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Ce dernier texte est difficile, et il n'a peut-être pas toute la netteté désirable. Il a été emprunté à Pothier (Obligations, n. 330), et par conséquent les explications que donne ce jurisconsulte en constituent le meilleur commentaire.

Pothier dit qu'il faut distinguer ici avec Dumoulin trois cas.

1er CAS. La dette est de nature à ne pouvoir être acquittée que par celui des héritiers du débiteur qui est assigné. Par exemple il s'agit d'une servitude de passage, que le défunt avait promis d'établir, au profit d'un fonds voisin, sur une partie de son propre fonds, à déterminer par une opération ultérieure qui n'était pas encore accomplie lors de son décès. Le partage de la succession étant opéré, le créancier agit contre celui des héritiers dans le lot duquel a été mis l'immeuble sur lequel la servitude doit être établie; lui seul en effet peut exécuter l'obligation que le défunt a contractée de ce chef. Cet héritier ne pourra pas prétendre que ses cohéritiers doivent être condamnés comme lui à l'exécution de l'obligation; tout ce qu'il peut soutenir, c'est qu'il a le droit, la servitude une fois établie, d'exercer une action récursoire contre chacun d'eux dans la mesure de sa part héréditaire, car, si l'obligation ne se divise pas dans les rapports des héritiers du débiteur avec le créancier, elle se divise dans les rapports de ces héritiers entre eux. L'héritier poursuivi pourra donc demander un délai pour mettre ses cohéritiers en cause, afin qu'il soit statué par un même jugement sur l'exécution de l'obligation indivisible dont il est seul tenu envers le créancier et sur le recours que cette exécution fera naître à son profit contre ses cohéritiers. Ce droit de recours n'existerait pas, et par suite l'héritier poursuivi n'aurait pas le droit de mettre ses cohéritiers en cause, si une clause de l'acte de partage avait mis la dette de la servitude à sa charge exclusive. Enpratique, c'est ce qui arrivera presque toujours.

2o CAS. La dette est de nature à pouvoir être acquittée indifféremment soit par l'héritier assigné, soit par chacun de ses cohéritiers. Pothier cite comme exemple le cas où il s'agit d'une servitude que le défunt s'est engagé à faire avoir à quelqu'un sur l'héritage d'un tiers; il est clair que l'un quelconque des héritiers peut faire auprès de ce tiers les démarches nécessaires pour obtenir la constitution de la servitude. Ici la situation du cohéritier assigné n'est plus la même que dans l'hypothèse précédente. Tout à l'heure il devait être seul condamné envers le créancier, puisque seul il pouvait acquitter la dette; il s'agissait seulement de régler le recours que l'exécution de l'obligation ferait naitre à son profit contre ses cohéritiers. Dans notre hypothèse au contraire, l'obligation est de nature à pouvoir être acquittée par l'un des cohéritiers aussi bien que par l'autre ; pourquoi donc alors un seul serait-il condamné à l'exécuter? L'héritier assigné a bien le droit de dire: « La condamnation à intervenir doit frapper mes cohéritiers aussi bien que moi, car ils doivent comme moi et au même titre que moi: je dois comme eux totum, mais pas plus qu'eux je ne dois totaliter; je demande en conséquence un délai pour mettre mes cohéritiers en cause, afin que le jugement qui me condamnera les condamne également ». Au premier abord on ne voit pas l'avantage que cela procurera à l'héritier assigné en effet, une fois la condamnation prononcée contre lui et ses cohéritiers, le créancier pourra le poursuivre seul et exiger de lui l'exécution intégrale de l'obligation, puisqu'elle est indivisible; qu'aura-t-il donc gagné à faire condamner ses cohéritiers? I obtiendra d'abord cet avantage : que, ses cohéritiers étant condamnés comme lui, le créancier s'attaquera peut-être à l'un d'eux pour obtenir l'exécution de l'obligation; la certitude qu'il avait d'être choisi pour cette exécution se trouve ainsi transformée en une simple probabilité. D'un autre côté, si l'héritier assigné ne met pas ses cohéritiers en cause, il devra être seul condamné aux dommages et intérêts pour le cas d'inexécution, sauf son recours contre ses cohéritiers; tandis que, s'il les met en cause, ils seront tous condamnés aux dommages et intérêts pour ledit cas d'inexécution, et cette dette étant diviPRÉCIS DE DROIT CIVIL. 3. éd., II.

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sible, se divisera de plein droit entre eux, même dans leurs rapports avec le créancier.'

3e CAS. La dette est de nature à ne pouvoir être acquittée que par tous les héritiers conjointement. Par exemple il s'agit d'une servitude de passage, que le défunt s'est obligé à établir sur une portion de son fonds à déterminer par une opération ultérieure, et le fonds est encore indivis entre les héritiers au moment où le créancier intente son action contre l'un d'eux; le concours de tous les héritiers est nécessaire pour l'établissement de la servitude, car un fonds commun ne peut pas être grevé de servitude sans le consentement de tous les copropriétaires. Dans cette hypothèse comme dans la précédente, l'héritier assigné pourra demander un délai pour mettre ses cohéritiers en cause auquel cas ils seront tous condamnés à l'exécution de l'obligation, et pour le cas d'inexécution à des dommages et intérêts dont chacun sera débiteur pour sa part. Si l'héritier assigné ne met pas ses cohéritiers en cause, il sera seul condamné pour le tout à l'exécution de l'obligation, et, en cas d'inexécution, aux dommages et intérêts, sauf son recours contre ses cohéritiers.

Pothier ajoute: « Si l'un des cohéritiers déclare qu'il est prêt autant qu'il est en lui d'accomplir l'obligation, et qu'il ne tienne qu'à l'autre héritier qu'elle soit accomplie, il n'y a que celui qui refuse qui doit être condamné aux dommages et intérêts résultant de l'inexécution; car celui qui offre n'est pas en demeure ». Les auteurs modernes admettent généralement cette solution, bien qu'il s'élève à ce sujet des doutes très graves.

En définitive, l'acte 1225 va un peu loin, quand il dit en termes absolus que, si la dette est de nature à ne pouvoir être acquittée que par l'héritier assigné, celui-ci ne peut demander un délai pour mettre en cause ses cohéritiers. Il le peut dans tous les cas; mais, dans le premier, c'est-à-dire quand la dette est de nature à ne pouvoir être acquittée que par l'héritier assigné, c'est uniquement pour faire statuer sur le recours qu'il est en droit d'exercer contre ses cohéritiers, tandis que dans les deux autres, c'est pour les faire condamner concurremment avec lui à exécuter l'obligation. Parallèle entre l'indivisibilité et la solidarité.

1002. Lorsque plusieurs débiteurs sont tenus d'une même obligation indivisible, le créancier peut s'adresser à celui qu'il veut choisir et exiger de lui un paiement intégral (art. 1222). A ce point de vue, l'obligation indivisible produit le même effet que l'obligation solidaire (art. 1203). Mais sous d'autres aspects il existe des différences considérables entre les deux espèces d'obligations. L'art. 1219 nous le fait pressentir quand il dit : « La solidarité stipulée ne donne point à l'obligation le » caractère d'indivisibilité ». Nous avons déjà signalé une de ces différences au no 967. Résumons-là ici en quelques mots. En demandant à l'un des codébiteurs le paiement intégral de la dette solidaire, le créancier ne lui demande que ce qu'il doit, car chaque débiteur doit le tout. Au contraire, en demandant à un seul débiteur l'exécution intégrale de l'obligation indivisible, le créancier demande plus que ce débiteur ne doit, car il ne doit que sa part; pourquoi donc peut-il le forcer à payer le tout? parce que l'obligation, étant indivisible, n'est pas susceptible d'une exécution partielle. En un mot, le créancier qui poursuit l'un des débiteurs solidaires peut lui dire : « Vous devez le tout, payez-moi ». Au contraire le créancier, qui poursuit l'un des débiteurs d'une même obligation indivisible, lui dit : « Vous ne devez qu'une part; mais, comme il vous est impossible de ne payer que cette part, puisque l'obligation, étant indivisible, n'est pas susceptible d'exécution partielle, et que cependant il faut bien que je sois payé, je vous demande le tout ». Nous savons qu'on exprime cette différence dans le langage de l'école, en disant que le codébiteur solidaire doit totum et totaliter, tandis que chacun des débiteurs d'une même dette

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indivisible doit totum, mais non totaliter. On pourrait, ce semble, traduire ces locutions, en disant que chacun des codébiteurs solidaires est obligé au tout et doit le tout, tandis que chacun des débiteurs d'une même dette indivisible est obligé au tout mais ne doit que sa part. Les auteurs expliquent autrement le sens de ces expressions; mais leurs explications ne nous paraissent pas bien nettes.

Il y a d'autres différences; nous indiquerons les principales:

1o La solidarité a sa source dans le titre même en vertu duquel les débiteurs sont obligés (contrat, testament ou loi). Au contraire, l'indivisibilité résulte de la nature de l'obligation, qui n'est pas susceptible de division, à raison soit de la nature de la prestation qu'elle a pour objet (individuum natura), soit de la volonté des parties contractantes (individuum obligatione).

Aussi l'obligation indivisible se divise-t-elle entre les divers débiteurs, lorsque l'obstacle qui s'opposait à la division a cessé : ce qui arrive, lorsqu'elle se trouve convertie en une dette de somme d'argent, par conséquent en une obligation divisible (Cass., 14 juin 1887, Dall. pér., 1888. 1. 19); tandis que cette circonstance n'empêche pas l'obligation solidaire de demeurer pour le total à la charge de chacun des débiteurs (art. 1205 al. 1).

2o L'obligation solidaire se divise entre les héritiers du créancier; chacun ne peut demander que sa part dans la dette solidaire (arg. art. 1220). Au contraire l'obligation indivisible ne se divise pas entre les héritiers du créancier; un seul peut demander l'exécution intégrale de l'obligation (art. 1224 al. 1).

3o Il en est de même au point de vue passif : l'obligation solidaire se divise de plein droit entre les héritiers du débiteur, chacun n'en est tenu que pour sa part; tandis que l'obligation indivisible ne se divise pas entre les héritiers du débiteur, chacun en est tenu pour le total (art. 1223).

On s'explique ainsi que l'interpellation, adressée à l'un des héritiers du débiteur solidaire décédé, n'interrompe pas la prescription à l'égard des autres, tandis qu'il en est autrement de l'interpellation adressée à l'un des héritiers du débiteur d'une obligation indivisible (art. 2249 al. 2).

4o La solidarité suppose entre les divers codébiteurs solidaires l'existence d'un mandat, dont nous avons déterminé la nature et l'étendue. Ce mandat n'existe pas entre ceux qui ont contracté conjointement une même obligation indivisible. Cela explique, d'une part, que la mise en demeure de l'un des codébiteurs solidaires produise effet à l'égard des autres (art. 1207), tandis qu'il en est autrement entre les divers débiteurs d'une même obligation indivisible, et d'autre part que la perte de la chose, survenue par la faute de l'un des débiteurs solidaires, laisse subsister l'obligation à l'égard des autres, qui n'en sont pas moins tenus solidairement du prix de la chose (art. 1205), tandis que la perte de l'objet d'une obligation indivisible, survenue par la faute de l'un des débiteurs tenus de cette obligation, est considérée comme un cas fortuit par rapport aux autres et entraîne leur libération.

5o Le codébiteur d'une dette indivisible, poursuivi pour l'exécution intégrale de l'obligation, peut demander un délai pour mettre ses codébiteurs en cause (art. 1225). Le même droit n'appartient pas au codébiteur solidaire poursuivi pour la totalité. Cette différence nous paraît contestable. Cpr. supra n. 971.

Il existe encore plusieurs autres différences entre la solidarité et l'indivisibilité; mais celles que nous venons d'indiquer suffisent pour nous montrer que ce sont choses qu'il ne faut pas confondre. La confusion cependant se rencontre fréquemment dans les décisions judiciaires, et la doctrine elle-même, à laquelle on est en droit de demander plus de précision dans le langage juridique, n'a pas toujours su l'éviter.

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SECTION VI

DES OBLIGATIONS AVEC CLAUSES PÉNALES

1003. Dommages et intérêts conventionnels et clause pénale sont une seule et même chose sous des noms différents. La clause pénale en effet n'est pas autre chose que l'évaluation, faite par les parties, des dommages et intérêts auxquels pourra donner lieu l'inexécution (dommages et intérêts compensatoires) ou le retard dans l'exécution de l'obligation (dommages et intérêts moratoires). La section qui va nous occuper aurait donc pu faire un appendice de celle où la loi traite des dommages et intérêts.

1004. La clause pénale a un double but 10 assurer l'exécution de la convention à laquelle elle se rattache 29 au cas où ce résultat ne pourrait être atteint, soustraire à l'arbitraire du juge la fixation des dommages et intérêts.

1005. Nous disons que le premier but de la clause pénale est d'assurer l'exécution de la convention : le débiteur exécutera probablement son obligation pour ne pas encourir la peine. « La clause pénale », dit l'art. 1226, « est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécu» tion d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution ». De là il suit que la stipulation d'une clause pénale n'enlève pas au créancier la faculté d'exiger par les voies de droit l'exécution de l'obligation « Le créancier, au lieu de demander la peine stipulée contre le » debiteur qui est en demeure, peut poursuivre l'exécution de l'obligation » principale », dit l'art. 1228. Le débiteur qui n'exécute pas son obligation ne pourra donc pas forcer le créancier à se contenter de la peine. Destinée à assurer l'exécution de la convention, la clause pénale ne saurait être invoquée par le débiteur comme un moyen de se dégager; elle a pour but de fortifier le lien de l'obligation, et non de le relâcher en donnant au débiteur un moyen de le rompre.

La clause pénale, étant destinée à assurer l'exécution d'une convention, se rattache nécessairement à cette convention par le lien qui unit l'accessoire au principal. L'art. 1227 ne fait que déduire une double conséquence de ce principe, lorsqu'il dispose: La nullité de l'obliga» tion_principale entraîne celle de la clause pénale. La nullité de » celle-ci n'entraine point celle de l'obligation principale ».

Le principal pouvant subsister sans l'accessoire, il allait de soi que la nullité de la clause pénale ne devait pas entraîner celle de l'obligation principale à laquelle elle se rattache. En pareil cas, la clause pénale sera réputée non écrite, et les dommages et intérêts, auxquels pourra donner lieu l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'obligation, seront réglés conformément au droit commun.

Au contraire, l'accessoire ne pouvant pas subsister sans le principal, il s'ensuivait que la nullité de l'obligation principale devait entrainer celle de la clause pénale. Ainsi serait nulle la clause pénale destinée à assurer l'exécution d'une promesse de mariage (dédit de mariage); car une semblable promesse n'est pas obligatoire.

1006. Toutefois le principe, que la nullité de l'obligation principale entraîne celle de la clause pénale, souffre trois exceptions.

La première a lieu, lorsque la nullité de l'obligation principale, à laquelle se rattache la clause pénale, est fondée sur le défaut d'intérêt du créancier; car alors la clause pénale purge le vice dont l'obligation est atteinte, en faisant apparaître cet intérêt; de sorte que, par une inversion des règles ordinaires, c'est la clause pénale qui donne la vie à l'obligation principale, au lieu de la recevoir d'elle. Ainsi la stipulation pour autrui, que l'art. 1119 déclare nulle pour défaut d'intérêt du créancier, devient valable, lorsqu'elle est accompagnée d'une clause pénale (supra n. 825 in fine).

La deuxième exception a lieu, lorsque la nullité de l'obligation principale tient au défaut de lien. Nous songeons aux promesses pour autrui une semblable promesse, que l'art. 1119 déclare nulle parce qu'elle n'oblige personne, devient valable, quand celui qui l'a faite s'est engagé par une clause pénale à quelque chose en cas d'inexécution.

Enfin la dernière exception a trait au cas où la nullité de l'obligation principale donne lieu à des dommages et intérêts. Ainsi la vente de la chose d'autrui, quoique nulle et précisément parce qu'elle est nulle, peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit de l'acheteur (art. 1599). Rien n'empêche les parties de fixer le montant de ces dommages et intérêts au moyen d'une clause pénale.

1007. Le deuxième but de la clause pénale est de soustraire à l'arbitraire du juge, et aussi aux lenteurs et aux frais qu'entraîne toujours l'intervention de la justice, la fixation des dommages et intérêts auxquels pourra donner lieu l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'obligation. Ce but ne serait pas atteint, si le tarif établi d'un commun accord par les parties pouvait être critiqué soit par le créancier, qui viendrait soutenir que les dommages et intérêts fixés par la clause pénale sont insuffisants, soit par le débiteur, qui prétendrait qu'ils sont exagérés. Aussi avons-nous vu que l'art. 1152, s'écartant avec raison sur ce point des traditions de notre ancien droit, ne permet pas au juge de modifier, soit en plus, soit en moins, le taux des dommages et intérêts conventionnels. La clause pénale est une loi que les parties se sont imposée et qu'elles doivent subir.

Il y a cependant un cas dans lequel le juge est autorisé à diminuer le montant de la clause pénale; il est indiqué par l'art. 1231 : « La peine

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