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2 Lorsqu'elle porte sur l'objet de la convention. Je vous propose de vous vendre, moyennant un certain prix, ma maison de Bordeaux; vous entendez qu'il s'agit de ma maison de Libourne, et vous acceptez. Ici encore l'erreur, dans laquelle vous êtes tombé, empêche votre volonté de rencontrer la mienne; il n'y a donc pas consentement, puisqu'il n'y a pas accord. C'est un malentendu, de même que dans l'hypothèse précédente. Dans l'un et l'autre cas, il est vrai de dire avec la loi romaine Non videntur consentire qui errant. Nullus errantis consensus. Errantis voluntas nulla est;

3° Lorsqu'elle porte sur l'existence même de la cause de l'obligation, c'est-à-dire lorsqu'elle consiste à croire que l'obligation a une cause, alors qu'en réalité elle n'en a pas. En d'autres termes, l'obligation sur fausse cause est inexistante. Voyez l'explication de l'art. 1131.

Dans ces trois cas, nous le répétons, l'erreur dans laquelle sont tombés les contractants empêche le consentement d'exister, et par suite le contrat de se former. Le législateur n'en parle pas dans notre section, où il s'occupe seulement des vices du consentement: ce qui suppose un consentement existant.

II Cas dans lesquels l'erreur est une cause de nullité du contrat. 802. Il peut arriver que l'erreur dans laquelle est tombée l'une des parties, sans faire disparaître son consentement, le vicie très profondément. Alors le consentement ne sera pas valable, et le contrat auquel il a donné naissance sera nul ou annulable (expressions synonymes). Cela arrive lorsque l'erreur dans laquelle est tombée l'une des parties est substantielle, et l'art. 1110 va nous dire dans quels cas elle présente ce caractère : « L'erreur n'est une cause de nullité de la conven» tion que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est » l'objet. Elle n'est point une cause de nullité, lorsqu'elle ne tombe » que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins » que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la » convention ».

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Ainsi l'erreur est substantielle dans deux cas: 1° lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose; 2° lorsqu'elle tombe sur la personne avec qui l'on a contracté, alors du moins qu'il s'agit d'un contrat fait intuitu personæ.

PREMIER CAS. Erreur sur la substance même de la chose. Substance est ici synonyme de qualités substantielles. La loi désigne par cette expression les qualités de la chose, que les parties ou l'une d'elles ont eues principalement en vue en contractant, celles sans lesquelles elles n'auraient pas contracté. L'erreur sur une semblable qualité entrainera la nullité du contrat, parce qu'elle vicie très profondément le consentement. Au contraire, l'erreur sur une qualité non substantielle,

c'est-à-dire sur une qualité dont l'absence connue des parties ne les aurait pas empêchées de contracter, ne sera pas une cause de nullité.

La question de savoir si une qualité est ou non substantielle présente donc une extréme importance. C'est une question de fait, à résoudre par le juge en cas de contestation. On ne peut que citer des exemples. En voici un emprunté à Pothier: J'achète une paire de chandeliers que je crois être d'argent et que le marchand m'a présentés de bonne foi comme tels, mais qui ne sont en réalité que de cuivre argenté. Il y a erreur sur la substance de la chose, et la vente est nulle; car, voulant des chandeliers d'argent, je n'aurais pas acheté, si j'avais su que ceux qu'on m'offrait étaient de cuivre. Cependant, si les chandeliers avaient été achetés comme objet d'art ou comme antiquité, l'erreur sur la matière pourrait n'être pas substantielle; la matière est souvent d'importance tout à fait secondaire pour un antiquaire. Pothier n'ajoute pas cette restriction; de son temps la fièvre des antiquités n'avait pas encore fait son invasion.

Autre exemple : J'achète un tableau que je crois être de Raphaël et qui n'est qu'une copie portant une fausse signature. Il y a erreur de ma part sur une qualité substantielle de la chose; car, tant vaut le peintre, tant vaut le tableau; la vente est nulle. Il en sera de même si j'ai acheté, le croyant ancien, un objet d'art qui se trouve être en réalité de fabrication récente, et auquel je n'attachais de prix qu'à cause de son antiquité présumée. Paris, 14 décembre 1882, Sir., 83. 2. 69, et Cass., 26 octobre 1886, Sir., 87. 1. 153.

Dernier exemple, emprunté également à la jurisprudence: Je vous vends la nue propriété d'un bien dont l'usufruitier est mort la veille, à mon insu. Il y a erreur de ma part sur une qualité substantielle de la chose je la croyais grevée d'usufruit, et en réalité elle ne l'était plus; la vente est nulle.

DEUXIÈME CAS. Erreur sur la personne. En règle générale, l'erreur sur la personne de celui avec qui l'on contracte n'est pas une cause de nullité du contrat, parce que la plupart du temps on contracte en vue d'un résultat et non en vue d'une personne. Ainsi un libraire vend un livre qu'on lui paie comptant; que lui importe que ce soit à Pierre ou à Paul? Si donc il s'est trompé sur la personne de l'acheteur, cette erreur sera indifférente.

Cette règle souffre exception dans les contrats qui sont faits principalement en considération de la personne, intuitu persona. L'erreur sur la personne devient alors substantielle, parce que la personne est la cause déterminante du contrat. Il en est ainsi dans le contrat de donation. La donation est inspirée par un sentiment de bienveillance et d'affection toute personnelle; si donc il y a eu de la part du donateur erreur sur la personne du donataire, s'il a donné à Pierre croyant donner à Paul, il y a erreur substantielle, le consentement du donateur est vicié, le contrat est nul. De même l'erreur commise sur la personne d'un peintre auquel j'ai commandé un tableau, serait une cause de nul

lité de la convention; car le talent et par suite la personne de l'artiste sont la principale cause de la convention. Le prêt, la société et le mandat sont aussi des contrats où la considération de la personne joue un rôle important, déterminant, et dans lesquels par suite une erreur sur la personne pourra être une cause de nullité.

* 803. L'erreur sur les qualités substantielles de la chose, ou l'erreur sur la personne lorsque le contrat est fait intuitu personæ, ne peut-elle être une cause de nullité du contrat qu'autant qu'elle est commune aux deux parties contractantes? ou bien suffit-il qu'elle existe chez l'une d'elles? La question nous semble devoir être résolue dans ce dernier sens. Dans le texte de la loi, rien ne laisse supposer que l'erreur doive exister des deux côtés à la fois pour être une cause de nullité; on ne saurait donc exiger cette condition. D'autre part, il est bien certain que le dol et la violence entraînent la nullité du contrat, lorsqu'ils ont vicié le consentement d'une seule des deux parties; pourquoi donc l'erreur n'aurait-elle pas la même puissance; par quelle secrète raison devrait-elle nécessairement avoir vicié les deux consentements pour être une cause de nullité? Une différence sur ce point entre la violence et le dol d'une part, et l'erreur d'autre part, est d'autant moins admissible que les art. 1109 et 1117 paraissent mettre ces trois causes de nullité sur la même ligne. Au surplus, on ne conteste guère cette solution en ce qui concerne l'erreur sur la personne; tout le monde ou à peu près admet qu'il suffit qu'elle existe chez l'une des parties on a bien compris qu'une erreur unilatérale sur la personne sera déjà extrêmement rare, et qu'exiger une erreur bilatérale équivaudrait presque à supprimer cette cause de nullité. Mais alors il devient de plus en plus difficile de ne pas appliquer la même solution à l'erreur sur les qualités substantielles de la chose; car on ne voit guère comment pourrait se justifier une différence à ce point de vue entre les deux espèces d'erreur, pourquoi celle-ci devrait être bilatérale, tandis qu'il suffirait que celle-là fût unilatérale.

Pour achever notre démonstration et prouver en même temps que la solution que nous avons adoptée n'est pas aussi contraire à l'équité qu'on a bien voulu le dire, prenons une espèce. J'ai acheté ¡des flambeaux en laiton argenté, les croyant en argent. Si le vendeur me les a présentés comme tels, soit qu'il connût la vérité, auquel cas il y a complication de dol, soit qu'il fût lui-même dans l'erreur sur ce point, auquel cas il y a bonne foi de sa part, tout le monde admet que je pourrai demander la nullité du contrat, et rien n'est plus juste assurément. Mais supposons que j'aie acheté ces flambeaux, les croyant en argent, d'un marchand qui connaissait la matière dont ils étaient formés, et qui ne me l'a pas indiquée parce que je ne lui ai adressé aucune question à ce sujet et qu'il me croyait édifié sur ce point. D'après la solution que nous avons adoptée, je pourrai, même dans ce cas, faire prononcer la nullité du contrat. On crie à l'injustice. Le vendeur, qui est irréprochable dans l'espèce, va perdre le bénéfice de son marché par suite d'une circonstance toute personnelle à l'acheteur! Nous pourrions nous borner à répondre que l'iniquité d'une solution ne suffit pas pour la condamner, si elle est conforme à la loi. Mais l'iniquité est-elle bien aussi grande qu'on le dit? Remarquons tout d'abord que l'acheteur réussira difficilement dans sa demande en nullité; car le succès en est subordonné à la preuve de son erreur, et cette preuve sera fort difficile dans les conditions dont il s'agit. En supposant d'ailleurs que l'acheteur parvienne à établir son erreur, il ne pourra pas se disculper la plupart du temps d'avoir commis une faute ou au moins une négligence grave, en omettant de demander des renseignements à son vendeur qui l'aurait éclairé : ce qui le rendra passible de dommages et intérêts envers le vendeur pour le préjudice qu'il lui cause en faisant annuler

le contrat. Arg. art. 1382. Le vendeur ne perdra donc pas tout à fait le bénéfice de son marché, puisqu'il recevra une indemnité.

Dans l'espèce qui précède, nous avons supposé une erreur unilatérale de la part de l'acheteur; la solution devrait être semblable en supposant une erreur unilatérale du côté du vendeur.

Cas dans lesquels l'erreur est sans influence sur la validité du contrat. 804. Dans toutes les hypothèses autres que celles que nous venons de passer en revue, l'erreur n'empêche pas le contrat d'être valable. Ainsi on ne doit pas considérer comme causes de nullité :

1o L'erreur sur les qualités non substantielles de la chose objet du contrat ;

2o L'erreur sur la valeur de cette chose; une semblable erreur se confond avec la lésion, qui en principe n'est pas une cause de nullité des contrats (art. 1118);

3o L'erreur sur la personne avec qui on a voulu contracter, lorsque la considération de cette personne n'était pas la cause déterminante de la convention;

4o Enfin l'erreur sur les motifs du contrat. Ainsi j'achète un cheval; le motif qui me détermine à faire cet achat, c'est la nouvelle que je viens de recevoir de la mort d'un de mes chevaux; mais il se trouve que cette nouvelle est fausse. L'erreur dans laquelle je suis tombé sur le motif du contrat ne m'autorisera pas à le faire annuler.

D'ailleurs, dans les cas où elle réunit les conditions exigées par la loi pour être une cause de nullité, il importe peu que l'erreur soit de fait ou de droit, lex non distinguit.

No 2. De la violence.

805. La violence, vis, consiste dans des voies de fait ou des menaces exercées contre une personne pour lui arracher un consentement qu'elle ne veut pas donner. La violence agit par la crainte qu'elle inspire, metus. Il est évident qu'elle vicie profondément le consentement, nil tam consensui contrarium est quam vis atque metus; aussi la loi en fait-elle une cause de nullité du contrat qu'elle a inspiré. Ainsi un mari surprend sa femme en flagrant délit d'adultère; le revolver à la main, il menace de mort le complice, s'il ne consent pas à signer une reconnaissance de 100,000 fr., causée pour prêt. Il faut signer ou périr! De ces deux maux le complice choisit celui qu'il considère comme le moindre, il signe. Ces faits étant prouvés, on le suppose, le juge, sur la demande du complice, n'hésitera pas à prononcer la nullité de l'obligation. - Ainsi qu'on le voit par cet exemple, qui malheureusement n'est pas de pure théorie et qui a été choisi à dessein parce qu'il contient un des cas où la violence atteint son plus haut degré d'intensité, la violence n'est pas exclusive du consentement,

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comme on pourrait le croire au premier abord. En effet, celui contre qui elle est dirigée peut se dispenser de consentir en subissant le mal dont on le menace, ou seulement en s'exposant à le subir, car souvent la menace n'est qu'un moyen d'intimidation. Nous venons de le dire, de deux maux il choisit le moindre, ex duobus malis minimum eligit. Mais, s'il fait un choix, il consent done. Qui mavult, vult, dit la loi romaine, et ailleurs coacta voluntas nihilominus est voluntas. Par suite le contrat se forme; mais il est imparfait, parce que le consentement qui lui sert de base est profondément vicié. La loi permet à la victime de la violence d'en demander la nullité.

Nous ne parlons pas, comme la plupart des auteurs, du cas où on aurait forcé quelqu'un à signer en lui tenant la main et en la dirigeant malgré lui. Quelle signature! Et puis, à quoi bon prévoir et discuter une hypothèse qui ne s'est jamais présentée et ne se présentera vraisemblablement jamais.

806. Pour qu'un contrat soit susceptible d'être annulé en vertu de la cause qui nous occupe, il faut que le consentement de l'une des parties ait été extorqué par violence (art. 1109), c'est-à-dire qu'il soit le fruit d'une violence exercée dans le but de l'obtenir, et non le résultat accidentel d'une violence exercée dans un tout autre but. Ainsi des assassins se précipitent sur moi; j'appelle au secours; un passant répond à mon appel, et je lui promets 20,000 fr. s'il me délivre; le passant accepte, et au péril de sa propre vie il met les assassins en fuite. Je ne pourrai pas faire annuler mon engagement pour cause de violence. Pothier, qui propose un exemple analogue, ajoute: «< Néanmoins, si j'avais promis une somme excessive, je pourrais faire réduire mon obligation à la somme à laquelle on apprécierait la juste récompense du service qui m'a été rendu ». Cette restriction est fort équitable; mais, dans le silence de notre loi, il paraît difficile de l'admettre, car elle est contraire au droit strict. Il y aurait seulement à examiner en fait si le trouble causé par la violence n'a pas été jusqu'à faire perdre l'usage de la raison à celui qui a fait une semblable promesse, auquel cas l'obligation serait inexistante pour défaut de consentement; dans cette hypothèse, celui à qui la promesse a été faite en serait réduit à demander le prix de son service par une action de gestion d'affaires.

D'après ce qui vient d'être dit, il est difficile d'approuver un arrêt de la cour de cassation du 27 avril 1887 (Sir., 87. 1. 372) rendu dans l'espèce suivante. Un navire échoue par gros temps, non loin du port; il va périr corps et biens; le capitaine fait des signaux de détresse; un remorqueur répond à son appel, au prix des plus grands périls; mais le patron se montre exigeant pour les conditions du renflouement: il demande un prix exorbitant, que le capitaine du navire échoué s'engage à payer. La cour de cassation a jugé que cet engagement était nul pour cause de violence, et qu'il y avait lieu seulement d'allouer au remorqueur la juste rémunération du service rendu. La décision nous paraît vulnérable. Y avait-il dans l'espèce, ainsi que l'exige l'art. 1109, un consentement EXTORQUÉ PAR LA VIOLENCE. La formule légale ne donne-t-elle pas très clairement à entendre que la violence doit être l'œuvre d'une personne qui l'exerce en vue d'obtenir le consentement?

807. Caractères que doit avoir la violence pour entraîner la nullité d'un contrat. Ils sont indiqués par l'art. 1112, ainsi conçu « Il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur » une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'ex» poser sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.

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