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» données à leurs enfants ou descendants décédés sans postérité, lorsque » les objets donnés se retrouvent en nature dans la succession. Si les » objets ont été aliénés, les ascendants recueillent le prix qui peut en être » dû. Ils succèdent aussi à l'action en reprise que pouvait avoir le dona

» taire ».

Il faut rapprocher de ce texte les art. 351-352 et l'art. 766, qui organisent, les deux premiers au profit de l'adoptant et de ses descendants, le second au profit des frères et sœurs légitimes d'un enfant naturel, un droit entièrement analogue à celui dont nous allons nous occuper.

« Les ascendants succèdent », dit la loi. C'est donc d'un droit de succession qu'il s'agit. Mais, comme il constitue, ainsi qu'on vient de le voir, une véritable anomalie, la doctrine le désigne souvent sous le nom de succession anomale. On lui donne aussi le nom de retour légal ou retour successoral.

Cette dernière expression nous semble préférable. Tout d'abord, elle a l'avantage d'être composée de deux mots empruntés l'un et l'autre à la loi: l'art. 351, qui organise au profit de l'adoptant un droit tout à fait analogue à celui qui va nous occuper, dispose que les biens retourneront à l'adoptant; et notre article dit : « Les ascendants succèdent ». Ensuite elle indique bien la nature du droit dont il s'agit, qui, comme le dit Lebrun, « participe du droit de réversion et du droit de succession» du droit de REVERSION ou retour, en ce que la loi considère ici l'origine des biens; du droit de SUCCESSION, car, ainsi qu'on le verra bientôt, et que nous l'a déjà indiqué le mot succèdent, l'ascendant donateur est héritier quant aux biens donnés.

Quel que soit le nom qu'on lui donne, il est certain que le droit dont il s'agit est de nature exceptionnelle; le texte de la loi doit donc recevoir une interprétation restrictive, conformément à la règle Exceptio est strictissimæ interpretationis. C'est à peine si ce principe permet de s'aider, pour l'interprétation de l'art. 747, des dispositions qui régissent les deux autres cas de retour légal admis dans notre droit (art. 351-352 et 766).

or cette

85. On donne trois motifs pour justifier le retour successoral établi, par l'art. 747. Leur valeur est très contestable. La loi, dit-on tout le lir. d'abord, n'a pas voulu qu'à la douleur de perdre son enfant vint se joindre pour l'ascendant donateur celle de voir les biens par lui donnés passer en d'autres mains. C'est pourquoi elle lui permet de les reprendre solatii loco. Ce premier motif, un peu prosaïque, a été emprunté à la loi romaine: ne et filiæ amissæ et pecuniæ damnum sentiret (L. 6 pr., D., De jur. dot., XXIII, 3). Le suivant a la même origine L'espoir que la loi donne aux ascendants de reprendre à l'exclusion de tous autres, les biens qu'ils donnent à leurs descendants, pour le cas où ceux-ci prédécéderaient sans postérité, les encouragera à se montrer plus généreux. Prospiciendum est enim, ne hac injecta | formidine, parentum circa liberos munificentia retardetur, dit la 1. 2 C., De bon. quæ lib., VI, 61. Voici enfin le dernier motif qui est le meilleur: Dans l'intention de l'ascendant donateur, la donation s'adressait

C'est undrach

au donataire et à sa postérité; on peut donc facilement admettre que
l'ascendant aurait stipulé le droit de retour, s'il eût pu supposer que,
contrairement aux lois de la nature, le donataire mourrait avant lui
sans postérité. La loi sous-entend ainsi dans la donation une condi-
tion, que le donateur n'a peut-être pas voulu prévoir parce que sa
réalisation est peu vraisemblable, ou qu'il n'a pas osé exprimer, ne
voulant pas accompagner sa libéralité d'un sinistre présage. Malum
omen non est providendum.

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I. Historique.

86. Le retour successoral paraît tirer son origine du droit romain (L. 6, pr., D., De jure dotium., XXIII, 3; L. 4, C., Sol. matr. V, 18). La dot profectice, c'est-àdire celle constituée à une fille par le père de famille ayant sur elle le droit de puissance, faisait retour au constituant, lorsque la fille venait à mourir avant lui pendant le mariage. Dos a patre PROFECTA ad patrem revertitur.

De là le retour légal passa dans notre ancien droit, qui l'étendit à tout ascendant donateur; mais cette institution prit un caractère tout à fait différent dans les pays de droit écrit et dans les pays de coutume.

Dans la plupart des pays de droit écrit, le retour légal était considéré comme ayant sa base dans une condition résolutoire tacitement stipulée par le donateur pour le cas de prédécès du donataire sans postérité. Cette condition se réalisant, la donation était regardée comme non avenue, et par suite tous les droits consentis par le donataire sur le bien donné étaient rétroactivement anéantis, conformément à la maxime Resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis. En un mot, la condition résolutoire, que l'on supposait tacitement stipulée par le donateur, produisait le même effet que celle qu'il aurait stipulée expressément, stipulation qui constitue le retour conventionnel (art. 951 et 952).

Au contraire, dans presque tous les pays de coutume, le retour admis au profit
de l'ascendant donateur était considéré comme un droit de succession, témoin le
nom de réversion HÉRÉDITAIRE que plusieurs lui donnaient. D'où la conséquence que
le retour ne pouvait pas s'effectuer au préjudice des droits conférés par le donataire
à des tiers. Tel était bien son caractère notamment dans la coutume de Paris,
dont l'art. 313 disait : " Toutefois les ascendants] succèdent ès-choses par eux
données à leurs enfans décédans sans enfans et descendans d'eux ». C'est à peu
près la formule qu'emploie notre art. 747; nous y retrouvons notamment le mot
succèdent. Et l'on est autorisé à en conclure que, sur ce point comme sur bien
d'autres, ce sont les traditions du droit coutumier qui ont inspiré notre législateur.
Il faut souvent y recourir pour saisir complètement sa pensée, qui sur plusieurs
questions est demeurée fort obscure, à cause du laconisme de l'unique texte, l'art. 747,
qu'il nous a donné sur cette matière.

La loi du 17 nivôse de l'an II abrogea par prétérition le droit de retour successoral.
II. Nature du retour successoral.

87. Les auteurs s'accordent à peu près pour admettre que le retour
organisé par l'art. 747 constitue un droit de succession! Outre l'argu-

Por Lucettin ment tiré du mot succèdent, reproduit de l'art. 313 de la coutume de
Succellion
Paris a place qu'occupe l'art. 747, dans le titre Des successions, ne
permet guère de douter qu'il ne s'agisse d'un droit héréditaire.

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De là résultent plusieurs conséquences, et entre autres les suivantes : Le droit de retour successoral s'ouvre de la même manière que les successions. V. art. 718.

29 L'ascendant donateur ne peut pas, du vivant du donataire, renoncer à son droit de retour (arg. art. 791).

3 Il doit, pour pouvoir acquérir ce droit, réunir les qualités requises pour succéder, c'est-à-dire n'être ni incapable ni indigne.

40 L'ascendant donateur, exerçant le droit de retour successoral, est tenu de respecter les aliénations et les constitutions de droits réels consenties par le donataire.

La loi le dit expressément au sujet du retour légal accordé à l'adoptant : « sans préjudice des droits des tiers », porte l'art. 351; et elle a pu se borner à le sousentendre pour l'ascendant donateur, puisqu'elle en fait un héritier (arg. du mot succèdent) et que l'héritier doit respecter tous les droits consentis par son auteur.

En vertu du même principe, l'ascendant donateur n'a droit à aucune indemnité pour les détériorations que le donataire aurait fait subir à la chose donnée.

En doit-il une pour les améliorations? La négative est certaine, s'il s'agit d'une amélioration naturelle, telle qu'un accroissement résultant de l'alluvion; car cet accroissement se serait produit au profit de l'ascendant, s'il n'avait pas fait la donation. La solution contraire doit être admise, quoique ce point fasse quelque difficulté, pour les améliorations provenant du fait du donataire, comme les constructions. Si l'ascendant donateur pouvait reprendre son bien sans tenir compte de ces améliorations, il reprendrait plus qu'il n'a donné; or notre article ne permet à l'ascendant de succéder qu'aux choses par lui données.

5 L'ascendant donateur doit contribuer aux charges de la succession du donataire, dettes et legs. La loi le dit expressément pour l'adoptant exerçant le droit de retour légal de l'art. 351, et elle le dit implicitement pour l'ascendant donateur, en déclarant qu'il succède, car tout héritier doit contribuer aux dettes. C'était d'ailleurs la solution admise dans notre ancien droit.

Dans quelle mesure l'ascendant donateur doit-il contribuer aux charges de la succession du donataire? Proportionnellement à l'importance relative des biens auxquels s'applique le retour légal. Ainsi l'ensemble des biens laissés par le donataire, y compris le bien donné, vaut 100,000 fr.; la valeur du bien donné est de 25,000 fr., soit le quart de la masse totale; l'ascendant contribuera aux charges de la succession pour un quart.

Et si, par l'effet d'une hypothèque grevant le bien qui lui fait retour, l'ascendant était obligé de payer plus que sa part contributoire dans les dettes, il aurait recours pour l'excédent contre les héritiers, qui recueillent le surplus des biens. Arg. art. 871, 874, 1020 et 1251. Cette solution a été contestée bien à tort.

On admet généralement que l'ascendant donateur, en tant qu'il succède aux biens par lui donnés, doit être considéré comme un héritier légitime. En effet, dit-on, l'art. 747, qui organise ce droit de succession, est intercalé parmi les textes consacrés aux successions légitimes. Les auteurs qui contestent cette solution font remarquer que l'adoptant, exerçant le droit de retour légal de l'art. 351, et les frères

légitimes, exerçant le droit de retour légal de l'art. 766, sont certainement des suc-
cesseurs irréguliers. Pourquoi en serait-il autrement de l'ascendant donateur? On
n'en verrait pas la raison. Voici le principal intérêt de la question : si l'on considère
l'ascendant donateur comme un héritier légitime, on est conduit nécessairement à
décider qu'il a la saisine (art. 724), et qu'il est tenu de sa part des charges de la
succession, même ultra vires, à moins qu'il n'accepte sous bénéfice d'inventaire. Sa
situation sera différente à ce double point de vue, si on le tient pour un successeur
irrégulier.

88. Distinction de la succession anomale et de la succession ordinaire. Lorsqu'un ascendant donateur est appelé à exercer le droit de retour successoral établi par l'art. 747, il y a deux successions bien distinctes à considérer; la succession anomale, qui s'applique aux biens donnés, et la succession ordinaire, qui comprend le surplus des biens du défunt. L'ascendant donateur est appelé à la succession anomale, à l'exclusion de tous autres. Ces mots ne figuraient pas dans l'art. 313 de la coutume de Paris; ils ont été ajoutés dans l'art. 747 pour lever certaines difficultés, qui avaient surgi sous l'empire de la coutume. Ainsi on doutait que l'aïeul donateur pût exercer le droit de retour successoral en présence de son fils, père du défunt. wression emmah Ce doute n'est plus possible aujourd'hui; pour la succession anomale, l'ascendant donateur n'a pas de concurrent à craindre. Quant à la succession ordinaire, comprenant le surplus des biens, elle demeure régie par les règles du droit communaL'ascendant donateur ne la / recueillera donc pas toujours,, car il pourra trouver en face de lui ка des héritiers plus favorables mais parfois aussi il y sera appelé en même temps qu'à la succession anomale.

Lucassing ordinh

*

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Il faut examiner successivement les deux hypothèses.

89. PREMIÈRE HYPOTHÈSE. L'ascendant donateur n'est appelé qu'à la succession anomale. Par exemple un aïeul, appelé à succéder aux biens qu'il a donnés à son petit-fils décédé sans postérité, trouve en face de lui pour la succession ordinaire un frère du défunt, qui l'exclut aux termes de l'art. 750. En pareil cas, l'ascendant donateur ne sera pas considéré comme étant le cohéritier de ceux qui recueillent la succession ordinaire; car les cohéritiers sont ceux qui recueillent conjointement une même succession, mais non ceux qui recueillent deux successions distinctes; or tel est notre cas, la succession anomale se séparant complètement de la succession ordinaire.

De là résultent, entre autres, les conséquences suivantes : 1o l'ascendant donateur et l'héritier qui recueille la succession ordinaire ne seraient pas tenus respectivement au rapport des libéralités qu'ils auraient reçues du défunt, car le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier (art. 857); 2° il n'y a pas indivision entre l'ascendant donateur appelé à la succession anomale et l'héritier appelé à la succession ordinaire; par suite il n'y a lieu ni à un partage ni à la garantie qui en résulte; 3o l'ascendant donateur ne pourrait pas exercer le retrait successoral contre celui auquel l'héritier appelé à la succession ordinaire aurait cédé ses droits successifs, ni réciproquement (arg. art. 841); 4o s'il y a plusieurs héritiers appelés à la succession ordinaire, et que l'un d'eux renonce, sa part accroîtra aux autres qui sont ses cohéritiers, mais non à l'ascendant donateur (arg. art. 786).

* 90. DEUXIÈME HYPOTHÈSE. En même temps qu'il est appelé à la succession aux biens donnés, l'ascendant donateur est appelé à la succession ordinaire, soit seul, soit en concurrence avec d'autres héritiers. Ainsi un père a fait une donation à son fils; celui-ci prédécède sans postérité et le bien donné se retrouve en nature dans sa succession; il laisse comme plus proches héritiers, outre son père, sa mère et des frères ou sœurs. Ici l'ascendant donateur, le père, est appelé, d'une part, à la succession anomale, pour le bien par lui donné, et, d'autre part, à la succession ordinaire, dans laquelle il rencontre comme rivaux la mère du défunt et ses frères. Ce sont là deux droits distincts et indépendants l'un de l'autre, qu'il peut exercer séparément. Il pourra donc, soit accepter la succession anomale et la succession ordinaire, soit les répudier toutes les deux, soit même accepter l'une et répudier l'autre. Nous disons que l'ascendant donateur peut accepter l'une des successions et répudier l'autre; quelques explications sont nécessaires sur ce point.

L'ascendant donateur peut tout d'abord accepter la succession anomale et répudier la succession ordinaire. Mais quel intérêt, dira-t-on, peut-il avoir à prendre ce parti? Si les dettes laissées par le défunt rendent la succession ordinaire mauvaise, elles rendront mauvaise aussi la succession anomale, puisqu'elles se répartissent proportionnellement sur l'une et sur l'autre. Il est vrai ! Mais d'abord il peut se faire que l'ascendant attache un grand prix d'affection au bien donné, et qu'il consente pour le reprendre à payer une part des dettes dépassant sa valeur, sans vouloir pour cela faire un nouveau sacrifice en acceptant la succession ordinaire. D'autre part, si l'ascendant donateur est appelé à la succession ordinaire concurremment avec d'autres héritiers, il peut avoir intérêt à y renoncer pour se soustraire à l'obligation de rapporter à ses cohéritiers les dons ou les legs qui lui auraient été faits par le défunt (arg. art. 843 et 845).

L'ascendant donateur pourrait aussi, à l'inverse, répudier la succession anomale et accepter la succession ordinaire. On objecte que, puisque la répudiation de la succession anomale fait retomber les biens donnés dans la succession ordinaire, il est difficile de comprendre qu'après avoir répudié la succession anomale, sans doute parce qu'elle est mauvaise, l'ascendant donateur puisse avoir intérêt à accepter la succession ordinaire, qui le sera doublement lorsque la succession anomale sera venue s'y confondre. Mais d'abord, en supposant que la famille du de cujus mort insolvable soit décidée à faire honneur à ses engagements, on comprend que l'ascendant donateur, qui est appelé à la succession ordinaire concurremment avec d'autres héritiers, cherche la combinaison qui lui sera la moins onéreuse. Or, en répudiant la succession anomale et en acceptant la succession ordinaire pour la part qui lui est dévolue, il diminue sa portion contributoire dans les dettes. Ajoutons que l'ascendant donateur, qui a une réserve dans la succession ordinaire, mais qui, d'après l'opinion générale, n'en a pas dans la succession anomale, pourrait avoir intérêt à répudier la succession anomale pour grossir la succession ordinaire et augmenter ainsi la réserve à laquelle il a droit dans cette dernière (Douai, 6 mai 1870, Sir., 80. 2. 4).

III. A quelles personnes appartient le droit de retour successoral.

91. Tout ascendant donateur, quel que soit son degré, est appelé, le cas échéant, à exercer le droit de retour successoral; donc le bisaïeul ou l'aïeul aussi bien que le père.

L'application de cette règle au père, dans ses rapports avec l'enfant qu'il a légitimé et les descendants de celui-ci, est sans difficulté (arg. art. 333).

Mais s'applique-t-elle aussi au père et à la mère naturels légalement connus ? En

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