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quand les réservataires ont laissé passer l'année sans agir, soit que sa donation n'est pas réductible, parce qu'elle n'excède pas la quotité disponible, soit, si elle l'excède, que les héritiers entendent respecter la volonté de leur auteur et se contenter de ce qu'il leur a laissé, renonçant ainsi au droit de demander la réduction. D'ailleurs le donataire peut ignorer l'ouverture de la succession. Dans ces conditions, il eût été très dur de l'obliger à restituer des fruits qu'il a probablement consommés.

6° L'aliénation, consentie par un donataire sujet au rapport, est toujours maintenue (art. 860); il en est autrement de l'aliénation consentie par un donataire sujet à la réduction (art. 930).

Cette différence s'explique aisément, si l'on considère que, lorsqu'il s'agit d'une donation rapportable, on peut presque toujours donner satisfaction aux cohéritiers du donataire qui a aliéné, en imposant à celui-ci le rapport en moins prenant. Il n'en est pas de même quand il s'agit d'une donation réductible: si la loi n'avait pas accordé aux réservataires une action subsidiaire contre les tiers détenteurs, leur droit de réserve aurait souvent été compromis par l'insolvabilité du donataire.

* Appendice.

De la rétention et de l'imputation des dons faits

à des successibles.

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457. Le défunt a fait, au profit de l'un de ses héritiers réservataires, une donation ou un legs qui excède la quotité disponible. Deux questions s'élèvent : — 1o Dans quelle limite l'héritier est-il autorisé à retenir son don ou à réclamer son legs? 2o Sur quelle partie de la succession le don ou le legs devra-t-il être inputé? sera-ce sur la réserve ou sur la quotité disponible? Pour résoudre cette double question, il faut distinguer si l'héritier accepte la succession ou s'il la répudie.

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A. L'héritier réservataire accepte la succession.

458. Il faut sous-distinguer si la donation (entre vifs ou testamentaire) a été faite avec ou sans dispense du rapport.

a. La donation ou le legs a été fait sans dispense du rapport. Alors le successible est tenu d'en rapporter le montant à la succession (art. 843). D'autre part, la libéralité s'imputera sur la réserve du donataire, c'est-à-dire qu'elle sera considérée comme ayant été faite à titre d'avance sur cette réserve : idée contenue dans l'expression avancement d'hoirie, dont on se sert pour désigner les libéralités dont il s'agit quand elles sout faites par un acte entre vifs. Si elles devaient s'imputer sur la quotité disponible, un père, en dotant généreusement ses enfants, absorberait tout son disponible, et se mettrait ainsi dans l'impossibilité de donner quelque chose à un étranger. Résultat manifestement inacceptable ! Cpr. Cass., 31 mars 1885, Sir., 85. 1. 302.

b. La donation ou le legs a été fait par préciput et hors part. Le réservataire venant à la succession pourra retenir son don ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la quotité disponible et de sa part dans la réserve réunies; il cumulera son don avec sa réserve. Ainsi le défunt laisse deux enfants; la masse des biens, formée suivant les prescriptions de l'art. 922, est de 36,000 fr.; par conséquent la quotité disponible est de 12,000 fr., et la réserve de chaque enfant de pareille somme; Primus, l'un des deux enfants, est donataire par préciput et hors part, d'une somme de 24,000 fr., dont il a reçu le paiement. Il gardera ces 24,000 fr. et les 12,000 fr. restant seront attribués à son frère pour sa réserve. La libéralité faite à son profit s'exécutera donc pleinement.

Modifions un peu l'espèce précédente: Au lieu d'être donataire d'une somme de 24,000 fr., Primus est donataire d'un immeuble valant 24,000 fr., toujours par pré

ciput. Pourra-t-il conserver cet immeuble? Qu'il ait le droit de le conserver jusqu'à concurrence de la quotité disponible, qui est de 12,000 fr., par conséquent pour la moitié, puisque l'immeuble vaut 24,000 fr., c'est incontestable. Mais a-t-il le droit de garder aussi l'autre moitié de l'immeuble, qui représente une valeur égale à sa part dans la réserve ? ou bien doit-il la remettre dans la masse, sauf à venir au partage de cette masse avec son cohéritier? L'art. 866 résout la question dans ce dernier sens, au moins pour le cas où l'immeuble est susceptible de division. La loi dit : "... le rapport de l'excédant se fait en nature, si le retranchement de cet >> excédant peut s'opérer commodément ». Mais l'art. 924 déroge à cette règle pour le cas où il existe dans la succession d'autres biens de la même nature : « Si la » donation entre-vifs réductible a été faite à l'un des successibles, il pourra retenir, » sur les biens donnés, la valeur de la portion qui lui appartiendrait, comme héri» tier, dans les biens non disponibles, s'ils sont de la même nature ». Ainsi, dans notre espèce, Primus pourra garder tout l'immeuble, moitié comme donataire de la quotité disponible et moitié comme réservataire, s'il existe dans la succession un autre immeuble, valant 12,000 fr., ou à peu près, dont on formera le lot de Secundus.

L'art. 924 se concilie donc d'une manière fort simple avec l'art. 866. Ce dernier texte permet au réservataire, donataire par préciput d'un immeuble, de le garder jusqu'à concurrence de la quotité disponible, et l'art. 924 lui permet en outre, dans le cas particulier qu'il prévoit, de retenir ce même immeuble jusqu'à concurrence de sa part dans la réserve. L'héritier, donataire d'un immeuble par préciput, pourra donc le retenir jusqu'à concurrence de la quotité disponible cumulée avec sa part de réserve, s'il y a dans la succession des biens de même nature. L'art. 924 est venu compléter ainsi l'art. 866, et ces deux textes se trouvent en harmonie parfaite avec l'art. 859. La question n'est donc pas insoluble, comme l'a dit Levasseur.

Les partisans de la théorie du cumul, qui sera examinée bientôt, ont proposé une autre conciliation. L'art. 866 serait écrit en vue de l'héritier acceptant, et l'art. 924 en vue de l'héritier renonçant; ce dernier texte autoriserait l'héritier renonçant, même quand il n'est pas donataire par préciput, à conserver le don qui lui a été fait, jusqu'à concurrence de la quotité disponible et de sa part de réserve cumulées, au moins quand il y a dans la succession d'autres biens de la même nature. Mais, outre que rien n'annonce dans les termes de l'art. 924 qu'il a en vue le cas d'un héritier renonçant, on se demande comment le législateur aurait pu avoir la singulière idée de subordonner le droit, si considérable pour un héritier renonçant, de cumuler sa part de réserve avec le disponible, à cette circonstance, assez insignifiante en soi, on en conviendra, qu'il y ait dans la succession des biens de la même nature que ceux donnés au successible.

Il est sans difficulté que la libéralité, faite par préciput à un héritier acceptant, s'impute d'abord sur la quotité disponible.

B. L'héritier réservataire, donataire ou légataire, répudie la succession.

459. Il n'y a plus à distinguer ici si le don ou le legs a été fait avec ou sans dispense du rapport; on est d'accord sur ce point. Mais dans la pratique il n'arrivera guère qu'un héritier réservataire, donataire ou légataire par preciput et hors part, renonce à la succession; il l'acceptera presque toujours, et en pareil cas nul ne lui contestera le droit de conserver son don ou de réclamer son legs jusqu'à concurrence de sa part dans la réserve cumulée avec la quotité disponible. Souvent au contraire l'héritier réservataire, donataire en avancement d'hoirie, renoncera à la succession pour se soustraire au rapport. Nous ne nous occuperons donc que de ce dernier, mais en faisant observer que la situation serait la même pour l'héritier donataire par préciput qui renoncerait à la succession.

Ici reviennent les deux questions que nous venons de résoudre pour l'héritier acceptant: 1o Dans quelle mesure l'héritier renonçant peut-il conserver son don ou réclamer son legs? 2° Sur quelle partie de la succession s'impute ce don ou ce legs? Que l'héritier renonçant ait le droit de conserver son don ou de réclamer son legs dans les limites de la quotité disponible, c'est incontestable (art. 845). Mais a-t-il le droit en outre, de même que l'héritier donataire par préciput qui accepte, de le conserver ou de le réclamer jusqu'à concurrence de sa part dans la réserve ? C'est la célèbre question du cumul de la réserve et de la quotité disponible. Prenons une espèce Le défunt laisse deux enfants, Primus et Secundus; la masse des biens, formée selon les prescriptions de l'art. 922, est de 36,000 fr., par conséquent la quotité disponible est de 12,000 fr., et la réserve de chaque enfant, de 12,000 fr. également; de plus Primus est donataire en avancement d'hoirie de 24,000 fr., défunt a légué 12,000 fr. à un étranger, à Paul; Primus renonce à la succession. Pourra-t-il retenir les 24,000 fr. qui lui ont été donnés, cumulant ainsi le disponible avec sa part dans la réserve ? ou bien pourra-t-il seulement retenir son don jusqu'à concurrence de la quotité disponible? D'autre part, sur quelle partie de la succession faudra-t-il imputer le don ? sur la réserve ? ou sur la quotité disponible? Il y a sur cette double question trois systèmes principaux.

et le

Premier système. Le réservataire renonçant ne peut retenir son don ou réclamer son legs que dans les limites de la quotité disponible; d'autre part, la libéralité qui lui a été faite doit être imputée sur la quotité disponible. On l'assimile donc complètement à un donataire ou à un légataire étranger. Appliqué à notre espèce, ce système conduit aux résultats suivants : Primus ne conservera que 12,000 fr. sur les 24,000 qui lui ont été donnés, l'excédent devra être remis à la masse; le legs fait à Paul est caduc, parce que le don fait à Primus s'impute sur la quotité disponible et l'épuise; Secundus prend les 24,000 fr. restant.

DEUXIÈME SYSTÈME. Le réservataire renonçant ne peut retenir son don ou réclamer son legs que dans les limites de la quotité disponible; mais la libéralité s'impute sur la réserve du donataire, et subsidiairement sur la quotité disponible. Théorie fantastique, a dit le procureur général Dupin. Appliquée à notre espèce, elle conduit au résultat que voici: Primus renonçant conserve 12,000 fr.; le legs fait à Paul s'exécute, et Secundus obtient les 12,000 fr. restant.

TROISIÈME SYSTÈME. Le réservataire renonçant peut retenir son don ou réclamer son legs jusqu'à concurrence de la quotité disponible et de sa part dans la réserve cumulées; d'autre part le legs s'impute sur la quotité disponibles Ce qui donne dans notre espèce les résultats suivants : Primus garde les 24,000 fr. qu'il a reçus; le legs fait à Paul est caduc; Secundus obtient 12,000 fr.

460. C'est en 1818 que la question s'est présentée pour la première fois devant la cour de cassation. Par un arrêt en date du 18 février (arrêt Laroque de Mons), la cour consacra le premier système, le système du non-cumul. Cet arrêt, fort bien motivé, paraissait devoir fixer irrévocablement la jurisprudence; il en fut autrement. En 1829, la cour consacra le deuxième système (non-cumul avec imputation sur la réserve). C'était une brèche qui ne devait pas manquer, à courte échéance, de donner passage au troisième système. Et en effet la cour consacra le système du cumul par une série d'arrêts dont le premier date de 1843. Cette nouvelle jurisprudence rencontra une vive opposition tant de la part des cours d'appel que du côté de la doctrine. M. Demolombe, partisan de la théorie du non-cumul, faisait des vœux pour que la question se présentât devant les chambres réunies de la cour de cassation. Ce vœu s'est réalisé en 1863, et la cour a donné raison à M. Demolombe ou plutôt aux véritables principes. Par un arrêt en date du 27 novembre, la cour, condamnant sa jurisprudence antérieure, en est revenue au premier système,

au système du non-cumul. La question semble donc aujourd'hui définitivement résolue. Cpr. Cass., 10 novembre 1880, Sir., 81. 1. 97. Aussi indiquerons-nous très sommairement les motifs principaux sur lesquels cette solution est fondée.

1o La réserve n'est qu'une portion de la succèssion ab intestat, vérité déjà acquise (supra n. n. 407 et 408); il faut donc être héritier pour y avoir droit. Par suite, l'héritier qui renonce perd par cela même tout droit à la réserve; car il est censé n'avoir jamais été héritier (art. 785); il ne peut donc plus avoir droit qu'à la quotité disponible. On objecte dans la théorie du cumul que, s'il en est ainsi de l'héritier renonçant qui réclame sa réserve par voie d'action, il en est autrement de celui qui la réclame par voie d'exception, étant déjà nanti. Il suffit de répondre que la loi ne fait nulle part cette distinction.

2° Aux termes de l'art. 845: « L'héritier qui renonce à la succession, peut cepen>> dant retenir le don entre-vifs, ou réclamer le legs à lui fait, jusqu'à concurrence » de la portion disponible ». Voilà qui est topique. En assimilant complètement le successible qui renonce à un étranger, cet article prouve deux choses: 1° que le réservataire qui renonce ne peut pas cumuler sa réserve avec la quotité disponible; 2o que la libéralité qui lui a été faite doit s'imputer sur la quotité disponible. Il est curieux de voir ce que les partisans de la théorie du cumul ont fait d'efforts désespérés pour échapper à l'autorité écrasante de ce texte, qui est limpide à force d'être clair, comme l'a dit M. Faustin Hélie. Nous ne ferons pas l'histoire de leurs vaines tentatives.

3o La théorie du cumul autorise un enfant, qui n'est donataire qu'en avancement d'hoirie, à transformer la libéralité que le défunt lui a faite en une libéralité préciputaire il lui suffit pour cela de renoncer à la succession. Est-ce admissible? De plus elle conduit à consacrer, contrairement à la volonté bien évidente du père de famille, une inégalité marquée entre plusieurs enfants dont l'un est donataire en avancement d'hoirie. L'enfant sera préciputaire sans clause de préciput, et réservataire quoiqu'il ait renoncé à la succession. Est-ce là le code civil? s'écrie le procureur général Dupin. Le successible, donataire en avancement d'hoirie, qui renonce à la succession dans l'espoir de cumuler le disponible avec sa part dans la réserve, est un mauvais fils et un mauvais frère : un mauvais fils, car sa renonciation a quelque chose d'offensant pour la mémoire du défunt; un mauvais frère, car il cherche à s'enrichir au détriment de ses frères. Le code civil a-t-il pu vouloir favoriser un calcul à la fois aussi impie et aussi égoïste!

CHAPITRE IV

DES DONATIONS ENTRE VIFS

461. Ce chapitre est divisé en deux sections. La première traite de l'irrévocabilité des donations entre vifs, et par conséquent de leur forme qui a été prescrite principalement dans le but d'assurer cette irrévocabilité; la deuxième est consacrée aux exceptions à la règle de l'irrévocabilité.

SECTION PREMIÈRE

DE LA FORME DES DONATIONS ENTRE VIFS

§ I. De la solennité de la donation entre vifs.

No 1. Règles générales.

462. La donation entre vifs, nous l'avons déjà dit, est un contrat solennel ce qui signifie qu'elle est soumise à certaines formes prescrites à peine de nullité, disons mieux à peine d'inexistence du contrat. La forme présente donc ici une importance toute particulière, puisqu'elle est nécessaire pour vivifier le consentement des parties, qui, s'il n'est pas revêtu de cette enveloppe légale, ne produira aucun effet de droit. C'est ici la forme qui donne l'existence à la chose, forma dat esse rei, à la différence de ce qui a lieu dans les contrats consensuels, qui sont parfaits par le seul consentement des parties, solo consensu perficiuntur.

La solennité du contrat de donation consiste principalement en ce que la volonté du donateur de se dépouiller au profit du donataire et la volonté de celui-ci d'accepter la donation, doivent être constatées par acte notarié. Le notaire est le seul officier public compétent pour recevoir les donations et en dresser acte. C'est ce qui résulte des art. 931 et 932, ainsi conçus :

Art. 931. Tous actes portant donation entre-vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats; et il en restera minute, sous peine de nullité.

Art. 932. La donation entre-vifs n'engagera le donateur, et ne produira aucun effet, que du jour qu'elle aura été acceptée en termes exprès. L'acceptation pourra être faite du vivant du donateur, par un acte postérieur et authentique, dont il restera minute; mais alors la donation n'aura d'effet, à l'égard du donateur, que du jour où l'acte qui constatera cette acceptation lui aura été notifié.

L'acte notarié qui constate le consentement du donateur et du donataire tout à la fois, ou la volonté de chacun d'eux séparément, doit être dressé conformément aux prescriptions de la loi du 25 ventôse de l'an XI et de la loi du 21 juin 1843. L'art. 2 de cette dernière loi met la donation au nombre des actes, pour lesquels la présence réelle du notaire en second ou des témoins instrumentaires est exigée à peine de nullité, au moins au moment de la lecture de l'acte par le notaire et de sa signature par les parties. La donation serait inexistante, si l'acte notarié qui la constate était nul pour contravention à l'une des deux lois précitées. Cpr. art. 1339. Voyez toutefois art. 1340.

463. Le plus souvent, le donateur et le donataire se présenteront ensemble devant un même notaire pour faire dresser acte de leurs consentements respectifs. Alors l'offre du donateur, d'une part, et l'acceptation du donataire, d'autre part, seront constatées simultanément

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