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Le droit pour un héritier réservataire de demander la réduction est subordonné à cette condition, que sa réserve soit entamée. C'est à lui qu'il appartient de le prouver, suivant la règle qui met à la charge d'un plaideur la preuve de tous les faits par lui invoqués à l'appui de sa demande. Mais il peut d'ailleurs faire cette preuve par tous les moyens possibles, même par présomptions, car il s'agit de démasquer une fraude à la loi. Cass., 1er avril 1885, Sir., 86. 1. 168.

Un héritier réservataire, qui trouverait dans la succession des sommes ou des valeurs mobilières suffisantes pour parfaire sa réserve, ne pourrait pas intenter l'action en réduction contre des donataires d'immeubles, sous prétexte qu'il a droit à avoir une partie de sa réserve en immeubles, quand le défunt était propriétaire de biens de cette nature. Les art. 826 et 832, qui permettent à chaque héritier de demander sa part en nature des meubles et des immeubles de la succession, ne sont applicables que dans les rapports des cohéritiers entre eux. D'ailleurs l'art. 920 n'autorise l'action en réduction que quand la réserve a été entamée.

L'action en réduction est divisible. Chaque héritier peut l'exercer dans la mesure de son droit héréditaire.

431. Le droit de demander la réduction n'est pas exclusivement attaché à la personne des héritiers réservataires; il peut aussi, comme tous les droits ayant un caractère pécuniaire, être exercé par leurs héritiers et ayant cause.

Par leurs héritiers. Il faut supposer pour cela que le droit de réserve s'est ouvert dans la personne du réservataire, et que celui-ci est mort avant d'avoir pu exercer l'action en réduction. Ses héritiers, quels qu'ils soient, pourront l'exercer en son lieu et place.

Par leurs ayant cause, soit à titre universel, tels que les légataires universels ou à titre universel (les héritiers dont nous venons de parler, sont eux-mêmes des ayant cause à titre universel), soit à titre particulier, comme un cessionnaire de droits successifs.

432. Ne peuvent pas, d'après notre article, demander la réduction des dons entre vifs ni en profiter :

1o Les donataires et les légataires. Cela paraît tellement évident qu'on a quelque peine à comprendre que le législateur ait cru devoir le dire. Les donataires n'ont aucun droit de réserve; comment donc pourraient-ils prétendre à l'action en réduction, qui n'est que la sanction de ce droit?

Mais un donataire pourrait fort bien soutenir que la réduction ne doit pas l'atteindre, soit parce que l'héritier réservataire est rempli de sa réserve, soit parce qu'il y a d'autres donataires qui sont désignés par la loi comme devant être réduits avant lui (art. 923). Ce n'est pas là demander la réduction ni en profiter, mais bien demander à n'être pas réduit, ce qui est tout différent. Et il faut bien qu'il en soit ainsi; autrement l'héritier réservataire pourrait, sans se soucier de l'ordre établi par la loi, faire réduire telle donation qu'il lui plairait.

2o Les créanciers du défunt. Ils ne peuvent pas demander la réduction des dons entre vifs de leur chef, parce qu'ils n'ont pas de réserve, et ils ne peuvent pas la demander du chef du défunt et comme ayant cause de celui-ci (art. 1166), parce qu'à ce titre ils ne peuvent exercer

que les droits qui appartenaient à leur débiteur; or le défunt n'aurait pas pu demander la réduction des dons entre vifs par lui faits.

A cela d'ailleurs rien d'injuste. De deux choses l'une, en effet ou il s'agit d'un créancier dont la créance a pris naissance postérieurement à la donation, et alors il n'a jamais pu acquérir ni espérer aucun droit sur un bien qui était définitivement sorti du patrimoine de son débiteur à l'époque où il a traité avec lui; ou il s'agit d'un créancier dont la créance a pris naissance à une époque antérieure à la donation, et si, en contractant, il ne s'est fait consentir aucune sûreté spéciale, telle que gage ou hypothèque, il doit subir le sort commun de tous les créanciers qui ont suivi la foi de leur débiteur, c'est-à-dire qu'il doit respecter toutes les aliénations, même à titre gratuit, accomplies par son débiteur. A moins toutefois qu'il n'y ait fraude de la part de celui-ci, auquel cas il y aurait lieu à l'action paulienne (art. 1167).

433. Non seulement les créanciers du défunt ne peuvent pas demander la réduction des dons entre vifs faits par le défunt, mais ils n'ont pas le droit d'en profiter quand elle a été effectuée sur la demande des héritiers réservataires. En effet ce n'est pas en leur faveur que les biens donnés rentrent dans la succession, mais bien au profit des hériritiers réservataires; par rapport à eux, ces biens étaient définitivement sortis du patrimoine du défunt.

Et toutefois, si les héritiers réservataires ont accepté purement et simplement la succession, comme ils sont devenus ainsi débiteurs personnels des créanciers héréditaires (supra n. 142), il est clair que tout leur patrimoine servira désormais de gage à ces créanciers, sans en excepter les biens reconquis par l'action en réduction (arg. art. 2092). Les créanciers du défunt profiteront donc alors de la réduction obtenue par l'héritier. Bien plus, ils pourraient la demander de son chef par application de l'art. 1166. Quand donc s'appliquera la disposition de notre article, qui refuse aux créanciers héréditaires le droit de demander la réduction et d'en profiter? Elle s'appliquera, Lorsque la qualité de créanciers personnels de l'héritier ne viendra pas se joindre pour eux à celle de créanciers du défunt: ce qui arrive lorsque l'héritier a accepté la succession sous bénéfice d'inventaire, et peut-être aussi lorsque, l'héritier ayant accepté purement et simplement, les créanciers héréditaires demandent la séparation des patrimoines.

On dit partout que les créanciers, les donataires et les légataires du défunt, qui ne peuvent pas demander la réduction des dons entre vifs, peuvent au contraire demander la réduction des legs; et on fait remarquer en ce sens que l'art. 921 ne parle que de la réduction des dispositions entre vifs. Mais, si l'idée qu'on exprime ainsi est exacte, la formule nous paraît défectueuse. Il est parfaitement vrai que les créanciers du défunt doivent être payés avant les légataires, d'après la règle Nemo liberalis nisi liberatus, et que, si les légataires ont été payés à leur préjudice, ils peuvent agir contre ceux-ci (arg. art. 809). Mais est-ce là exercer une action en réduction contre les légataires? Autant vaudrait dire qu'un créancier privilégié exerce une action en réduction contre les créanciers chirographaires, quand il

demande à être payé par préférence à eux. De même, il est parfaitement vrai qu'un donataire, qui n'aurait pas encore été payé au décès du donateur, pourrait demander à être payé par préférence aux légataires, et même agir en restitution contre ceux-ci s'ils avaient été payés à son préjudice. Mais encore une fois est-ce lå exercer l'action en réduction? La preuve que non, c'est qu'il en serait exactement de même dans une succession où tous les biens seraient disponibles, le défunt n'ayant laissé aucun héritier réservataire.

434. En résumé, la réduction soit des dons entre vifs, soit des legs peut être demandée par les héritiers à réserve ou par leurs ayant cause. Les donataires, les légalaires et les créanciers du défunt ne peuvent pas la demander, ni même en profiter quand elle a été effectuée sur la demande des héritiers réservataires.

II. Du calcul de la quotité disponible.

435. Pour savoir s'il y a lieu à la réduction des libéralités faites par le défunt, il ne suffit pas de connaître le montant de ces libéralités et la fraction du patrimoine qui représente la quotité disponible; il faut de plus savoir à quel chiffre s'élève cette fraction du patrimoine. Ainsi le défunt a donné 50,000 fr. à un ami; il laisse un fils, et la quotité disponible se trouve par suite être de la moitié (art. 913). La donation excède-t-elle la quotité disponible? Pour répondre à la question, il faut évidemment savoir quelle est la valeur pécuniaire du patrimoine laissé par le défunt, et par suite de la moitié de ce patrimoine qui représente la quotité disponible. Tel est l'objet du calcul de la quotité disponible. L'art. 922 en indique les éléments: « La réduction se déter» mine en formant une masse de tous les biens existants au décès du » donateur ou testateur. On y réunit fictivement ceux dont il a été disposé » par donations entre-vifs, d'après leur état à l'époque des donations et » leur valeur au temps du décès du donateur. On calcule sur tous ces biens, » après en avoir déduit les dettes, quelle est, eu égard à la qualité des » héritiers qu'il laisse, la quotité dont il a pu disposer ».

Il résulte de là que, pour calculer le chiffre auquel s'élève la quotité disponible, et juger par suite s'il y a lieu de réduire les libéralités faites par le défunt, il faut reconstituer le patrimoine de celui-ci, tel qu'il se serait trouvé au jour de son décès en l'absence de toute disposition à titre gratuit. Pour cela, trois opérations sont nécessaires: 1° on fait la masse des biens laissés par le défunt, et on les estime d'après leur valeur au jour de l'ouverture de la succession; 2° on y réunit fictivement les biens donnés entre vifs par le défunt, estimés d'après leur valeur au jour de l'ouverture de la succession et en faisant abstraction des améliorations ou des détériorations qui proviennent du chef du donataire; 3° on déduit les dettes du défunt. C'est sur ce qui reste après cette déduction qu'on calcule la quotité disponible, d'après les bases indiquées par les art. 913 et ss. Ainsi le défunt laisse à son décès

des biens ayant une valeur de 40,000 fr. ; il a fait des donations entre vifs dont le montant total s'élève à 80,000 fr.; enfin il laisse 20,000 fr. de dettes. A la masse des biens existants au décès, 40,000 fr., nous ajoutons fictivement la valeur des biens donnés, 80,000 fr.; nous obtenons ainsi un total de 120,000 fr., duquel nous déduisons les dettes, égales à 20,000 fr. Il reste 100,000 fr., sur lesquels on calculera la quotité disponible. Elle sera donc de 50,000 fr., si le défunt laisse un fils, et par suite les donations devront être réduites de 30,000 fr.

Il faut examiner en détail chacune des trois opérations dont il vient d'être parlé.

436. 1° Formation de la masse des biens EXTANTS. On désigne sous ce nom les biens existants à l'époque du décès du disposant. Doivent ètre compris dans cette masse tous les biens du défunt, de quelque nature qu'ils soient, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels.

Les créances du défunt donnent lieu ici à quelques observations particulières. On ne doit tenir aucun compte des créances véreuses, c'est-à-dire de celles dont le débiteur est complètement insolvable. Quant aux créances simplement douteuses, le seul moyen d'arriver à un règlement définitif consiste à les évaluer à forfait par une estimation faite d'un commun accord avec les intéressés, réservataires d'une part, donataires et légataires d'autre part.

Les créances du défunt contre l'héritier réservataire doivent être comprises dans la masse des biens extants, et cela alors même que l'héritier aurait accepté la succession purement et simplement. On objecte que la créance est éteinte par confusion (art 1300), et que par suite on ne doit pas en tenir compte, pas plus que d'une créance éteinte par le paiement ou par la novation ou par toute autre cause légale d'extinction des obligations. La réponse est que la confusion apporte un obstacle matériel à l'exécution d'une obligation, plutôt qu'elle n'éteint cette obligation. Confusio magis eximit personam ab obligatione quam ipsam extinguit obligationem. La créance est donc réputée existante, en tant qu'on ne se heurte pas à l'obstacle matériel qui donne lieu à la confusion. Il y a même ceci de particulier que la créance du défunt contre l'héritier réservataire devrait être comprise dans la masse des biens extants pour sa valeur nominale, alors même qu'il serait complètement insolvable; car, ainsi que le dit la loi romaine, au sujet d'une hypothèse voisine de celle qui nous occupe: quod ad se attinet, dives est.

Les biens légués par le défunt doivent aussi être compris dans la masse des biens extants. Ils figurent encore dans son patrimoine au moment où il rend le dernier soupir.

Mais il n'y faudrait pas comprendre les droits viagers dont le défunt était titulaire et qui se sont éteints avec lui, par exemple un droit d'usufruit ou de rente viagère constitué sur sa tête. Il en serait autrement, si le droit d'usufruit ou de rente viagère appartenant au défunt était constitué sur la tête d'un tiers encore vivant au jour de l'ouverture de la succession; car alors ce droit survivrait au défunt, et se retrouverait dans sa succession.

Les biens extants doivent être estimés d'après leur état et leur valeur, au temps du décès du disposant; c'est en effet à cette époque que se fixe le droit des réservataires, qui est un droit de succession. Il ne

faut donc tenir aucun compte des augmentations ou des diminutions de valeur, que les biens extants ont pu subir depuis le décès par quelque cause que ce soit. Les experts, chargés de faire l'estimation, doivent se reporter par la pensée à l'époque du decès et estimer les biens d'après la valeur qu'ils avaient alors.

437. 2° Réunion fictive, à la masse des biens extants, des biens donnés entre vifs par le défunt. Cette réunion n'est que fictive, parce qu'elle n'est faite qu'en vue du calcul du disponible, et par conséquent sur le papier seulement.

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Doivent être compris dans cette réunion fictive tous les biens dont le défunt a disposé par donation entre vifs, et cela quelle que soit la nature de ces biens, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels; — quelle que soit l'importance de la donation, fût-elle modique, et sauf à excepter les libéralités qui ne sont pas des donations proprement dites, telles que les aumônes et peut-être aussi les présents d'usage; quelle que soit la forme de la donation, fût-elle manuelle, indirecte ou déguisée; — quelle que soit sa nature ou son caractère, fût-elle mutuelle ou faite en faveur du mariage ou pour cause pie; - quelle que soit l'époque à laquelle la donation a été consentie, fût-ce avant la naissance du réservataire, ou avant son adoption s'il s'agit d'un enfant adoptif; enfin quelle que soit la personne du donataire, eût-elle été faite à un héritier réservataire, avec ou sans dispense du rapport. Et la réunion à la masse, des biens donnés aux réservataires, peut être réclamée même par les donataires ou par les légataires, sans qu'on puisse leur objecter qu'ils n'ont pas le droit de demander le rapport aux termes de l'art. 857; car ce n'est pas un rapport qu'ils demandent, mais seulement une réunion fictive à la masse, en vue du calcul de la quotité disponible, conformément à l'art. 922.

D'après quelle base faut-il estimer les biens donnés? L'art. 922 répond: « d'après leur état à l'époque des donations et leur valeur au >> temps du décès du donateur ». D'après leur état à l'époque des dona tions, c'est-à-dire qu'il faut faire abstraction des améliorations et des détériorations provenant du fait du donataire. D'après leur valeur au temps du décès du donateur; car c'est à cette époque, comme nous l'avons déjà noté, que se fixe le droit des réservataires. Ainsi la loi veut que l'on estime les biens donnés au prix qu'ils vaudraient lors du décès du disposant, s'ils n'étaient jamais sortis de son patrimoine. Tel est certainement le sens de la formule que nous venons de transcrire, formule un peu obscure et même à bien prendre inexacte; car, si on l'appliquait à la lettre, on serait conduit à décider qu'il ne faut pas tenir compte, dans Festimation des biens donnés, des augmentations ou des diminutions de valeur résultant d'une cause accidentelle, par exemple de l'augmentation résultant d'une alluvion (art 556) ou de la diminution résultant d'une avulsio (art. 559): ce qui serait certainement inexact.

La loi ne faisant aucune distinction, il faut en conclure que les règles qui viennent d'être exposées devraient être appliquées à l'estimation des meubles donnés par le défunt, comme à celle des immeubles. Les meubles devront donc être estimés d'après

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