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lui impose, par exemple en payant la soulte dont il a été chargé, mais non en aliénant les objets mis dans son lot. Nous avons ici un cas particulier de ratification tacite, tout différent de l'exécution volontaire, et que le législateur devait mentionner pour qu'il pût être admis. Le cohéritier, qui aliène tout ou partie des biens compris dans son lot, après la cessation de la violence ou la découverte du dol, a été considéré à juste titre comme ratifiant le partage, puisqu'il se comporte comme un propriétaire incommutable. Au surplus, si l'aliénation dont parle l'art. 892 constituait une exécution volontaire du partage, sa disposition serait inutile en présence de l'art. 1338.

Ainsi qu'on vient de le voir, l'art. 892 déroge au droit commun. La fin de nonrecevoir qu'il établit ne devrait donc pas être étendue à l'action en rescision pour cause de lésion; car la loi ne parle que de l'action en rescision pour dol ou violence. Exceptio est strictissimæ interpretationis. D'ailleurs, on s'explique à merveille que l'hypothèse de la lésion ait été exclue. C'est peut-être un pressant besoin d'argent qui a forcé le cohéritier victime de la lésion à accepter un lot d'une valeur inférieure à celui des autres : il l'a accepté pour en finir plus promptement; ce même besoin d'argent l'aura forcé à vendre les biens compris dans son lot, et par conséquent l'aliénation qu'il a faite n'implique pas nécessairement ratification du partage. La question toutefois est controversée.

D'autre part, les motifs, sur lesquels est fondée notre disposition, commandent d'en restreindre l'application au cas d'aliénation volontaire. Comment pourrait-on voir une ratification tacite du partage dans l'expropriation forcée que subirait l'héritier auquel appartient l'action en nullité?

III. Effets de la rescision prononcée.

349. La rescision une fois prononcée, remet en principe toutes choses au même état que si le partage annulé n'avait jamais existé. Cette règle reçoit son application soit entre les cohéritiers, soit à l'égard des tiers.

Entre les cohéritiers. L'indivision est donc rétablie, et un nouveau partage devient nécessaire; c'est précisément pour l'obtenir qu'on fait rescinder le premier partage.

Le nouveau partage n'étant possible qu'avec le concours de tous les cohéritiers, on doit en conclure que l'action en rescision doit être dirigée contre eux tous. En effet, si un seul d'entre eux n'était pas partie à l'instance en rescision, le jugement qui rescinderait le partage n'aurait pas par rapport à lui l'autorité de la chose jugée (arg. art. 1351); légalement le premier partage ne serait pas rescindé à son égard, et on ne pourrait pas le forcer à concourir au nouveau.

A l'égard des tiers. D'où il résulte que les aliénations et les droits réels, consentis par un héritier sur un immeuble mis dans son lot, s'évanouissent, si, par le résultat du nouveau partage, cet immeuble tombe dans le lot d'un autre héritier. Arg. art. 883, 1183, 1681, 2125.

TITRE II

Des donations entre-vifs et des testaments.

350. Ce titre traite des modes de disposer à titre gratuit. On les désigne sous le nom générique de donations.

Les sources principales, auxquelles le législateur a puisé pour organiser dans notre droit actuel la matière des donations entre vifs et testamentaires, sont l'ordonnance de 1731 sur les donations et l'ordonnance de 1735 sur les testaments, dont les dispositions ont été complétées sur certains points et modifiées sur d'autres par des emprunts faits au droit romain et à notre ancien droit français. En cas de collision entre ces deux législations, c'est en général à la dernière que le législateur moderne a donné la préférence.

351. Trois intérêts différents devaient en cette matière éveiller la sollicitude du législateur, savoir l'intérêt du donateur, celui de sa famille et celui de la société.

a. L'intérêt du donateur, qui se dépouille gratuitement, sans compensation. I importe de le prémunir contre des libéralités trop peu réfléchies, qu'il regrettera peut-être amèrement plus tard. Loysel n'a pas dit sans raison (Instit. coutum., n. 668):

Qui le sien donne avant mourir,

Bientôt s'apprête à moult souffrir.

C'est à cet ordre d'idées que se rattachent, en partie au moins, les règles sur les formes solennelles des donations, et celles relatives à la capacité de disposer et de recevoir.

b. L'intérêt des parents du disposant, qui sont dépouillés par la donation. Les règles sur les formes solennelles de la donation leur offrent certaines garanties contre les libéralités, qui seraient le résultat d'une affection capricieuse ou d'un mécontentement passager du donateur. A un autre point de vue, les règles relatives à la réserve et à la quotité disponible assurent à certains parents très proches du disposant, qu'on appelle héritiers réservataires, une partie de son patrimoine, qui ne peut leur être soustraite par des dispositions à titre gratuit.

c. Enfin l'intérêt de la société, à laquelle il importe que les biens ne soient pas détournés de leur destination naturelle, qui est de revenir après la mort de chacun de nous à ses plus proches parents.

PRÉCIS DE DROIT CIVIL. 3o éd., II.

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CHAPITRE PREMIER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

352. Il n'y a plus dans notre droit que deux modes de disposer à titre gratuit, savoir la donation entre vifs et le testament. C'est ce qui résulte de l'art. 893, ainsi conçu : « On ne pourra disposer de ses biens, » à titre gratuit, que par donation entre-vifs ou par testament, dans les » formes ci-après établies ».

Ce texte, ainsi que l'a expliqué le tribun Jaubert, proscrit un troisième mode de disposer à titre gratuit, que la législation romaine avait légué à nos pays de droit écrit, où il était devenu d'un usage assez fréquent, et qui tenait à la fois de la donation entre vifs et de la donation testamentaire : c'est la donation à cause de mort, mortis causa donatio. Voici quels étaient les principaux caractères de ce mode de disposer.

La donation à cause de mort était un contrat; par conséquent elle ne devenait parfaite que par l'acceptation du donataire; à ce point de vue, elle ressemblait à la donation entre vifs. Elle était ordinairement faite en vue d'un danger de mort plus ou moins imminent, auquel le donateur se voyait exposé, par exemple à la veille d'un combat ou pendant le cours d'une maladie, et elle était résolue de plein droit si le donateur échappait à ce danger. De plus, elle était révocable ad nulum par le donateur, et devenait caduque par le prédécès du donataire : ce qui la rapprochait des donations testamentaires. Mortis causa donatio est, quæ propter mortis fit suspicionem: cum quis ita donat ut, si quid humanitus ei contigisset, haberet is qui accipit; sin autem supervixisset is qui donavit, reciperet, vel si eum donationis pœnituisset, aut prior decesserit is cui donatum sit (Justin. Inst., liv. II, tit. VII, § 1). La donation à cause de mort pouvait offrir deux variantes, suivant qu'elle était faite sous la condition suspensive de la survie du donataire ou sous la condition résolutoire de son prédécès. Dans le premier cas, le donataire n'acquérait qu'un droit éventuel; dans le deuxième, il acquérait un droit actuel, mais résoluble. Les donations à cause de mort suscitaient dans la pratique des difficultés assez graves. à raison surtout de leur couleur indécise, et c'est probablement pour ce motif que notre législateur les a abolies.

Serait donc nulle toute disposition, qui réunirait les caractères de l'ancienne donation à cause de mort (Cass., 8 novembre 1886, Sir., 87. 1. 33, et la note). Cependant notre code autorise exceptionnellement certaines dispositions qui ont une grande analogie avec cette institution: ce sont les donations de biens à venir faites par contrat de mariage (art. 1082 et s.) et la donation entre époux. La première diffère de la donation à cause de mort, en ce qu'elle est irrévocable, au moins en ce sens que le donateur ne peut plus faire de disposition à titre gratuit au préjudice du donataire (art. 1083); la deuxième, en ce qu'elle n'est pas caduque par le prédécès du donataire (art. 1096).

I. Notions générales sur la donation entre vifs.

353. La donation entre vifs, inter vivos, est ainsi nommée, parce que vivens viventi donat; à la différence de la donation testamentaire, qui, étant faite pour après le décès du disposant, doit être considérée

comme l'expression de sa dernière volonté, et se trouve être ainsi en quelque sorte l'œuvre d'un défunt ou tout au moins d'un mourant.

L'art. 894 contient une définition de la donation entre vifs: « La » donation entre-vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuel»lement et irrevocablement de la chose donnée, en faveur du donataire » qui l'accepte ».

354. La donation entre vifs est un acte, dit notre article. Il eût mieux valu dire un contrat; car elle suppose nécessairement le concours des volontés du donateur et du donataire, et la définition que l'art. 1101 donne du contrat en général lui convient parfaitement.

Le mot contrat figurait dans la rédaction primitive de l'art. 894. Au conseil d'Etat, le premier consul critiqua cette expression, en faisant observer: «< que le contrat impose des obligations mutuelles aux contractants, et qu'ainsi cette expression ne pouvait convenir à la donation ». Il est bien vrai que, dans la donation, l'une des parties, le donateur, s'engage seule envers l'autre. Le donataire, lui, ne s'oblige pas; c'est du moins ce qui a lieu en règle générale. Mais tout ce qui résulte de là, c'est que la donation est un contrat unilatéral (art. 1103). L'observation du premier consul portait donc à faux. Néanmoins on y fit droit, en remplaçant le mot contrat par le mot acte. Au surplus, dans la suite de la discussion, on a constamment reconnu que la donation entre vifs est un contrat, et aucun doute sérieux ne peut être élevé sur ce point.

Dans notre droit, les contrats sont consensuels, en règle générale, c'est-à-dire que le consentement des parties suffit à leur perfection. Par exception, certains contrats sont soumis à des formes particulières, prescrites à peine de nullité et même à peine d'inexistence du contrat on les appelle solennels. La donation entre vifs est de ce nombre; nous en avons dit plus haut les motifs.

Enfin la donation est un contrat de bienfaisance. Le donateur procure en effet au donataire un avantage gratuit, puisqu'il ne reçoit pas l'équivalent de ce qu'il donne (art. 1105).

Toutefois il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait donation, que l'avantage procuré par le donateur au donataire soit purement gratuit; le donataire peut en effet se soumettre à certaines charges, que le donateur lui impose à son profit, comme condition de la donation. Il y aura alors negotium mixtum cum donatione : ce qui n'empêchera pas le contrat d'être une donation. A moins cependant que les charges ne soient l'équivalent exact du profit que le donataire retire de la donation : auquel cas le contrat serait à titre onéreux, malgré le nom que lui auraient donné les parties. Contractus non ex nomine sed ex re legem accipiunt.

355. Par la donation le donateur s'appauvrit pour enrichir le donataire. Cette idée, que le donateur s'appauvrit, est exprimée dans l'art. 894 par les mots se dépouille; et cette autre, que le donataire s'enrichit, par ceux-ci : « en faveur du donataire ». La donation se distingue par là des autres contrats de bienfaisance, tels que le prêt à usage le prêteur ne se dépouille pas, puisqu'il a droit à la restitution. de la chose, et par suite l'emprunteur ne s'enrichit pas. Il en est de même du dépôt.

Le projet de l'art. 894 portait : « se dépouille de la propriété de la chose donnée... Les mots de la propriété, qui semblaient exclure la donation portant sur un usufruit, ont été supprimés avec raison dans la rédaction définitive.

356. Le donateur, dit l'art. 894, « se dépouille actuellement et irrévocablement ».

a. Il se dépouille actuellement ce qui ne signifie pas, comme on pourrait le croire au premier abord, que le donateur doit se dessaisir immédiatement de la possession de la chose donnée, en livrant cette chose au donataire, mais bien que la donation doit conférer immédiatement un droit au donataire sur la chose donnée, à l'inverse de la donation testamentaire qui ne confère au légataire qu'une simple espérance.

Au surplus, le droit, que la donation confère au donataire, peut être pur et simple, à terme ou conditionnel.

Pur et simple, quand il n'est affecté d'aucune modalité. L'exécution doit alors avoir lieu immédiatement.

A terme, quand un délai a été fixé par le contrat pour l'exécution de la donation. Le droit existe alors immédiatement; seulement l'exécution en est différée jusqu'à l'échéance du terme fixé, in diem dilata solutio.

Rien ne s'oppose même à ce que la convention des parties renvoie l'exécution de la donation à l'époque du décès du donateur. La donation sera alors affectée d'un terme incertain, et voilà tout. Dumoulin dit à ce sujet : « In donatione duo sunt >> DISPOSITIO et EXECUTIO; dispositio statim ligat nec suspenditur, licet executio habeat » tractum ad mortem ».

Conditionnel, quand la donation a été faite sous condition. La condition peut être, suivant les règles du droit commun, suspensive ou résolutoire. Dans l'un et l'autre cas, le donataire acquiert immédiatement un droit, mais un droit dont l'existence ou la résolution est subordonnée à la réalisation de la condition.

b. Le donateur se dépouille irrévocablement : c'est-à-dire qu'une fois la donation parfaite, il ne peut plus, par un acte dépendant de sa volonté, en retirer le bénéfice au donataire: il ne peut plus reprendre ce qu'il a donné. Ce principe est tellement essentiel, que, si le donateur s'était réservé par une clause particulière le droit de révoquer la donation, d'une manière directe ou indirecte, la donation serait nulle (art. 943 et s.).

La règle, que le dépouillement du donateur doit être actuel et irrévocable, avait reçu dans notre ancien droit coutumier une formule qui est demeurée célèbre : Donner et retenir ne vaut. Il n'est pas bien facile de dire quel est le fondement de cette règle. Peut-être a-t-elle été introduite, comme le dit Eusèbe de Laurière, « en faveur des donateurs, afin que, connaissant la perte qu'ils vont faire, ils soient moins faciles à se dépouiller ». Peut-être aussi est-elle due à la défaveur avec laquelle les donations étaient vues dans notre ancien droit coutumier qui attachait une extrême importance à un principe auquel la donation porte atteinte, celui de la conservation des biens dans les familles. On autorisait la donation entre vifs, parce qu'on ne pouvait pas la défendre; mais on l'autorisait à regret, et en cherchant à l'entraver le plus possible; or le principe de l'irrévocabilité était une entrave: beaucoup aiment mieux ne pas se dépouiller du tout que se dépouiller irrévocablement. A ces motifs, qui ne subsistent plus aujourd'hui qu'en partie, on peut ajouter que la

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