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que, si elle périt ou se détériore entre les mains du dépositaire par un cas fortuit ou de force majeure, la perte sera pour le déposant.

On désigne sous le nom de cas fortuit ou de force majeure tout événement provenant d'une cause étrangère et non imputable au débiteur, comme un incendie allumé par le feu du ciel. Cpr. Agen, 27 juin 1882, Sir., 84. 2. 92, et infra n. 891.

Il va de soi que la perte fortuite d'une chose qui ne fait l'objet d'aucun contrat ne peut être que pour celui à qui elle appartient; pour qui périrait-elle donc, si elle ne périssait pas pour le propriétaire? C'est purement et simplement cette vérité banale que nous paralt exprimer l'adage Res perit domino.

La question des risques ne peut se présenter que pour les choses qui font l'objet d'une obligation, et particulièrement d'une obligation de donner encore faut-il supposer qu'il s'agit d'un corps certain. Voici donc le sens de la question: en supposant que le corps certain, qui fait l'objet de l'obligation, vienne à périr ou à se détériorer par un cas fortuit ou de force majeure avant que l'obligation ait été exécutée, pour qui sera la perte ou la détérioration? pour le créancier? ou pour le débiteur? En d'autres termes, aux risques de qui la chose est-elle ? La loi répond aux risques du créancier. Res perit creditori. « Elle [l'obligation de livrer] rend le créancier propriétaire et met la chose » à ses risques dès l'instant où elle a dû être livrée, encore que la tra>>dition n'en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en » demeure de la livrer; auquel cas la chose reste aux risques de ce » dernier » (art. 1138 al. 2). Nous savons que les mots dès l'instant où la chose a dû être livrée signifient : dès l'instant où la livraison a été due, c'est-à-dire du jour du contrat (supra n. 872), et cela même quand un terme a été stipulé pour la livraison. Le terme n'empêche donc pas les risques d'être immédiatement pour le compte du créancier.

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L'application de ces principes est d'une extrême simplicité, lorsque le contrat qui a produit l'obligation de donner est unilatéral. Je vous ai fait donation de ma maison; avant l'époque fixée pour la livraison, elle est incendiée par le feu du ciel. Je suis libéré. A l'impossible nul n'est tenu.

Mais la question se complique, si le contrat qui a produit l'obligation de donner est synallagmatique. Il y a ici deux obligations : l'obligation de donner et une obligation corrélative. Le cas fortuit qui a fait périr la chose, objet de l'obligation de donner, libère le débiteur de cette obligation, c'est incontestable. Libère-t-il aussi le créancier, de l'obligation corrélative à laquelle il s'est soumis? Nullement. Autrement le risque ne serait pas à sa charge. Ainsi je vous vends mon cheval Bucéphale moyennant 2,000 fr.; avant l'expiration du délai fixé pour

la livraison, le cheval meurt subitement. Je suis libéré. Mais vous n'êtes pas libéré de votre obligation envers moi; vous devrez donc me payer les 2,000 fr. qui forment le prix de la vente.

N'est-ce pas une injustice criante? L'acheteur ne peut-il pas dire qu'il ne s'est obligé que pour avoir la chose, et que, du moment où cela est impossible, il doit être dispensé de payer son prix ? L'injustice n'est qu'apparente. Sans doute, dans le contrat de vente comme dans tous les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque partie a pour cause celle de l'autre; mais, une fois que les deux obligations se sont valablement formées par le consentement des parties, elles deviennent indépendantes l'une de l'autre; elles acquièrent chacune une existence distincte, et doivent par conséquent être envisagées isolément. Or que voyons-nous dans l'espèce proposée ? Le vendeur est dans l'impossibilité d'exécuter son obligation le cheval n'existe plus, comment pourrait-il en effectuer la délivrance? La loi lui fait l'application de la maxime A l'impossible nul n'est tenu; elle le déclare libéré (art. 1302). Il ne doit même pas de dommages et intérêts à l'acheteur pour le préjudice qu'il éprouve, parce que ce préjudice ne résulte pas d'un fait qui lui soit imputable. Le vendeur, par suite de l'obligation de donner qu'il a contractée, était tenu de veiller à la conservation de la chose et de la livrer à l'époque convenue. Nous supposons qu'il a rempli ponctuellement la première obligation; et, quant à la seconde, il se trouve dans l'impossibilité de la remplir, par suite d'un fait qui lui est étranger. On ne peut donc lui reprocher aucun manquement à ses obligations; par suite il ne saurait être tenu envers le créancier; il doit être complètement libéré. Mais tout cela est étranger à l'obligation de l'acheteur. De ce qu'il y a impossibilité pour le vendeur de livrer la chose, il n'en résulte pas qu'il y ait. impossibilité pour l'acheteur de payer le prix. Il devra donc exécuter son obligation, puisque l'exécution est possible. On trouve surprenant que l'acheteur puisse être exposé à payer le prix d'une chose qu'il ne reçoit pas. Mais est-ce que le vendeur n'est pas exposé, de son côté, à perdre la chose et le prix par suite de l'insolvabilité de l'acheteur, auquel il aura, en exécution de la convention, fait la livraison de la chose avant d'être payé ? Ce sont là les fortunes diverses des obligations résultant d'un même contrat; chaque partie les subit. D'ailleurs il faut ajouter qu'à côté des mauvaises chances il y a les bonnes. En même temps que la loi inflige à l'acheteur le periculum rei vendita, elle lui donne à titre de compensation le commodum. Que la chose vendue vienne à doubler de valeur dans l'intervalle de la vente à la livraison, par suite d'une circonstance fortuite, l'acheteur trouvera tout simple de profiter de ce bénéfice, sans augmentation du

prix. Alors pourquoi se récrie-t-il quand on veut lui faire supporter la perte? C'est la contre-partie.

883. En somme, la règle, qui met les risques à la charge de l'acheteur dans le contrat de vente, et d'une manière générale à la charge du créancier dans l'obligation de donner, lorsqu'elle est relative à un corps certain, n'est qu'une application particulière de la maxime Debitor rei certæ rei interitu liberatur. Cette interprétation est confirmée par les art. 1245 et 1302.

C'est à tort, selon nous, que plusieurs auteurs ont voulu rattacher la décision de l'art. 1138 relativement aux risques à la maxime Res perit domino. Il est vrai que ce texte parle des risques en même temps que de la translation de la propriété : << Elle [l'obligation de livrer] rend le créancier propriétaire et met la chose à ses ris»ques... »; mais il n'établit pas entre ces deux choses un lien de cause à effet. Le législateur dit que l'obligation de livrer produit deux résultats: 1° elle rend le créancier propriétaire; 2o elle met la chose à ses risques. Mais il ne dit pas que ce deuxième effet soit une conséquence du premier; il ne dit pas que les risques sont à la charge du créancier, parce qu'il est devenu propriétaire. En droit romain, l'acheteur n'était pas propriétaire dans l'intervalle qui s'écoulait entre la vente et la tradition ce qui n'empêchait pas les risques d'être pour son compte; les mêmes principes avaient été admis dans notre ancien droit. On rattachait donc alors la question des risques, non à la règle Res perit domino, mais à la règle Debitor rei certæ rei interitu liberatur. Pourquoi supposer que le code civil ait changé cette base? La décision relative aux risques est une disposition traditionnelle; elle doit donc être interprétée conformément à la tradition. Il est vrai que l'acheteur devient aujourd'hui propriétaire par le seul effet du consentement, et c'était une raison de plus pour notre législateur de mettre les risques à son compte; mais ce n'est pas à dire qu'il l'en ait chargé pour cet unique motif. Voici maintenant la conclusion pratique de ce débat ; on trouvera peut-être que son importance n'est pas en rapport avec celle que nous avons assignée au débat lui-même par les développements dans lesquels nous venons d'entrer; mais il présente un intérêt capital au point de vue théorique, et c'est là notre excuse : les risques ne cesseraient pas d'être à la charge de l'acheteur, si, par une clause dont la pratique n'offre que de très rares exemples, mais dont la validité ne saurait cependant être contestée, le vendeur s'était réservé la propriété jusqu'au jour de la livraison.

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884. Les risques cessent d'être à la charge du créancier dans trois

cas:

1° Lorsqu'une clause de la convention les met à la charge du débiteur; l'art. 1302 al. 2 autorise cette stipulation;

2° Lorsque le cas fortuit, qui a fait périr la chose ou qui l'a fait disparaître ou qui l'a détériorée, a été occasionné par une faute du débiteur, par exemple si la chose a été volée parce que le débiteur a négligé de la mettre en lieu sûr;

3° Si la chose a péri pendant la demeure du débiteur. La loi formule cette exception dans les termes suivants : « à moins que le débi>>teur ne soit en demeure de la livrer; auquel cas la chose reste aux » risques de ce dernier » (art. 1138 in fine). La demeure reporte donc

sur le débiteur les risques de la chose (au moins certains risques, nous préciserons bientôt), qui auparavant étaient pour le compte du créancier.

885. Le mot demeure, mora, éveille l'idée d'un retard que le débiteur apporte à l'exécution de son obligation. Mais tout débiteur qui est en retard n'est pas par cela même en demeure; toute demeure implique un retard, mais tout retard ne constitue pas la demeure. Pour que le débiteur qui est en retard soit en outre en demeure, il faut qu'il soit juridiquement constaté que ce retard cause préjudice au créancier, qu'il est contraire à ses vues: ce qui n'a lieu en principe que lorsque le créancier a interpellé le débiteur. D'où résultera l'interpellation? La loi dit d'une sommation ou d'un autre acte équivalent (art. 1139), par exemple un commandement ou une demande en justice.

Tout acte suffisant pour interrompre la prescription (art. 2244) l'est à plus forte raison pour mettre le débiteur en demeure; car la loi exige un acte moins énergique pour la mise en demeure que pour l'interruption de la prescription, puisque la simple sommation suffit pour opérer la mise en demeure, tandis qu'elle ne suffit pas pour interrompre la prescription (art. 2244).

Lorsque l'obligation est à terme, l'interpellation destinée à mettre le débiteur en demeure ne doit avoir lieu que le lendemain de l'échéance du terme. Totus is dies arbitrio solventis tribui debet.

Tant que le débiteur n'a pas été interpellé, la loi suppose que le retard qu'il apporte à l'exécution de l'obligation ne cause pas préjudice au créancier, que celui-ci n'a pas d'intérêt à l'exécution immédiate, et qu'il consent à ce que le débiteur prenne son temps. Le code civil a donc rejeté la règle romaine Dies interpellat pro homine, qui avait pour conséquence de transformer de plein droit le retard en demeure. Et toutefois la loi permet aux parties de ressusciter cette ancienne règle en déclarant dans le contrat que le débiteur sera en demeure << sans >> qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme », expressions qui bien entendu n'ont rien de sacramentel. Le débiteur se trouve alors interpellé par anticipation; il est averti que le créancier tient essentiellement à l'exécution immédiate de l'obligation aussitôt que le terme sera échu; il n'a qu'à se tenir sur ses gardes. Nous venons d'analyser l'art. 1139, ainsi conçu « Le débiteur est constitué en » demeure, soit par une sommation ou par un autre acte équivalent, soit » par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin » d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure ». Les compagnies d'assurance contre l'incendie insèrent en général dans leurs polices une clause aux termes de laquelle « à défaut de paiement de la prime dans le délai fixé, et sans qu'il soit besoin d'aucune mise en demeure, l'assuré n'a droit au cas de sinistre à aucune indemnité ». La jurisprudence décide que cette clause ne doit pas être appliquée dans toute sa rigueur lorsque la compagnie est dans l'usage

d'envoyer un agent à domicile pour l'encaissement des primes. Cass., 20 décembre 1887, Sir., 88. 1. 56. V. cependant Paris, 2 août 1883, Sir., 84. 2. 10.

886. Nous savons ce que c'est que la demeure et d'où elle résulte. L'art. 1138 nous dit que l'un de ses effets (il y en a d'autres que nous indiquerons plus tard) est de reporter les risques de la chose sur le débiteur, mais non pas tous les risques cependant, quoi que paraisse dire le texte. L'art. 1302 précise en expliquant qu'il ne s'agit que des risques qui sont une conséquence de la demeure, des nouveaux risques que la demeure fait courir au créancier et qu'il ne courrait pas si le débiteur avait rempli fidèlement son obligation. En d'autres termes, le débiteur supportera les cas fortuits qui n'auraient pas fait périr la chose, si elle eût été livrée au créancier; mais les autres demeureront à la charge de celui-ci, parce qu'il n'y a aucun lien entre eux et la demeure du débiteur. Ainsi vous m'avez vendu votre cheval livrable au bout d'un mois; le terme expiré, je vous mets en demeure, et vous ne livrez pas; un incendie survient qui dévore votre écurie, et le cheval y périt. Voilà un cas fortuit qui n'aurait pas fait périr la chose, si elle m'eût été livrée; il est trop juste que vous en répondiez, car il est une conséquence de votre demeure. Supposons au contraire que le cheval soit mort d'un coup de sang; la perte sera pour moi; car votre demeure n'est pas la cause de ce cas fortuit; il se serait tout aussi bien produit, si l'animal eût été entre mes mains. La demeure du débiteur ne peut le rendre responsable que du préjudice qu'elle occasionne; or ici le préjudice a une cause étrangère à la demeure.

En résumé, le débiteur qui est en retard est en faute, qui in mora est culpa non vacat, et, en en le rendant responsable des cas fortuits dont sa demeure est la cause, la loi ne fait qu'une application particulière de ce principe, que le débiteur répond des cas fortuits qui ont été occasionnés par sa faute, de sorte que la troisième exception rentre dans la seconde.

SECTION III

DE L'OBLIGATION DE FAIRE OU DE NE PAS FAIRE

887. L'obligation de faire est celle par laquelle le débiteur s'engage à accomplir un fait, par exemple à construire une maison, à labourer un champ, à creuser un fossé. L'obligation de livrer est un cas particulier de l'obligation de faire, quoi que dise M. Laurent (t. 16, n. 196). Quant à l'obligation de donner, nous savons que le législateur l'oppose à l'obligation de faire (art. 1101). Voyez supra n. 784.

L'obligation de ne pas faire est celle par laquelle le débiteur s'engage à s'abstenir d'un fait, par exemple à ne pas écrire dans tel journal, à ne pas jouer sur tel théâtre.

La plupart du temps, il est impossible de contraindre directement le

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