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dettes que pour cinq sixièmes; il pourra cependant être poursuivi pour la totalité, sauf son recours.

290. La proposition, qui vient d'être formulée, se résume à ceci : Lorsqu'il y a plusieurs successeurs universels, parmi lesquels se trouvent des héritiers légitimes, tous doivent contribuer aux dettes, et chacun dans la mesure de la quote-part du patrimoine qu'il est appelé à recueillir; les créanciers de la succession peuvent poursuivre chaque contribuable pour sa part contributoire, mais ils peuvent, s'ils le préfèrent, demander le tout aux héritiers légitimes, et forcer chacun d'eux à payer dans la mesure de la part pour laquelle il est saisi comme représentant le défunt, sauf son recours contre les autres contribuables. Outre l'argument tiré de l'art. 1220, on peut encore invoquer en faveur de cette solution l'art. 724, qui déclare les héritiers légitimes saisis sous l'obligation d'acquitter toutes les charges, et l'autorité de notre ancien droit où elle était à peu près universellement admise. La question est cependant l'objet d'une vive controverse. Un parti important dans la doctrine soutient que les héritiers légitimes ne peuvent être poursuivis que pour leur part contributoire, au moins quand ils ont fait aux successeurs irréguliers ou aux légataires la délivrance de la part qui leur revient; car jusque-là on reconnaît qu'ils pourraient être poursuivis pour la totalité. Cette concession est déjà fort compromettante; car on comprendrait difficilement que le fait de la délivrance, auquel les créanciers de la succession demeurent complètement étrangers, pût avoir pour résultat de modifier leur situation à l'égard des héritiers légitimes, et de les réduire à un recours partiel contre ces héritiers, alors qu'ils avaient auparavant un recours intégral. Comme le dit fort bien Pothier (Successions, chap. V, art. 3, § 2), « la délivrance que les héritiers légitimes font aux légataires... ne les désoblige pas envers les créanciers de la succession ». Il s'en faut d'ailleurs de beaucoup que les arguments invoqués à l'appui de cette solution, soient concluants. On se fonde principalement : — 1o sur ce que les art. 1009 et 1012 donnent aux créanciers une action directe contre les légataires universels ou à titre universel. Sans doute. Mais, de ce que les créanciers out le droit de poursuivre directement les légataires, il ne s'ensuit pas qu'ils y soient obligés, et qu'ils n'aient pas le droit, s'ils le préfèrent, de s'adresser aux héritiers légitimes pour le tout. En d'autres termes, en accordant aux créanciers un nouveau débiteur, la loi ne décharge pas l'ancien; il reste donc obligé. On l'entendait ainsi dans notre ancien droit coutumier; - 2o sur ce que les art. 967 et 1002, qui ont abrogé la règle coutumière Institution d'héritier n'a de lieu, ont placé les héritiers institués (légataires universels ou à titre universel) sur la même ligne que les héritiers légitimes, à la saisine près. Mais précisément le code civil, en refusant aux légataires (sauf l'exception établie en l'art. 1006) la saisine qu'il accorde aux héritiers légitimes, maintient la principale différence que notre ancien droit établissait entre les héritiers et les légataires, et il a dû vouloir maintenir aussi la conséquence qui en résultait relativement aux dettes; 3o enfin on invoque des considérations de convenance et d'équité, mais on peut se borner à les renvoyer au législateur.

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*291. Dans notre ancien droit, le principe, que les héritiers légitimes peuvent être poursuivis dans la mesure de leur part héréditaire, souffrait une exception importante. Les successions étant déférées d'après la nature et l'origine des biens, tel héritier par exemple succédant aux propres et tel autre aux acquêts, il était souvent impossible de connaître a priori le quantum de la part héréditaire de chaque héritier, et par suite le montant de sa part contributoire dans les dettes; on ne pouvait y arriver que par le moyen d'une ventilation, qui déterminait la valeur comparative des biens auxquels succédaient les divers héritiers. Mais, comme cette opération pouvait trainer en longueur, on permettait aux créanciers, en attendant qu'elle

fût terminée, de poursuivre chaque héritier pour sa part virile, « sauf aux héritiers, dit Pothier, à se faire raison du plus ou du moins, lorsque les portions ont été constatées par la ventilation ». Quelques auteurs pensent que cette solution devrait encore être admise aujourd'hui, dans les cas exceptionnels où la loi considère l'origine des biens pour en régler la succession, c'est-à-dire dans les cas prévus par les art. 351, 747 et 766. En attendant que l'importance respective des parts héréditaires, revenant aux héritiers ordinaires et aux successeurs anomaux, soit déterminée par une ventilation, les créanciers pourraient poursuivre chacun d'eux pour sa part virile. Mais cette solution doit être rejetée comme n'ayant aucune base dans les textes.

292. Il n'existe aucune solidarité entre les héritiers pour le paiement des dettes et charges de la succession. Chacun n'est tenu que pour sa part, et ne peut pas être recherché pour celle des autres, alors même qu'ils seraient insolvables, et sauf le droit pour les créanciers de se prémunir contre les conséquences de cette insolvabilité, en demandant la séparation des patrimoines contre les créanciers de l'héritier insolvable. D'ailleurs l'héritier, qui a accepté purement et simplement, peut être poursuivi pour le paiement intégral de sa part dans les dettes et charges, alors même qu'elle excèderait la valeur des biens mis dans son lot, tandis que l'héritier, qui a accepté sous bénéfice d'inventaire, ne peut être poursuivi pour la part mise à sa charge que jusqu'à concurrence de son émolument, et peut même échapper aux poursuites des créanciers en leur faisant l'abandon des biens qu'il a recueillis (art. 802).

293. DEUXIÈME CAS. Un des cohéritiers peut être poursuivi pour une part supérieure à sa part contributoire dans les diverses hypothèses prévues par l'art. 1221. Nous les retrouverons plus tard; mais il y en a une qui doit attirer immédiatement notre attention, parce qu'il en est fait mention dans l'art. 873: c'est celle où il s'agit d'une dette hypothécaire (arg. des mots « et hypothécairement pour le tout »). Il résulte des principes particuliers à l'hypothèque que le créancier hypothécaire a le droit de s'attaquer au détenteur, quel qu'il soit, de l'immeuble affecté à sa créance, et d'exiger de lui un paiement intégral, si mieux il n'aime délaisser l'immeuble, auquel cas le créancier en poursuit l'expropriation et se paie sur le prix. En un mot, le créancier hypothécaire peut dire au détenteur de son gage : Aut cede aut solve; délaissez ou payez. Si donc, parmi les dettes de la succession, il y en a d'hypothécaires, tout héritier, qui aura obtenu dans son lot un immeuble hypothéqué, pourra être contraint indirectement à un paiement intégral, par dérogation à la règle d'après laquelle il n'est tenu que proportionnellement à sa part héréditaire, et sauf le recours dont il sera question plus loin.

C'est bien à l'hypothèse dont il vient d'être parlé que l'art. 873 fait allusion par ces mots et hypothécairement pour le tout. La loi suppose ici l'existence d'une hypothèque qui a pris naissance du chef du défunt. Notre texte ne doit donc pas être

considéré comme ayant été écrit en vue de créer, sur tous les immeubles de la succession, au profit des créanciers héréditaires, une hypothèque légale semblable à celle qu'établit l'art. 1017 en faveur des légataires. On n'en peut guère douter, quand on compare l'art. 873 avec l'art. 333 de la coutume de Paris, dont il est à peu près la reproduction: « Toutefois, s'ils sont détenteurs d'héritages qui aient appartenu au » défunt, lesquels aient été obligés et hypothéqués à la dette par ledit défunt, chacun » des héritiers est tenu de payer le tout, sauf son recours contre ses cohéritiers ». L'art. 873 n'a pas voulu dire autre chose. Quand il dispose que les héritiers sont tenus hypothécairement pour le tout, il sous-entend si hypothèque il y a. Nous expliquerons sous l'art. 1017 comment la loi a pu refuser aux créanciers une garantie qu'elle accorde aux légataires.

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294. TROISIÈME CAS. Enfin un des héritiers peut encore être poursuivi au delà de sa part contributoire, lorsqu'il s'agit d'une dette indivisible (art. 1223).

II. Cas où les créanciers héréditaires peuvent s'attaquer à d'autres qu'aux contribuables pour obtenir leur paiement.

295. L'art. 871 nous en indique un après avoir dit que le légataire particulier ne contribue pas aux dettes, il ajoute : « sauf toute>> fois l'action hypothécaire sur l'immeuble légué ». C'est toujours une conséquence du principe que le créancier hypothécaire peut suivre son gage partout où il le trouve, et demander au détenteur un paiement intégral, si mieux il n'aime délaisser. Le légataire particulier d'un immeuble pourra se trouver ainsi indirectement contraint de payer une dette à laquelle il ne doit pas contribuer. Il en serait de même de tout autre détenteur.

III. Recours contre les contribuables.

296. Toutes les fois que l'équilibre de la contribution aux dettes aura été rompu par les poursuites des créanciers, soit qu'ils aient forcé un non contribuable à payer, soit qu'ils aient forcé un contribuable à payer plus que sa part contributoire, il y aura lieu de rétablir cet équilibre. Comment y parviendra-t-on ?

Il y a un moyen qui peut toujours être employé. Le non contribuable qui a payé, ou le contribuable qui a payé au delà de sa part contributoire a fait un paiement pour le compte d'autrui, pour le compte de celui ou de ceux qui devaient supporter définitivement la dette en tout ou en partie; il pourra donc leur demander le remboursement de ce qu'il a payé à leur acquit, c'est-à-dire de leur part contributoire dans la dette; il aura contre eux de ce chef une action personnelle, dite de gestion d'affaire.

Ce mode de procéder conduira quelquefois à des recours assez multipliés, les contribuables pouvant être nombreux. La subroga

tion (1) fournira dans certains cas à celui qui a payé, un moyen plus facile de se faire rembourser, et aussi plus sûr; car parmi les contribuables il peut y en avoir d'insolvables. On lit en effet dans l'art. 1251 : « La subrogation a lieu de plein droit :... 3° Au profit de celui qui, étant » tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait >> intérêt de l'acquitter ». - Avec d'autres: telle est bien la situation du contribuable qui a été forcé de payer une dette héréditaire au delà de sa part contributoire. — Pour d'autres : c'est la situation dans laquelle se trouve le non contribuable qui a été obligé de payer une dette héréditaire. L'un et l'autre sont donc subrogés aux droits du créancier, en vertu de notre texte.

297. Si c'est un non contribuable qui a payé, la subrogation produira son plein et entier effet en sa faveur. Il pourra donc, pour obtenir son remboursement, exercer tous les droits qui appartenaient au créancier. Ainsi une succession est déférée à deux héritiers, Primus et Secundus; il y a parmi les biens héréditaires deux immeubles, l'immeuble A et l'immeuble B, hypothéqués l'un et l'autre au profit d'un créancier du défunt pour une dette de 40,000 fr.; l'immeuble A a été légué par le défunt à Pierre; l'immeuble B tombe par le partage dans le lot de Primus; le créancier hypothécaire agit contre Pierre, légataire de l'immeuble A, et celui-ci paie pour éviter l'expropriation. Il est subrogé au créancier; il pourra donc, pour obtenir son remboursement, exercer l'hypothèque qui appartenait au créancier sur l'immeuble B, et forcer Primus, détenteur de cet immeuble, à lui rembourser intégralement la dette, sauf son recours contre Secundus, si mieux il n'aime délaisser. C'est ce qui résulte de l'art. 874, ainsi conçu : « Le legataire particulier qui a acquitté la dette dont l'immeuble légué était greve, demeure subrogé aux droits du » créancier contre les héritiers et successeurs à titre universel ».

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298. Mais il n'en est plus ainsi, lorsqu'il s'agit d'un contribuable qui a payé au delà de sa part contributoire. Il est bien subrogé aux droits du créancier, mais la subrogation ne produit à son profit qu'un effet restreint il ne peut jamais, comme subrogé, demander à chacun des autres contribuables que ce qu'il pourrait exiger s'il agissait par l'action personnelle qui lui appartient de son propre chef.. En d'autres termes, le contribuable, qui a payé plus que sa part contributoire, peut bien, comme subrogé, exercer contre ses consorts les actions du créancier, mais seulement dans la mesure de leur part contributoire. On lit en effet dans l'art. 875: « Le cohéritier ou successeur à titre universel, qui, par l'effet de l'hypothèque, a » payé au-delà de sa part de la dette commune, n'a de recours contre les autres » cohéritiers ou successeurs à titre universel, que pour la part que chacun d'eux doit » personnellement en supporter, même dans le cas où le cohéritier qui a payé la » dette se serait fait subroger aux droits des créanciers; sans préjudice néanmoins des droits d'un cohéritier qui, par l'effet du bénéfice d'inventaire, aurait conservé » la faculté de réclamer le paiement de sa créance personnelle, comme tout autre » créancier ».

Eclaircissons ce point par une espèce: Il y a trois héritiers pour portions égales, Primus, Secundus et Tertius; la succession comprend trois immeubles, A, B et C, tous hypothéqués à la garantie d'une dette héréditaire de 30,000 fr.; dans

(1) La subrogation est un bénéfice en vertu duquel celui qui a fait un paiement pour le compte d'autrui est mis au lieu et place du créancier, et peut par suite exercer tous les droits et actions de celui-ci pour obtenir son remboursement.

le partage, Primus obtient l'immeuble A, Secundus l'immeuble B et Tertius l'immeuble C. Au lieu de demander à chaque héritier sa part contributoire dans la dette, qui est de 10.000 fr., le créancier agit par l'action hypothécaire contre Primus, détenteur de l'immeuble A, et celui-ci paie les 30,000 fr. Il a donc payé 20,000 fr. de plus que sa part contributoire, et par suite il a contre ses consorts une action récursoire pour le montant de cette somme. Pourra-t-il, comme subrogé aux droits du créancier, la demander tout entière à l'un de ses cohéritiers, qui détiennent chacun un immeuble hypothéqué à la dette? Pourra-t-il s'attaquer à Secundus, par exemple, et lui dire « Le créancier aurait pu vous demander un paiement intégral en agissant contre vous par l'action hypothécaire; je suis subrogé dans ses droits, et par conséquent je vous demande, par l'action hypothécaire qui lui appartenait, la totalité de la créance, déduction faite de ma part, soit 20,000 fr., sauf votre recours contre Tertius pour 10,000 fr.? Non. Il pourra bien, comme subrogé, exercer l'action hypothécaire contre Secundus; mais il ne pourra lui demander par cette action que ce qu'il pourrait lui demander par l'action personnelle qui lui appartient de son chef, c'est-à-dire 10,000 fr. Et il en sera ainsi, même dans le cas où le cohéritier qui a payé la dette se serait fait subroger conventionnellement dans les droits du créancier, la subrogation conventionnelle ne pouvant pas avoir plus d'effet que la subrogation légale C'est là ce que signifie probablement cette phrase assez obscure de notre article : « même dans le cas où le cohéritier qui a payé la dette se serait » fait subroger aux droits des créanciers ».

Primus ne pourra donc agir, soit de son propre chef, soit comme subrogé, que pour 10,000 fr., contre chacun de ses deux consorts, Secundus et Tertius. Supposons que l'un des deux, Tertius par exemple, soit insolvable, et que tout recours contre lui soit inutile; la perte résultant de cette insolvabilité devra être répartie proportionnellement entre tous les cohéritiers solvables, y compris celui qui a fait le paiement. Donc, dans l'espèce proposée, Primus, qui a payé les 30.000 fr., pourra recourir contre Secundus pour 15,000 fr. C'est ce que dit l'art. 876 : « En cas d'in» solvabilité d'un des cohéritiers ou successeurs à titre universel, sa part dans la » dette hypothécaire est répartie sur tous les autres, au marc le franc ».

Au marc le franc. Ou au sol la livre, comme disaient nos anciens, c'est-à-dire proportionnellement à la part contributoire de chacun.

Cet article nous donne la clé du précédent. La principale utilité que présenterait, pour le cohéritier qui a payé toute la dette hypothécaire, un recours intégral contre un seul de ses cohéritiers, détenteur d'un immeuble hypothéqué à la même dette, serait de le mettre à couvert contre l'insolvabilité des autres; or précisément il ne peut pas obtenir ce résultat. D'un autre côté, les cohéritiers se doivent réciproquement la garantie (art. 884); or qui doit garantir ne peut évincer; un cohéritier doit donc s'abstenir à l'égard de ses cohéritiers de tout acte équivalant à une éviction. Tel serait précisément le caractère de l'action récursoire, que l'un des cohéritiers, après avoir payé toute la dette, exercerait contre un autre cohéritier, pour une part supérieure à sa part contributoire. C'est plus qu'il n'en faut pour justifier la limitation que la loi apporte ici aux effets ordinaires de la subrogation, lorsqu'elle se produit au profit d'un cohéritier, et plus généralement d'un contribuable qui a payé plus que sa part. Les mêmes raisons n'existaient pas pour le légataire particulier, et d'une manière générale pour le non contribuable qui a payé une dette héréditaire; aussi la loi lui applique-t-elle le droit commun de la subrogation.

299. La disposition finale de l'art. 875 est d'une obscurité compacte. Nous la transcrivons de nouveau : « sans préjudice néanmoins des droits d'un cohéritier » qui,.par l'effet du bénéfice d'inventaire, aurait conservé la faculté de réclamer le >> paiement de sa créance personnelle, comme tout autre créancier ». Parmi les

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