Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Ce que nous venons de dire des actes de disposition doit être étendu aux actes d'administration et principalement aux baux. Quand la loi pose un principe en termes absolus, il faut savoir en accepter toutes les conséquences. Les baux consentis pendente conditione par celui qui a aliéné un bien sous condition suspensive ne seraient donc pas opposables à l'acquéreur, la condition une fois accomplie. Non abstat art. 1673, dont la disposition toute spéciale à la vente à réméré ne saurait être généralisée. Il ne faut pas objecter non plus que l'administration du bien aliéné sous condition suspensive devient ainsi impossible pendente conditione. Ce qu'il y a de vrai seulement c'est qu'un acte d'administration, comme d'ailleurs un acte de disposition, ne peut devenir irrévocable que par le concours des deux intéressés, l'acquéreur, qui deviendra propriétaire avec effet rétroactif si la condition se réalise, et l'aliénateur, qui sera censé n'avoir jamais perdu la propriété si la condition ne se réalise pas. D'ailleurs il ne tient qu'aux parties de déroger à ces principes, si leur application est contraire à leurs vues; mais il faut qu'elles manifestent clairement leur volonté à cet égard.

2 Celui qui a aliéné un bien sous condition suspensive est tenu, si la condition se réalise, de livrer à l'acquéreur, non seulement la chose, mais aussi les fruits qu'il en a retirés pendente conditione, ou leur équivalent. A moins qu'une intention contraire des parties n'apparaisse clairement, ou que la loi n'autorise par une disposition expresse l'aliénateur à conserver les fruits, ainsi qu'on en voit des exemples dans les art. 856, 928, 958, 962, 1652, 1682.

Les mêmes principes doivent être appliqués mutatis mutandis à la condition résolutoire.

936. Situation du créancier conditionnel avant la réalisation de la condition. Pothier dit que, jusqu'à la réalisation de la condition, il n'est encore rien dû, mais qu'il y a seulement ESPÉRANCE qu'il sera dû. Pendente conditione, nondum debetur, sed SPES est debitum iri. Ce que Pothier et la loi romaine appellent une simple espérance, le code civil l'appelle un droit (art. 1179 in fine et 1180), et ce langage est plus correct. Le droit conditionnel est un droit imparfait sans doute, un droit en herbe, comme dit Ricard; mais enfin c'est un droit; il figure dès maintenant dans le patrimoine du créancier, qui peut en disposer à titre gratuit ou onéreux.

Il en résulte une conséquence très importante, qui concerne le principe de la non-rétroactivité des lois. Le créancier conditionnel ayant un droit, une loi nouvelle survenue pendente conditione ne porterait aucune atteinte à ce droit (arg. art. 2). Le contraire aurait lieu, si le créancier n'avait qu'une simple espérance; car le principe de la non-rétroactivité des lois ne protège que les droits, non les simples espérances ou expectatives. Cpr. t. I, n. n. 48 et 49.

La loi tire deux conséquences de notre principe:

1° Si le créancier meurt avant l'accomplissement de la condition, il transmet son droit à ses héritiers (art. 1179 in fine). La condition pourra donc se réaliser utilement à leur profit.

Nous savons qu'il en est autrement en matière de legs; la condition ne peut se réaliser utilement que pendant la vie du légataire. La rai

A

#

[ocr errors]

son en est que, les dispositions testamentaires étant personnelles, comme l'affection qui les dicte, le droit au legs ne peut s'ouvrir que dans la personne du légataire.

2°« Le créancier peut, avant que la condition soit accomplie, exercer » tous les actes conservatoires de son droit » (art. 1180). Ainsi le créancier conditionnel pourra faire inscrire pendente conditione l'hypothèque qui garantit sa créance. Mais il ne peut, avant la réalisation de la condition, accomplir aucun acte d'exécution, pas même une saisiearrêt; car il ne lui est encore rien dû, et il est incertain s'il lui sera jamais dû quelque chose.

§ II. De la condition suspensive.

937. Le législateur débute ici par un article très défectueux, dont la disposition nous est déjà connue (supra n. 928) : « L'obligation con» tractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d'un évé» nement futur et incertain, ou d'un événement actuellement arrivé, mais » encore inconnu des parties.- Dans le premier cas, l'obligation ne peut » être exécutée qu'après l'événement. Dans le second cas, l'obligation » a son effet du jour où elle a été contractée » (art. 1181).

Nous savons que la loi dit trop, en nous présentant ici comme conditionnelle l'obligation qui dépend « d'un événement actuellement >> arrivé, mais encore inconnu des parties » (supra n. 928). D'un autre côté, elle ne dit pas assez, quand elle dispose que l'obligation ne peut être EXÉCUTÉE qu'après la réalisation de la condition. Il aurait fallu aire que jus jusque-là l'obligation n'existe pas encore; du moins elle n'existe qu'en germe. Et de là résultent quatre conséquences:

1o Le créancier sous condition suspensive ne peut accomplir aucun acte d'exécution contre le débiteur, tant que la condition n'est pas accomplie; car il ne doit rien encore pendente conditione nondum debetur;

2o Si le débiteur a payé pendente conditione, il aura la condictio indebiti; car il a payé ce qu'il ne devait pas (arg. art. 1185 et 1186);

3. La prescription ne court pas à l'égard d'une créance conditionnelle jusqu'à la réalisation de la condition (art. 2257 al. 2);

4o Les risques de la chose due sous condition suspensive sont pendente conditione à la charge du débiteur. C'est ce qui résulte de l'art. 1182, ainsi conçu: « Lorsque l'obligation a été contractée sous » une condition suspensive, la chose qui fait la matière de la convention » demeure aux risques du débiteur qui ne s'est obligé de la livrer que » dans le cas de l'événement de la condition. Si la chose est entière»ment périe sans la faute du débiteur, l'obligation est éteinte. Si la » chose s'est détériorée sans la faute du débiteur, le créancier a le choix

» ou de résoudre l'obligation, ou d'exiger la chose dans l'état où elle se » trouve, sans diminution de prix. Si la chose s'est détériorée par la » faute du débiteur, le créancier a le droit ou de résoudre l'obligation, » ou d'exiger la chose dans l'état où elle se trouve, avec des dommages et » intérêts ».

Dans ce texte, la loi s'occupe principalement de la question des risques, qui suppose une perte ou une détérioration fortuite du corps certain faisant l'objet de l'obligation. Incidemment, elle traite de la responsabilité qui incombe au débiteur, lorsque la chose s'est détériorée par sa faute. Ce sont là deux questions fort distinctes que nous étudierons séparément.

1. Question des risques.

938. L'alinéa 1 de l'art. 1182 établit ce principe, que, dans l'obligation sous condition suspensive, la chose qui fait la matière de l'obligation (on suppose que c'est un corps certain) demeure pendente conditione aux risques du débiteur. Puis la loi fait deux applications de ce principe.

PREMIÈRE APPLICATION. La chose due a péri pendente conditione sans la faute du débiteur; la perte sera pour lui, car il supporte le risque. Ainsi je vous ai vendu ma maison sous condition suspensive, pour la somme de 20,000 fr. ce qui revient à dire que j'ai contracté l'obligation de vous en rendre propriétaire moyennant le prix convenu, si la condition se réalise. Pendente conditione la maison est détruite par le feu du ciel; la perte sera pour moi, débiteur de la maison, en ce sens que, si la condition se réalise plus tard, je ne pourrai pas vous demander le prix convenu. D'après notre loi, le contrat ne se forme pas lorsque la chose qui en fait l'objet n'existe plus au moment de la réalisation de la condition. N'y ayant pas de contrat, il faut appliquer la règle Res perit domino (supra n. 882). A tort ou à raison, notre législateur a consacré sur ce point la théorie de Pothier qui dit au n. 219 de son traité Des obligations: « Si la chose... périt entièrement avant l'accomplissement de la condition, inutilement la condition s'accomplira-t-elle par la suite; car l'accomplissement de la condition ne peut pas confirmer l'obligation de ce qui n'existe plus, ne pouvant pas y avoir d'obligation sans une chose qui en soit le sujet ».

*Cela répond en même temps à l'objection qu'on pourrait prétendre tirer contre notre solution de la rétroactivité de la condition accomplie. La rétroactivité est une conséquence de la formation du contrat, et non la formation du contrat une conséquence de la rétroactivité. Avant de parler de rétroactivité, il faut donc voir si le contrat a pu se former; or on vient de voir qu'il ne se forme pas.

DEUXIÈME APPLICATION. La chose s'est détériorée par cas fortuit pendente conditione. La loi dit que « le créancier a le choix ou de résoudre l'obligation, ou d'exiger » la chose dans l'état où elle se trouve, sans diminution du prix » : ce qui revient en définitive à dire que la chose est aux risques du débiteur; car, si la détérioration est importante, le créancier ne manquera pas de résoudre l'obligation et laissera ainsi la perte au compte du débiteur. Cette solution, qui est contraire au droit romain et à notre ancien droit, est très vivement critiquée.

En opposant le cas où la chose s'est détériorée (al. 3) à celui où elle est entièrement périe (al. 2), la loi nous donne très clairement à entendre qu'elle vise le cas de perte partielle de la chose. En un mot, elle appelle ici détériorations ce qu'elle appelle ailleurs des dégradations (art. 2131). Une simple dépréciation, résultant par exemple d'événements politiques ou économiques, n'autoriserait donc pas le créancier à résoudre le contrat.

2. Responsabilité qui incombe au débiteur, lorsque la chose a péri ou s'est détériorée par sa faute avant la réalisation de la condition.

939. Il faut d'abord écarter l'hypothèse où la condition vient à défaillir, car alors la perte ou la détérioration ne cause aucun préjudice au créancier, puisqu'il n'a et même est censé n'avoir jamais eu aucun droit à la chose. Mais il en est autrement si la condition se réalise. Au cas de détérioration ou de perte partielle, la loi dit que le créancier a le droit ou de résoudre l'obligation ou d'exiger la chose dans l'état où elle est. Quel que soit d'ailleurs le parti qu'il prenne, il a droit de réclamer des dommages et intérêts; les mots avec des dommages et intérêts, qui terminent l'alinéa final de l'art. 1182, se rapportent aux deux hypothèses qu'il prévoit, ainsi que cela résulte de sa ponctuation. Au cas de perte totale, que la loi ne prévoit pas, il ne peut être question que d'allouer des dommages et intérêts au créancier, conformément aux règles du droit commun.

§ III. De la condition résolutoire.

No 1. Généralités.

940. Aux termes de l'art. 1183: « La condition résolutoire est celle » qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui » remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé. » Elle ne suspend point l'exécution de l'obligation; elle oblige seulement » le créancier à restituer ce qu'il a reçu, dans le cas où l'événement » prévu par la condition arrive ».

Notre langue juridique possède trois expressions pour désigner les causes qui portent atteinte à l'efficacité d'un acte juridique valable : résolution, révocation et résiliation. Il est difficile de préciser le sens exact de chacune d'elles, parce que la loi paraît souvent employer indifféremment l'une ou l'autre. Aussi ne proposons-nous ce qui suit que sous réserves. La résolution produit un effet rétroactif; elle agit même dans le passé, in præteritum tempus, ex tunc : ainsi la résolution d'une vente pour défaut de paiement du prix met la vente à néant, elle est censée n'avoir jamais existé. La résiliation n'agit que dans l'avenir, in futurum, er nunc; elle ne porte aucune atteinte au passé; ainsi la résiliation d'un bail le fait cesser dans l'avenir, mais les effets qu'il a produits antérieurement sont maintenus. Quant au mot révocation, sa signification juridique paraît assez indécise. Nous voyons en effet que la révocation agit tantôt avec effet rétroactif, comme par exemple la révocation d'une donation pour cause de survenance d'enfant (art. 963) tantôt sans effet rétroactif, comme la révocation pour cause d'ingratitude du donataire (arg. art. 958).

941. Les jurisconsultes romains disaient de l'obligation sous condition résolutoire : pura obligatio quæ sub conditione resolvitur; ce n'est pas l'obligation qui est conditionnelle, mais seulement sa résolution. Et en effet l'obligation sous condition résolutoire existe dès maintenant; le créancier peut en exiger l'exécution de suite; il devient immédiatement propriétaire, s'il s'agit d'une obligation de donner ayant pour objet un corps certain (arg. art. 1138). Mais, si la condition se réalise, l'obligation sera résolue, c'est-à-dire rétroactivement anéantie; toutes choses seront alors remises dans le même état que si l'obligation n'avait jamais existé; par conséquent, si l'obligation n'est pas

exécutée, le créancier ne pourra pas en exiger l'exécution, et, si elle a été exécutée, il devra restituer ce qu'il a reçu. Au cas où les deux parties se seraient fait des prestations réciproques, en exécution de la convention aujourd'hui résolue, chacune devra restituer ce qu'elle a

reçu.

Ainsi je vous vends ma maison moyennant 50,000 fr. payables comptant; mais je me réserve par une clause formelle du contrat le droit de rentrer dans la propriété de mon bien en vous remboursant le prix dans un délai de cinq ans. C'est la vente à réméré, qui n'est qu'une vente sous condition résolutoire. Vous devenez de suite propriétaire de la maison, et moi créancier du prix; vous pouvez donc exiger la délivrance immédiate de la maison, et moi le paiement du prix. Mais le contrat, et par suite les obligations qui en résultent, sont subordonnés à une condition résolutoire, qui est ici potestative de ma part, le remboursement du prix dans le délai convenu. Si j'effectue ce remboursement, la condition résolutoire étant accomplie, la vente sera résolue, c'est-à-dire qu'elle sera censée n'avoir jamais existé; par suite vous serez considéré comme n'ayant jamais été propriétaire de la maison, et moi comme n'ayant jamais cessé de l'être; vous devrez donc me la restituer. Si vous l'avez aliénée, je pourrai la revendiquer contre l'acquéreur auquel vous l'auriez livrée; car, votre droit de propriété étant résolu, l'aliénation que vous avez consentie tombe en vertu de la règle Resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis, de même que tous les autres droits réels, tels que servitude, usufruit, dont vous auriez pu la grever. Redevenu propriétaire avec effet rétroactif, je puis reprendre mon bien, partout où je le trouve, franc et quitte de toutes charges établies de votre chef; car, en droit, j'ai toujours été propriétaire, et vous ne l'avez jamais été.

942. L'événement, qui, dans un contrat translatif de propriété, forme une condition résolutoire du droit de l'une des parties sur la chose dont la propriété est transférée, constitue toujours, quoi qu'on en ait dit, une condition suspensive du droit de l'autre sur cette même chose, et réciproquement. C'est ce que l'on aperçoit fort bien dans l'exemple de la vente à réméré cité tout à l'heure. Quelle est la situation des parties pendente conditione? L'acheteur est propriétaire; mais son droit sera résolu, si le vendeur rembourse le prix dans le délai convenu. Et le vendeur ? Il n'est pas propriétaire; mais il le deviendra avec effet rétroactif, s'il rembourse le prix dans le délai convenu. Le même événement forme donc une condition suspensive du droit de propriété du vendeur et une condition résolutoire du droit de propriété de l'acheteur; l'un est propriétaire sous condition suspensive, l'autre, sous condition résolutoire. De là résultent deux conséquences importantes:

1o Pendente conditione, le vendeur et l'acheteur peuvent l'un et l'autre accomplir sur la chose des actes de disposition, la vendre, l'hypothéquer, la grever de droits réels. Mais, bien entendu, le sort de ces actes sera subordonné à celui du droit appartenant au constituant. Si le réméré est exercé dans le délai convenu, le vendeur étant

« VorigeDoorgaan »