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la pensée qui a guidé le législateur. Mais nous croyons qu'il n'avait pas de tables de logarithmes sous la main, ou, s'il en avait, qu'il n'a pas su s'en servir. Qu'on en juge! La capitalisation des intérêts, faite tous les ans au taux de 5 %, ainsi que la loi le permet, double le capital en quatorze ans environ, le chiffre exact est 14,21; la capitalisation, qui serait faite tous les mois au même taux, le doublerait en un nombre d'années représenté par 13,93, et celle faite toutes les semaines, toujours à 5 %, en un nombre d'années représenté par 13,78. Valait-il bien la peine, pour d'aussi faibles différences, de prohiber la capitalisation faite par périodes plus courtes qu'une année ? Une autre considération aurait pu porter le législateur à ne pas établir cette prohibition, c'est qu'en pratique, elle paraît facile à éluder. En effet le créancier, auquel il est dû des intérêts pour moins d'une année, pour six mois par exemple, pourrait certainement, aussitôt après avoir touché ces intérêts, les remettre au débiteur à titre de prêt, comme un nouveau capital produisant intérêt. Alors il pourra bien arriver que les parties, qui veulent arriver à la capitalisation de ces intérêts, simulent une double tradition; et comme elles pourront répéter cette fraude indéfiniment à toutes les échéances, la prohibition de la loi deviendra ainsi lettre morte. De là certains auteurs ont conclu qu'une prohibition si facile à éluder, doit être considérée comme n'existant pas, et que par conséquent l'on peut par convention faire produire des intérêts à des intérêts dus pour moins d'une année. Mais cette thèse nous paraît insoutenable. De ce qu'une loi peut être plus ou moins facilement éludée, il n'en résulte certes pas que les citoyens soient dispensés de l'observer. Quand il sera démontré que les parties ont voulu arriver par une voie détournée à faire ce que la loi leur défend, leur convention sera nulle, voilà tout. Nous ajoutons que la plupart du temps le juge n'aura pas besoin de beaucoup de perspicacité pour saisir la fraude et la réprimer; car elle sera ordinairement transparente.

Observons d'ailleurs que la loi parle d'intérêts dus POUR une année entière, et non DEPUIS une année entière. Les intérêts dus pour une année peuvent donc être immédiatement rendus productifs d'intérêts par convention ou par demande.

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906. La règle établie par l'art. 1154 souffre plusieurs exceptions qu'indique l'art. 1155. Dans les divers cas prévus par ce texte, les intérêts échus peuvent être capitalisés, bien qu'ils soient dus pour moins d'une année entière, pour trois mois par exemple. « Néanmoins les » revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de » la convention. — La même règle s'applique aux restitutions de fruits, » et aux intérêts payés par un tiers au créancier en acquit du débi» teur ». Dans toutes les hypothèses prévues par ce texte, le débiteur n'a pas de capital à rembourser, et il n'y avait pas à redouter pour lui par conséquent les dangers résultant de l'accumulation du capital et ⚫des intérêts.

Notre article excepte de la règle :

1o Les fermages et loyers. Le fermage est le prix de location d'un immeuble rural, le loyer, le prix de location d'un immeuble urbain, c'est-à-dire d'une maison;

2o Les arrérages de rentes perpétuelles ou viagères. L'exception s'explique tout naturellement en ce qui concerne les arrérages des rentes viagères. On sait que ces arrérages représentent, non seulement les intérêts du capital de la constitution,

mais en outre une partie de ce capital lui-même, qui s'use ainsi petit à petit pour disparaître complètement à la mort de la personne sur la tête de laquelle la rente est établie. On ne devait donc pas appliquer aux arrérages de la rente viagère, qui sont pour une forte partie la représentation d'un capital, une disposition qui n'a de raison d'être qu'en ce qui concerne les intérêts des capitaux. Pour les rentes perpétuelles, l'exception s'explique principalement par cette considération, que les dispositions restrictives de l'anatocisme sont surtout à l'adresse des usuriers, et que ceux qui font commerce de l'usure n'aliènent guère leurs capitaux moyennant une rente;

3o Les restitutions de fruits. Il s'agit du cas où un possesseur de mauvaise foi est condamné au paiement d'une somme d'argent représentative de la valeur des fruits qu'il a perçus (art. 549);

4° Les intérêts payés par un tiers au créancier en acquit du débiteur. Ces intérêts constituent évidemment un capital pour celui qui les paie en acquit du débiteur; il faut donc leur appliquer les règles relatives aux capitaux, et non celles relatives aux intérêts des capitaux, c'est-à-dire qu'ils échappent à la disposition restrictive de l'art. 1154.

* Observation. La règle établie par l'art. 1154 ne concerne que les intérêts des capitaux; elle ne comprend donc pas les fermages, loyers et restitutions de fruits, qui sont des revenus mais non des intérêts, ni les intérêts payés par un tiers en acquit du débiteur, qui sont par rapport à celui qui les a payés un capital, et il était par suite inutile de les excepter de la règle; car on n'excepte d'une règle que ce qu'elle comprend. L'exception au contraire était nécessaire en ce qui concerne les arrérages des rentes, qui constituent bien des intérêts de capitaux, au moins lorsque la rente a été établie moyennant un capital en argent, et qui par conséquent étaient compris dans la règle.

*906 bis. Les revenus et les diverses prestations dont parle l'art. 1155 peuventils être capitalisés par anticipation? En d'autres termes, les parties peuvent-elles convenir d'avance que ces divers revenus ou prestations porteront intérêt au fur et à mesure des échéances? La négative semble bien résulter du mot échus employé par l'art. 1155; ce mot fournit ici un argument a contrario tout à fait analogue à celui que nous en avons tiré dans l'art. 1154 (supra n. 904). Dans ce système, la dérogation indiquée par le mot Néanmoins de l'art. 1155 ne porterait que sur la seconde condition, exigée par l'art. 1154 pour que les intérêts puissent être rendus productifs d'intérêts, non sur la première. La solution contraire est plus généralement adoptée. Le mot échus, dit-on, s'est glissé par inadvertance dans l'art. 1155. Nous venous de dire que presque toutes les prestations indiquées par l'art. 1155 ne sont pas des intérêts; par conséquent le fait de rendre ces prestations productives d'intérêts ne peut pas constituer un anatocisme, puisque l'anatocisme est l'intérêt des intérêts. Concevrait-on qu'on appliquàt une disposition restrictive de l'anatocisme à des cas où il n'y a pas anatocisme?

SECTION V

DE L'INTERPRÉTATION DES CONVENTIONS

907. Les articles qui composent cette section ont été à peu près complètement copiés dans Pothier; aussi croyons-nous ne pouvoir mieux faire que de les éclairer à l'aide des exemples que donne le célèbre jurisconsulte (traité des obligations, nos 91 et suivants).

PREMIÈRE RÈGLE. « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune » intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des » termes » (art. 1156). In contractibus rei veritas potius quam scriptura perspici debet... non quod scriptum sed quod gestum est. L. L. 1 et 3 C., Plus valere...

Ainsi, dit Pothier, << vous teniez à loyer de moi un petit appartement dans une maison dont j'occupais le reste; je vous ai fait un nouveau bail dans ces termes : J'ai donné à loyer à un tel MA MAISON pour tant d'années, pour le prix porté au précédent bail; serez-vous fondé à prétendre que je vous ai loué toute ma maison? Non; car quoique ces termes ma maison, dans leur sens grammatical, signifient ma maison entière et non un simple appartement, néanmoins il est visible que notre intention n'a été que de renouveler le bail de l'appartement que vous teniez de moi, et cette intention dont on ne peut douter doit prévaloir aux termes du bail ».

En vertu du même principe, le juge chargé d'interpréter la convention n'est pas nécessairement lié par le nom que les parties lui ont donné. Il en est ainsi du moins, lorsque les clauses de la convention sont incompatibles avec la qualification que l'acte lui donne. Cass., 22 février 1887, Sir., 88. 1. 87.

DEUXIÈME RÈGLE. « Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt » l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens » avec lequel elle n'en pourrait produire aucun » (art. 1157).

Par exemple, s'il est dit à la fin d'un acte de partage : il a été convenu entre Pierre et Paul que Paul pourrait passer sur ses heritages, entendez sur les héritages de Pierre, autrement la clause n'aurait aucun effet.

De même un acte dont le caractère est douteux doit être interprété dans le sens qui permet de le considérer comme valable, plutôt que dans celui où il serait nul. Interpretandus est actus potius ut valeat quam ut pereat. La cour de Rennes a fait application de ce principe au cas d'un acte entièrement écrit, daté et signé de la main du disposant, et ainsi conçu : « Je fais don à ma femme de tout ce que je possède en propriété; qu'elle en fasse ce qu'elle voudra ». La cour a validé l'acte en le considérant comme un testament. Elle aurait dû le déclarer nul au contraire, si elle l'avait considéré comme une donation entre vifs. Arg. art. 931. Rennes, 22 juin 1884, Sir., 84. 2. 18.

TROISIÈME RÈGLE. « Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le » sens qui convient le plus à la matière du contrat » (art. 1158).

Si, par exemple, je vous loue pour neuf années ma maison moyennant 1,000 fr., on devra considérer que ce n'est pas une somme de 1,000 fr. une fois payée, mais 1,000 fr. par an que nous avons entendu stipuler; car il est de la nature du contrat de louage que le prix consiste dans une somme annuelle.

QUATRIÈME RÈGLE. « Ce qui est ambigu s'interprète par ce qui est d'usage dans le » pays où le contrat est passé » (art. 1159).

Ainsi je fais marché avec un vigneron pour qu'il cultive ma vigne moyennant une certaine somme, sans expliquer le nombre de labours qu'il devra donner; nous sommés censés être convenus qu'il donnera le nombre de labours qu'on a coutume de donner dans le pays.

CINQUIÈME RÈGLE. « On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d'usage » quoiqu'elles n'y soient pas exprimées » (art. 1160). In contractibus tacite veniunt ea quæ sunt moris et consuetudinis. Cpr. supra n. 862.

SIXIÈME RÈGLE. « Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les » autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier » (art. 1161). SeptiÈME RÈGLE. « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a sti» pulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation » (art. 1162).

En général, dans les contrats, chaque clause est dictée par celui qui y joue le rôle de stipulant; s'il ne s'est pas expliqué clairement, il est naturel d'interpréter contre lui le doute que peut présenter la clause, legem potuit apertius dicere. On trouve une application de ce principe dans l'art. 1247 in fine.

HUITIÈME RÈGLE. « Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une con

»vention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il parait que les » parties se sont proposé de contracter » (art. 1163).

«Par exemple, dit Pothier, si un légataire a composé avec l'héritier à une somme pour ses droits résultant du testament du défunt, il ne sera pas exclu de la demande d'un autre legs à lui fait par un codicille qui n'a paru que depuis la transaction ». NEUVIÈME RÈGLE. «< Lorsque, dans un contrat, on a exprimé un cas pour l'explica» tion de l'obligation, on n'est pas censé avoir voulu par là restreindre l'étendue que l'engagement reçoit de droit aux cas non exprimés » (art. 1164).

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Quæ dubitationis tollendæ causa contractibus inseruntur, jus commune non lædunt. Ainsi, d'après l'art. 1401, tout le mobilier présent et à venir des époux tombe dans la communauté; de ce que, dans un contrat de mariage, on stipule que le mobilier des successions qui écherront aux futurs entrera dans la communauté, il ne suit nullement que tout autre mobilier en sera exclu.

SECTION VI

de l'effet DES CONVENTIONS A L'ÉGARD DES TIERS

I. Principe.

908. Les conventions tirent leur force obligatoire du consentement des parties; il est donc tout simple qu'elles n'aient d'effet qu'entre ceux qui ont consenti. C'est ce que dit un vieil adage: Res inter alios acta aliis nec nocere nec prodesse potest. L'art. 1165 n'en est guère que la reproduction: « Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties » contractantes; elle ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent » que dans le cas prévu par l'article 1121 ». Cpr. Paris, 4 avril 1884, Sir., 84. 2. 90.

D'une manière générale, il faut entendre ici par tiers toute personne qui n'a pas participé à la convention et qui n'y a pas été valablement représentée. Ainsi le mandant n'est point un tiers par rapport à la convention dans laquelle il a été représenté par son mandataire, qui mandat ipse fecisse videtur, ni le maître par rapport à la convention où le gérant d'affaires a parlé en son nom. De même, les ayant cause universels des parties contractantes, héritiers, donataires ou légataires universels, créanciers chirographaires, ne sont pas des tiers quant aux conventions dans lesquelles a figuré leur auteur. En ce qui regarde les ayant cause à titre particulier des parties, tels qu'acheteurs, donataires, nous avons vu plus haut sous l'art. 1122 que les conventions, faites par leur auteur antérieurement à l'époque où ils ont traité avec lui, produisent effet par rapport à eux, lorsqu'elles sont relatives à la chose qui leur a été transmise et qu'elles ont augmenté ou diminué le droit de l'auteur sur cette chose (supra n. 829). Ainsi l'acheteur d'un immeuble peut invoquer la convention par laquelle son vendeur a stipulé une servitude au profit de cet immeuble, de même qu'on peut invoquer contre lui la convention par laquelle ce même vendeur l'a grevé d'une servitude antérieurement à la vente; le tout sauf la ques

A

tion de transcription. Par rapport à toutes autres conventions faites par leur auteur, les ayant cause à titre particulier sont des tiers.

La règle, que les conventions ne nuisent point aux tiers, souffre une exception remarquable au cas de concordat. Dans cette convention, qui accorde le plus souvent au failli la remise d'une partie de ses dettes, la volonté de la majorité des créanciers peut être imposée à la minorité. Voyez art. 507 et 516 C. co. La convention peut donc être obligatoire pour des créanciers qui n'y ont aucunement figuré, et même pour des créanciers qui s'y sont opposé.

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A son tour, la règle, que les conventions ne profitent pas aux tiers, souffre exception, dit notre texte, dans le cas prévu par l'art. 1121. Rappelons ses termes : « On >> peut pareillement stipuler au profit d'un tiers, lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un >> autre... ». Et toutefois il n'est peut-être pas très exact de dire en pareil cas que la convention profite à un tiers; car il y a seulement, comme nous l'avons vu, une pollicitation en faveur du tiers, qui ne fera naître de droit à son profit que lorsqu'il l'aura acceptée, auquel cas il devient partie, et qui jusque-là peut être rétractée.

En outre, le législateur paraît nous présenter les dispositions des art. 1166 et 1167 comme établissant une double exception à la règle posée par l'art. 1165. Argument du mot Néanmoins de l'art. 1166 et du mot aussi de l'art. 1167. Mais la vérité est que ces deux dispositions contiennent plutôt un développement du principe qu'une exception à ce principe. Que font en effet les créanciers qui exercent l'action indirecte de l'art. 1166? Ils se prévalent d'une convention dans laquelle leur débiteur a figuré ce qui n'est qu'une application de la règle que les conventions profitent aux ayant cause universels des parties contractantes. A leur tour, que font les créanciers qui exercent l'action de l'art. 1167 (action paulienne)? Ils attaquent une convention frauduleuse faite par leur débiteur; ils soutiennent qu'ils n'ont pas été représentés par lui dans cette convention, car on ne peut pas dire qu'un débiteur représente ses créanciers, quand il agit en fraude de leurs droits; ils réclament donc la qualité de tiers, à raison de la fraude commise par le débiteur, et ils agissent précisément en vertu du principe que les conventions ne nuisent point aux tiers.

II. Du droit qui appartient aux créanciers d'exercer les actions

de leur débiteur.

909. Ce droit est consacré par l'art. 1166, ainsi conçu : « Néanmoins » les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débi»teur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la pera

>> sonne ».

Tous les biens d'un débiteur sont affectés d'une manière générale au paiement de ses dettes; ils servent, comme le dit l'art. 2093, de gage commun à ses créanciers, qui peuvent les saisir et les faire vendre pour se payer sur le prix. Or, parmi les biens du débiteur, figurent les droits et actions qui lui appartiennent; ces droits et actions sont donc compris dans le gage de ses créanciers. Mais ce n'est pas l'action elle-même que les créanciers saisiront et feront vendre pour se payer sur le prix, c'est le bien que son exercice fera entrer dans le patrimoine du débiteur. Il faut donc commencer par réaliser l'action,

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