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Majorité... » (aujourd'hui art. 504). Cette partie du texte a disparu de la rédaction définitive. On a conclu avec raison de sa suppression et des explications qui l'ont accompagnée, que l'art. 504 ne reçoit pas d'application aux donations entre vifs et aux testaments. Les actes de cette nature, faits par une personne aujourd'hui décédée, peuvent donc être attaqués pour cause d'insanité d'esprit du disposant, alors même que son interdiction n'aurait été ni prononcée ni provoquée pendant sa vie et que la démence ne résulterait pas de l'acte lui-même. Dijon, 22 décembre 1881, Sir., 83. 2. 36. Tel est sans doute le sens de l'art. 901, qui n'a certainement pas été écrit pour nous apprendre qu'un fou ne peut pas faire une donation; c'était bien évident. Mais alors il faut convenir que le législateur a exprimé sa pensée à la manière des sybilles. Peut-être aussi ce texte mystérieux signifie-t-il que la sanité d'esprit est exigée avec plus de rigueur dans la donation entre vifs et dans le testament que dans tous les autres actes. En effet la donation et le testament dépouillent le disposant ou sa famille sans leur faire acquérir aucune compensation; par suite, il faut, pour donner ou pour tester, dit d'Aguesseau, « une sagesse moins équivoque, une raison plus éclairée, une volonté plus ferme que pour s'obliger dans un contrat » ; d'autant plus que celui qui donne et surtout celui qui teste sont souvent assiégés par l'intrigue et la cupidité.

369. Si le disposant était sous le coup d'une sentence d'interdiction au moment où il a fait la disposition, elle serait nulle de droit, conformément à l'art. 502, sans que le demandeur eût aucune preuve à faire relativement à l'insanité d'esprit du disposant. Cpr. t. I, n. 1179.

En dehors de cette hypothèse, il appartiendrait au demandeur en nullité, conformément à la règle Probatio incumbit ei qui agit, de prouver que le disposant était atteint d'aliénation mentale au moment même de la donation ou de la confection du testament, preuve qui sera quelquefois difficile. Il ne lui suffirait pas, sauf peut-être dans le cas de l'art. 503, de démontrer que le disposant était, à l'époque de la disposition, dans un état habituel d'insanité d'esprit; car la donation. peut avoir été faite dans un intervalle lucide.

V. cependant Cass., 21 février 1887, Sir., 87. 1. 296.

370. Les art. 499 et 513 défendent aux prodigues et aux faibles d'esprit, soumis à l'autorité d'un conseil judiciaire, d'aliéner sans l'assistance de leur conseil. De là il résulte certainement que cette assistance leur est nécessaire pour faire une donation entre vifs. L'inobservation de cette prescription rendrait la donation nulle de droit (arg. art. 502). Mais le prodigue ou le faible d'esprit n'a pas besoin d'assistance pour tester le mot aliener dans le langage du législateur ne paraît pas comprendre les dispositions testamentaires (arg. des art. 217 et 226 cbn.). Et en effet, par testament on n'aliène pas à proprement parler ses biens, puisqu'on n'en transmet la propriété que pour après sa mort, c'est-à-dire pour une époque où l'on aura cessé d'en être propriétaire. D'autre part, le testament doit être l'œuvre de la seule volonté du testateur; ce principe exclut toute intervention étrangère, même celle d'un conseil judiciaire. Cpr. art. 226.

371. Notre ancien droit, s'inspirant sur ce point des traditions de la législation romaine, permettait d'attaquer sous couleur de démence (hoc colore quasi sanæ mentis non fuerint, quum testamentum ordinarent) les dispositions testamentaires qui avaient été dictées au testateur par une haine violente et injuste contre ses héritiers légitimes (teslamentum ab irato conditum). L'action accordée à cet effet por

tait le nom d'action ab irato. On a soutenu à tort, en se fondant sur les explications données par Bigot-Préameneu dans l'exposé des motifs, que cette action existe encore avec son caractère propre dans notre droit actuel. L'action ab irato avait pour fondement une fiction d'insanité d'esprit du disposant, qu'avait égaré la colère ou la haine, et il est manifeste qu'une fiction de ce genre et l'action qu'elle engendrait ne peuvent pas être admises sans un texte formel. Toutefois ce n'est pas à dire qu'il ne puisse jamais y avoir lieu de prononcer la nullité de dispositions entre vifs ou testamentaires, inspirées par la colère ou par la haine. La passion peut avoir développé chez le disposant une exaltation assez violente, pour lui faire perdre l'usage de la raison; la nullité de la disposition devrait alors être prononcée par application de l'art. 901. Mais il faudra prouver que le disposant n'était pas sain d'esprit; on ne le supposera pas, comme on le faisait autrefois, par cela seul que sa colère ou sa haine sera violente et injuste. Telle paraît bien avoir été l'idée, qui a déterminé notre législateur à supprimer de la rédaction définitive une proposition ainsi conçue: La loi n'admet pas la preuve que la disposition n'a été faite que par haine, colère, suggestion ou captation. En ce sens, Cass., 29 février 1876, Sir., 76. 1. 155.

372. Quelques difficultés se sont élevées au sujet du testament fait par un monomane, c'est-à-dire par un individu qui, fou sur un point, est raisonnable sur tous les autres. Il paraît opportun de distinguer si le testament est l'œuvre de la partie saine ou de la partie malade de l'intelligence du monomane: dans le premier cas, le testament devra être maintenu; dans le deuxième, il devra être annulé en vertu de l'art. 901. On pourrait même être conduit, par application de la distinction qui précède, à annuler certaines dispositions du testament du monomane et à maintenir les autres. - Cela posé, on ne peut qu'approuver une décision de la cour de Poitiers, qui a annulé le testament par lequel un homme, atteint d'une monomanie consistant à croire que son frère tramait contre lui de perpétuels complots, avait, sous l'influence de cette idée fixe, déshérité ce frère et légué tous ses biens à un étranger. Mais il est difficile d'adhérer aussi pleinement à la décision d'un arrêt du parlement de Toulouse de l'an 1729, annulant le testament d'un homme qui, avisé, parait-il, sur tous les autres points, était atteint d'une monomanie consistant à se croire fille.

373. Après avoir parlé de l'insanité d'esprit du disposant, le législateur aurait peut-être bien fait de s'occuper des vices qui peuvent altérer sa volonté. Les règles générales lui ont sans doute paru suffisantes sur ce point; elles ne doivent pas cependant être appliquées sans quelques restrictions.

Il résulte de l'art. 1109, écrit en vue des contrats, que le consentement n'est pas valable, s'il a été donné par erreur, extorqué par violence ou surpris par dol; en conséquence, celui des contractants qui a été victime de l'erreur, de la violence ou du dol, peut faire annuler le contrat. Cette règle s'applique sans difficulté à la donation, qui est un contrat; et, avec un peu de réflexion, on n'hésite pas à la reconnaître applicable aussi au testament, bien qu'il n'ait pas le caractère contractuel. Comme le fait remarquer Furgole, les causes qui vicient le consentement dans les contrats ordinaires vicient à plus forte raison la donation et surtout le testament. Le disposant conférant au donataire ou au légataire un avantage purement gratuit, la donation ou le testament doit être l'œuvre d'une volonté plus réfléchie, plus libre, plus pure, plus spontanée que celle qui préside aux contrats à titre onéreux; d'où il résulte que, non seulement les vices qui entraînent la nullité d'un contrat ordinaire devront entrainer la nullité d'une donation ou d'un testament, mais qu'il ne sera pas nécessaire qu'ils aient autant de.gravité. Concluons de là qu'au cas où la nullité d'une disposition à titre gratuit serait demandée pour cause de dol, le juge ne devra pas, séduit par une analogie trompeuse que lui suggèrerait la disposition

de l'art. 1116, distinguer si le dol a été commis par celui auquel la libéralité doit profiter ou par un autre, pour n'en tenir compte que dans la première hypothèse. L'art. 1116 ordonne de faire une distinction de ce genre dans les cas ordinaires; mais les motifs, qui ont fait édicter cette disposition, ne se rencontrent pas ici, et par suite elle ne saurait recevoir son application. Le dol sera donc une cause de nullité des dispositions entre vifs ou testamentaires, quel qu'en soit l'auteur (cpr. art. 783). La doctrine et la jurisprudence sont en ce sens. Cass., 2 janvier 1878, Sir., 78. 1. 103, et 17 juin 1887, Sir., 87. 1. 419.

374. Les principes qui viennent d'être exposés en ce qui concerne le dol, vont être mis à profit pour résoudre la question de savoir si une disposition entre vifs ou testamentaire peut être annulée pour cause de captation ou de suggestion. Pothier donne de la suggestion la définition suivante : « Une volonté est suggérée, lorsque le testateur a voulu faire les dispositions qu'il a faites, dans la vue de se délivrer des importunités de ceux qui l'y portaient ». La suggestion consiste donc à solliciter une libéralité et à importuner celui auquel on la demande. La captation consiste à s'emparer de la bienveillance d'une personne et à obtenir d'elle des libéralités déterminées par l'attachement qu'on parvient à lui inspirer. Il sera rare qu'il n'y ait pas quelque indélicatesse dans la conduite de celui qui suggère une libéralité ou qui la capte. Est-ce à dire que la libéralité suggérée ou captée devra toujours être annulée? Non. Les hommes ne sont pas assez parfaits pour que le législateur puisse leur demander compte d'une simple indélicatesse. Si donc les moyens employés pour suggérer la libéralité ou la capter sont licites, la libéralité ne pourra pas être annulée. Tel serait le cas où le donataire se serait borné à faire l'étalage de sa misère, l'eût-il beaucoup exagérée, ou à s'emparer de la bienveillance du donateur à force de prévenances, fût-il démontré qu'elles avaient un but essentiellement intéressé. Mais si le donataire a joint la fraude à l'indélicatesse, si par exemple il a calomnié les héritiers légitimes du disposant, ou s'il l'a irrité contre eux par de détestables artifices, le tout dans le but de se faire donner ce qui aurait dû légitimement leur revenir, il serait injuste qu'il pût conserver le profit de son dol; partant la libéralité devra être annulée. Furgole avait donc raison de dire que : « La suggestion et la captation ne sont pas des moyens propres et particuliers pour faire annuler les dispositions testamentaires [et aussi les dons entre vifs]; ils sont une branche et une dépendance du dol, qui doit leur servir de fondement ». Les travaux préparatoires confirment cette décision. Un article du projet portait que « La loi n'admet pas la preuve que la disposition n'a été faite que par haine, colère, suggestion ou captation ». On avait voulu par là tarir la source de nombreux procès. Mais cette disposition fut supprimée, parce que l'on craignit « que la fraude et les passions ne crussent avoir dans la loi elle-même un titre d'impunité ». En ce sens, Caen, 28 juillet 1873, Sir., 74. 2. 139, et Cass., 27 juin 1887, Sir., 87. 1. 419.

375. Observons que lorsqu'il y a doute sur le point de savoir si une libéralité est entachée d'une cause de nullité, les juges ne peuvent pas, par une sorte de transaction, réduire seulement la libéralité. Pour être admissible, ce moyen terme aurait besoin d'être autorisé par une disposition formelle de la loi. Le juge ne pourra donc que maintenir la libéralité ou l'annuler.

2o Mineurs.

376. ART. 903. Le mineur âgé de moins de seize ans ne pourra aucunement disposer, sauf ce qui est réglé au chapitre IX du présent titre. ART. 904. Le mineur parvenu à l'âge de seize ans, ne pourra disposer que par testament, et jusqu'à concurrence seulement de la moitié des biens dont la loi permet au majeur de disposer.

PRÉCIS DE DROIT CIVIL.

· 3e éd., II.

17

La loi établit, on le voit, une distinction entre le mineur qui a seize ans [accomplis] et celui qui n'a pas atteint cet âge.

a. Le mineur, qui n'a pas seize ans accomplis, est frappé de l'incapacité absolue de disposer à titre gratuit. Il n'a pas encore une maturité d'esprit suffisante pour qu'on puisse l'autoriser à se dépouiller luimême par une donation entre vifs, ou à dépouiller sa famille par un testament; la loi le déclare incapable ob defectum consilii.

A cette règle l'art. 903 indique cependant une exception par ces mots : « sauf ce qui est réglé au chapitre IX du présent titre ». Elle est relative au cas où le mineur de seize ans se marie, avec ou sans dispense d'âge. La loi lui permet de faire à son futur conjoint, par le contrat de mariage, les mêmes donations qu'il pourrait lui faire s'il était majeur, sous la seule condition d'obtenir le consentement et l'assistance des personnes dont le consentement est requis pour la validité de son mariage (art. 1095 et 1398).

Cette exception ne devrait pas être étendue aux donations faites pendant le cours du mariage, l'art. 1095 ne parlant que des donations faites par contrat de mariage, par conséquent avant le mariage (art. 1394 al. 1). Exceptiones sunt strictissimæ interpretationis.

b. Le mineur, qui a atteint l'âge de seize ans accomplis, est dans la même situation que le mineur au-dessous de cet âge, en ce qui concerne les dispositions par acte entre vifs. Il y a donc lieu de lui appliquer la même règle tempérée par la même exception: c'est-à-dire qu'il ne peut aucunement disposer par donation entre vifs, sauf ce qui est dit en l'art. 1095. La donation, par laquelle le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement, exige une maturité d'esprit complète. Voilà pourquoi la loi l'interdit au mineur parvenu à l'âge de seize ans. Il semble que le même motif aurait dû lui faire refuser aussi le droit de dépouiller ses héritiers par des dispositions testamentaires. La loi en a autrement décidé, sans doute parce qu'elle s'est placée surtout au point de vue des intérêts du disposant, qui par le testament ne se dépouille pas personnellement. Et toutefois, c'est comme à regret que le législateur concède au mineur âgé de seize ans le droit de tester; aussi ne le lui accorde-t-il qu'avec une importante restriction: « jusqu'à >> concurrence seulement de la moitié des biens dont la loi permet au >> majeur de disposer », dit l'art. 904. En d'autres termes, le disponible d'un mineur âgé de seize ans accomplis, est le même que celui d'un majeur; mais sa capacité de disposer par testament est la moitié moindre. Ainsi un mineur âgé de dix-sept ans fait son testament; il meurt sans laisser d'ascendants ni de descendants. Si le testateur eût été majeur lors de la confection de son testament, il aurait pu disposer de tous ses biens (art. 916); étant mineur, il n'aura pu disposer valablement que de la moitié. Le testateur dont nous venons de parler

laisse-t-il à son décès un fils? Il n'aura pu valablement disposer que du quart de ses biens; car un majeur dans les mêmes circonstances aurait pu donner le double, c'est-à-dire la moitié (art. 913).

Si un mineur âgé de seize ans a disposé par testament de plus que la loi ne lui permet, son testament ne sera pas nul pour cela; seulement il ne s'exécutera que dans les limites légales, ou en d'autres termes les dispositions testamentaires seront réduites à cette limite. La réduction devrait être opérée suivant les règles écrites dans les art. 926 et 927, qu'il y a lieu d'appliquer ici par analogie.

30 Femmes mariées.

377. ART. 908. La femme mariée ne pourra donner entre-vifs sans l'assistance ou le consentement spécial de son mari, ou sans y être autorisée par la justice, conformément à ce qui est prescrit par les articles 217 et 219 au titre du Mariage. Elle n'aura besoin ni de consentement du mari ni d'autorisation de la justice, pour disposer par testament.

Ce texte contient deux propositions :

a. La femme est incapable de faire une donation entre vifs sans autorisation. Nous en avons dit les motifs, t. I n. 630-1°.

Cette règle s'applique, vu la généralité des termes de la loi, à toutes les donations sans exception, même aux donations faites de la main à la main ou dons manuels. Il est vrai que la loi ne les soumet pour leur validité à aucune condition particulière de forme; mais il ne résulte pas de là qu'elles puissent être faites sans autorisation, l'autorisation n'étant pas une forme, mais une condition de capacité.

b. La femme mariée n'a pas besoin d'autorisation pour faire son testament. Voyez en les motifs, t. I n. 633.

4o Condamnés à une peine afflictive perpétuelle.

378. Les condamnés à une peine afflictive perpétuelle sont frappés de l'incapacité absolue de disposer soit par donation entre vifs, soit par testament (loi du 31 mai 1854, art. 3 al. 1). La loi annule même le testament, qu'ils auraient fait antérieurement à leur condamnation. Toutefois le condamné peut être relevé en tout ou en partie par le gouvernement de l'incapacité de disposer dont il est frappé. Cpr. t. I, n.n. 211 et suivants. Junge art. 13 de la loi du 25 mars 1873 sur la déportation.

No 2. Incapacités absolues de recevoir.

379. Sont frappées de l'incapacité absolue de recevoir à titre gratuit : 1° les personnes non conçues; 2o les femmes mariées; 3° les personnes de mainmorte; 4° les condamnés à une peine afflictive perpétuelle.

380. 1° Personnes non conçues. Pour qu'un droit quelconque puisse se fixer au profit d'une personne, il faut nécessairement qu'elle existe à l'instant même de l'ouverture du droit ; car il ne peut pas se fixer dans le vide. Or le droit résultant d'une donation entre vifs s'ouvre au moment de la donation, et le droit résultant d'une donation testamen

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