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faculté de révocation accordée au donateur aurait eu l'inconvénient grave de retirer en fait les biens donnés de la circulation: qui donc aurait consenti à s'en rendre acquéreur à titre onéreux, avec la crainte de voir l'aliénation résolue à la suite d'une révocation opérée par le donateur?

Quoi qu'il en soit, la règle Donner et retenir ne vaut a passé dans notre droit moderne. Les art. 943 à 946 en contiennent plusieurs applications, qui seront étudiées en leur temps.

357. Enfin la donation entre vifs doit être acceptée par le donataire. Il existe sur ce point un léger vice de rédaction dans l'art. 894, qui semble dire que l'acceptation du donataire doit porter sur la chose donnée; il eût été plus exact de dire que le donataire doit accepter la donation, c'est-à-dire l'offre qui lui est faite par le donateur. Comme on le verra plus loin, l'acceptation du donataire doit être expresse; la loi n'admet pas d'acceptation tacite. De plus, l'acceptation est soumise à certaines formes prescrites à peine de nullité. Du moment qu'on faisait de la donation un contrat solennel, il fallait bien astreindre à des formes spéciales les deux termes dont elle se compose, c'està-dire la proposition du donateur et l'acceptation du donataire.

II. Notions générales sur le testament.

358. Définition. « Le testament est un acte par lequel le testateur » dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de » ses biens, et qu'il peut révoquer » (art. 895).

Celui qui fait le testament s'appelle le testateur; celui qui est gratifié par le testament s'appelle le légataire; enfin les donations contenues dans le testament sont désignées sous le nom de legs.

Le testament, dit notre article, est un acte. Cette expression, que nous venons de critiquer dans l'art. 894, est ici parfaitement exacte. Le testament en effet est l'œuvre de la seule volonté du testateur.

Le testament est un acte de disposition à titre gratuit; l'art. 895 ne le dit pas, par cette excellente raison que l'art. 893 l'a déjà dit.

Le testament est de plus un acte solennel; il serait nul, s'il n'était pas fait dans l'une des formes déterminées par la loi (art. 893 et 1001). Il en serait ainsi notamment du testament nuncupatif ou verbal, alors même que les héritiers présomptifs du testateur, présents au moment où celui-ci a manifesté de vive voix ses dernièrės volontés, lui auraient fait la promesse de les exécuter.

Par le testament, le testateur dispose pour le temps où il n'existera plus. Le testament n'est qu'un projet pendant toute la vie de son auteur, projet qu'il a le droit de modifier ou de détruire à son gré, mais dans lequel il est réputé persévérer tant qu'il ne manifeste pas une volonté contraire. En mettant le sceau au testament, la mort du testateur transforme le projet en une disposition. Le testament se trouve ainsi n'être que l'expression de la dernière volonté du défunt, volonté

que par prudence il a exprimée à l'avance, dans la crainte d'ètre surpris par la mort, ou de ne plus jouir de toutes ses facultés intellectuelles au moment où il la verra venir; aussi appelle-t-on quelquefois le testament un acte de dernière volonté. De là il résulte que le testament peut s'appliquer à des biens qui n'appartiennent pas encore au testateur au moment où il dispose, mais qui lui surviendront plus tard; en d'autres termes, on peut disposer par testament de ses biens à venir. La donation entre vifs, au contraire, ne peut pas comprendre les biens à venir du disposant (art. 943).

Par le testament, le testateur dispose de ses biens. Un acte qui ne contiendrait aucune disposition de biens, ne serait pas un testament, alors même qu'il serait revêtu des formes légales des testaments; tel serait l'acte qui ne contiendrait que des dispositions relatives à la sépulture du défunt. Mais il n'est pas nécessaire que le testateur dispose de la totalité de ses biens; la loi dit de tout ou partie; et le mot partie doit être considéré comme désignant, non seulement une partie aliquote, une fraction du patrimoine, mais encore les divers biens considérés à titre particulier.

:

Par où l'on voit que la règle romaine Nemo partim testatus partim intestatus decedere potest, en vertu de laquelle le testament devait nécessairement embrasser tous les biens composant le patrimoine du disposant, n'a plus d'application chez

nous.

Enfin le testament est révocable (art. 895). Le droit de révocation est absolu; le testateur peut en user aussi souvent qu'il le juge à propos, et sans devoir aucun compte des motifs qui le font agir. Ambulatoria est hominis voluntas usque ad extremum vitæ spiritum. La loi a toutefois réglé les formes de la révocation, de même qu'elle a réglé celles du testament (art. 1035 et s.); elles sont prescrites à peine de nullité. La faculté de révocation est essentielle en matière de testament. Serait donc nulle toute clause, par laquelle le testateur s'interdirait cette faculté, ou qui en gênerait arbitrairement l'exercice.

III. Comparaison de la donation entre vifs et du testament.

359. Il nous est facile à présent de signaler les ressemblances et les différences qui existent entre la donation et le testament.

Ces deux modes de disposer sont à titre gratuit; ils sont soumis l'un et l'autre à des formes prescrites à peine de nullité. Voilà les ressemblances. Nous eh signalerons tout à l'heure une autre, qui résulte de l'art. 900.

Voici maintenant les différences :

1o La donation est un contrat, le testament un acte;

2o Dans la donation le donateur se dépouille actuellement; dans le testament il ne dispose que pour après sa mort. Aussi la donation ne doit-elle comprendre que des biens présents, tandis que le testament peut comprendre aussi des biens à venir;

3o La donation entre vifs est irrévocable; le testament est révocable. Le droit romain admettait une autre différence, qui n'existe plus aujourd'hui, entre la donation entre vifs et le testament. La donation entre vifs, faite sous une condition impossible ou illicite, était nulle; elle demeurait soumise à cet égard aux règles du droit commun, qui gouvernent les contrats en général : tout était annulé, la condition et le contrat. On suivait une règle contraire en ce qui concerne les testaments, qui, on le sait, jouissaient à Rome d'une faveur particulière : les conditions impossibles ou illicites, insérées dans un testament, étaient réputées non écrites, pro non scriptis habentur; par suite la disposition testamentaire subordonnée à une pareille condition était considérée comme pure et simple; on annulait la condition, mais on maintenait la disposition. Ainsi, en droit romain, tandis que les conditions impossibles ou illicites insérées dans une donation entre vifs viciantur et viciant, ces mêmes conditions insérées dans un testament viciantur et non viciant.

Quels étaient les motifs de cette différence? Il est assez difficile de le dire. Rationnellement, tout acte juridique, à titre gratuit ou à titre onéreux, qui a été subordonné à la réalisation d'une condition impossible ou illicite, devrait être déclaré nul; car l'efficacité d'un acte juridique fait sous une condition dépend de la réalisation de cette condition, et il est certain qu'elle ne pourra pas se réaliser, si elle est impossible, ou ne pourra pas se réaliser efficacement, si elle est illicite, c'est-à-dire moralement ou légalement impossible. Logiquement donc, nous le répétons, tout contrat à titre onéreux ou à titre gratuit et toute disposition testamentaire subordonnés à une condition impossible ou illicite, devraient être déclarés nuls.

Le droit romain, nous venons de le dire, fit l'application de cette règle aux donations entre vifs; mais il y dérogea pour les testaments, en décidant que les conditions impossibles ou illicites que le testateur y aurait insérées seraient réputées non écrites. La faveur dont les testaments jouissaient à Rome, paraît avoir été la principale, sinon l'unique cause de cette dérogation. Ce qui prouve que la chose n'allait pas toute seule, c'est qu'il y avait désaccord à ce sujet entre les deux écoles de jurisconsultes. Les Proculiens pensaient que l'effet des conditions impossibles ou illicites devait être le même dans les testaments et dans les contrats, que par suite les dispositions testamentaires faites sous des conditions impossibles où illicites devaient être déclarées nulles. L'opinion contraire des Sabiniens, qui considéraient la condition impossible ou illicite comme non écrite dans les testaments, prévalut; mais Gaïus, qui était Sabinien, affirme lui-même qu'il ne voit pas bien les raisons de cette différence, et sane vir idonea diversitatis ratio reddi potest (G. Inst., comm. III, § 98). M. de Savigny pense que l'exception s'est fait jour d'abord en ce qui concerne les conditions illicites, et qu'elle a été ensuite étendue aux conditions impossibles.

360. Les testaments ne jouissant plus chez nous de la même faveur qu'à Rome, il semble que notre législateur aurait dû supprimer une exception que cette faveur avait fait introduire. Tout au contraire, il l'a conservée et même aggravée en l'étendant aux donations entre vifs; c'est ce qui résulte de l'art. 900, ainsi conçu : « Dans toute disposition

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»entre-vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui seront » contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites ».

Notre législateur assimile donc la donation entre vifs au testament quant à l'effet des conditions impossibles ou illicites qui y seraient insérées dans la donation comme dans le testament, ces conditions sont réputées non écrites, viciantur et non viciant (1). L'art 1172 établit, en ce qui concerne les contrats autres que la donation, une règle opposée « Toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux >> bonnes mœurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle la » convention qui en dépend ». Ainsi l'art. 1172 applique aux contrats en général cette règle, dictée par la raison, qu'un acte juridique, subordonné à une condition impossible ou illicite, doit être considéré comme nul. L'art. 900 déroge à cette même règle en faveur des dispositions à titre gratuit, testaments ou donations: ce qui non seulement ne satisfait guère la raison juridique, mais en outre contraste avec les nombreuses dispositions du code civil qui témoignent de la défaveur marquée avec laquelle notre législateur accueille les dispositions à titre gratuit.

Tout ce que l'on peut dire pour justifier cette différence, c'est que, dans les contrats à titre onéreux, la responsabilité de l'insertion d'une condition illicite incombe aux deux parties contractantes, puisqu'elle est le résultat de leur commune volonté il paraît donc tout naturel de leur infliger à l'une et à l'autre la nullité du contrat à titre de peine. Au contraire, dans les dispositions à titre gratuit, l'insertion d'une condition impossible ou illicite semble ne pouvoir être imputée qu'au disposant; le légataire y demeure bien évidemment tout à fait étranger, puisque le testament n'est pas son œuvre; et quant au donataire, quoiqu'il participe à la donation, on peut dire qu'il n'y joue qu'un rôle purement passif, et qu'il subit, plutôt qu'il n'accepte, une condition qui est dictée par le donateur, comme toutes les autres clauses du contrat. Cela étant, il a pu paraître injuste de faire subir au donataire ou au légataire, en annulant la disposition, les conséquences d'une condition

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(1) La loi des 5-12 septembre 1791, relative aux clauses impératives ou prohibitives insérées dans les donations, testaments OU AUTRES ACTES, portait : « Toute clause impérative ou prohibitive qui serait contraire aux lois ou aux bonnes mœurs, qui » porterait atteinte à la liberté religieuse du donataire, héritier ou légataire, qui » gênerait la liberté qu'il a, soit de se marier, même avec une telle personne, soit >> d'embrasser tel état, emploi ou profession, ou qui tendrait à la détourner de rem» plir les devoirs imposés et d'exercer les fonctions déférées par la constitution aux » citoyens actifs et éligibles, est réputée non écrite ». Cette disposition, qui fut reproduite par la loi du 5 brumaire an II et par celle du 17 nivôse de la même année, était sur un point plus compréhensive que l'art. 900 C. civ., et moins sur un autre. Elle était plus compréhensive, en ce qu'elle visait non seulement les conditions insérées dans les donations et dans les testaments, mais aussi celles insérées dans les autres actes. Elle l'était moins, en ce qu'elle ne parlait que des conditions illicites (contraires aux lois ou aux mœurs), mais non des conditions impossibles. Inspirée par des considérations politiques, cette loi avait pour but de briser les volontés hostiles, par lesquelles les particuliers essaieraient de renverser le nouvel ordre de choses établi par la révolution. Or, dans cet ordre d'idées, il n'y avait pas à se préoccuper des conditions impossibles, mais seulement des conditions illicites, et il fallait prévoir le cas où elles seraient insérées dans un acte à titre onéreux, tout aussi bien que celui où elles seraient insérées dans un acte à titre gratuit.

qui ne lui est pas imputable. D'un autre côté, si l'on avait appliqué aux dispositions à titre gratuit la règle de l'art. 1172, le donataire ou le légataire aurait peut-être été tenté d'accomplir la condition illicite qui lui a été imposée, dans l'espoir que le donateur, satisfait de cette exécution, ne demanderait pas la nullité de la donation, ou que l'héritier du testateur, complice de celui-ci, ne se prévaudrait pas de la nullité du legs. On objectera, sans doute, que le donateur ou le testateur, qui donne ou lègue sous une condition impossible ou illicite, n'a pas voulu en réalité donner ou léguer. Mais on peut répondre que le but principal du donateur ou du testateur a été de faire une libéralité, et que, s'il avait fallu choisir entre le sacrifice de la condition et celui de la libéralité, le disposant aurait probablement sacrifié plutôt la condition; qu'en tout cas l'insertion de cette condition peut avoir été le résultat d'une erreur de sa part.

Aussi déciderions-nous que la disposition devrait être considérée comme nulle, si le donateur ou le testateur avait manifesté formellement la volonté d'en subordonner l'efficacité à l'accomplissement de la condition, de telle sorte qu'il apparût clairement que, dans sa pensée, la condition était la partie principale de la disposition, et la donation la partie accessoire. Et toutefois il ne suffirait peut-être pas pour cela que le disposant eût déclaré la condition expresse et de rigueur. En un mot l'art. 900 nous apparaît comme un texte interprétatif de la volonté du donateur ou du testateur. Dans le doute on supposera que, s'il eût été forcé d'opter entre le maintien de la donation et celui de la condition, il aurait opté pour le maintien de la donation. Mais il n'y a plus à interpréter la volonté du disposant, lorsqu'il a expliqué clairement qu'il tenait plus à la condition qu'à la donation et que par suite la donation ne produirait pas d'effet si la condition n'était pas remplie. Dans ce cas l'art. 900 ne recevra pas son application; la nullité de la condition entraînera celle de la donation.

Ce système, qui réunit de nombreux suffrages dans la doctrine, a soulevé quelques protestations. Les dissidents disent fils des lois de la révolution, l'art. 900 du code civil est conçu dans le même esprit. Ce qu'a voulu le législateur de 1804, comme celui de la période révolutionnaire, c'est briser les volontés hostiles à la loi, substituer la volonté du législateur à celle de l'auteur de la disposition entachée d'une condition illicite. Le disposant s'est insurgé contre la loi, il doit être puni de sa rébellion. La peine consistera dans le maintien de la libéralité, sans la condition à laquelle il l'a subordonnée. Il importera peu que le disposant ait protesté contre ce résultat, qu'il ait expressément subordonné le maintien de la libéralité à l'accomplissement de la condition, contrairement à la volonté du législateur. Il mérite d'autant plus d'être puni qu'il a plus énergiquement affirmé sa volonté de ne pas respecter la loi. D'ailleurs l'art. 900 est conçu dans des termes impératifs, et il ne fait aucune distinction. Nous répondons qu'en assimilant les conditions impossibles aux conditions illicites, et en établissant une différence entre les contrats à titre onéreux et les dispositions à titre gratuit, au point de vue de l'effet de la condition impossible ou illicite (art. 1172), le législateur du code civil a bien prouvé que ses vues étaient toutes différentes de celles du législateur de la Révolution, dont il s'est séparé sur ces deux points essentiels. D'ailleurs l'œuvre du législateur de 1804 est une œuvre de conciliation, et non une œuvre de réaction violente, comme celle du législateur de la période intermédiaire.

La cour de cassation a une autre manière d'interpréter l'art. 900. En principe elle ne tient aucun compte de la volonté, que le disposant a manifestée, de subordonner l'effet de la disposition à l'accomplissement de la condition. Elle ne se départit de cette rigueur que lorsque la condition illicite est reconnue en fait avoir été la cause déterminante et le but de la disposition, l'absence d'une cause licite ôtant alors tout effet à l'obligation, conformément à l'art. 1131 du code civil. Cpr. Cass., 3 novem

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