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conclurons qu'il faut se placer à l'époque de l'éviction pour apprécier la valeur de l'objet évincé, et par suite le quantum de l'indemnité à attribuer à l'évincé. Il y a toutefois quelque doute sur ce point.

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334. L'action en garantie s'exerce par voie principale ou par voie incidente: Par voie principale, lorsqu'elle est intentée après l'éviction consommée; · Par voie incidente, lorsqu'elle est exercée pendant le cours de l'instance qui aboutira peut-être à l'éviction, par conséquent avant que l'éviction constitue un fait accompli; l'action en garantie est dite alors incidente, parce que incidit in litem. Ce dernier mode de procéder est préférable, quand on peut l'employer. Outre qu'il procure une économie de frais, il a l'avantage de mettre en cause les cohéritiers de l'évincé, qui pourront ainsi faire valoir les moyens propres à conjurer l'éviction, et ne seront pas fondés à soutenir, si elle vient plus tard à se réaliser, que l'évincé s'est mal défendu, qu'il a souffert l'éviction par sa faute, et que par suite ils n'en sont pas responsables (Cpr. art. 1640).

335. Durée de l'action en garantie. L'action en garantie se prescrit par trente ans, conformément au droit commun, aucune disposition spéciale n'en ayant limité la durée à un terme plus court. Arg. art. 2262. Les trente ans courent à compter de l'éviction (art. 2267 al. 3).

Cette double règle reçoit exception dans le cas particulier que prévoit l'art. 886, ainsi conçu : « La garantie de la solvabilité du débiteur » d'une rente ne peut être exercée que dans les cinq ans qui suivent le » partage. Il n'y a pas lieu à garantie à raison de l'insolvabilité du » débiteur, quand elle n'est survenue que depuis le partage consommé ». Avant de mettre en relief la double dérogation que nous venons d'annoncer, faisons quelques observations préliminaires. Il résulte de notre texte que les cohéritiers se doivent respectivement la garantie, non seulement à raison de l'existence des rentes comprises dans le partage, mais encore à raison de la solvabilité actuelle du débiteur de ces rentes, c'est-à-dire de sa solvabilité au temps du partage. C'est justice; car, si l'insolvabilité du débiteur de la rente, au temps du partage, devait nuire exclusivement au cohéritier dans le lot duquel la rente a été mise, celui-ci n'obtiendrait, audit cas d'insolvabilité, qu'une valeur nominale dont il ne tirerait aucun profit, et le principe d'égalité entre les héritiers serait sacrifié ou du moins ne serait respecté que pour la forme. Mais les cohéritiers ne répondent pas de la solvabilité future du débiteur de la rente; son insolvabilité survenue après le partage nuira donc au cohéritier dans le lot duquel la rente a été mise. C'est un cas fortuit, dont il doit supporter seul les conséquences, comme ses cohéritiers subiraient seuls aussi les conséquences des cas fortuits qui feraient périr les biens à eux attribués par le partage.

Dans notre ancien droit, les cohéritiers étaient garants, non seulement de la solvabilité actuelle, mais aussi de la solvabilité future des débiteurs des rentes comprises dans le partage. Solution que Pothier croyait justifier en disant : « Une rente

:

» est un être successif, dont la réalité consiste dans les arrérages qui en courront » jusqu'au rachat qui en est fait c'est pourquoi, lorsque par l'insolvabilité du débi>>teur je cesse de percevoir les arrérages d'une rente tombée dans mon lot, je suis » censé n'avoir pas reçu toute la chose tombée dans mon lot, et n'être pas égal à » mes copartageants qui ont reçu tout ce qui est tombé dans le leur ; d'où il suit que, pour rétablir l'égalité, ils doivent me la parfournir » (traité de la vente, n. 634). Cette solution engendrait de grands inconvénients pratiques, les partages pouvant être voués à une perpétuelle incertitude, par suite de l'obligation imposée aux cohéritiers de répondre de l'insolvabilité du débiteur de la rente, survenue << même cent ans après le partage, comme le dit Lebrun. En outre, il est douteux qu'elle soit fondée sur une appréciation exacte du caractère de la rente. Pothier considère la rente comme un étre successif, dont la réalité consiste dans les arrérages, qui sont comme autant de créances distinctes et principales. Ce n'est pas la manière de voir de notre législateur. Pour lui la rente est un être juridique complet par luimême, et dont les arrérages ne sont que les fruits (t. I, n. 1347). L'héritier qui reçoit dans son lot une rente dont le débiteur est alors solvable, reçoit donc une valeur réelle, égale à celle que reçoivent ses cohéritiers, quoique d'une nature différente, et l'insolvabilité postérieure du débiteur de la rente ne doit pas plus donner lieu à la garantie que le cas fortuit, qui aurait fait périr postérieurement au partage la maison attribuée à un autre cohéritier.

Ainsi les cohéritiers sont garants: 1° de l'existence des rentes comprises dans le partage; 2o de la solvabilité du débiteur de la rente au temps du partage.

Jusqu'ici la disposition de l'art. 886 doit être approuvée sans réserves. Il n'en est peut-être pas tout à fait ainsi des deux dérogations au droit commun qu'il consacre et dont voici la substance : 1 la garantie à raison de la solvabilité actuelle du débiteur d'une rente comprise dans le partage ne peut être exercée que pendant cinq ans, tandis que la durée ordinaire de la prescription est de trente ans (art. 2262); 2o les cinq années courent à dater du partage, au lieu de courir, comme cela devrait avoir lieu d'après les règles du droit commun, à dater de l'éviction, c'est-à-dire à dater du jour où le débiteur cesse le paiement des arrérages (art. 2257 al. 3). Tout ce qu'on peut dire pour justifier cette double dérogation, c'est que, cinq ans après le partage, il serait peut-être difficile de constater que le débiteur de la rente était insolvable lors du partage.

Quoi qu'il en soit, il est certain que, sur les deux points en question, l'art. 886 doit, à titre de disposition exceptionnelle, recevoir l'interprétation restrictive.

De là il faut conclure que la prescription spéciale organisée par l'art. 886 ne s'applique, ni pour sa durée, ni pour son point de départ :

1o A la garantie relative à l'EXISTENCE de la rente au temps du partage; l'article ne parle que de la garantie relative à la solvabilité (actuelle) du débiteur de la rente. L'action en garantie relative à l'existence de la rente se prescrirait donc, conformément au droit commun, par trente ans à dater de l'éviction, c'est-à-dire à dater du jour où la non-existence de la rente a été constatée.

2o A la garantie relative aux créances. L'action en garantie, relative à l'existence des créances comprises dans le partage et à la solvabilité actuelle du débiteur de ces créances, se prescrirait donc par trente ans.

*On voit que, pour les créances comprises dans le partage, comme pour les rentes, la garantie est due à raison de leur existence et à raison de la solvabilité actuelle du débiteur. L'art. 886 ne fait sur ces deux points qu'appliquer le droit commun aux rentes, et il n'y a pas de raison pour s'en écarter en ce qui concerne les créances. La loi s'en est bien écartée en matière de cession de créance le cédant ne garantit que l'existence de la créance au temps du transport; il ne garantit pas la solvabilité, même actuelle, du débiteur, à moins qu'il ne s'y soit formellement engagé (art. 1693 et 1694). Mais cette dérogation au droit commun, fondée sur la nature de la cession de créance, qui est un acte de spéculation, et aussi sur le peu de faveur accordé aux acheteurs de créances, n'avait pas sa raison d'être en matière de partage, acte duquel la spéculation doit être bannie et auquel doit présider la plus rigoureuse égalité.

SECTION V

DE LA RESCISION EN MATIÈRE DE PARTAGE

336. Le législateur ne s'occupe ici que des cas où le partage est nul, annulable u rescindab le, expressions synonymes, et non de ceux où il est inexistant : ce qui arriverait par exemple s'il n'avait pas été fait entre tous les ayant droit. Sur la distinction des actes nuls et des actes inexistants, cpr. t. I, n. 495, et t. II, n. n. 1148 à 1150.

I. Quelles sont les causes de nullité du partage.

337. Nous en avons déjà rencontré deux : 1° celle qui tient à l'incapacité de l'un des copartageants, soit qu'il ait figuré lui-même au partage auquel aurait dû figurer son représentant légal, soit que, l'incapable ayant été dûment représenté, les formes prescrites par la loi n'aient pas été observées (art. 817, 818 et 840); 2° celle résultant de l'inégalité dans la composition des lots (art. 832).

Trois autres causes de nullité : le dol, la violence et la lésion de plus du quart, sont indiquées par l'art. 887, ainsi conçu : « Les partages » peuvent être rescindés pour cause de violence ou de dol. Il peut aussi » y avoir lieu à rescision, lorsqu'un des cohéritiers établit, à son préju» dice, une lésion de plus du quart. La simple omission d'un objet de la » succession ne donne pas ouverture à l'action en rescision, mais seule»ment à un supplément à l'acte de partage ».

Il y a lieu de remarquer à ce sujet :

D'une part, que le législateur consacre ici une cause de nullité qui n'est pas admise en principe dans les autres contrats, du moins entre majeurs, la lésion (art. 1118).

D'autre part, qu'il ne mentionne pas l'erreur, qui est sous certaines conditions une cause de nullité des contrats en général (art. 1109 et 1110). Cette omission a été faite intentionnellement, ainsi que cela résulte de la discussion qui a eu lieu au conseil d'Etat lors de la confection de la loi. Il y a été dit en substance que, toutes les fois que l'erreur se présentera en matière de partage avec des caractères qui, d'après les règles du droit commun, en feraient une cause de nullité, ou elle se confondra avec la lésion, qui est une cause spéciale de rescision du partage sous la condition qu'elle atteigne un certain taux, ou bien il sera possible d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle cause, par un moyen autre que l'annulation du partage

ce qui sera préférable. Et en effet, l'erreur consiste-t-elle dans la fausse appréciation de la valeur d'un bien compris dans le partage? elle se confond évidemment avec la lésion. Consiste-t-elle à avoir omis au partage un des biens faisant partie de la masse héréditaire? il y aura lieu à un supplément de partage pour les objets omis (art. 887 in fine). Il en sera de même, si l'on a admis au partage une personne qui n'avait pas le droit d'y prendre part : les biens qui lui ont été attribués à tort, puisqu'elle n'avait pas la qualité de cohéritier, seront l'objet d'un partage supplémentaire entre les véritables ayant droit. Enfin, si par erreur on a compris dans le partage des biens qui n'appartenaient pas à la succession, l'héritier, dans le lot duquel ces biens auront été mis, agira par l'action en garantie.

On est d'accord pour admettre que les erreurs de calcul commises dans un partage devraient être réparées, quand même elles n'occasionneraient pour aucun des cohéritiers une lésion de plus du quart (arg. a fortiori des art. 2052 et 2058). Passons maintenant en revue les diverses causes de nullité dont le législateur s'occupe dans notre section, savoir: la violence, le dol et la lésion.

1o et 2o De la nullité fondée sur le dol ou sur la violence.

338. Le législateur n'ayant édicté aucune règle particulière en ce qui concerne ces deux causes de nullité, on doit en conclure qu'elles demeurent ici régies par les règles du droit commun (v. art. 1111 et s.). Nous mentionnerons toutefois, en parlant des fins de non-recevoir contre l'action en nullité, une particularité qui résulte de l'art. 892.

3o De la rescision pour cause de lesion.

339. La lésion est le préjudice qu'éprouve une partie dans un contrat. Ici le prejudice consiste en ce que l'un des cohéritiers n'obtient pas par le partage l'équivalent en propriété divisée de sa part de propriété indivise ; il obtient donc moins qu'il n'aurait dû obtenir.

En général, les contrats ne sont pas rescindables pour cause de lésion (art. 1118). Ils constituent le plus souvent un acte de spéculation, et l'égalité n'est pas de rigueur entre spéculateurs l'un aura bien spéculé, l'autre mal; l'avantage restera au plus habile. Il en est autrement du partage, qui n'est pas un acte de spéculation, mais bien de liquidation, dans lequel chacun des intéressés cherche seulement à obtenir ce à quoi il a droit; il est donc conforme à sa nature que les contractants y soient traités sur le pied d'une rigoureuse égalité, suivant cet axiome de Loysel: « L'égalité est l'àme des partages ». Le partage est vicié dans son essence, quand cette égalité n'a pas été observée. De là la rescision pour cause de lésion.

On comprend toutefois que le législateur ne pouvait pas tenir compte d'une lésion quelconque, si minime qu'elle fût; autrement il n'y aurait guère eu de partages à l'abri de la rescision, les partages se ressentant nécessairement de l'imperfection de toutes les œuvres humaines. Aussi l'art. 887 décide-t-il que la lésion doit être de plus du quart pour autoriser la rescision; une lésion du quart tout juste ne suffirait pas. En d'autres termes, il faut, pour que la rescision soit possible, que l'un

des héritiers ait obtenu moins des trois quarts de la part héréditaire à laquelle il avait droit.

Mais d'ailleurs la rescision doit être prononcée sitôt que la lésion subie par un cohéritier excèdera le quart, quelque minime que soit l'excédent : le mot peut, qu'emploie l'art. 887, fait allusion, non à la faculté qui appartiendrait au juge de prononcer ou de ne pas prononcer la rescision quand il y a lésion de plus du quart, mais à la faculté qui appartient au cohéritier victime de la lésion de demander ou de ne pas demander la rescision.

D'autre part, la rescision pour cause de lésion ne serait pas possible, si aucun des copartageants n'était lésé de plus du quart, quel que fût d'ailleurs l'avantage obtenu par l'un d'entre eux dans le partage. Ainsi dix cohéritiers se partagent une succession, dont l'actif net s'élève à 120,000 fr.; neuf des cohéritiers obtiennent chacun un lot valant 9,000 fr., total: 81,000 fr., et le dixième, un lot valant 39,000 fr. Aucun des cohéritiers lésés ne pourra demander la rescision pour cause de lésion; chacun d'eux en effet est lésé du quart tout juste. Mais il sera rare qu'un partage aussi inégal ne soit pas entaché de quelque autre cause de nullité : la violence ou le dol.

340. A quelle époque faut-il se placer pour juger s'il y a lésion de plus du quart? L'art. 890 répond : « Pour juger s'il y a eu lésion, on » estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage ». Le législateur aurait pu se dispenser de formuler cette règle, tant elle est fondée en raison. En effet, tout ce qu'il est possible d'exiger, c'est que l'égalité soit observée entre les cohéritiers, au moment du partage. Mille événements postérieurs, dont quelques-uns ne peuvent être ni prévus ni empêchés, viendront souvent détruire cette égalité; il était impossible de les faire entrer en ligne de compte. On devra donc se reporter par la pensée à l'époque du partage, et, faisant abstraction des augmentations ou des diminutions de valeur que les biens ont pu subir depuis cette époque, estimer ce qu'ils valaient alors, et apprécier d'après cette base s'il y a eu lésion, et lésion de plus du quart, au préjudice du cohéritier qui demande la rescision. Il va sans dire que l'estimation contenue dans l'acte de partage ne doit pas nécessairement être acceptée; elle peut être erronée.

La lésion de plus du quart doit exister sur l'ensemble des biens échus par le partage à l'héritier qui intente l'action en rescision. Q'importe qu'on lui ait attribué pour 20,000 fr. un bien qui n'en valait en réalité que 10,000, si, d'autre part, et dans le même partage, on lui a attribué pour 15,000 fr. un bien qui en valait 25,000? Il gagne d'un côté ce qu'il perd de l'autre; par suite il n'y a pas lésion.

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341. Quels partages sont rescindables pour cause de lésion. Tous sans exception; car la loi ne distingue pas. Le partage judiciaire n'échappe pas plus à cette règle que le partage amiable. Il est également indifférent que les lots aient été ou non tirés au sort. Enfin la rescision pour cause de lésion est susceptible de s'appliquer à un partage partiel aussi bien qu'au partage total.

S'il a été fait plusieurs partages partiels, celui des cohéritiers qui aurait été lésé de plus du quart dans un de ces partages seulement ou dans quelques-uns, n'aurait

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