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Ce qui vient d'être dit de la fraude ne doit pas être étendu à la simulation. Un créancier peut attaquer comme simulés les actes antérieurs à sa créance, de manière à substituer la situation vraie du débiteur à sa situation apparente. Lyon, 28 février 1884, Sir., 85. 2. 129.

D'un autre côté, le principe qu'un créancier ne peut pas attaquer par l'action paulienne un acte antérieur à sa créance, souffre exception au cas de fraude commise à l'encontre des créanciers futurs.

922 bis. L'action paulienne n'appartient pas seulement aux créanciers. D'une manière générale, toute personne qui a été victime d'un acte accompli en fraude de ses droits, peut en poursuivre l'annulation. Fraus omnia corrumpit. Ainsi un légataire peut faire annuler la renonciation de l'héritier du défunt à la succession de celui-ci, s'il prouve que cette renonciation a été faite dans le but unique de lui nuire. Ainsi jugé par la cour de Dijon, le 24 juillet 1885 (Sir., 87. 2. 227) dans une espèce où une fille, donataire en avancement d'hoirie de sa mère, avait renoncé à la succession de celle-ci, à laquelle elle était appelée conjointement avec un frère, dans le but unique de faire tomber le legs de la quotité disponible fait par la défunte au profit de son mari survivant.

3. Quels actes peuvent être attaqués par l'action_paulienne.

923. Tombent sous le coup de l'action paulienne tous les actes par lesquels le débiteur a frauduleusement diminué le gage de ses créanciers, quodcunque... fraudis causa factum est... qualecunque fuerit, dit la loi romaine. Peu importe qu'il s'agisse d'un contrat soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, ou d'un acte unilatéral tel qu'une renonciation à un droit acquis. Sous le nom de tierce opposition, l'action paulienne permet même d'atteindre les jugements, dans lesquels le débiteur s'est laissé condamner par suite d'une collusion frauduleuse avec la partie adverse.

L'action paulienne est donc une action générale. Ce principe souffre cependant deux exceptions.

La première résulte du lien qui unit l'art. 1167 à l'art. 1166. L'art. 1166 permet aux créanciers d'exercer les droits de leur débiteur, en vue de se faire payer sur le prix des biens qu'ils feront ainsi entrer dans son patrimoine. C'est aussi vers ce but que tend finalement l'art. 1167; seulement, comme il s'agit d'un droit qui n'appartient plus au débiteur, il faut préalablement le reconquérir, et c'est précisément ce qu'obtiennent les créanciers en faisant annuler au moyen de l'action paulienne l'acte frauduleux par lequel le débiteur s'en est dépouillé. En un mot, dans le cas de l'art. 1166, les créanciers exercent un droit appartenant à leur débiteur; dans le cas de l'art. 1167, ils exercent un droit qui ne lui appartient plus, mais que l'action paulienne fait revivre à leur profit. Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, il faut donc qu'il s'agisse d'un droit susceptible d'étre exercé par les créanciers au lieu et place du debiteur: ce qui exclut les droits personnels au débiteur, ou, comme le dit l'art. 1166, les droits exclusivement attachés à sa personne. Ainsi, par exemple, un créancier ne pourrait pas attaquer par l'action paulienne la renonciation frauduleuse que son débiteur aurait faite au droit de demander la révocation d'une donation contre un donataire coupable d'ingratitude. En supposant que le créancier pût faire annuler cette renonciation, quel profit retirerait-il de l'annulation, puisqu'il ne pourrait pas exercer l'action en révocation du chef du débiteur ?

Notre première exception peut donc être ainsi formulée : l'action paulienne n'est

pas admise contre les actes par lesquels le débiteur s'est dépouillé d'un droit exclusivement attaché à sa personne.

Voici maintenant la deuxième; elle est indiquée en termes fort obscurs par l'art. 1167 in fine, ainsi conçu : Ils [les créanciers] doivent néanmoins, quant à leurs » droits énoncés au titre des Successions et au titre du Contrat de mariage et des » Droits respectifs des époux, se conformer aux règles qui y sont prescrites ».

Ce texte nous annonce une double restriction au principe de l'action paulienne : l'une établie au titre Des successions, l'autre, au titre Du contrat de mariage.

La première est facile à trouver. On s'accorde à reconnaître qu'elle résulte de l'art. 882. Il s'agit du partage de succession, l'un des actes qui se prêtent le mieux à la fraude, mais l'un de ceux aussi qu'il y a le plus d'inconvénient à briser,

cause

des nombreux intérêts qui se trouvent ainsi sacrifiés. Nous savons que la loi fournit ici aux créanciers des copartageants un moyen de prévenir les fraudes qui pourraient être tentées à leur encontre il consiste à intervenir au partage pour en surveiller les opérations; s'ils ont négligé d'user de ce moyen préventif, le moyen répressif de l'action paulienne leur sera refusé (supra n. 322).

La seconde restriction doit, d'après notre texte, se trouver dans le titre Du contrat de mariage... Mais elle y est si bien cachée que les auteurs n'ont pas su la trouver, peut-être parce qu'ils sont allés la chercher trop loin. Nous croyons qu'elle résulte tout simplement de l'art. 1476, qui rend applicables au partage de la communauté les règles relatives au partage des successions, et par conséquent celles contenues dans l'art. 882. Les créanciers de l'un des copartageants ne pourraient donc pas attaquer par l'action paulienne un partage de communauté, auquel ils auraient négligé d'intervenir ou de former opposition.

4. Des effets de l'action paulienne.

924. L'instance, à laquelle donne lieu l'action paulienne, est close par un jugement qui déclare bien ou mal fondée la prétention du créancier ou des créanciers demandeurs. Supposons que le tribunal estime cette prétention bien fondée; il annulera l'acte frauduleux attaqué par les créanciers. L'action paulienne est donc une action en nullité, ou en révocation, d'où le nom d'action révocatoire, par conséquent une action personnelle. Cass., 30 juillet 1884, Sir., 85. 1. 77. L'art. 1167 le donne à entendre par le mot attaquer, et l'art. 271 le dit en toutes lettres (arg. des mots sera déclarée nulle). Cpr. art. 622, 788 et 882. Il n'est donc pas exact de soutenir, comme on l'a fait, que l'action paulienne est une action en dommages et intérêts.

L'acte frauduleux attaqué par l'action paulienne étant annulé, le bien dont le debiteur s'était dépouillé par cet acte rentre fictivement dans son patrimoine, in bonis debitoris mansisse censetur; les créanciers reconquièrent ainsi le gage dont leur débiteur avait voulu les spolier.

Mais la révocation résultant de l'action paulienne est toute relative. Elle n'a lieu qu'en faveur des créanciers du fraudator, non au profit de celui-ci; car sa fraude ne peut pas être pour lui la source d'un droit; il ne pourra donc en aucun cas se prévaloir de cette nullité à l'égard du tiers avec qui il a traité; entre lui et ce tiers le contrat

subsiste. Ainsi un débiteur fait donation d'un immeuble à son neveu, en fraude des droits de ses créanciers; ceux-ci font annuler la donation par l'action paulienne. Le bien donné redevenant ainsi leur gage, ils le font vendre et se paient sur le prix; mais, le prix étant supérieur au montant de leurs créances, il reste un excédent disponible. A qui cet excédent reviendra-t-il? Au donataire, et non au débiteur; car dans leurs rapports respectifs le contrat est maintenu, et le donataire peut dire par conséquent : « C'est mon bien qui a été vendu, et j'ai droit à la portion du prix que vos créanciers n'ont pas absorbée ». Il n'est pas douteux non plus que le tiers qui a traité avec le débiteur pourra, s'il est acquéreur à titre onéreux, exercer une action en garanlie contre le débiteur.

925. C'est donc seulement en faveur des créanciers du fraudator que la révocation a lieu; et encore ne profite-t-elle pas à tous indistinctement, mais seulement à ceux qui ont intenté l'action et y ont participé, à ceux qui ont été parties dans l'instance à laquelle a donné lieu l'action paulienne. Cela résulte nécessairement à notre avis de la règle Res inter alios judicata aliis non prodest (art. 1351). La révocation, à laquelle donne lieu l'action paulienne, est le fruit d'un jugement; or les jugements ne peuvent être invoqués que par les parties en cause.

Cette solution est vivement contestée par un grand nombre d'auteurs; mais les opposants ne s'entendent pas entre eux. Les uns veulent que la révocation prononcée sur l'action paulienne profite à tous les créanciers du fraudator indistinctement: tous seraient admis à venir au marc le franc sur le prix du bien reconquis par l'action paulienne, même ceux dont la créance est née postérieurement à l'acte frauduleux. D'autres excluent ces derniers qui, dit-on, n'auraient pas pu intenter l'action et qui par conséquent ne doivent pas pouvoir en profiter quand elle a été intentée par d'autres. L'art. 2093 est l'arme commune, que les dissidents dirigent contre notre solution basée sur l'art. 1351. En définitive, nous dit-on, vous arrivez à établir sur les biens, que l'action paulienne fait rentrer dans le patrimoine du débiteur, un privilège au profit des créanciers qui ont été parties à l'instance paulienne, contrairement à l'art. 2093 qui dispose que le prix des biens d'un débiteur se distribue entre tous ses créanciers par contribution, à moins qu'il n'existe au profit de quelques-uns d'entre eux des causes légitimes de préférence. L'objection serait fondée, si les biens recouvrés par l'action paulienne rentraient dans le patrimoine du débiteur à l'égard de tous ses créanciers; mais nous venons de dire que, par suite de l'autorité toute relative du jugement qui statue sur l'action paulienne, la révocation de l'acte frauduleux n'a lieu qu'en faveur des créanciers qui ont été parties à l'instance; c'est donc par rapport à eux seulement que les biens aliénés rentrent dans le patrimoine du débiteur; eux seuls peuvent dire que ces biens sont redevenus leur gage, et par conséquent on ne viole pas l'art. 2093 en leur en attribuant exclusivement le prix, pas plus qu'on ne le viole en payant les créanciers qui ont produit à l'ordre ouvert sur les biens d'un débiteur, à l'exclusion de ceux qui n'y ont pas produit.

On n'a pas beaucoup affaibli à notre avis l'argument topique que notre opinion tire de l'art. 1351, en disant que les créanciers qui intentent l'action paulienne doivent être considérés comme les mandataires ou tout au moins comme les gérants d'affaires des autres créanciers. Mandataires, ils ne le sont pas, bien évidemment; ils ne pourraient être que mandataires conventionnels ou mandataires légaux; or, pour qu'ils fussent mandataires conventionnels, il faudrait une convention, et pour

qu'ils fussent mandataires légaux, il faudrait un texte, et nous n'avons ni convention ni texte. Gérants d'affaires, ils ne le sont pas davantage, car la gestion d'affaires suppose chez le gérant l'intention de gérer l'affaire d'autrui; or on ne peut pas raisonnablement prêter aux créanciers qui intentent l'action paulienne l'intention d'agir tant au nom de leurs cocréanciers qu'en leur nom personnel, puisque cela leur est préjudiciable. Il faut donc dire qu'ils ont agi exclusivement pour leur compte, et que par suite eux seuls peuvent bénéficier du résultat obtenu à l'aide de l'action.

5. Durée de l'action paulienne.

926. L'action paulienne est une action en nullité, nous l'avons déjà dit. Cela posé, il semble qu'il y ait lieu de lui appliquer la disposition de l'art. 1304 al. 1, ainsi conçu « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une con>>vention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action » dure dix ans ». Mais, en supposant qu'on soit dans les termes de ce texte (qui constitue une disposition exceptionnelle), lorsque l'action paulienne est dirigée contre une convention, on ne s'y trouverait certainement plus lorsqu'elle est dirigée contre un autre acte, une renonciation par exemple, et cependant il ne paraît pas possible d'appliquer la prescription de l'art. 1304 dans un cas et une prescription différente dans les autres. La vérité est que cet article est tout à fait étranger à l'action paulienne. Ses termes prouvent qu'il se préoccupe d'une action en nullité, intentée par les parties contractantes elles-mêmes : ce qui exclut le cas de l'action paulienne qui est exercée par les créanciers agissant comme tiers. D'un autre côté, la prescription de l'art. 1304 est fondée, comme on le verra plus tard, sur une idée de ratification tacite; or il est impossible de donner ce fondement à la prescription, en tant qu'elle s'applique à l'action paulienne. Décidément l'art. 1304 est inapplicable. Il reste la prescription du droit commun, celle de trente ans (art. 2262); c'est elle qui devra être appliquée.

CHAPITRE IV

DES DIVERSES ESPÈCES D'OBLIGATIONS

927 Le législateur va s'occuper ici des diverses modalités (du latin modus) ou manières d'être des obligations. Les, principales sont la condition, le terme, l'alternativité, la solidarité, l'indivisibilité et la clause pénale. Chacune de ces modalités fait l'objet de l'une des six sections qui composent ce chapitre. L'obligation qui n'est affectée d'aucune modalité est dite pure et simple.

Quelquefois l'expression obligation pure et simple se prend dans un sens plus restreint, comme désignant une obligation qui n'est pas affectée d'une certaine modalité. Ainsi, dans l'art. 1192, les mots obligation pure et simple, opposés à ceux d'obligation alternative, désignent une obligation non alternative. De même, quand, par opposition à une obligation conditionnelle, on parle d'une obligation pure et simple, on entend dire une obligation non conditionnelle.

I

SECTION PREMIÈRE

DES OBLIGATIONS CONDITIONNELLES

§ I. De la condition en général, et de ses diverses espèces.

928. Une obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'une condition. Cette modalité est ordinairement indiquée par l'emploi de la conjonction si: s'il fait beau temps demain, si ma nièce se marie... Il résulte de l'art. 1168 que la condition est un événement futur et incertain auquel on subordonne l'existence ou la résolution d'une obligation.

a. L'événement doit être futur. Un événement actuellement arrivé ne forme donc point une condition, alors même qu'il serait ignoré des parties au moment où elles contractent: aut statim perimit aut omnino non differt obligationem, dit la loi romaine. Ainsi la récolte de mon vignoble est terminée, et j'en ignore le résultat ; je vous achète une certaine quantité de futailles sous cette condition si la récolte a produit plus de 300 tonneaux. De deux choses l'une : ou bien la récolte dépassé le chiffre fixé, et alors la vente existe immédiatement; ou bien elle est restée au-dessous de ce chiffre, et la vente est non avenue. Et toutefois, tant que les parties sont dans l'incertitude sur le point de savoir si l'événement prévu s'est ou non réalisé, elles sont mentalement dans la même situation que si l'obligation était conditionnelle, et c'est sans doute en se préoccupant de cette circonstance toute de fait que l'art. 1181 a pu considérer comme conditionnelle l'obligation subordonnée à un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties; en droit il est certain qu'une semblable obligation n'est pas conditionnelle. Cette observation concilie dans la mesure du possible les dispositions en apparence contradictoires des art. 1168 et 1181.

b) L'événement doit être incertain. L'événement qui serait futur sans être incertain, constituerait un terme, et non une condition. Ainsi la prétendue condition si telle personne meurt ne peut être qu'un terme, car il n'y a aucune incertitude sur la réalisation de l'événement prévu; la seule chose qui soit incertaine, c'est l'époque de sa réalisation; mais tout ce qui résulte de là, c'est que le terme est incertain, dies incertus.

Au surplus, un événement doit nécessairement être fulur pour être incertain, et la loi aurait pu se borner à indiquer ce dernier caractère. Cpr. art. 1040. Un événement actuellement accompli peut bien être incertain dans l'esprit des parties, mais il ne l'est pas d'une manière absolue.

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