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corps certain, le légataire, qui a survécu à l'accomplissement de la condition, sera réputé avoir été propriétaire de la chose léguée dès le moment du décès, et par suite il y aurait lieu de maintenir les aliénations et les constitutions de droits réels qu'il aurait faites dans l'intervalle du décès à la réalisation de la condition. Au contraire, les aliénations et les constitutions de droits réels, provenant du chef de l'héritier, seraient à considérer comme non avenues.

Toutefois, le légataire n'aurait pas droit aux fruits que l'héritier a pu toucher dans l'intervalle écoulé depuis le décès jusqu'à la réalisation de la condition. C'est ce que l'on peut induire par argument de l'art. 1014, qui n'accorde les fruits au légataire qu'à compter de sa demande en délivrance ou de la délivrance qui lui aurait été volontairement consentie.

Dans l'intervalle qui s'écoule entre le décès du testateur et la réalisation de la condition, le légataire à un droit conditionnel (avant le décès du testateur il n'avait aucun droit). Il pourra donc accomplir des actes conservatoires, par exemple inscrire l'hypothèque légale que lui accorde l'art. 1017 ou le droit de séparation des patrimoines résultant pour lui de l'art. 2111 (arg. art. 1180).

654. Il y a des legs qui deviennent rarement caducs par le prédécès du légataire; ce sont ceux faits à des personnes morales, telles qu'un hospice, une congrégation religieuse dûment autorisée. La raison en est que ces personnes meurent difficilement. Elles meurent quelquefois cependant, comme il arriverait pour une congrégation religieuse qui se verrait retirer l'autorisation à laquelle elle doit son existence légale; et il est clair que, si cet événement se réalisait avant l'ouverture du legs, le legs deviendrait caduc.

655. 2o Incapacité du légataire. Aux termes de l'art. 1043 : « La dis» position testamentaire sera caduque, lorsque l'héritier institué ou le » légataire la répudiera, ou se trouvera incapable de la recueillir ». Il s'agit d'une incapacité survenue depuis la confection du testament, telle que (c'est à peu près le seul exemple que l'on puisse citer) l'incapacité résultant de la condamnation du légataire à une peine afflictive perpétuelle (loi du 31 mai 1854, art. 3) L'incapacité, dont le légataire se trouverait frappé à l'époque de la confection du testament, serait une cause de nullité de la disposition, et non une cause de caducité. 656. 3° Repudiation du legataire (art. 1043). Le bénéfice du legs ne peut pas être acquis au légataire malgré lui, invito beneficium non præstatur. Il peut d'ailleurs avoir de bons motifs pour le refuser.

Par application de la règle qui interdit les pactes sur succession future, il y aurait lieu de considérer comme nulle, et même comme inexistante, la renonciation que le légataire aurait faite à son legs avant le décès du testateur (arg. art. 791, 1130, 1600). Mais, aussitôt cet événement survenu, le légataire peut répudier, alors même que le legs serait conditionnel.

Le même principe conduit à déclarer inexistante la convention par laquelle les héritiers présomptifs d'une personne s'engageraient, pendant la vie de cette personne, à considérer comme non avenue toute disposition testamentaire par laquelle elle avantagerait l'un d'eux au préjudice des autres. Cass., 13 mai 1884, Sir., 84. 1. 337. 2. Cause de caducité relative à la chose léguée: perte la chose.

657. « Le legs sera caduc, si la chose léguée a totalement péri pendant » la vie du testateur. Il en sera de même, si elle a péri depuis sa

» mort, sans le fait et la faute de l'héritier, quoique celui-ci ait été mis » en retard de la délivrer, lorsqu'elle eût également du périr entre les » mains du légataire» (art. 1042).

Un legs ne peut devenir caduc par la cause qui nous occupe qu'autant qu'il a pour objet une chose certaine et determinée, exemple: la maison sise cours de Tourny 52 à Bordeaux, mais non s'il porte sur une chose déterminée seulement quant à son espèce (genus limitatum), comme un cheval in genere, dix mesures de froment; car, pour que la chose léguée périt, en pareil cas, il faudrait que le genre auquel elle appartient périt tout entier; or genus nunquam perit.

Pour déterminer les effets que produit la perte de la chose léguée, il faut distinguer avec soin le cas où cette chose a péri avant l'ouverture du legs et celui où elle a péri après.

658. a. La chose léguée a peri avant l'ouverture du legs, c'est-à dire avant la mort du testateur, si le legs est pur et simple ou a terme, ou même depuis cet événement, mais avant la réalisation de la condition, s'il est conditionnel. La disposition est alors caduque: en effet le droit du légataire ne peut pas naître, puisqu'au moment fixé pour son ouverture l'objet du droit n'existe plus. Toutefois, pour qu'il en soit ainsi, il faut que la chose léguée ait péri totalement. Si elle n'a péri que partiellement, le legs produira son effet quant à la portion qui subsiste. Ainsi, le troupeau légué ayant été ravagé par une épidémie, le légataire aura droit à la portion qui a été épargnée. D'ailleurs, au cas de perte totale, le legs tombe pour le tout; le légataire n'aura donc pas droit aux accessoires de la chose ni aux débris qui en subsistent. Ainsi celui auquel a été légué un cheval harnaché ne pourra pas réclamer le harnais ni le cuir de l'animal mort avant l'ouverture du legs.

La perte totale de la chose léguée entraîne la caducité du legs, quelle que soit la nature de cette chose et alors même qu'elle serait incorporelle. Les choses incorporelles sont même plus exposées à périr, juridiquement parlant, que les choses corporelles. Ainsi le legs d'une créance deviendra caduc, si le testateur en a touché le montant. En recevant le paiement d'une créance, on l'anéantit; car le paiement est une des causes d'extinction des obligations. Et toutefois il en serait autrement, sil était démontré que le testateur a entendu léguer le montant de la créance, plutôt que la créance elle-même, de telle sorte que, dans sa pensée, la créance n'a été indiquée que comme mode de recouvrement du legs; en pareil cas, le legs ne deviendrait pas caduc par suite de cette circonstance, que le testateur aurait touché la créance. Cass., 6 janvier 1874, Sir., 74. 1. 212.

La perte de la substance de la chose léguée équivaut à sa perte totale, et rend par suite le legs caduc. Il y a destruction de la substance d'une chose, lorsqu'elle a subi des transformations si profondes, si radicales, qu'elle est devenue une chose différente, portant un autre nom. Ainsi un testateur a légué du bois de construction; avant sa

mort ce bois a été transformé en un navire. La substance de la chose est périe, et par suite le legs caduc; le légataire n'a pas droit au navire. Les changements de forme accessoires, qui modifient la chose sans la dénaturer, par exemple la transformation d'une terre labourable en une vigne ou réciproquement, n'entraîneraient pas la caducité du legs; malgré ces changements, la chose conserve sa mème nature juridique. A plus forte raison en serait-il de mème des changements qui laissent subsister la forme de la chose et son nom. C'est ainsi que le legs d'un bateau ne deviendrait pas caduc, par cela seul qu'il aurait été réparé un si grand nombre de fois qu'il ne subsisterait plus une seule planche de sa construction primitive; malgré ces changements, c'est toujours le même bateau.

Quand la chose léguée périt pendant la vie du testateur, il importe peu que ce soit par cas fortuit, ou par le fait du testateur, de l'héritier ou d'un tiers; le résultat est dans tous les cas le même, la caducité du legs. Et le légataire n'aurait pas droit aux dommages et intérêts, qui peuvent être dus ou qui ont pu être payés par l'auteur de la destruction. Ces dommages et intérêts ou l'action pour les obtenir appartiennent à la succession.

Si le legs est conditionnel, la perte de la chose, survenue dans le temps intermédiaire entre le décès du testateur et l'accomplissement de la condition, entraînerait aussi la caducité du legs; seulement, si la condition se réalise, le légataire aura une action en dommages et intérêts contre l'héritier ou le tiers par la faute ou par le fait duquel la chose a péri (arg. art. 1179).

659. b. La chose léguée a péri après l'ouverture du legs. Il ne peut être question de caducité dans cette hypothèse. Comment en effet le legs pourrait-il devenir caduc, puisqu'il a produit tout son effet au profit du légataire qui est devenu propriétaire de la chose léguée (art. 1014)? Par définition mème, la caducité empêche le legs de produire son effet; par conséquent un legs qui a déjà produit tout son effet ne saurait devenir caduc. L'art. 1042 a donc tort de dire que le legs est caduc si la chose a péri depuis la mort du testateur. Cela n'est exact que dans le cas assez rare où, s'agissant d'un legs conditionnel, la chose a péri dans l'intervalle écoulé entre le décès du testateur et la réalisation de la condition. Ce qui a sans doute fait illusion sur l'esprit du législateur, c'est que la perte de la chose, survenue après l'ouverture du legs, est en principe pour le compte du légataire; et, comme la caducité a aussi pour résultat de priver le légalaire de la chose léguée, le législateur a pu être conduit à assimiler la première hypothèse à la seconde. Ce n'est pas une dispute de mots. En effet, le legs étant caduc par hypothèse, comme le dit inexactement notre article, le légataire n'a droit ni aux accessoires de la chose ni à ses débris. Il peut les réclamer au contraire, en vertu de la règle Quod ex re mea superest meum est, si l'on décide conformément à la raison et aux principes

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que le legs n'est pas caduc. Evidemment, c'est à cette dernière solution qu'il faut s'en tenir. Les termes employés par le législateur ont certainement trahi sa pensée.

Les mots qui terminent l'art 1042 ne sont qu'une application particulière du principe posé par l'art. 1302 al. 2. Voyez l'explication de ce texte.

§ III. Effets de la nullité, de la révocation et de la

caducité des legs.

660. Le legs nul, révoqué ou caduc est réputé non écrit, pro non scripto habetur. En conséquence, la nullité, la révocation ou la caducité profite à celui qui était chargé d'acquitter le legs ou au préjudice duquel aurait eu lieu son exécution.

Ainsi, le défunt laissant un frère comme plus proche héritier et un légataire universel, la nullité, la révocation ou la caducité du legs universel profitera au frère; car c'est à son préjudice que le legs aurait reçu son exécution.- De même, si un testateur a fait un legs universel et un legs à titre particulier, la nullité, la révocation ou la caducité du legs à titre particulier profitera au légataire universel, qui aurait souffert de son exécution; sans qu'il y ait à distinguer si le défunt laisse ou non des héritiers réservataires. Si l'on suppose qu'il y ait un légataire universel, un légataire à titre universel des immeubles et un légataire particulier d'un immeuble déterminé, la nullité, la révocation ou la caducité de ce dernier legs profitera au légataire à titre universel, qui est chargé de l'acquitter. Il pourrait même se faire, en vertu de notre principe, que la nullité, la révocation ou la caducité d'un legs profitât à un légataire particulier; ainsi la caducité du legs que le testateur a fait d'un ouvrage de sa bibliothèque, profiterait au légataire de la bibliothèque.

La règle qui vient d'être établie souffre exception dans deux cas. 1° En cas de substitution vulgaire. Ainsi le testateur a dit: « Je lègue tel immeuble à Paul, et, au cas où celui-ci ne pourrait ou ne voudrait recueillir le bénéfice du legs, je lègue ce même immeuble à Pierre (art. 898).

Une exception du même genre aurait lieu aussi au cas de substitution fidéicommissaire, la substitution fidéicommissaire contenant implicitement une substitution vulgaire.

2o Lorsqu'il y a lieu à l'accroissement. Il faut supposer qu'une même chose a été léguée conjointement à plusieurs, et que, parmi les légataires, les uns viennent recueillir le bénéfice du legs, tandis que les autres font défaut. En vertu du droit d'accroissement, ceux qui viennent prendront la part de ceux qui ne viennent pas : la part des défaillants accroîtra à la part de ceux qui ne font pas défaut. Quand il y lieu au

droit d'accroissement, la nullité, la révocation ou la caducité du legs fait à l'un des colégataires profite aux autres, au lieu de profiter suivant le droit commun au débiteur du legs. Ainsi un testateur a dit : « Je lègue ma maison à Pierre et à Paul conjointement ». Si Paul fait défaut, par exemple s'il meurt avant le testateur, sa part accroîtra à Pierre qui aura droit à toute la maison. La caducité du legs fait à Paul profite donc ici à Pierre, au lieu de profiter à l'héritier suivant le droit

commun.

661. Pour qu'il y ait lieu au droit d'accroissement entre colégataires, il faut que la même chose ait été léguée tout entière à chaque colégataire, que chacun soit appelé, éventuellement au moins, par son titre, à la recueillir en totalité; il faut en d'autres termes qu'il y ait solidarité de vocation entre tous les colégataires. Quand cette solidarité de vocation existe (nous verrons qu'elle ne peut résulter que de la volonté expresse ou présumée du testateur), si tous les colégataires répondent à l'appel, il faut nécessairement opérer entre eux le partage de la chose; car il est impossible de la donner tout entière à chacun, bien que chacun en soit légataire pour le tout le concours des divers ayant droit amène nécessairement un partage de la chose, concursu partes fiunt. Mais, si l'un des colégataires fait défaut, soit parce que son legs est caduc, soit parce qu'il est nul ou révoqué, il y aura un copartageant de moins; et, si tous font défaut moins un, le droit de ce dernier, ne rencontrant plus en face de lui aucun droit rival, pourra s'exercer dans toute sa plénitude, et la totalité de la chose lui appartiendra.

Tel est le droit d'accroissement. Il a pour base, on le voit, la volonté du testateur, en l'absence de laquelle il y aurait lieu à l'application du droit commun, d'après lequel la caducité d'un legs profite au débiteur de ce legs.

Comment connaitra-t-on cette volonté ? Nulle difficulté si le testateur l'a manifestée en termes exprès, s'il a dit par exemple: « La part des colégataires qui feront défaut accroîtra aux autres », ou s'il a dit (formule que la loi considère comme équivalente) que le legs leur est fait CONJOINTEMENT; ou si, quelles que soient les expressions dont il s'est servi, sa volonté résulte d'une manière certaine des termes du testament.

Mais souvent la volonté du testateur restera douteuse. Alors le législateur l'interprète d'après la formule du legs. Pour comprendre les dispositions du code civil sur ce point, il est indispensable de connaitre la source à laquelle on les a puisées.

662. Nos anciens auteurs distinguaient à ce sujet, d'après le droit

PRÉCIS DE DROIT CIVIL. - 3e éd., II.

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