dons entre vifs n'était imposé qu'aux descendants venant à la succession de leurs ascendants; il n'avait pas lieu dans les successions déférées aux collatéraux, ni même, suivant l'opinion générale, dans celles déférées aux ascendants; 2o le rapport des donations testamentaires ou legs avait lieu dans toutes les successions, même collatérales, ou pour mieux dire tout héritier, même collatéral, ne pouvait réclamer à la fois sa part héréditaire et le montant du legs qui lui avait été fait par le défunt : il y avait incompatibilité entre la qualité d'héritier et celle de légataire. « Aucun ne peut être héritier et légataire d'un défunt ensemble », disait l'art. 300 de la coutume de Paris.

Sur le point de savoir si l'héritier obligé au rapport pouvait en être dispensé par la volonté du disposant ou s'y soustraire par le moyen d'une renonciation, les coutumes se divisaient en trois classes principales :

10 Coutumes d'égalité parfaite (il n'y en avait que cinq), d'après lesquelles l'héritier obligé au rapport ne pouvait ni en être dispensé par la volonté du disposant, ni s'y soustraire en renonçant. Selon Pothier, ces coutumes étaient les plus conformes aux traditions du vieux droit coutumier.

2o Coutumes de simple égalité ou d'option. C'étaient les plus nombreuses; celles de Paris et d'Orléans rentraient dans cette catégorie. Elles ne permettaient pas au disposant d'affranchir le donataire de l'obligation du rapport, de manière qu'il pût cumuler son don avec sa part héréditaire; mais elles autorisaient le donataire à se soustraire au rapport en renonçant à la succession. Elles accordaient donc au successible donataire le choix entre la qualité d'héritier et celle de donataire, et c'est pourquoi on les appelait quelquefois coutumes d'option.

30 Coutumes de préciput, d'après lesquelles l'obligation du rapport cessait, soit par la renonciation du successible, soit par une dispense émanée de l'auteur de la disposition. C'est le système de ces coutumes qui a passé en grande partie dans notre code civil.

La loi du 17 nivôse de l'an II (art. 9 et 16) maintient l'incompatibilité des qualités d'héritier et de légataire. Inspirée par d'autres idées, qui furent aussi celles des rédacteurs du code civil, la loi du 4 germinal an VIII (art. 5), assimile, au point de vue qui nous occupe, les dispositions testamentaires aux dispositions entre vifs et applique aux unes et aux autres le système des coutumes de préciput.

241. Définition. Le rapport est une institution qui a pour but d'établir l'égalité entre plusieurs héritiers venant à une même, succession, en obligeant ceux qui sont donataires du défunt à remettre dans la masse le montant de leur don, et en privant ceux qui sont légataires du droit de réclamer le montant de leur legs (art. 843). Toujours dans ce même but d'égalité, la loi oblige aussi l'héritier débiteur du défunt à rapporter à la succession le montant de sa dette (art. 829).

Le rapport s'applique donc aux dons entre vifs, aux legs et aux dettes. Et toutefois, si le mot rapport désigne très exactement le fait de l'héritier donataire ou débiteur du défunt, remettant réellement ou fictivement dans la succession le montant de son don ou de sa dette, il paraît tout à fait impropre, quand on l'applique à l'héritier légataire PRÉCIS DE DROIT CIVIL. 3e éd.,

II.

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pour exprimer cette idée qu'il ne peut réclamer le montant de son legs; car le legs est alors laissé dans la succession bien plutôt que rapporté. Le législateur emploie cependant le mot rapport même dans cette dernière hypothèse, et la doctrine l'imite sur ce point brevitatis causa. Voyez notamment les art. 844, 847 et 849 et même l'art. 843, qui nous parlent de legs faits avec dispense du rapport : ce qui implique qu'ils devraient être rapportés en l'absence de cette dispense.

Nous traiterons dans deux paragraphes distincts: 1° du rapport des dons et des legs; 2° du rapport des dettes.

§ I. Rapport des dons et des legs.

242. L'héritier, qui vient à une succession concurremment avec d'autres héritiers, ne peut pas, en principe, cumuler avec sa part héréditaire le montant des donations entre vifs ou testamentaires qui lui ont été faites par le défunt; il doit en effet rapporter à la succession son don ou son legs, c'est-à-dire remettre dans la masse hérédi taire ce qui lui a été donné ou y laisser ce qui lui a été légué; de sorte qu'il n'obtiendra pas en définitive plus que ses cohéritiers. Le rapport établira ainsi entre les héritiers l'égalité la plus parfaite; c'est précisément dans ce but qu'il a été institué.

Toutefois, l'égalité entre cohéritiers et l'obligation du rapport qui en est la sanction n'ont pas d'autre fondement rationnel que la volonté présumée du défunt. La loi veut l'égalité entre héritiers, et les soumet dans ce but au rapport, parce qu'elle suppose que le défunt l'a ainsi voulu. L'obligation du rapport devait donc cesser, lorsque le de cujus a manifesté la volonté d'en dispenser celui de ses successibles auquel il a fait la donation ou le legs. Et cependant la loi ne se contente pas d'une manifestation quelconque de volonté; elle exige une manifestation expresse (art. 843). La formule la plus usitée consiste à dire que le don ou le legs est fait par préciput et hors part, ou bien encore avec dispense du rapport. D'ailleurs, quelque formelle qu'elle soit, cette dispense ne peut produire effet que dans les limites de la quotité disponible, c'est-à-dire de la portion de ses biens dont le défunt avait la libre disposition. En d'autres termes, l'héritier dispensé du rapport est autorisé à cumuler le montant de son don ou de son legs avec sa part héréditaire; mais ce cumul ne peut en aucun cas porter atteinte au droit de réserve des autres héritiers.

D'un autre côté, l'égalité n'ayant sa raison d'être qu'entre les héritiers qui viennent à la succession, il ne peut plus être question de soumettre au rapport ceux qui y ont rononcé. L'héritier qui renonce pourra donc conserver son don ou réclamer son legs, mais toujours dans les limites seulement de la quotité disponible.

Tout ce que nous venons de dire est contenu en substance dans les art. 843 à 845, ainsi conçus :

ART. 843. Tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donation entre-vifs, directement ou indirectement: il ne peut retenir les dons ni réclamer les legs à lui faits par le défunt, à moins que les dons et legs ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense du rapport.

ART. 844. Dans le cas même où les dons et legs auraient été faits par préciput ou avec dispense du rapport, l'héritier venant à partage ne peut les retenir que jusqu'à concurrence de la quotité disponible: l'excédant est sujet à rapport.

ART. 845. L'héritier qui renonce à la succession, peut cependant retenir le don entre-vifs, ou réclamer le legs à lui fait, jusqu'à concurrence de la portion disponible.

243. Nous avons dit que le rapport n'a pas d'autre fondement rationnel que la volonté présumée du défunt. Cela posé, il est tout simple que notre code ait soumis les dons entre vifs à la loi du rapport. On peut facilement supposer qu'en faisant un don de cette nature à l'un de ses héritiers présomptifs, à l'occasion de son mariage le plus souvent, le de cujus n'a pas eu l'intention de l'avantager en définitive au préjudice des autres, qu'il se proposait sans doute de traiter de la même manière à la première occasion; vraisemblablement il n'a entendu faire qu'un avancement d'hoirie, c'est-à-dire une avance sur sa succession future: cette supposition est surtout très rationnelle, lorsqu'il s'agit d'une donation faite par un ascendant à son descendant. La loi ne fait donc que se conformer à l'intention probable du défunt en obligeant le successible donataire au rapport de ce qu'il a reçu. D'ailleurs l'obligation du rapport n'a pas pour résultat de rendre la donation inutile pour le successible; en effet il conservera le profit que lui a procuré la jouissance du bien donné jusqu'à l'ouverture de la succession (art. 856).

Mais il n'est pas aussi facile d'expliquer l'obligation du rapport en tant qu'elle s'applique aux legs; car, en forçant l'héritier légataire à rapporter son legs, ou mieux, en lui interdisant le droit de le réclamer quand il vient à la succession, il semble qu'on fasse disparaître toute l'utilité de la disposition. Le légataire en effet, à la différence du donataire, n'a pas eu la jouissance du bien légué avant l'ouverture de la succession; lui enlever le droit de réclamer son legs, c'est donc neutraliser complètement la disposition. Est-ce là ce qu'a voulu le testateur ?

Il est vrai que l'héritier légataire peut conserver le montant de son legs en renon

çant. Mais le droit qu'on lui reconnaît d'opter entre sa part héréditaire, à laquelle il aura droit s'il accepte, et le montant de son legs, qu'il pourra réclamer s'il renonce, ne présentera pour lui quelque avantage que lorsque le legs sera au moins égal au montant de sa part héréditaire : ce qui n'arrivera pas ordinairement. Il faut bien supposer que le testateur a quelque bon sens. Quand il lègue 5,000 fr. à un de ses héritiers présomptifs, dont la part héréditaire doit être de 25,000 fr. s'il accepte, son intention ne peut pas être de dire à ce successible: «< Choisissez entre un legs de 5,000 fr., auquel vous aurez droit si vous renoncez à ma succession, et une part héréditaire de 25,000 fr., à laquelle vous aurez droit si vous acceptez ».

Il est vrai encore que le rapport des legs, étant soumis, d'après l'opinión générale, aux mêmes règles que le rapport des dons entre vifs, pourra dans certains cas être effectué en moins prenant : ce qui permettra quelquefois à l'héritier légataire d'obtenir la chose léguée en nature, sauf à la précompter sur sa part. Mais, outre que ce droit n'appartiendra pas toujours au légataire, c'est là un mince avantage, et il est difficile de croire que le legs ait été fait en vue de le procurer au légataire. En somme, dans la grande majorité des cas, on ne peut guère donner à la disposition testamentaire, faite au profit de l'un des héritiers par le défunt, un sens raisonnable, si on ne la considère pas comme faite par préciput et hors part; et il faut reconnaître que la loi, en obligeant l'héritier légataire au rapport, s'est mise en opposition avec la volonté probable du défunt, qui seule peut servir de fondement rationnel au rapport.

244. Nous aurons à étudier successivement : 1° qui doit le rapport; 2o à qui le rapport est dû; 3° quels dons et quels legs sont rapportables; 4 la dispense du rapport; 5° comment s'effectue le rapport et quels en sont les effets.

No 1. Qui doit le rapport.

245. Principe. Tout héritier, qui est en même temps donataire. ou légataire du défunt, doit en principe le rapport (art. 843). Deux conditions sont donc exigées pour qu'on soit tenu du rapport; il faut : 1° être héritier du défunt; 2o être son donataire ou son légalaire.

PREMIÈRE CONDITION. Il faut être héritier. — La loi dit : « Tout héri» tier... venant à une succession ». Il ne suffit donc pas d'être appelé à la succession pour être tenu du rapport; il faut encore y venir, c'està-dire l'accepter; il faut être héritier.

Bien entendu, il faut être héritier de celui dont on est donataire ou légataire; car, aux termes de l'art. 850 : « Le rapport ne se fait qu'à la » succession du donateur ». Ainsi le petit-fils, donataire de son aïeul, ne sera pas tenu de rapporter son don à la succession de son père, alors mème que celui-ci aurait recueilli la succession de l'aïeul donateur.

Peu importe d'ailleurs que l'héritier accepte la succession purement et simplement ou sous bénéfice d'inventaire; la loi dit : « Tout héritier, même bénéficiaire ». Et en effet l'héritier bénéficiaire est un héritier véritable. D'autre part, le rapport est affaire entre cohéritiers (art. 857); or le bénéfice d'inventaire n'apporte aucune modification à

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