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que ce qu'il a reçu ne se trouve être inférieur à la moitié de sa part héréditaire telle qu'elle est fixée par la loi, auquel cas il a le droit d'exiger le complément de cette moitié.

C'est par le moyen d'une donation entre vifs, et non d'une donation testamentaire, que le père naturel peut faire subir à son enfant la réduction dont nous venons de parler. La loi dit : « lorsqu'ils auront » reçu du vivant de leur père ou de leur mère » : ce qui suppose une donation entre vifs.

Tel est l'art. 761. Il déroge au droit commun, en ce qu'il autorise une convention, un traité, une sorte de marché sur une succession qui n'est pas encore ouverte, par dérogation à la règle qui proscrit les pactes sur succession future (art. 791, 1130 et 1600). Le tribun Siméon a indiqué les motifs de cette dérogation dans son discours au corps législatif: «Une pareille donation, dit-il, est utile, et pour l'enfant naturel qu'elle fait jouir plus tôt, et pour la famille qu'elle débarrasse d'un créancier odieux ».

Pour l'enfant naturel, à qui il sera souvent plus profitable de recevoir immédiatement 10,000 fr., moyennant lesquels il pourra se procurer un établissement, que de recevoir 20,000 fr. à l'époque tout à fait indéterminée, et peut-être éloignée, de la mort de son père; Pour la famille, qui évitera ainsi les débats pénibles dont la présence d'un enfant naturel est souvent la source dans les partages de successions. Et toutefois il faut reconnaître que ce dernier résultat ne sera pas toujours atteint. En effet l'enfant naturel, qui a été l'objet de la réduction autorisée par l'art. 761, a le droit de réclamer, si le don n'atteint pas la moitié de sa part héréditaire telle qu'elle est fixée par la loi. Or qui l'empêchera de soulever ce débat, dans le but unique peut-être de molester la famille légitime, et sauf à succomber dans une prétention qu'il sait à l'avance injustifiable? Il faudra bien alors admettre l'enfant naturel au partage et à toutes les opérations qu'il entraîne, pour lui prouver que sa réclamation est sans fondement, et la prévoyance du législateur se trouvera en défaut. Mais le moyen de mieux faire !

116. Il faut remarquer que ce n'est pas à la moitié de sa réserve, mais bien à la moitié de sa part héréditaire, telle qu'elle est fixée par les art. 757 et 758, que l'enfant naturel peut-être réduit par le moyen dont il vient d'être parlé ; l'art. 761 est formel sur ce point. Il pourra d'ailleurs arriver que l'enfant naturel reçoive ainsi, pour tout droit de succession, un chiffre inférieur au montant de sa réserve.

117. Le père naturel peut-il imposer à son enfant la réduction autorisée par l'art. 761, et l'exclusion de sa succession qui en est la conséquence? L'affirmative tend à prévaloir en jurisprudence. Il s'agit, dit-on, d'un droit que la loi accorde au père naturel dans l'intérêt de sa famille légitime, et dont l'enfant ne doit pas pouvoir entraver l'exercice. Si donc celui-ci refuse d'accepter la proposition qui lui est faite, le père pourra, après l'avoir fait au besoin déclarer suffisante par la justice, se libérer par des offres réelles suivies de consignation, comme peut le faire un débiteur à l'égard de son créancier (arg. art. 1257).

Cette solution, qui revient en définitive à appliquer ici au père naturel à l'égard de son enfant les règles qui régissent les rapports de débiteur à créancier, aurait peut-être été acceptable dans le système admis par le projet, qui n'accordait à l'enfant naturel qu'un droit de créance sur la succession de ses parents; et

encore on aurait pu objecter que ce droit de créance ne prend naissance qu'à l'époque de l'ouverture de la succession. Mais on sait que ce système a été rejeté, et on ne peut par suite accepter une solution qui en est la conséquence. Si l'on écarte l'idée de dette et de créance, on voit que le père naturel est obligé, pour arriver à la réduction autorisée par l'art. 761, de rendre son fils propriétaire d'une certaine partie de ses biens, équivalente ou à peu près à la moitié de la part héréditaire future de l'enfant. Or on n'aperçoit pas d'autre moyen pour arriver à ce résultat que la donation entre vifs, et elle suppose nécessairement le concours du donataire: il n'y a pas de donation possible sans l'acceptation du donataire (arg. art. 932). On dit, il est vrai, que, si l'enfant refuse d'accepter, le père pourra obtenir un jugement déclarant que la donation est tenue pour acceptée. La loi aurait pu sans doute consacrer cette solution, mais, dans son silence, il paraît bien difficile de l'admettre. D'ailleurs ce n'est pas seulement dans l'intérêt de la famille qu'a été édictée la disposition de l'art. 761; c'est aussi dans l'intérêt de l'enfant ; l'orateur du tribunat l'a affirmé. Il est donc juste que l'enfant soit le juge de son intérêt, et qu'il puisse refuser d'accepter la donation, lorsqu'il estime que l'anticipation de jouissance qu'elle lui procurera ne compensera pas le sacrifice que la réduction lui impose. En résumé, c'est une transaction libre sur la succession future du père naturel, que l'art. 761 autorise. L'enfant naturel l'acceptera ou la repoussera suivant son intérêt dont il est seul juge. La doctrine en général se prononce dans ce sens.

118. Le père naturel, qui, en faisant une donation à son enfant, a l'intention de le réduire à la part qu'il lui assigne, doit en faire la déclaration expresse (art. 761). En l'absence d'une semblable déclaration, l'enfant devrait seulement imputer ce qu'il a reçu sur sa portion héréditaire, dont il aurait le droit de réclamer le complément.

La déclaration dont il s'agit doit être contemporaine de la donation. C'est du moins ce que l'on peut induire de ces termes de la loi : « lorsqu'ils ont reçu... avec » déclaration...». Solution d'ailleurs très logique, si l'on admet que le père ne peut pas imposer la réduction à son enfant : il lui tendrait évidemment un piège, si, après lui avoir fait une donation pure et simple, qu'il a acceptée sans méfiance, il venait plus tard lui imposer une réduction dont il n'a pas été question dans la donation, que par suite l'enfant n'a pas pu prévoir, et dont la perspective l'aurait peut-être déterminé à refuser.

119. L'enfant naturel, qui a accepté une donation faite par son père ou par sa mère dans les termes de l'art. 761, peut, au cas où ce qu'il a reçu serait inférieur à la moitié de sa part héréditaire, réclamer le supplément nécessaire pour parfaire cette moitié. Ce droit ne lui appartient que lors de l'ouverture de la succession; car jusque-là il est impossible de savoir à quel chiffre s'élèvera sa part héréditaire, mille événements pouvant la faire varier, tels que changements survenus dans la fortune du père ou de la mère, survenance de nouveaux enfants, etc. L'enfant ne pourrait pas, avant l'ouverture de la succession, renoncer au droit d'obtenir le complément qui pourra lui être dû à cette époque (arg. art. 791).

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120. « Les dispositions des articles 757 et 758 ne sont pas applicables » aux enfants adultérins ou incestueux. La loi ne leur accorde que des » aliments » (art. 762). Tel est le seul droit que le code civil attribue aux enfants adultérins ou incestueux sur la succession de leurs parents.

Mais, pour qu'un enfant adultérin ou incestueux puisse venir réclamer des aliments sur la succession de son père ou de sa mère, il faut évidemment qu'il prouve sa filiation par rapport au défunt; or l'art. 335 paraît rendre cette preuve impossible, puisqu'il prohibe la reconnaissance des enfants adultérins ou incestueux, et il semble ainsi y avoir antinomie entre les art. 335 et 762. Cette difficulté a été examinée t. I, n. 900 bis. Nous avons vu qu'il existe des cas où la filiation soit adultérine soit incestueuse se trouve constatée par la force même des choses. C'est alors que l'enfant adultérin ou incestueux pourra réclamer les aliments que lui accorde l'art. 762.

La loi n'accordant à l'enfant adultérin ou incestueux que des aliments sur la succession de ses parents, il en résulte : 1° que toute donation, faite à un enfant adultérin ou incestueux par son père ou par sa mère, serait nulle en tant qu'elle excèderait les limites d'une disposition alimentaire (arg. art. 908); 2° que l'enfant adultérin ou incestueux serait exclu de la succession de son auteur même par l'Etat : rigueur excessive que l'on élude en pratique par mille moyens. 121. Règlement de la pension alimentaire. « Ces aliments » sont réglés, eu égard aux facultés du père ou de la mère, au nombre et » à la qualité des héritiers légitimes» (art. 763).

Le mot légitimes qui termine l'article aurait dû être supprimé; car il est clair qu'il y a lieu de tenir compte, pour régler les aliments, du nombre et de la qualité des successeurs quels qu'ils soient, irréguliers ou légitimes. Il est clair aussi qu'on devrait avoir égard pour ce règlement aux besoins du réclamant, qui peuvent varier à l'infini suivant son âge, son état de santé, sa condition sociale, etc. En un mot, les aliments dus à l'enfant adultérin ou incestueux doivent être réglés conformément à l'art. 208, dont l'art. 763 n'est qu'une reproduction incomplète.

Si les père et mère adultérins ou incestueux ont acquitté pendant leur vie, et d'une manière définitive, c'est-à-dire tant pour l'avenir que dans le présent, la dette d'aliments que la loi met à leur charge, leur succession en sera dégrevée. « Lorsque le père ou la mère de l'en» fant adultérin ou incestueux lui auront fait apprendre un art mécani» que, ou lorsque l'un d'eux lui aura assuré des aliments de son vivant, » l'enfant ne pourra élever aucune réclamation contre leur succession » (art. 764). Cela paraît tellement évident qu'on peut s'étonner que la loi ait pris la peine de le dire.

Voici probablement le motif qui a porté le législateur à s'expliquer sur ce point. Il y a mille manières d'assurer des aliments à un enfant, parce qu'il y a mille manières de vivre. Le père adultérin ou incestueux, qui occupe une haute situation

sociale, sera-t-il quitte envers son enfant en le mettant à même de gagner sa vie par les moyens les plus vulgaires, en lui faisant apprendre un art mécanique, par exemple? Dans le silence de la loi, on aurait probablement répondu que les parents adultérins ou incestueux doivent mettre leurs enfants à même de vivre dans le monde où ils vivent eux-mêmes. Mais c'eût été faire trop d'honneur aux fruits du crime; il faut qu'ils soient punis pour la faute de leurs parents! Ceux-ci seront quittes à l'égard de l'enfant en lui faisant apprendre un art mécanique, et leur succession aussi ! Ainsi l'a voulu le législateur, et il a bien fait de le dire, parce qu'on aurait pu ne pas lui prêter une telle intention.

Et remarquez qu'il suffit que l'un des auteurs de l'enfant lui ait assuré des aliments pendant sa vie, pour que l'autre et sa succession soient déchargés de toute obligation de ce chef: ce qui d'ailleurs s'explique facilement par cette considération que l'enfant n'a droit qu'à des aliments, et que, pour pouvoir réclamer des aliments, il faut être dans le besoin.

* On enseigne généralement que les aliments, qui peuvent être dus aux enfants adultérins ou incestueux, sont réglés d'une manière définitive, une fois pour toutes, lors de la liquidation de la succession de leurs auteurs, et sauf à tenir compte dans ce règlement des éventualités de l'avenir. C'est du moins ce que l'on peut induire de nos articles, qui mettent la dette alimentaire à la charge de la succession, et non à la charge des héritiers (argument de ces mots de l'art. 764 : l'enfant ne pourra » élever aucune réclamation contre leur succession »), semblant accorder ainsi à l'enfant une sorte de droit héréditaire restreint à des aliments.

§ II. Succession aux enfants naturels.

122. Un enfant illégitime vient à mourir; par qui sera recueillie sa succession? Telle est la question qu'il nous faut maintenant résoudre. Disons tout de suite que, s'il s'agit d'un enfant adultérin ou incestueux, le règlement de sa succession sera fort simple. Il ne saurait être question de ses ascendants, même de son père et de sa mère, car la loi prohibe la reconnaissance de la filiation adultérine ou incestueuse (art. 335). Lors même que cette filiation serait légalement établie dans l'un des cas exceptionnels que nous avons indiqués, t. I, n. 900 bis, le père ou la mère adultérin ou incestueux ne pourrait élever aucune prétention à la succession de son enfant. Il ne saurait être question non plus des collatéraux de l'enfant. Les seuls héritiers qui puissent prétendre à sa succession sont donc : 1° ses descendants, légitimes ou naturels, qui seraient appelés suivant les règles du droit commun; 2° à défaut de descendants, son conjoint; 3° à défaut de conjoint l'Etat.

Le règlement de la succession d'un enfant naturel simple pourra être plus compliqué, en supposant toutefois que ses père et mère ou l'un d'eux soient légalement connus. Voici, dans cette hypothèse, les divers héritiers qui peuvent venir à sa succession, dans l'ordre où la lois les y appelle: 1° ses descendants, légitimes ou naturels; 2° ses père et mère légalement connus; 3° ses frères ou sœurs naturels; 4o son conjoint survivant; 5° l'Etat. Chacun de ces ordres d'héritiers n'est

appelé qu'à défaut de celui qui le précède. Nous nous occuperons des trois premiers seulement; car il n'y a rien de particulier à dire en ce qui concerne les deux derniers.

1o Descendants légitimes ou naturels.

123. Ils viennent, à l'exclusion de tous autres, même des père et mère du défunt. En effet l'art. 765 n'appelle ceux-ci qu'à défaut de postérité; donc, s'il y a une postérité (légitime ou naturelle, lex non distinguit), le père et la mère sont exclus.

* Et toutefois les père et mère naturels ne seraient pas exclus par un enfant naturel du fils légitime ou naturel de leur enfant (arg. art. 756 in fine). Mais ils le seraient par l'enfant légitime du fils même naturel de leur enfant (arg. art. 759).

D'ailleurs, la loi n'ayant établi aucune règle spéciale en ce qui concerne le droit de succession des descendants de l'enfant naturel, le droit commun recevrait de tous points son application. Ainsi, au cas de concours d'enfants légitimes et d'enfants naturels du défunt, on appliquerait l'art. 757 al. 1.

2o Père et mère naturels.

124. « La succession de l'enfant naturel décédé sans postérité est » dévolue au père ou à la mère qu l'a reconnu; ou par moitié à tous » les deux s'il a été reconnu par l'un et par l'autre » (art. 765).

= Au père ou à la mère qui L'A RECONNU ce qui s'applique au cas d'une reconnaissance forcée, aussi bien qu'à celui d'une reconnaissance volontaire; car, ici comme ailleurs, la reconnaissance forcée produit les mêmes effets que la reconnaissance volontaire. Cpr. t. I, n. 929.

30 Frères et sœurs naturels.

125. « En cas de prédécès des père et mère de l'enfant naturel, les » biens qu'il en avait reçus, passent aux frères ou sœurs légitimes, s'ils » se retrouvent en nature dans la succession: les actions en reprise, s'il » en existe, ou le prix de ces biens aliénés, s'il est encore dû, retournent » également aux frères et sœurs légitimes. Tous les autres biens passent » aux frères et sœurs naturels, ou à leurs descendants » (art. 766).

Les frères et sœurs naturels d'un enfant naturel sont les enfants naturels issus du même père ou de la même mère que lui; ses frères et sœurs légitimes sont les enfants légitimes de son père ou de sa mère. En d'autres termes, si une même personne a plusieurs enfants, dont les uns sont légitimes et les autres naturels, les enfants naturels sont les uns par rapport aux autres frères naturels, et ils ont pour frères légitimes les enfants légitimes. L'expression frères légitimes est d'ailleurs assez mal choisie; car elle donnerait à entendre que ceux qu'on désigne sous ce nom sont des parents légitimes pour les enfants naturels, tandis qu'il est bien évident qu'ils ne peuvent être que des parents naturels.

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