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752. Le donataire, qui opté pour les biens présents, a droit à tous. les biens qui appartenaient au donateur lors de la donation (en supposant, bien entendu, que la donation soit universelle); il peut donc revendiquer entre les mains des tiers détenteurs les immeubles qui auraient été aliénés même à titre onéreux par le donateur, et n'est pas obligé de respecter les droits réels dont il les aurait grevés. Le tout pourvu que la donation ait été transcrite, car les tiers sont présumés en ignorer l'existence tant que cette formalité n'a pas été remplie. Mais d'un autre côté, le donataire, qui opte pour les biens présents, doit payer toutes les dettes présentes; elles viennent de plein droit en déduction des biens présents, non sunt bona nisi deducto ære alieno. Et comme, en l'absence d'une constatation régulière, il ne manquerait pas de s'élever des difficultés sur le point de savoir quelles étaient les dettes présentes du donateur, la loi exige qu'il en soit joint un état à l'acte de donation. Si cette formalité avait été omise, la disposition ne pourrait valoir que comme institution contractuelle. C'est ce qui résulte de l'art. 1085, ainsi conçu : « Si l'état dont est mention au précédent » article n'a point été annexé à l'acte contenant donation des biens pré» sents et à venir, le donataire sera obligé d'accepter ou de répudier cette » donation pour le tout. En cas d'acceptation, il ne pourra réclamer que » les biens qui se trouveront existants au jour du décès du donateur, et » il sera soumis au paiement de toutes les dettes et charges de la suc

» cession ».

753. Observons maintenant, et ce point présente une importance capitale, que la donation de biens présents et à venir n'est pas une donation de biens présents plus une donation de biens à venir : d'où résulterait notamment cette conséquence, que le donataire deviendrait immédiatement propriétaire des biens présents. Elle constitue une donation unique, une donation cumulative de biens présents et à venir, comme le dit la loi. En somme, cette donation n'est qu'une variante de l'institution contractuelle.

De là résultent, entre autres, les conséquences suivantes :

1o Le donataire n'a aucun droit sur les biens du donateur, du vivant de celui-ci. Le donateur conserve donc l'entière propriété et jouissance de ses biens, et peut en disposer, sauf la faculté pour le donataire, si son droit vient à s'ouvrir, de critiquer dans tous les cas les aliénations à titre gratuit faites par le donateur, et même les aliénations à titre onéreux s'il opte pour les biens présents;

2o La donation de biens présents et à venir, de même que l'institution contractuelle, est censée faite aux enfants et descendants à naitre du mariage, en cas de prédécès de l'époux donataire;

3o Elle devient caduque par le prédécès du donataire et de sa postérité. Cette dernière conséquence est formulée par l'art. 1089.

I

Nature de l'institution contractuelle et de la donation de biens présents

:

et à venir.

754. L'institution contractuelle, nous l'avons dit, est un mélange de la donation entre vifs et de la donation testamentaire : elle touche à la première par son irrévocabilité, à la seconde en ce qu'elle a pour objet des biens à venir. Mais l'art. 893, aux termes duquel : « On ne pourra disposer de ses biens, à titre gratuit, que par » donation entre-vifs ou par testament... », ne permet pas de considérer l'institution contractuelle comme un mode de disposer à part, distinct de la donation ou du testament il faut nécessairement qu'elle soit l'un ou l'autre. Lequel des deux? Le choix ne saurait guère être douteux. La nature contractuelle de la disposition dont il s'agit ne permet pas de l'assimiler aux dispositions testamentaires, et son irrévocabilité lui assigne tout naturellement sa place dans la catégorie des donations. C'est sous ce nom d'ailleurs que le code civil la désigne; nous avons déjà noté qu'il évite avec une sorte d'affectation de se servir de l'ancienne expression institution contractuelle. Enfin Pothier, guide ordinaire des rédacteurs du code civil, lui assignait ce caractère. Nous dirons donc que l'institution contractuelle (et à plus forte raison la donation de biens présents et à venir), est une donation entre vifs, et nous lui appliquerons les règles des donations de cette nature, toutes les fois que le législateur n'y aura pas dérogé.

De là il suit notamment :

1o Que le donateur et le donataire devront être capables, l'un de disposer, l'autre de recevoir, à l'époque de la donation. Il n'est pas nécessaire que le donateur ait encore la capacité de disposer à l'époque de son décès; et, quant au donataire, il suffit qu'il ait alors la capacité requise pour recevoir à titre de succession, car il est héritier contractuel : ce qui lui permet de recueillir le bénéfice de la disposition, même lorsqu'il se trouve sous le coup d'une condamnation à une peine afflictive perpétuelle;

2o Les donations de biens à venir ou de biens présents et à venir ne devront être réduites, le cas échéant, qu'après les dispositions testamentaires et après les donations entre vifs de date postérieure (arg. art. 923). En un mot, au point de vue de la réduction, on les traite comme des donations entre vifs; on leur applique le principe de la réduction par ordre de dates.

CHAPITRE IX

DES DISPOSITIONS ENTRE ÉPOUX, SOIT PAR CONTRAT DE MARIAGE,

SOIT PENDANT LE MARIAGE

755. Le législateur s'occupe ici, non seulement, ainsi que nous l'annonce la rubrique, des donations entre époux, mais aussi de la quotité disponible entre époux. Nous traiterons ces matières dans deux paragraphes.

§ I. Des donations entre époux.

No 1. Des dispositions entre époux par contrat de mariage. 756. Les époux pourront, par contrat de mariage, se faire réciproque»ment, ou l'un des deux à l'autre, telle donation qu'ils jugeront à propos, » sous les modifications ci-après exprimées » (art. 1091).

Les époux peuvent donc se faire l'un à l'autre par leur contrat de mariage, avec ou sans réciprocité, toutes les donations qui pourraient leur être faites par des tiers, c'est-à-dire des donations de biens présents, des donations de biens à venir bu des donations de biens présents et à venir.

ulriti's, Toutefois, faites entre futurs époux, ces diverses donations se distinguent par certaines particularités. C'est ainsi qu'aux termes de l'art. 960, elles ne sont pas révocables pour cause de survenance d'enfant. D'autre part, nous avons vu qu'elles échappent à la règle de l'art. 959, qui déclare les donations faites en faveur du mariage non révocables pour cause d'ingratitude; mais ce dernier point est

contesté.

Deux autres particularités nous sont signalées par les art. 1093 et 1095.

Voici la première. Un mineur ne peut pas faire de donations entre vifs (art. 903). La faveur du mariage a fait admettre une exception à cette règle l'époux mineur peut disposer par contrat de mariage au profit de son conjoint, sous la seule condition d'être assisté des personnes dont le consentement est requis pour la validité de son mariage. On lit à ce sujet dans l'art. 1095 : « Le mineur ne pourra, par contrat » de mariage, donner à l'autre époux, soit par donation simple, soit par » donation réciproque, qu'avec le consentement et l'assistance de ceux » dont le consentement est requis pour la validité de son mariage; et, » avec ce consentement, il pourra donner tout ce que la loi permet à » l'époux majeur de donner à l'autre conjoint ». Nous retrouverons cette disposition sous l'art. 1398, au titre Du contrat de mariage... C'est là qu'est le siège de la matière.

La seconde particularité résulte de l'art. 1093. A la différence de la précédente, qui est applicable à toutes les donations, celle-ci n'a trait qu'aux donations de biens à venir et aux donations de biens présents et à venir. La loi s'exprime en ces termes : « La donation de biens à venir, » ou de biens présents et à venir, faite entre époux par contrat de mariage, soit simple, soit réciproque, sera soumise aux règles établies par le cha» pitre précédent, à l'égard des donations pareilles qui leur seront faites » par un tiers; sauf qu'elle ne sera point transmissible aux enfants issus » du mariage, en cas de décès de l'époux donataire avant l'époux dona» teur » (art. 1093).

=Sauf qu'elle ne sera point transmissible... Le contraire a lieu, lorsque la donation est faite par un tiers aux futurs époux ou à l'un d'eux (art. 1082). Quel est le motif de cette différence? Lorsque la donation de biens à venir ou de biens présents et à venir est faite par un tiers aux futurs époux ou à l'un d'eux, les enfants à naître du mariage ne

peuvent être appelés à profiter de la disposition en cas de prédécès de leurs parents qu'autant qu'ils sont eux-mêmes donataires : n'étant pas héritiers du disposant, ils ne sauraient avoir d'autre titre que celui de donataires pour recueillir ses biens; la loi présume que le disposant a eu l'intention de le leur conférer, parce que la donation est faite en faveur du mariage, et par conséquent en vue de la postérité des époux aussi bien que des époux eux-mêmes. En d'autres termes, le législateur, interprétant ici la volonté du disposant, admet au profit des enfants l'existence d'une substitution vulgaire tacite, sans laquelle le bénéfice de la donation serait perdu pour eux au cas de prédécès de l'époux donataire. Mais cette présomption n'avait plus sa raison d'être, lorsque la donation est faite par l'un des époux à l'autre. En effet, les enfants à naitre du mariage, étant ici héritiers du donateur comme du donataire, n'ont plus besoin que la donation s'étende jusqu'à eux pour recueillir un jour les biens donnés; si la donation devient caduque par le prédécès de l'époux donataire, ils retrouveront plus tard les biens donnés dans la succession du donateur. Pourquoi donc supposer alors l'existence d'une substitution vulgaire à leur profit? Autant. cette présomption est rationnelle quand la donation est faite par un tiers (art. 1082), autant elle le serait peu lorsque la donation est faite par l'un des époux à l'autre. De sorte qu'en définitive la règle formulée par l'art. 1082 et l'exception consacrée par notre article ont le même fondement la volonté présumée du donateur.

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Mais la loi, croyons nous, se borne à interpréter ici la volonté de l'époux donateur, quand il ne l'a pas exprimée; et, de même que l'art. 1082, qui présume l'existence d'une substitution vulgaire tacite au profit des enfants quand la donation est faite par un tiers, ne s'oppose pas à ce que le donateur manifeste efficacement une volonté contraire (supra n. 743), de même l'art. 1093 nous paraît ne pas faire obstacle à ce que la substitution, dont il ne présume pas l'existence, soit établie par une déclaration expresse du donateur. La question est controversée. Nous n'insistons pas, parce que nous doutons que le cas se présente jamais dans la pratique.

757. Sauf les particularités qui viennent d'être signalées, les donations, faites par l'un des époux à l'autre dans le contrat de mariage, demeurent soumises aux mêmes règles que les donations dont il est question au chapitre précédent. Ainsi, comme ces dernières, elles sont affranchies des entraves de la règle Donner et retenir ne vaut (arg. art. 947), et les art. 1087, 1088 et 1090 leur sont applicables.

L'art. 1092, qui semble au premier abord signaler une particularité en ce qui concerne la donation de biens présents, ne fait en définitive que la déclarer soumise aux règles ordinaires : « Toute donation entre-vifs de biens présents faite entre » époux par contrat de mariage, ne sera point censée faite sous la condition de » survie du donataire, si cette condition n'est formellement exprimée; et elle sera » soumise à toutes les règles et formes ci-dessus prescrites pour ces sortes de dona

» tions ».

Ne sera point censée faite sous la condition de survie du donataire. C'est le droit commun; mais le législateur a jugé utile de s'expliquer, parce qu'il y avait controverse sur ce point dans notre ancien droit, plusieurs auteurs, et notamment Furgole, pensant que la condition de survie était sous-entendue dans les donations dont il s'agit.

No 2. Des donations entre époux pendant le mariage.

758. Historique. L'ancien droit romain permettait aux époux de disposer l'un au profit de l'autre par testament ou par donation à cause de mort, mais non par donation entre vifs. On craignait que l'un des époux n'abusât de son influence sur l'autre pour s'enrichir à ses dépens. Moribus apud nos receptum est, ne inter virum et uxorem donationes valerent. Hoc autem receptum est, ne mutuato amore invicem spoliarentur, donationibus non temperantes, sed profusa erga se facilitate, dit la loi 1, D., De don. int. vir. et ux., XXIV, 1. Sous Septime Sévère et Antonin Caracalla, un sénatus-consulte décida que la donation faite par l'un des époux à l'autre, deviendrait rétroactivement valable à l'encontre des héritiers du donateur, si celui-ci était mort sans révoquer la donation. Ait oratio, fas esse, eum qui donavit pœnitere : heredem vero eripere forsitan adversus voluntatem supremam ejus qui donaverit, durum et avarum esse (1. 32, § 2, D., hoc tit.). On admettait en vertu d'une fiction que la donation non révoquée était une donation à cause de mort, permise entre époux, et on la déclarait valable à ce titre.

Les règles du droit romain sur cette matière furent consacrées dans nos pays de droit écrit. Dans les pays de coutume, au contraire, les donations entre époux, même celles faites par testament, étaient en général prohibées d'une manière absolue, sauf exception pour le don mutuel de l'usufruit des biens de la communauté, lorsqu'il n'y avait pas d'enfants. Cout. Paris, art. 280. Cette règle avait surtout pour fondement le principe de la conservation des biens dans les familles, qui jouait un rôle si important dans notre ancien droit coutumier; on aurait porté atteinte à ce principe en autorisant les donations entre époux, puisque les deux époux appartiennent le plus souvent à deux familles différentes. Subsidiairement on ajoutait, pour justifier la prohibition, que l'affection entre époux doit être désintéressée. Toutefois quelques coutumes limitaient la prohibition aux donations entre vifs, et autorisaient par conséquent entre époux les dispositions testamentaires. La coutume d'Auvergne se signalait par une remarquable distinction entre le mari et la femme le mari pouvait donner à sa femme même la totalité de ses biens; la femme au contraire ne pouvait rien donner à son mari.

La loi du 17 nivôse an II prit sur ce point le contrepied de notre ancien droit coutumier elle autorisa les donations entre époux, et les déclara irrévocables quand elles seraient faites par acte entre vifs.

Prohiber d'une manière absolue les donations entre époux, comme le faisait notre ancien droit coutumier, c'était blesser les conjoints dans leurs affections les plus vives; il y avait à craindre d'ailleurs qu'en pratique on n'employȧt mille moyens détournés pour éluder la prohibition. D'un autre côté, assimiler les donations entre époux aux donations ordinaires en les déclarant irrévocables, comme le faisait la loi de l'an II, c'était ne pas tenir un compte suffisant de l'influence conjugale, qui permettra souvent à l'époux le plus fort d'arracher une donation au plus faible. Ici, comme dans bien d'autres circonstances, notre législateur a pris un moyen terme entre les deux extrêmes i autorise les donations entre époux, mais il les déclare toujours révocables.

759. Aux termes de l'art. 1096: « Toutes donations faites entre époux » pendant le mariage, quoique qualifiées entre-vifs, seront toujours révo

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