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Enfin l'incapacité met celui qui en est frappé dans l'impossibilité d'acquérir une succession quelconque; tandis que l'indignité ne s'applique qu'à une succession déterminée, elle est donc essentiellement relative.

I. De l'incapacité.

38. Est capable de succéder toute personne qui n'en est pas déclarée incapable par la loi. Le code civil établit deux causes d'incapacité; 1° le défaut d'existence de l'héritier lors de l'ouverture de la succession; 2o l'extranéité de l'héritier.

10 Défaut d'existence de l'héritier lors de l'ouverture de la succession.

39. Nul ne peut acquérir un droit, de quelque nature qu'il soit, qu'à la condition d'exister lors de l'ouverture de ce droit; car c'est à ce moment que le droit se fixe, et il ne saurait se fixer dans le vide. L'art. 725 al. 1 fait une application de ce principe, lorsqu'il dit: « Pour succéder, il faut nécessairement exister à l'instant de l'ouverture » de la succession ». La loi ajoute : « Ainsi sont incapables de succéder, » 1° Celui qui n'est pas encore conçu; 2o L'enfant qui n'est pas né >> viable; 3° Celui qui est mort civilement ». Cpr. art. 135 et 136. Du principe que, pour succéder, il faut nécessairement exister lors de l'ouverture de la succession, résultent deux conséquences:

1o Celui qui a cessé d'exister lors de l'ouverture d'une succession ne peut pas succéder. C'est pourquoi notre article déclarait incapable de succéder le mort civilement, application qui ne peut plus se présenter depuis que la mort civile est abolie. Il sous-entendait que la même incapacité frappe celui qui est mort naturellement. Ainsi une personne meurt, laissant comme plus proches parents deux cousins germains et les enfants d'un autre cousin germain décédé quelques jours auparavant. La succession reviendra tout entière aux deux cousins germains survivants. Les enfants du cousin germain prédécédé ne pourront pas en réclamer une partie du chef de leur père; car le droit héréditaire n'a pas pu se fixer sur la tête de celui-ci, puisqu'il était mort à l'époque de l'ouverture de la succession. N'ayant rien acquis, il n'a rien pu transmettre.

2o Celui qui n'a pas encore commencé d'exister à l'instant de l'ouverture de la succession ne peut pas succéder. De là l'incapacité dont notre article frappe celui qui n'est pas encore conçu. Ainsi un homme et une femme légitimement mariés ont deux enfants, Primus et Secundus; Primus meurt, et un autre enfant, Tertius, naît après sa mort. Ce dernier n'aura aucun droit dans la succession du défunt, en supposant qu'il ne fût pas encore conçu lors de son ouverture autrement il pourrait en réclamer sa part (art. 748).

40. En disant que l'enfant non conçu est incapable de succéder, la loi dit implicitement, mais néanmoins très formellement, que l'enfant,

simplement conçu lors de l'ouverture d'une succession, peut succéder. C'est une application de la règle Infans conceptus pro nato habetur, quoties de commodis ejus agitur.

Et toutefois, pour que le droit de succession puisse se fixer sur la tête d'un enfant qui n'est encore que conçu lors de l'ouverture, la loi exige que cet enfant naisse vivant et viable.

a. Il faut que l'enfant naisse vivant. Qui mortui nascuntur, liberorum loco non sunt.

b. L'enfant doit en outre naître viable. La viabilité est l'aptitude à vivre, vitæ habilitas. Un enfant n'est pas viable, lorsqu'il naît avec une conformation tellement défectueuse que son existence ne peut pas se prolonger au delà d'un temps très court. La loi assimile à l'enfant mort-né celui qui ne naît que pour mourir; il ne pourra donc pas succéder. La question de savoir si l'enfant est né viable ou non est une question de fait, que le juge aurait à résoudre au cas de contestation en s'aidant au besoin du secours des gens de l'art.

On dira peut-être : La question de viabilité ou de non-viabilité ne peut jamais se poser que pour un enfant mort très peu de temps après sa naissance; or qu'importe que cet enfant ait été ou non apte à succéder, puisqu'il n'existe plus? - Pour lui sans doute il importe peu; mais pour d'autres, il peut importer beaucoup. Le passage sur la terre d'un enfant, qui n'a vécu que quelques heures, peut exercer une influence considérable sur la dévolution d'une succession, s'il est reconnu qu'il est né viable. Ainsi un homme marié meurt sans enfant, laissant sa femme enceinte; celle-ci accouche peu de temps après d'un enfant qui meurt au bout de quelques heures. Cet enfant est-il né vivant et viable? Il est devenu héritier de son père, et a transmis en mourant la succession de celui-ci à sa mère, pour la moitié au moins (art. 746), pour la totalité peut-être (art. 755 al. 2). L'enfant au contraire est-il né non viable? Il n'a pu succéder à son père, ni par conséquent transmettre la succession de celui-ci. Cette succession ira tout entière aux parents les plus proches du père, peut-être à des collatéraux au douzième degré, à l'exclusion de la mère.

41. Conformément à la règle Probatio incumbit ei qui agit, celui qui réclame une succession du chef d'une personne décédée doit prouver que le droit héréditaire s'est fixé sur la tête de cette personne, et par conséquent qu'elle existait lors de l'ouverture de la succession (art. 135). Le réclamant pourra donc avoir à prouver, suivant les circonstances, soit que celui du chef duquel il réclame la succession n'était pas encore mort à l'époque de son ouverture, soit qu'il était conçu à cette même époque, soit même que l'enfant, dont la conception lors de l'ouverture de la succession est établie, est né vivant et viable.

Parmi ces divers faits, il y en a un au sujet duquel naît une difficulté sérieuse : c'est celui de l'époque de la conception. Les présomptions légales écrites dans les art. 312 et suivants seront-elles ici applicables? Le réclamant pourra-t-il les invoquer pour prouver que l'enfant était conçu lors de l'ouverture? Pourra-t-on les invoquer contre lui pour établir qu'il n'était pas conçu à cette même époque?

La jurisprudence et quelques auteurs à sa suite admettent l'affirmative. L'époque

de la conception ne peut, dit-on, se déterminer que par des présomptions. Le législateur le savait bien; et, s'il n'en a formulé aucune pour le cas qui nous occupe, c'est qu'il a entendu se référer à celles qu'il avait déjà établies en matière de légitimité. Cette solution est d'une extrême simplicité, et, législativement, elle serait probablement la meilleure. Mais elle se heurte à une objection d'une extrême gravité qui nous empêche d'y adhérer. Les présomptions légales sont de droit étroit; elles ne peuvent sous aucun prétexte être étendues d'un cas à un autre (arg. art. 1350 al. 1). C'est violer ce principe que d'appliquer en matière de succession des présomptions établies en vue de la légitimité seulement.

Tout au plus pourrait-on admettre avec la majorité des auteurs que les présomptions dont il s'agit sont applicables, lorsque la question de succession se trouve mêlée à une question de légitimité (1). Et encore peut-être serait-il plus sûr de ne pas faire cette concession: les concessions ruinent les principes. On se trouve ainsi conduit, il est vrai, à reconnaître que dans certains cas la présomption légale pourra protéger un enfant lorsqu'il vient se dire fils légitime de tel homme, tandis qu'elle ne le protègera plus lorsqu'il viendra se dire son héritier : ce qui paraît contradictoire. Mais n'est-ce pas un des caractères des présomptions légales de constituer des vérités relatives? N'en est-il pas ainsi notamment de la présomption sur laquelle est fondée l'autorité de la chose jugée? Il peut arriver, par suite du caractère relatif de cette présomption, que le même individu se trouve avoir la qualité d'enfant légitime à l'égard d'un de ses frères et celle d'enfant naturel à l'égard des autres (t. I, n. 290). Est-il plus extraordinaire qu'un enfant soit réputé conçu à telle époque au point de vue de sa légitimité, et qu'il ne le soit plus au point de vue dut droit de succession?

Mais, en admettant que les présomptions légales des art. 312 et s. ne puissent pas être invoquées pour établir l'époque de la conception d'un enfant, en tant qu'il s'agit d'un droit de succession, comment les intéressés feront-ils cette preuve ? Conformément au droit commun, qui doit s'appliquer toutes les fois que la loi n'y déroge pas. Ici donc les présomptions de la loi ne s'imposeront pas au juge, il pourra seulement se les approprier comme présomptions simples; car il s'agit d'un fait dont il n'a pas été possible de se procurer une preuve écrite, et par cela même la preuve testimoniale (art. 1348) et les présomptions simples sont admissibles (art. 1353).

2o Extranéité de l'héritier.

42. Aux termes de l'art. 726: « Un étranger n'est admis à succéder » aux biens que son parent, étranger ou Français, possède dans le terri» toire du Royaume, que dans le cas et de la manière dont un Français » succède à son parent possédant des biens dans le pays de cet etranger,

(1) La question de succession serait mêlée à la question de légitimité dans l'espèce suivante. Un enfant naft le trois centième jour à dater de la mort du mari de sa mère. Soutenir que cet enfant n'a pas le droit de succéder au mari de sa mère, parce que sa conception est postérieure à la mort de celui-ci, c'est prétendre du même coup que cet enfant n'est pas légitime. La question de succession est ici étroitement liée à la question de légitimité pour mieux dire les deux questions n'en font qu'une. L'enfant, auquel on ne peut dénier le droit d'invoquer la présomption de l'art. 315 à l'effet d'établir sa légitimité, pourra, d'après l'opinion générale, invoquer cette même présomption à l'effet d'établir sa qualité d'héritier. — Au contraire, la question de succession serait indépendante de la question de légitimité dans cette seconde hypothèse. Un enfant, dont la légitimité n'est pas contestée, est né le trois centième jour après le décès d'un de ses frères; il vient réclamer une partie de la succession de ce frère, se prétendant conçu à l'époque du décès de celui-ci. Suivant l'opinion générale, il ne pourrait pas invoquer les présomptions légales des art. 312 et s., à l'effet d'établir sa conception lors de l'ouverture de la succession, parce que sa légitimité n'est pas en cause.

» conformément à l'article 11 au titre de la Jouissance et de la Privation >> des Droits civils ». Nous savons que cet article, qui contenait une des applications les plus importantes du principe de réciprocité établi par l'art. 11, a été abrogé par l'art. 1 de la loi du 14 juillet 1819, et nous connaissons les motifs de cette abrogation (t. I, n. 155).

L'art. 2 de la loi ajoute : « Dans le cas de partage d'une même suc» cession entre des cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront » sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens » situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce » soit, en vertu des lois et coutumes locales ». Eclaircissons par un exemple l'hypothèse prévue par ce texte. Un homme meurt, laissant des biens situés en France, d'une valeur de 60,000 fr., et d'autres situés en Angleterre, d'une valeur de 40,000 fr.; il laisse deux enfants, dont un est français et l'autre anglais, par suite d'une naturalisation par exemple qu'il a obtenue dans ce pays. D'après la loi française, les deux enfants doivent succéder par portions égales. Mais la loi anglaise, on le suppose, attribue tous les biens situés en Angleterre au cohéritier anglais, à l'exclusion du français. Ce dernier aura le droit de prélever sur les biens de France, biens meubles ou immeubles, peu importe, une portion d'une valeur égale à celle des biens situés en Angleterre, dont il est exclu, soit une portion valant 40,000 fr. L'égalité voulue par la loi française sera ainsi rétablie entre les cohéritiers, et l'excédent des biens situés en France, soit 20,000 fr., se partagera entre eux par portions égales, de sorte qu'ils obtiendront ainsi en définitive chacun 50,000 fr. C'est un moyen de compenser, dans la mesure du possible, le préjudice que cause à des héritiers français l'application d'une loi étrangère contraire aux prescriptions de notre loi nationale.

Modifions un peu l'espèce précédente. Les deux enfants du défunt sont l'un et l'autre français. La loi anglaise, on le suppose, attribue tous les biens situés en Angleterre à l'aîné. Le puiné pourra-t-il, pour rétablir à son profit l'égalité voulue par la loi française, opérer sur les biens situés en France le prélèvement autorisé par notre article? L'affirmative est admise en doctrine et en jurisprudence. Le doute, que peut laisser à cet égard le texte, qui suppose un concours entre cohéritiers dont les uns sont français et les autres étrangers, disparaît, si l'on interroge l'esprit de la loi et les travaux préparatoires.

Supposons enfin, modifiant une dernière fois notre espèce, que les deux enfants appelés à la succession soient anglais. La loi anglaise attribue par hypothèse tous les biens situés en Angleterre à l'aîné; le puiné pourra-t-il opérer sur les biens situés en France le prélèvement autorisé par notre article? Non. L'esprit de la loi s'y oppose non moins que son texte; car il s'agit d'une faveur accordée aux héritiers français.

* Une succession, qui comprend des biens situés en France et des biens situés en pays étranger, s'étant ouverte au profit de plusieurs héritiers dont les uns sont étrangers et les autres français, ceux-ci sont exclus des biens situés à l'étranger par une disposition testamentaire nulle d'après la loi française, mais valable

d'après la loi étrangère, par exemple par une disposition testamentaire émanée d'un mineur de seize ans (art. 903). Les cohéritiers français pourront-ils effectuer sur les biens de France le prélèvement autorisé par l'art. 2? Oui; car l'exclusion des cohéritiers français quant aux biens situés en pays étranger résulte ici en définitive de la loi étrangère, qui valide une disposition testamentaire nulle d'après la loi française, et on se trouve ainsi dans les termes de l'art. 2: « dont ils seraient exclus à quelque titre que ce soit en vertu des lois et coutumes locales ».

II. De l'indignité.

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43. Définition. L'indignité est une exclusion de la succession, prononcée à titre de peine contre l'héritier qui s'est rendu coupable envers le défunt ou sa mémoire de certains faits limitativement déterminés par la loi.

Nous diviserons notre étude sur cette matière en trois parties: 1° quelles sont les causes d'indignité; 2o comment l'indignité est encourue; 3° quels sont ses effets.

1. Des causes d'indignité.

44. S'il est une matière d'où il importe de bannir l'arbitraire du juge, c'est surtout celle de l'indignité; car il s'agit d'une déchéance, et d'une déchéance grave. Aussi doit-on savoir gré au législateur de 1804 d'avoir, contrairement aux traditions de notre ancien droit, déterminé limitativement les causes d'indignité. Elles sont énumérées dans l'art. 727, ainsi conçu : « Sont indignes de succéder, et, comme tels, exclus des » successions, 1° Celui qui serait condamné pour avoir donné ou tenté

» de donner la mort au défunt ; 2o Celui qui a porté contre le défunt » une accusation capitale jugée calomnieuse; — 3o L'héritier majeur qui, » instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice ».

Il y a donc trois causes d'indignité, qu'il nous faut étudier successivement.

45. I. La première atteint «< celui qui serait condamné pour avoir » donné ou tenté de donner la mort au défunt ». « On n'hérite pas de ceux qu'on assassine », a dit à ce sujet l'orateur du tribunat, après Corneille.

Notre texte exige, pour qu'il y ait lieu à cette première cause d'indignité 1° que l'héritier ait été condamné ; 2° qu'il l'ait été pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt.

1° Il faut d'abord que l'héritier ait été condamné. Donc l'héritier qui a donné la mort au défunt n'encourt pas l'indignité, toutes les fois que, pour une cause quelconque, il ne peut pas ou ne peut plus être condamné de ce chef. L'héritier ne peut pas être condamné, lorsque l'homicide qu'il a commis n'est pas punissable, par exemple s'il était en état de démence au moment de l'action (C. pén. art. 64), ou en état de légitime défense (C. pén. art. 328), ou si, étant mineur de seize ans, il est

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