Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

« Il [le contrat] est unilatéral lorsqu'une ou plusieurs personnes sont » obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces der»nières il y ait d'engagement » (art. 1103).

Il n'y a donc dans le contrat unilatéral d'engagement que d'un seul côté, ex uno latere. Tel est le contrat de prêt : l'emprunteur est tenu de l'obligation de restituer, à l'époque convenue, la chose même que le prêteur lui a livrée, s'il s'agit d'un prêt à usage, et une chose de même nature, s'il s'agit d'un prêt de consommation; mais le prèteur, lui, n'est tenu d'aucune obligation envers l'emprunteur. Il en est de même dans le dépôt.

La distinction des contrats en synallagmatiques et unilatéraux présente principalement de l'intérêt sous les trois points de vue suivants :

1° Aux termes de l'art. 1184 al. 1 : « La condition résolutoire est >> toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le » cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ». Cette disposition doit être considérée comme étrangère aux contrats unilatéraux.

2° Lorsque les parties veulent constater un contrat synallagmatique par un écrit sous seing privé, cet écrit doit être dressé en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct (art. 1325). Un seul original suffit, s'il s'agit d'un contrat unilatéral.

3o Enfin l'art. 1326 contient une disposition spéciale à la promesse unilatérale de payer une somme d'argent ou une chose appréciable.

788. Il y a des contrats dont la couleur semble assez indécise, et au sujet desquels on peut hésiter sur le point de savoir s'ils sont synallagmatiques ou unilatéraux. Tel est le dépôt. Au moment où le contrat se forme, c'est-a-dire au moment où le déposant remet la chose au dépositaire, nous ne voyons apparaître qu'une seule obligation, celle du dépositaire, qui s'oblige à restituer la chose à première réquisition au déposant, et le contrat semble par suite être unilatéral. Mais des faits postérieurs pourront faire naître une obligation à la charge du déposant envers le dépositaire : notamment le déposant sera tenu de rembourser au dépositaire les dépenses que celui-ci aurait été forcé de faire pour la conservation de la chose déposée (art. 1947), et alors le contrat semblera présenter les apparences d'un contrat synallagmatique, puisqu'il existera désormais des obligations des deux côtés, ex utroque latere. Il en est de même du mandat et du gage. Nos anciens auteurs considéraient ces divers contrats comme synallagmatiques; mais, pour les distinguer des autres contrats appartenant à cette catégorie, qui, au moment même de leur formation, engendrent immédiatement deux obligations, comme la vente, l'échange, le louage, ils

les appelaient synallagmatiques imparfaits. Ainsi, pour nos anciens auteurs, il y avait deux catégories de contrats synallagmatiques : les contrats synallagmatiques parfaits, qui, dès le moment même de leur formation, engendrent des obligations réciproques, et les contrats synallagmatiques imparfaits, qui, au moment de leur formation, n'engendrent qu'une seule obligation, mais peuvent éventuellement en engendrer une seconde à la charge de l'autre partie, par suite de certains faits postérieurs au contrat.

Le code civil ignore ce moyen terme des contrats synallagmatiques imparfaits. Nait alors la question de savoir si les contrats que nos anciens désignaient sous cette dénomination doivent aujourd'hui être considérés comme synallagmatiques ou comme unilatéraux : elle présente principalement de l'intérêt, ainsi que nous l'avons montré tout à l'heure, au point de vue de l'application des art. 1184 et 1325. Nous répondons sans hésiter qu'ils rentrent dans la classe des contrats unilatéraux. En effet, pour apprécier la nature d'un contrat, il faut se placer au moment où il se forme; or à cette époque il n'y a qu'une des parties d'obligée; bien plus, il peut arriver que l'autre ne le soit jamais, puisque son engagement dépend de faits postérieurs qui peuvent ne pas se produire. Comme le dit fort bien M. Colmet de Santerre : << S'il est vrai qu'il peut résulter de ces contrats des obligations réciproques, il ne l'est pas que les parties s'y obligent réciproquement ». Donc ce sont des contrats unilatéraux.

II. Contrats de bienfaisance; contrats à titre onéreur.

789. « Le contrat de bienfaisance est celui dans lequel l'une des parties » procure à l'autre un avantage purement gratuit » (art. 1105). Le plus important des contrats de bienfaisance est la donation; il y en a d'autres, notamment le dépôt et le mandat.

Le contrat à titre onéreux est un contrat intéressé de part et d'autre, à la différence du contrat de bienfaisance, dans lequel utilitas unius versatur: c'est celui, comme le dit Pothier, qui se fait pour l'intérêt et l'utilité réciproque de chacune des parties. Telle est la vente : elle procure au vendeur une somme d'argent dont il peut avoir besoin, et à l'acheteur un bien à sa convenance. Le prêt à intérêt est aussi un contrat à titre onéreux il permet au prêteur de tirer un revenu de son capital, et à l'emprunteur d'en obtenir la jouissance. On voit par ce dernier exemple que les contrats à titre onéreux ne sont pas toujours synallagmatiques; car le prêt à intérêt est un contrat unilatéral. Par conséquent l'art. 1106 donne du contrat à titre onéreux une définition défectueuse, lorsqu'il dit : « Le contrat à titre onéreux est celui qui assu»jettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose ». Les mots

qui assujettit chacune des parties donnent à entendre que le contrat à titre onéreux est nécessairement synallagmatique : ce qui est inexact, comme on vient de le voir.

En résumé, le contrat de bienfaisance ou à titre gratuit est celui qui procure à l'une des parties un avantage dont elle ne fournit pas la contre-valeur; le contrat à titre onéreux, au contraire, est celui dans lequel chaque partie paie l'avantage qu'elle retire du contrat, en effectuant à l'instant même ou en s'engageant à effectuer plus tard une prestation; et c'est pourquoi l'on dit qu'elle acquiert à titre onéreux, c'està-dire moyennant un sacrifice.

La distinction que nous venons d'étudier présente surtout de l'intérêt : 1o au point de vue de la perception des droits fiscaux; 2o au point de vue de l'erreur dans la personne (voyez l'explication de l'art. 1110); 3° au point de vue de la prestation des fautes (voyez l'explication de l'art. 1137); 4° au point de vue de la notion de l'acte de commerce la gratuité est absolument incompatible avec la commercialité.

III. Contrats commutatifs; contrats aléatoires.

790. On lit dans l'art. 1104 : « Il [le contrat] est commutatif lorsque » chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est re» gardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait » pour elle. Lorsque l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de » perte pour chacune des parties, d'après un événement incertain, le con»trat est aléatoire ».

Ainsi le louage est un contrat commutatif : l'obligation que contracte le locataire de payer le prix de location est considérée comme étant l'équivalent exact de celle que contracte le locateur de le faire jouir de la chose louée. Il en est de même de l'échange, de la vente moyennant un prix ferme ou une rente perpétuelle soit foncière, soit constituée.

Au contraire, l'aliénation à charge de rente viagère est un contrat aléatoire, parce qu'il y a une des deux prestations, celle de la rente, dont il est impossible de mesurer exactement l'importance, et qui suivant les circonstances pourra représenter une valeur de beaucoup supérieure ou de beaucoup inférieure à l'autre prestation dont elle est la contre-partie. Ainsi je vous vends un immeuble qui vaut 100,000 fr., moyennant une rente viagère de 10,000 fr. Si je vis trente ans, vous aurez dù me verser 300,000 fr. sous forme d'arrérages, et vous vous trouverez ainsi avoir payé le bien beaucoup plus cher qu'il ne vaut; mais, si je ne vis que quelques mois ou quelques années, vous aurez fait une excellente affaire. Il y a ici un alea pour les parties contractantes et c'est pour cela que le contrat est dit aléatoire.

Il semble y avoir une certaine opposition de vues entre l'art. 1104 al. 2, qui nous représente les chances de gain ou de perte comme réciproques dans le contrat aléatoire, et l'art. 1964, d'où il paraît résulter que l'alea peut n'exister que pour l'une

des parties. L'art. 1104 al. 2, nous paraît plus exact. La chance de gain que court l'une des parties constitue évidemment une chance de perte pour l'autre ; car, si la première gagne, la seconde perdra, puisque c'est à ses dépens que le gain sera réalisé; et réciproquement, la chance de perte que court l'une des parties constitue nécessairement une chance de gain pour l'autre, car ce qui sera perdu par celle-ci sera gagné par celle-là. C'est ce qu'on voit aisément par l'exemple cité tout à l'heure. Il en est ainsi, quoi qu'on en ait dit, même dans le contrat d'assurance. It est vrai que l'assuré ne recevra jamais, en cas de sinistre, une somme supérieure à la valeur de sa chose, l'assurance ne pouvant pas être pour lui la source d'un profit; d'où l'on a voulu conclure que l'assuré ne réalisera jamais un gain. L'assureur seul, dit-on, peut gagner: il gagnera le montant des primes, s'il ne se produit aucun sinistre dont il soit responsable; quant à l'assuré, il peut seulement ne pas perdre. Les chances de gain ne sont donc pas réciproques, et la disposition de l'art. 1964 se trouve ainsi justifiée. Mais on peut répondre qu'en recevant au cas de sinistre la valeur de sa chose, l'assuré se trouvera en définitive plus riche de tout ce qu'il aurait perdu sans l'assurance; il fait done un gain, et il gagne précisément ce que perd l'assureur, à la prime près. D'ailleurs il y a encore alea en ce qui concerne l'assuré, en ce sens qu'il paiera la prime pendant un temps plus ou moins long, suivant l'époque à laquelle le sinistre se produira.

[ocr errors]

L'art. 1104 paraît présenter la division des contrats en commutatifs et aléatoires comme une subdivision des contrats synallagmatiques. Argument des mots: lorsque CHACUNE des parties s'engage. Mais la vérité est qu'elle est une subdivision des contrats à titre onéreur; ainsi le prêt à intérêt est unilatéral, ce qui ne l'empêche pas d'être en même temps commutatif. L'erreur que commet ici le législateur est le pendant de celle que nous avons déjà signalée dans l'art. 1106, qui paraît dire que les contrats synallagmatiques peuvent seuls être à titre onéreux.

Le principal intérêt de la division des contrats en commutatifs et aléatoires consiste en ce que les contrats à titre onéreux, qui, exceptionnellement, sont rescindables pour cause de lésion, cessent en général de l'être, lorsqu'au lieu d'être commutatifs ils revêtent le caractère aléatoire. Cpr. art. 889.

IV. Contrats nommés; contrats innommés.

791. Il y a certains contrats que le législateur, à raison de leur importance et de leur fréquence, a prévus et réglés, pour épargner aux parties qui les font le soin d'entrer dans les détails, d'en indiquer par exemple les effets. Ces contrats ont un nom : vente, échange, louage, société, mandat...; ce sont des contrats nommés. Il y en a d'autres qui sont demeurés étrangers aux prévisions du législateur, parce qu'ils sont d'un usage moins fréquent, et auxquels par suite il n'a pas donné de nom. On les désigne pour ce motif sous la dénomination générique de contrats innommés. Ils demeurent autorisés en vertu du grand principe de la liberté des conventions, et sous la seule condition de ne porter aucune atteinte à des dispositions législatives d'ordre public. En voici un exemple: Je vous charge de vendre.tel immeuble qui m'appartient, moyennant 10,000 fr., et je conviens avec Vous que, si vous le vendez davantage, l'excédent vous appartiendra. La distinction qui nous occupe se trouve en germe dans l'art. 1107, ainsi conçu : « Les contrats, soit qu'ils aient une dénomination propre,

» soit qu'ils n'en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont » l'objet du présent titre. - Les règles particulières à certains contrats » sont établies sous les titres relatifs à chacun d'eux; et les règles parti» culières aux transactions commerciales sont établies par les lois rela»tives au commerce ».

V. Contrats consensuels; contrats solennels; contrats réels.

792. I. Les contrats consensuels sont ceux à la perfection desquels suffit le seul consentement des parties, qui solo consensu perficiuntur, comme la vente, l'échange, le louage, la société, le mandat et beaucoup d'autres. Je vous propose de vous vendre ma maison moyennant un certain prix; vous acceptez cette proposition. Le contrat est parfait immédiatement: vous devenez de suite propriétaire de la maison, et moi créancier du prix. Le concours de nos deux volontés, concours qui constitue le consentement, a suffi pour produire ce double résultat.

Il importe peu qu'aucun écrit n'ait été dressé : l'écrit peut avoir de l'importance au point de vue de la preuve du consentement, si l'une des parties en conteste l'existence, ad probationem; mais il n'est pas nécessaire pour la formation du contrat dont ce consentement est la base. L'une des parties, qui d'ailleurs ne nierait pas avoir consenti, ne pourrait donc pas se dédire, sous prétexte que le contrat n'a pas été constaté par l'écriture. Peu importe aussi que le contrat n'ait pas été suivi d'exécution, par exemple que, dans une vente, le vendeur n'ait pas livré la chose, ou que l'acheteur n'ait pas payé le prix; cette circonstance est indifférente au point de vue de la perfection du contrat, au point de vue de la formation des obligations qui en dérivent.

En règle générale, les contrats sont consensuels dans notre droit. On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles, dit un vieil adage. Il serait encore mieux de dire qu'on lie les hommes par leur consentement, dont les paroles ne sont après tout que la manifestation. Cette règle souffre une double exception relativement aux contrats solennels et aux contrats réels.

II. On désigne sous le nom de contrats solennels ceux que la loi soumet à certaines formes qu'elle prescrit à peine de nullité ou mieux d'inexistence du contrat. Le consentement des parties est bien nécessaire pour la perfection de ces contrats comme de tous les autres, mais il ne suffit pas il n'a aucune valeur aux yeux de la loi, s'il n'est pas manifesté dans la forme légale. En l'absence de ces formes, chaque partie est autorisée à dire : « J'ai consenti, je le reconnais; mais je refuse de faire ce que j'ai promis de faire, parce que mon consentement, n'ayant pas été donné dans la forme légale, ne m'oblige pas ».

« VorigeDoorgaan »