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592. DEUXIÈME FORMALITÉ, Envoi en possession. « Dans le cas de l'arti »cle 1006, si le testament est olographe ou mystique, le legataire univer» sel sera tenu de se faire envoyer en possession, par une ordonnance du » président, mise au bas d'une requête, à laquelle sera joint l'acte de » dépôt » (art. 1008). Ce texte, à la différence de celui qui précède, est spécial au légataire universel. Nous venons de voir que le légataire universel saisi peut, lorsqu'il est institué par un testament authentique, appréhender de sa propre autorité les biens compris dans son legs: son titre est exécutoire, et il l'exécute en prenant possession. Il n'en est pas de même du légataire universel saisi, institué par un testament olographe ou mystique : son titre n'étant qu'un acte sous seing privé, est dépourvu de la force exécutoire; c'est l'envoi en possession qui la lui conférera. A dater du moment où il l'aura obtenu, il sera dans la nième situation que s'il était institué par un testament authentique; il pourra donc se mettre en possession.

C'est au président du tribunal de l'arrondissement dans lequel la succession s'est ouverte que l'envoi en possession doit être demandé. A cet effet le légataire lui adresse une requête, au bas de laquelle le président met, s'il y a lieu, l'ordonnance d'envoi en possession. L'acte de dépôt du testament doit être joint à la requête. L'ordonnance du président, qui accorde l'envoi en possession, est un acte de juridiction volontaire ou gracieuse : ce qui signifie qu'il ne s'élève aucun débat contradictoire entre les parties intéressées, les héritiers légitimes d'une part et le légataire d'autre part, au sujet de l'envoi en possession. L'ordonnance est rendue sur la demande d'une seule partie, le légataire; les héritiers, au préjudice desquels l'envoi en possession est demandé, ne doivent même pas être appelés : ce qui n'est pas exclusif du droit pour le président d'entendre leurs dires et observations s'ils se présentent. On oppose les actes de juridiction gracieuse aux actes de juridiction contentieuse. Ces derniers supposent un débat contradictoire entre les parties tel est le jugement qui statue sur la demande en délivrance, formée par le légataire non saisi dans le cas de l'art. 1004.

De ce principe que l'ordonnance du président rendue aux termes de l'art. 1008 est un acte de juridiction gracieuse, résultent plusieurs conséquences, et entre autres les deux suivantes :

1o L'ordonnance d'envoi en possession, rendue après un examen nécessairement superficiel du testament, n'en préjuge pas la validité, et ne porte aucune atteinte au droit qui appartient aux héritiers de l'attaquer soit pour vice de forme, soit pour insanité d'esprit du disposant. Cass., 23 mars 1885, Sir., 85. 1. 491. Seulement, pendant le cours du procès engagé sur la validité du testament, c'est le légataire envoyé en possession qui conservera la possession des biens, sauf l'application des mesures conservatoires dont il va être parlé bientôt;

2o Les héritiers légitimes du testateur n'ont aucune voie de recours contre l'ordonnance d'envoi en possession: ni l'opposition, car il ne suffit pas d'être défaillant pour pouvoir exercer cette voie de recours, il faut que la présence du défaillant fût requise; ni la voie de l'appel, car elle n'existe que contre les jugements, et non contre les décisions qui, comme celle dont il s'agit, ne portent grief aux droits de personne. Paris, 26 mars 1884, Sir., 86. 2. 28. Cette deuxième conséquence est toutefois contestée, et il y a des décisions judiciaires en sens contraire. V. notamment Nancy, 19 mai 1883, Sir., 84. 2. 124.

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Mais, de ce que l'envoi en possession est un acte de juridiction gracieuse, il ne s'ensuit pas que le président du tribunal doive nécessairement l'accorder par cela seul qu'il lui est demandé, et par conséquent sans aucun examen. Le projet, dont la rédaction primitive paraissait condamner le président à jouer ici un rôle purement passif, a été modifié sur les observations du tribunat. Ce magistrat doit donc statuer cognita causa. Ainsi il ne manquera pas de refuser l'envoi en possession, si le testament est nul pour vice de forme, par exemple si c'est un testament olographe non signé, ou s'il apparaît manifestement que le legs n'est pas universel, ou ́ s'il existe des héritiers réservataires... Au surplus, la loi n'ayant pas défini le rôle du président, son pouvoir en cette matière est discrétionnaire.

On admet d'ailleurs que l'ordonnance d'envoi en possession ne fait pas obstacle à l'application de mesures conservatoires, destinées à assurer, le cas échéant, la restitution des biens aux héritiers légitimes qui attaquent le testament. Parmi ces mesures, les principales sont l'apposition des scellés, l'inventaire et même le séquestre des biens héréditaires (arg. art. 1961). Cpr. Nancy, 6 mars 1885, Sir., 86. 2. 117. Par une juste réciprocité, des mesures semblables pourraient être ordonnées au profit du légataire, auquel l'envoi en possession aurait été refusé et qui s'adresse à la justice pour faire valoir ses droits.

III. Dans quelle mesure le légataire universel est tenu des dettes,

charges et legs.

593. Aux termes de l'art. 1009 : « Le légataire universel qui sera en » concours avec un héritier auquel la loi réserve une quotité des biens, » sera tenu des dettes et charges de la succession du testateur, personnel» lement pour sa part et portion, et hypothécairement pour le tout; et il » sera tenu d'acquitter tous les legs, sauf le cas de réduction, ainsi qu'il » est expliqué aux articles 926 et 927 ».

Le légataire universel, qui n'est pas en concours avec un héritier réservataire (hypothèse dont notre article ne s'occupe pas, parce qu'elle ne pouvait donner lieu à aucune difficulté), est tenu de toutes les dettes et charges de la succession; il en est même tenu ultra vires, s'il n'a pas accepté sous bénéfice d'inventaire (supra n. 33). Ce mème légataire doit payer tous les legs, sans pouvoir exercer aucune retenue, à titre de quarte Falcidie, comme cela avait lieu autrefois dans les pays de droit écrit, d'après les traditions du droit romain.

En ce qui concerne le légataire universel qui se trouve en concours avec un héritier réservataire, il faut distinguer d'une part les dettes et charges et d'autre part les legs.

a. Dettes et charges. La loi comprend ici sous le nom de charges les frais funéraires et les frais d'inventaire, de liquidation et de partage: d'une manière générale, toutes les dettes posthumes, quæ ab herede cœperunt. Les dettes et charges grèvent la succession tout entière, la partie réservée aussi bien que la partie disponible; par suite tous ceux qui recueillent une quote-part de la succession doivent contribuer proportionnellement aux dettes et charges. Les dettes et charges 3o éd., II.

PRÉCIS DE DROIT CIVIL.

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se répartiront donc entre les héritiers réservataires et le légataire universel proportionnellement à la quote-part que chacun d'eux prend dans la succession. Ainsi un légataire universel, qui se trouve en concours avec un enfant du défunt, contribuera aux dettes et charges pour la moitié, parce qu'il recueille la moitié de la succession (arg. art. 913); par conséquent les créanciers héréditaires auront une action personnelle contre lui dans cette mesure. C'est ce que dit l'art. 1009, qui résout une question d'obligation aux dettes. En outre, si la dette est hypothécaire, le légataire universel, dans le lot duquel aura été mis l'immeuble hypothéqué à la dette, pourra être poursuivi pour le total par l'action hypothécaire, à cause de l'indivisibilité de l'hypothèque, mais sauf son recours contre les héritiers réservataires pour leur part contributoire.

b. Legs. A la différence des dettes, les legs sont une charge, non de la succession tout entière, mais seulement de la portion disponible. D'où la conséquence que le légataire universel doit les payer tous, puisqu'il recueille toute la quotité disponible; autrement la réserve de l'héritier serait entamée. Mais, si le légataire universel est obligé de payer tous les legs, il n'est pas tenu de les payer intégralement. Subissant lui-même une réduction par suite de la présence des héritiers réservataires, il a le droit d'en imposer une semblable aux autres légataires, tous les legs devant être réduits au marc le franc, quand ils excèdent dans leur ensemble la quotité disponible (art. 926). C'est en disant que le légataire universel est tenu d'acquitter tous les legs, sauf le cas de réduction.

cette idée qu'exprime l'art. 1009,

La loi dit « sauf le cas de réduction », et non pas sauf la réduction, parce que le légataire universel ne peut pas toujours faire subir aux autres légataires une réduction semblable à celle qu'il subit lui-même. Il résulte en effet de l'art. 927 que le légataire universel est tenu de payer intégralement les legs, que le testateur a déclaré expressément devoir être acquittés de préférence aux autres. On s'explique ainsi que notre texte ne renvoie pas seulement à l'art. 926, mais aussi à l'art. 927.

IV. Des actions qui appartiennent au légataire universel pour
obtenir l'exécution de son legs.

594. Le légataire universel devient propriétaire des biens compris dans son legs aussitôt que son droit est ouvert (art. 711 et 1014). Par suite, s'il est saisi, il a l'action en pétition d'hérédité contre tous ceux qui détiennent les biens de la succession pro herede, et l'action en revendication contre ceux qui détiennent ces mêmes biens à un autre titre; il a en outre l'action personnelle contre les débiteurs de la succession. Que s'il n'est pas saisi, parce qu'il se trouve en concours avec des héritiers réservataires (art. 1004), il est dans l'indivision avec ceux-ci, et peut intenter contre eux l'action en partage (art. 815), qui n'est autre chose dans ce cas que le mode d'exercice de l'action en délivrance. Le partage opéré, il aura l'action réelle contre tous ceux qui détiennent les biens de la succession mis dans son lot, et l'action personnelle contre les débiteurs des créances qui lui ont été attribuées par le partage.

SECTION V

DU LEGS A TITRE UNIVERSEL

595. A l'imitation de notre ancien droit, le projet du code civil ne distinguait pas le legs à titre universel du legs universel. La, trace de cette confusion entre les deux espèces de legs se retrouve encore dans plusieurs articles, notamment les art. 871 et 909, dans lesquels le législateur comprend sous une même dénomination, qui est tantôt celle de légataire universel tantôt celle de légataire à titre universel, tous les légataires qui ont vocation soit à l'universalité tout entière, soit à une quote-part de l'universalité. La distinction entre le legs universel et le legs à titre universel se fit jour au sujet de la question de savoir si le légataire aurait droit à la saisine. Ne voulant l'accorder (et encore sous certaines conditions) qu'au légataire ayant vocation à l'universalité tout entière, jamais à celui qui n'a vocation qu'à une quote-part de l'universalité, le législateur fut conduit à distinguer le legs à titre universel du legs universel.

596. Définition. L'art. 1010 nous donne une définition du legs à titre universel, ou plutôt une énumération des cas dans lesquels une disposition a ce caractère : « Le legs à titre universel est celui par » lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet » de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout » son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son » mobilier. Tout autre legs ne forme qu'une disposition à titre parti» culier ». Il résulte de ce texte qu'on doit considérer comme étant à titre universel:

1° Le legs d'une quote-part de la quotité disponible, telle que la moitié, le tiers, le quart. Le legs de la quotité disponible tout entière serait universel, ainsi qu'il a été expliqué plus haut (n. 580);

2o Le legs d'une quote-part du patrimoine;

La loi ne le dit pas, mais cela ne peut faire de doute. Si le legs d'une quote-part de la quotité disponible, qui est elle-même une quote-part du patrimoine, est à titre universel, à plus forte raison le legs d'une quote-part du patrimoine tout entier. 3o Le legs de tous les immeubles. Peu importe d'ailleurs que le legs porte sur la pleine propriété ou seulement sur la nue propriété ; En ce sens, Cass., 3 décembre 1872, Sir., 73. 1. 73.

4° Le legs de tout le mobilier;

5o Le legs d'une quote-part des immeubles;

6o Le legs d'une quote-part du mobilier.

Notre ancien droit, dans lequel la succession aux meubles était régie par des règles toutes différentes de la succession aux immeubles, avait été conduit à considérer les immeubles et le mobilier comme constituant des universalités en sousordre, genera subalterna, dit Pothier, avec leur actif et leur passif, et dont la réunion constituait la grande universalité connue sous le nom de patrimoine. Les légataires du mobilier et des immeubles étaient donc des légataires d'universalités. Le code civil, qui ne considère plus la nature ni l'origine des biens pour en régler la dévolution, aurait peut-être été plus conséquent avec lui-même, en considérant les

legs de la totalité ou d'une quote-part des immeubles ou du mobilier comme des legs à titre particulier.

597. L'art. 1010, après avoir énuméré les différents cas dans lesquels une disposition est à titre universel, définit le legs à titre particulier dans les termes suivants : « Tout autre legs ne forme qu'une dis» position à titre particulier ». Le legs à titre particulier est donc celui qui n'est ni universel ni à titre universel. Quoique négative, cette définition était peut-être la meilleure que l'on pût donner, le legs à titre particulier comprenant un nombre considérable d'espèces distinctes 'qu'il eût été difficile d'embrasser dans une définition positive.

D'après notre définition, on doit considérer comme étant à titre particulier le legs de tous les immeubles que le testateur possède dans telle commune, ou de tous ses bois, de tous ses prés, de toutes ses vignes... Et il importerait peu qu'en fait la disposition comprît tous les immeubles dont le testateur se trouve propriétaire lors de son décès, comme il arriverait par exemple si, le testateur ayant légué tous ses immeubles ruraux, ne laissait que des immeubles de cette nature. Cette circonstance, toute de fait, ne saurait influer sur le caractère du legs. Le légataire n'était pas appelé par son titre à recueillir tous les immeubles dans l'espèce qui vient d'être proposée en dernier lieu, il n'aurait eu aucun droit aux immeubles urbains dont le testateur aurait pu faire l'acquisition; donc le legs est à titre particulier.

Le legs de l'usufruit de tous les biens du testateur, ou à plus forte raison d'une quote-part de ces biens, n'est également qu'un legs à titre particulier. En effet il est impossible de le considérer comme universel, le légataire n'ayant pas vocation à l'universalité puisqu'il n'aura jamais la nue propriété. D'autre part, cette disposition ne rentre dans aucun des cas prévus par l'art. 1010, qui définit le legs à titre universel. Donc, d'après notre définition, il est à titre particulier.

Qu'importe après cela que les art. 610 C. civ. et 942 C. pr. appellent légataire universel d'usufruit celui auquel l'usufruit de tous les biens a été légué, et légataire à titre universel celui auquel a été légué l'usufruit d'une quote-part des biens? Le législateur ne se préoccupait nullement dans ces articles de déterminer la nature du legs d'usufruit : il a donc pu se montrer peu scrupuleux dans le choix des expressions. D'ailleurs tout le monde reconnaît qu'il est impossible, malgré ces textes, de considérer le légataire de l'usufruit de tous les biens comme un légataire universel. Alors il n'y a pas lieu de se préoccuper davantage de la qualification de légataire à titre universel que contiennent ces mêmes articles. - Qu'importe aussi que les art. 610 et suivants obligent le légataire d'un usufruit universel ou à titre universel à supporter l'intérêt de toutes les dettes ou d'une quote-part des dettes du disposant? Ce n'est qu'une application de ce principe que la jouissance passive est une charge de la jouissance active. Malgré ces raisons, la cour de cassation considère le légataire de l'usufruit de tous les biens comme un légataire à titre universel. Cette solution n'a même pas pour elle le texte de l'art. 610, qui donne au légataire de l'usufruit de tous les biens la qualification de légataire universel. Aussi la

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