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réserve de chacun est d'un tiers, et le disponible d'un tiers également; de même, s'il y a trois enfants, la réserve de chacun est d'un quart et le disponible d'un quart également. En poursuivant l'application de cette idée, on serait arrivé à dire que la quotité disponible doit être d'un cinquième quand il y a quatre enfants, d'un sixième quand il y en a cinq, d'un douzième quand il y en a onze..., ainsi que le décidait la loi du 24 germinal an VIII, art. 1. Mais notre législateur a considéré que ce serait restreindre dans des limites trop étroites le droit des pères de famille, auxquels il importe de donner, comme l'a dit Tronchet au conseil d'Etat, « la faculté de récompenser et de punir avec discrétion, celle de réparer entre leurs enfants les inégalités de la nature ou les injustices aveugles de la fortune..., en outre la faculté d'exercer des actes de bienfaisance et de reconnaissance envers des étrangers ». Aussi, notre législateur a-t-il voulu que le père pût toujours disposer au moins du quart de ses biens, adoptant ainsi comme minimum le taux que le législateur de l'an VIII avait fixé comme maximum.

410. Ce ne sont pas seulement les enfants qui ont droit à la réserve; elle appartient aussi aux descendants d'un degré plus éloigné, petitsfils, arrière-petits-fils, pourvu bien entendu qu'ils viennent à la succession. Mais, dans tous les cas, ils ne doivent être comptés, au point de vue du calcul de la réserve, que pour la tête de l'enfant dont ils sont issus, quel que soit d'ailleurs leur nombre. Aucun doute ne peut s'élever sur ce point, quand les descendants viennent par représentation; l'art. 914 dit en effet : « Sont compris dans l'article précédent, » sous le nom d'enfants, les descendants en quelque degré que ce soit ; » néanmoins ils ne sont comptés que pour l'enfant qu'ils représentent » dans la succession du disposant ». Et la même solution doit être admise sans hésitation, quand les descendants viennent de leur propre chef, les mots qu'ils représentent signifiant certainement ici : qu'ils REMPLACENT, dont ils sont issus. Ainsi trois petits-fils, issus d'un fils unique renonçant ou indigne, et arrivant de leur chef à la succession de leur aïeul, n'auraient droit qu'à une réserve de la moitié, et non des trois quarts. Autrement le fils du défunt pourrait, en renonçant pour faire arriver ses enfants à sa place, augmenter le montant de la réserve ce qui est inadmissible. Rouen, 12 février 1887, Sir., 88. 2. 42.

411. Bien que la loi ne parle dans les art. 913 et 914 que des enfants et des descendants légitimes, il est certain que le droit à la réserve appartiendrait aussi à l'enfant légitimé et à ses descendants (arg. art. 333), et à l'enfant adoptif dans la succession de l'adoptant (arg. art. 350). Cpr. t. I, n. 946.

412. Mais les enfants naturels légalement reconnus ont-ils droit à une réserve? La jurisprudence et la grande majorité des auteurs admettent aujourd'hui l'affirmative. En effet, si l'art. 913, qui ne parle que des enfants légitimes, paraît au premier abord résoudre la question contre les enfants naturels, il y a un texte qui suppose nécessairement l'existence d'une réserve à leur profit, c'est l'art. 761,

et un autre, l'art. 757, qui contient tout à la fois le principe même de cette réserve et une base permettant d'en déterminer le montant.

Nous disons que l'art. 761 suppose nécessairement l'existence d'une réserve au profit des enfants naturels. Il résulte effectivement de ce texte qu'un père naturel ne peut jamais dépouiller entièrement son enfant; il lui est seulement permis de le réduire à la moitié de sa part héréditaire, en lui faisant une donation entre vifs dans laquelle il exprime cette volonté. Nous avons vu (supra n. 115) que le père naturel ne pourrait pas imposer cette réduction à son enfant par une disposition testamentaire : la loi veut que le préjudice résultant de la réduction à la moitié soit compensé dans une certaine mesure par l'avantage que l'enfant retirera de la jouissance des biens donnés. Or, si le père naturel ne peut, en faisant une donation entre vifs à son enfant, lui faire subir qu'une réduction limitée, et s'il ne peut même pas lui faire subir cette réduction en faisant à son profit une disposition testamentaire, comment se pourrait-il qu'il eût le droit de le priver de sa part héréditaire tout entière, en épuisant son patrimoine par des donations entre vifs ou testamentaires faites au profit d'autres personnes?

L'art. 761 suppose donc nécessairement l'existence d'une réserve au profit de l'enfant naturel. Nous avons ajouté que l'art. 757 contient le principe même de cette réserve et une base qui permet d'en déterminer le montant.

Il contient le principe même de cette réserve. En effet il assimile, à la quotité près, le droit héréditaire de l'enfant naturel à celui de l'enfant légitime; il considère l'enfant naturel comme une fraction d'enfant légitime. L'enfant naturel doit donc avoir une réserve; autrement son droit héréditaire ne serait pas de la même nature que celui de l'enfant légitime.

En outre l'art. 757 fournit une base pour déterminer le montant de la réserve qui nous occupe. Il suffit d'appliquer pour la fixation de cette réserve le principe que la loi établit pour la fixation de la part héréditaire de l'enfant naturel, c'est-à-dire qu'il faudra rechercher quelle aurait été la réserve de l'enfant naturel, s'il eût été légitime, et lui en attribuer le tiers, la moitié, les trois quarts ou la totalité, suivant les distinctions contenues dans les art. 757 et 758.

413. Voici maintenant les applications de cette règle :

a. L'enfant naturel est en concours avec des descendants légitimes. Sa part héréditaire est fixée dans ce cas au tiers de ce qu'il aurait eu s'il eût été légitime (art. 757); sa réserve sera donc du tiers de celle à laquelle il aurait eu droit dans cette supposition. Ainsi il y a un enfant naturel et un enfant légitime; si l'enfant naturel était légitime, sa réserve serait d'un tiers (art. 913); elle sera par conséquent d'un neuvième (le tiers du tiers). On trouverait de même que la réserve d'un enfant naturel serait d'un douzième (le tiers du quart) en présence de deux enfants légitimes, d'un seizième en présence de trois, et ainsi de suite;

b. L'enfant naturel se trouve en présence de frères ou sœurs ou d'ascendants du défunt. Sa part héréditaire est fixée dans ce cas à la moitié de ce qu'il aurait eu s'il eût été légitime (art. 757) ; sa réserve sera donc de la moitié de celle d'un enfant légitime, c'est-à-dire d'un quart;

c. On trouverait de même qu'en présence de collatéraux ordinaires la réserve de l'enfant naturel serait de trois huitièmes (les trois quarts de la moitié à laquelle il aurait eu droit s'il eût été légitime). Arg. art. 913 et 757 in fine;

d. Enfin, s'il n'y a aucun parent au degré successible, la réserve de l'enfant naturel sera la même que celle d'un enfant légitime. Arg. art. 758.

414. D'ailleurs l'enfant naturel a le droit, pour obtenir sa réserve, de faire réduire toutes les libéralités qui y portent atteinte, non seulement les legs, mais en outre, si cela ne suffit pas, les donations, même celles qui sont antérieures à sa

reconnaissance. C'est une conséquence nécessaire de l'assimilation que nous venons d'établir, à la quotité près, entre le droit de réserve de l'enfant naturel et celui de l'enfant légitime.

*415. Il reste à savoir sur quelle partie de la succession devra se prendre la réserve de l'enfant naturel. C'est toujours le même principe qui doit nous servir de guide. Il faut procéder ici (sauf la quotité) comme l'on procèderait si l'enfant naturel était transformé en un enfant légitime : ce qui conduira à prélever sa réserve, tantôt sur celle des héritiers légitimes seulement, tantôt sur cette réserve et sur la quotité disponible proportionnellement.

Ainsi il y a trois enfants légitimes, un légataire universel et un enfant naturel. En l'absence d'enfant naturel, les enfants légitimes auraient eu droit aux trois quarts (art. 913), et le légataire universel à un quart. Si l'enfant naturel eût été légitime, nous aurions eu quatre enfants légitimes, dont la réserve n'aurait pas été plus forte que celle de trois (art. 913); par suite le légataire universel aurait toujours pris le quart, et les quatre enfants se seraient partagé le reste. Donc, en supposant l'enfant naturel légitime, sa présence ne nuirait ici qu'aux autres enfants légitimes, elle ne nuirait pas au légataire universel; par conséquent la réserve de l'enfant naturel se prélèvera exclusivement sur celle des enfants légitimes. Autrement le légataire universel obtiendrait moins en présence de trois enfants légitimes et d'un enfant naturel qu'en présence de quatre enfants légitimes. Résultat inadmissible, et qui suffit à lui seul pour condamner l'opinion, d'après laquelle la réserve de l'enfant naturel devrait dans tous les cas être considérée comme une dette de la succession tout entière, et prélevée à ce titre sur la masse, par conséquent sur la réserve des héritiers légitimes et sur la quotité disponible proportionnellement.

Supposons maintenant un enfant légitime, un légataire universel et un enfant naturel. En l'absence d'enfant naturel, la succession se serait divisée par moitié entre l'enfant légitime et le légataire universel. Si l'enfant naturel eût été légitime, il y aurait eu deux enfants légitimes qui auraient pris chacun un tiers, et le légataire universel aurait eu droit à un tiers également. En supposant l'enfant naturel légitime, sa présence aurait donc nui également à l'autre enfant légitime et au légataire universel. Sa réserve restreinte doit leur nuire dans la même proportion et se prélever également sur la part de l'un et sur celle de l'autre, ou, ce qui est la même chose, sur la masse de la succession.

On trouverait, en poursuivant l'application du même procédé, que, si le défunt, à défaut de descendants légitimes, laisse des ascendants dans les deux lignes, la réserve de l'enfant naturel doit se prélever exclusivement sur celle des ascendants. Elle se prélèverait au contraire pour moitié sur la réserve des ascendants et pour moitié sur la quotité disponible, s'il n'y avait d'ascendants que dans une seule ligne. Nous laissons le calcul à faire à titre d'exercice.

416. Un enfant légitime, légitimé, adoptif ou naturel ne peut être compté pour le calcul de la réserve qu'autant qu'il est capable de recueillir la succession. Ainsi on ne compterait pas l'enfant qui est mort avant l'ouverture de la succession sans laisser de descendants, ni celui dont l'existence n'est pas reconnue, parce qu'il est absent. Mais on complerait l'enfant qui serait sous le coup d'une condamnation à une peine afflictive perpétuelle; car, s'il est incapable de recevoir par donation entre vifs ou par testament, il n'est pas incapable de recevoir à titre de succession.

Faut-il compter les enfants renonçants? Une jurisprudence cons

tante, soutenue par le suffrage de la majorité des auteurs, résout cette grave question dans le sens de l'affirmative.

Quelque inébranlable que paraisse cette jurisprudence, nous nous joignons à la minorité qui en sollicite la réformation au nom des textes et des principes, du triomphe desquels il ne faut jamais désespérer.

Pour soutenir que les enfants renonçants doivent être comptés pour le calcul de la réserve, la cour de cassation dit, et les auteurs répètent après elle, que l'art. 913 détermine la quotité disponible, et par suite la réserve, d'après le nombre des enfants que le défunt laisse, sans distinguer s'ils acceptent ou répudient. - Mais nous avons déjà vu la loi employer plusieurs fois cette expression pour désigner les personnes que le défunt laisse comme héritiers (voyez notamment les art. 746, 748, 749, 757, 758); pourquoi donc n'aurait-elle pas ici le même sens? - La cour ajoute qu'aux termes de l'art. 786 la part du renonçant accroît à ses cohéritiers; donc, dit-elle, quand, sur trois enfants, par exemple, l'un renonce, sa part dans la réserve (qui est une portion de la succession) accroîtra aux enfants acceptants; par conséquent les deux enfants qui acceptent auront à eux deux la réserve de trois.- Mais l'art. 786, ainsi que nous l'avons expliqué (supra n. 175), n'est qu'une conséquence, et une conséquence mal déduite, du principe posé par l'art. 785, d'après lequel L'héritier qui renonce, » est censé n'avoir jamais été héritier ». C'est donc au principe qu'il faut s'attacher, plutôt qu'à la conséquence, qui n'a peut-être pas été formulée avec toute la précision désirable. Or, si nous appliquons le principe, que voyons-nous? C'est que, l'héritier qui renonce étant considéré comme n'ayant jamais été héritier, on ne doit pas le compter pour le calcul de la réserve, pas plus qu'on ne le compterait s'il n'avait jamais existé. D'ailleurs l'art. 786 formule deux conséquences du principe posé par l'art. 785; et, si l'on veut appliquer la première, il faut nécessairement, pour être logique, appliquer aussi la seconde : « s'il [le renonçant} est seul, sa part est dévo>>lue au degré subséquent ». Ce qui conduirait à dire que, s'il y a un seul enfant et qu'il renonce, son droit à la réserve sera dévolu aux ascendants ou aux collatéraux appelés à son défaut. C'est inadmissible, et nul ne l'admet. Eh bien ! si l'on est obligé de reconnaitre que l'art. 786 est inapplicable ici pour la moitié, autant dire qu'il l'est pour la totalité. Cpr. infra n. 418.

Il est vrai que notre solution conduit à des résultats qui ne sont pas satisfaisants de tous points; mais ce n'est pas une raison suffisante pour s'en écarter. Les textes et les principes avant tout!

No 1. De la réserve des ascendants.

417. La réserve des ascendants est fixée par l'art. 915 al. 1, ainsi conçu : « Les libéralités, par actes entre vifs ou par testament, ne pour»ront excéder la moitié des biens, si, à défaut d'enfant, le defunt laisse un ou plusieurs ascendants dans chacune des lignes paternelle et » maternelle; et les trois quarts, s'il ne laisse d'ascendants que dans » une ligne ».

Le mot ascendants qu'emploie ici la loi est générique, et comprend même les père et mère. Cela posé, le législateur, pour déterminer le montant de la réserve des ascendants, ne se préoccupe pas précisément de leur nombre, mais du point de savoir s'il en existe dans une seule ligne ou dans les deux. La réserve est du quart dans le premier cas, et de la moitié dans le second: ce qui revient à dire que chaque

ligne a droit à une réserve d'un quart, quel que soit le nombre des ascendants qui la représentent. Ainsi la réserve de quatre bisaïeuls appartenant à la même ligne, ne sera toujours que d'un quart, tandis que la réserve du père et de la mère serait de la moitié, un quart pour

chacun.

L'art. 915 ajoute: « Les biens ainsi réservés au profit des ascendants, « seront par eux recueillis dans l'ordre où la loi les appelle à succéder ». Ainsi l'aïeul prendrait toute la réserve affectée à la ligne à laquelle il appartient, à l'exclusion de deux bisaïeuls, père et mère de son épouse prédécédée. Les bisaïeuls ne peuvent pas ici réclamer une part dans la réserve, parce qu'ils ne sont pas appelés à la succession (art. 746 al. 2). Nouvelle preuve que, pour avoir droit à la réserve, il faut être héritier, non habet legitimam nisi qui heres est. D'où il faut conclure que les ascendants n'auraient pas droit à la réserve, s'ils étaient exclus de la succession par des collatéraux. Tel serait le cas d'un aïeul en présence d'un frère du défunt (art. 750 et 752). Avant d'être héritier réservataire, il faut être héritier, prius est esse quam esse tale.

Enfin l'art. 915 dit dans sa partie finale : « ils [les ascendants] auront » seuls droit à cette réserve, dans tous les cas où un partage en concur»rence avec des collatéraux ne leur donnerait pas la quotité de biens à » laquelle elle est fixée». On sait que, dans plusieurs cas, les ascendants sont appelés à la succession en concurrence avec des collatéraux; alors le partage ne devra s'opérer entre les uns et les autres, dans les proportions déterminées au titre Des successions, qu'autant que cette opération devra avoir pour résultat de procurer aux ascendants au moins leur réserve. Dans le cas contraire, les collatéraux n'auront droit qu'à ce qui restera une fois que les ascendants seront remplis de leur réserve. Ainsi le défunt laisse un aïeul paternel, un collatéral maternel et un légataire à titre universel de la moitié des biens. La moitié dont le défunt n'a pas disposé, se partagera par portions égales, conformément à l'art. 733, entre le collatéral et l'aïeul, qui se trouvera ainsi rempli de sa réserve d'un quart. Mais si, dans la même hypothèse, on suppose un legs des trois quarts, le quart restant devra être attribué tout entier à l'aïeul, qui autrement n'obtiendrait pas sa réserve.

418. Nous avons déjà remarqué que la loi, qui appelle à la succession les frères et sœurs du défunt et leurs descendants, par préférence aux ascendants autres que le père et la mère, refuse cependant aux premiers le droit de réserve qu'elle accorde aux seconds, de sorte que le droit héréditaire le plus fort est moins garanti que le droit héréditaire le plus faible. Cette anomalie devait nécessairement faire naître des difficultés.

Supposons d'abord que le défunt laisse un frère et un aïeul. Si le frère accepte la succession, il est hors de doute que l'aïeul ne peut réclamer aucun droit de réserve; car il n'est pas héritier, et pour être réservataire il faut être héritier.

Mais voilà que le frère renonce à la succession, dont l'actif est peut-être épuisé

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