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Légitimes ou naturels, les frères d'un enfant naturel peuvent être germains, consanguins ou utérins, suivant qu'ils ont le même père et la même mère que lui, ou le même père seulement, ou la même mère seulement.

Eh bien! quand un enfant naturel meurt sans postérité ni père ni mère, sa succession revient à ses frères naturels, à l'exclusion de ses frères légitimes, et sauf pour ceux-ci le droit de retour successoral dont il sera parlé tout à l'heure. Au premier abord, cette exclusion des frères légitimes par les frères naturels peut paraître singulière; car les premiers sont parents de l'enfant naturel au même titre que les seconds, et ils ont en outre pour eux l'avantage de la légitimité. Effectivement le texte primitif de l'art. 766 les appelait à la succession concurremment avec les frères naturels. Mais on fit remarquer au conseil d'Etat que, les frères naturels ne pouvant être appelés en aucun cas à succéder à leurs frères légitimes, ceux-ci ne devaient pas être admis à succéder aux premiers, en vertu du principe de réciprocité qui est l'une des lois de la matière. Sur cette observation, on transforma le droit de succession ordinaire, que l'on avait primitivement accordé aux frères et sœurs légitimes, en un droit de succession anoinale dont nous allons bientôt parler.

126. Le droit de succession, que la loi accorde ici aux frères et sœurs naturels, s'étend aussi à leurs descendants.

Mais c'est une question de savoir si ces descendants peuvent venir à la succession par représentation ou seulement de leur chef. On leur accorde généralement le bénéfice de la représentation, lorsqu'elle est possible bien entendu d'après les règles du droit commun. N'est-ce pas oublier que la représentation est une fiction (art. 739), et que les fictions ne s'étendent pas d'un cas à un autre? ce qui signifie qu'elles ne peuvent pas être appliquées à des cas autres que ceux en vue desquels le législateur les a établies. Or, en matière de succession irrégulière, nous avons bien un texte qui admet la représentation au profit des descendants d'enfants naturels du défunt prédécédés, c'est l'art. 759; mais il n'en existe aucun qui étende le même bénéfice aux descendants des frères et sœurs naturels du défunt; donc on ne peut pas le leur accorder.

Un raisonnement analogue conduit à décider que, si, parmi les frères naturels du défunt, il y en a qui lui soient unis par un double lien (frères germains) et d'autres par un lien simple (frères utérins ou consanguins), tous devront succéder par égales portions, les germains ne pouvant pas invoquer l'art. 733, et le principe de la fente qu'il établit, pour forcer les utérins ou les consanguins à prendre part dans leur ligne seulement. En effet l'art. 733 faisant partie des textes consacrés aux successions régulières, semble ne pas devoir être transporté dans les successions irrégulières. D'ailleurs le principe de la fente a pour but la conservation des biens dans les familles; or l'enfant naturel n'a pas de famille; donc le principe de la fente n'a pas ici sa raison d'être, ni par suite l'application que la loi en fait aux frères. Toutefois la majorité des auteurs admet la solution contraire.

Remarquez que non seulement les frères légitimes sont exclus par les frères naturels, mais qu'ils n'auraient même pas le droit de succéder à défaut de ceux-ci; l'Etat lui-même leur serait préféré, sauf le droit de retour successoral dont il nous reste à parler.

Cpr. Cass., 26 novembre 1883, Sir., 85. 1. 485.

127. Droit de retour successoral accordé aux frères et sœurs légitimes de l'enfant naturel. En retirant aux frères et sœurs légitimes de l'enfant naturel décédé le droit, que leur reconnaissait le projet, de venir à sa succession concurremment avec ses frères naturels, notre législateur leur a accordé à titre de compensation un droit de retour successoral, analogue à celui que l'art. 351 accorde à l'adoptant et l'art. 747 à l'ascendant donateur. Ce droit de retour s'applique a ux biens que l'enfant naturel a reçus de ses père et mère soit à titre de donation, soit même à titre de succession (art. 766 et arg. art. 351).

Le but de ce droit de retour est de faire rentrer les biens que l'enfant naturel tient de son père ou de sa mère, dans la famille d'où ils sont sortis. Les biens que l'enfant naturel a reçus de son père ne peuvent donc être repris que par les enfants légitimes de ce père, et de même les enfants légitimes de la mère pourront seuls reprendre les biens venant de celle-ci. Le texte de la loi ne le dit pas; mais son esprit ne laisse aucun doute à cet égard. Les frères légitimes, qui auraient le même père et la même mère que l'enfant naturel (ce qui sera rare, parce qu'il faut supposer pour cela que les père et mère de l'enfant naturel se sont mariés l'un avec l'au tre sans le légitimer), pourraient exercer le droit de retour tout à la fois sur les biens que le défunt tenait de son père et sur ceux qu'il tenait de sa mère.

En un mot, les frères légitimes germains de l'enfant naturel peuvent reprendre dans sa succession les biens qui lui proviennent soit de son père, soit de sa mère; ses frères légitimes consanguins ne peuvent reprendre que les biens qui lui proviennent du père commun, et ses frères légitimes utérins ceux seulement qui lui proviennent de la mère commune.

128. Le droit de retour successoral dont il s'agit est subordonné à toutes les conditions prescrites pour le retour de l'ascendant donateur. Il ne peut donc,c omme ce dernier, s'ouvrir qu'autant que l'enfant naturel est mort sans postérité, et que les choses, à lui données par son père ou sa mère ou par lui recueillies dans leur succession, se retrouvent encore en nature. Au cas d'aliénation, les frères et sœurs légitimes succéderaient seulement à l'action en reprise que pouvait avoir le défunt, ou à la créance du prix qui serait encore dû; le tout à la charge de contribuer aux dettes du de cujus, toujours comme au cas du retour de l' ascendant donateur. Il faut en outre que le père et la mère de l'enfant naturel soient prédécédés tous les deux. La loi dit : « En cas de prédécès des père et mère », et il est incompréhensible qu'en présence d'un texte aussi formel, on ait pu soutenir que le prédécès de l'un des deux suffisait pour qu'il y eût lieu au droit de retour. La présence du père empêche donc le retour successoral des frères légitimes, même pour les biens provenant de la mère, et réciproque

ment.

129. Le droit de retour successoral établi par l'art. 766, est accordé « aux frères » ou sœurs légitimes ». La loi n'ajoute pas ou à leurs descendants, omission qu'il paraît difficile de mettre sur le compte d'un oubli, surtout si l'on observe qu'elle n'a PRÉCIS DE DROIT CIVIL. 3o éd., II.

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pas été commise en ce qui concerne les frères et sœurs naturels, dont les descendants sont appelés par le même article à la succession ordinaire du défunt. D'ailleurs, y eût-il eu oubli du législateur, la conséquence en devrait être l'exclusion des descendants; car le retour successoral est un droit d'exception, qui ne peut appartenir qu'à ceux auxquels l'accorde un texte formel. La solution contraire compte cependant un grand nombre de partisans ; ils invoquent surtout l'esprit de la loi, qui est d'accorder aux descendants de frères et sœurs les mêmes avantages qu'aux frères et sœurs eux-mêmes. Nous ne parlons que pour mémoire d'une opinion bâtarde, qui reconnaît aux descendants des frères et sœurs légitimes le droit d'exercer le retour successoral quand ils peuvent venir par représentation de leurs parents décédés, mais le leur refuse quand ils ne peuvent venir que de leur propre chef. Cette solution est inconciliable avec la règle que la représentation n'est possible qu'au profit de ceux qui ont l'aptitude personnelle à succéder de leur chef (supra n. 69). D'ailleurs les principes ne permettent pas, comme nous l'avons dit tout à l'heure, d'étendre la représentation, qui est une fiction, en dehors des cas où le législateur l'établit.

SECTION II

DES DROITS DU CONJOINT SURVIVANT ET DE L'ÉTAT

130. Le conjoint survivant et l'Etat terminent la liste, que nous donne le code civil, des successeurs irréguliers. Nous savons qu'il faut y ajouter les hospices.

1. Du conjoint survivant.

131. Aux termes de l'art. 767: « Lorsque le défunt ne laisse ni » parents au degré successible, ni enfants naturels, les biens de sa suc» cession appartiennent au conjoint non divorcé qui lui survit ».

Au conjoint non divorcé. En effet, pour avoir droit à une succession, il faut posséder le titre en vertu duquel on la réclame, au moment où elle s'ouvre; or, en brisant le lien du mariage, le divorce supprime le titre d'époux et par suite les droits successifs qui y étaient attachés; de là l'exclusion que notre article prononce contre l'époux divorcé. Cette exclusion atteint l'époux qui a obtenu le divorce, aussi bien que celui contre lequel il a été prononcé; car la loi ne distinguepas.

Il y avait peut-être de bonnes raisons pour étendre cette déchéance à l'époux séparé de corps, tout au moins à celui contre lequel la séparation a été prononcée. Mais la loi ne l'a pas fait, et l'interprète ne peut pas le faire à sa place, en vertu de ce principe que les déchéances ne s'étendent pas d'un cas à un autre; d'autant plus qu'il résulte des travaux préparatoires que le silence de la loi est ici intentionnel (Fenet, t. XII, p. 36, 37 et 88), et que d'ailleurs la différence ainsi établie entre l'époux séparé de corps, qui succède, et l'époux divorcé, qui ne succède pas, peut s'expliquer par cette considération qu le divorce dissout le mariage, tandis que la séparation de corps le laisse subsister.

Nous avons vu (t. I, n. 552 bis) que le mariage putatif peut fonder un droit de succession, comme le mariage valable. Mais ce droit cesse d'exister à partir de la déclaration judiciaire de nullité, le mariage putatif devant, à dater du moment où il est annulé, être assimilé à un mariage valable dissous par le divorce.

132. En ne mentionnant que les parents légitimes au degré successible et les enfants naturels du défunt comme préférables au conjoint survivant, notre texte pourrait donner à penser que le conjoint l'emporte sur les successeurs irréguliers appelés par les art. 765 et 766 (père et mère naturels, et à leur défaut frères et sœurs naturels...). Mais la place qu'occupe l'art. 767, immédiatement après les deux dont il vient d'être parlé, ébranle fortement cette induction, et l'art. 768 la détruit tout à fait en nous montrant qu'il n'y a place pour aucun successeur entre le conjoint et l'Etat, et que par conséquent le conjoint vient après tous les autres, sauf l'Etat.

133. Cette quasi-exclusion du conjoint survivant peut être rattachée au principe de la conservation des biens dans les familles, qui est l'une des bases fondamentales de notre système de successions: effectivement, en appelant le conjoint survivant à la succession du prédécédé, on fait passer les biens de celui-ci dans une autre famille. Ce qui est moins aisé à expliquer, c'est que notre législateur n'ait songé à assurer par aucun moyen l'avenir du conjoint survivant qui n'a pas de ressources personnelles. Grâce à l'imprévoyance de la loi, il verra souvent la dure épreuve de la gêne, quelquefois de la misère, venir s'ajouter pour lui aux douleurs du veuvage. Rien n'était plus facile cependant que de concilier le principe de la conservation des biens dans les familles avec cette loi d'humanité, conforme d'ailleurs à la volonté probable du défunt, qui exige que le conjoint survivant conserve dans le veuvage une situation équivalente ou à peu près à celle que lui avait donnée le mariage: il suffisait pour cela de lui attribuer, en usufruit seulement, tout ou partie des biens laissés par le défunt. On y a bien songé un instant. Au conseil d'Etat, Malleville plaide la cause du conjoint survivant; Treilhard lui répond que « par l'art. 55 on lui accorde l'usufruit du tiers des biens »>, et Malleville se contente de cette réponse. Or qu'était-ce que l'art. 55 cité par Treilhard? C'était celui qui porte le n. 768 dans le code civil; qu'on le lise, il est étranger à la question. On a supposé, assez gratuitement peut-être, que Treilhard avait en vue l'art. 40, aujourd'hui art. 754. Sa réponse n'en vaudrait guère mieux en effet l'art. 754 établit bien un usufruit, mais au profit du père ou de la mère du défunt, et non de son conjoint. Notre ancien droit avait été plus prévoyant. En pays de droit écrit, on avait pourvu à l'avenir du conjoint survivant par le moyen de la quarte du conjoint pauvre, institution empruntée au droit romain. Les pays de coutume avaient le douaire, que Pothier définit : « ce qui était accordé à la femme sur les biens de son mari pour ses aliments, pour sa subsistance, au cas qu'elle lui survive ». Le douaire consistait en un droit d'usufruit.

Plus de trois quarts de siècle se sont écoulés depuis la promulgation du code civil, et nous en sommes encore au droit d'usufruit imaginaire de Treilhard. De louables efforts ont été tentés cependant pour améliorer la situation du conjoint survivant. Sans parler de ceux qui ont produit leur fruit, et qui se sont traduits dans des dispositions législatives spéciales, réparant pour des hypothèses particulières l'injustifiable rigueur de notre loi à l'égard du conjoint survivant (exemples: loi du 9 juin 1853 sur les pensions civiles, art. 11 et 13; loi du 14 juillet 1866 sur les droits des héritiers et ayant cause des auteurs, art. 1; loi du 25 mars 1873 sur la

déportation, art. 13), disons qu'après bien des incidents un projet de loi, dû à la persistante initiative de M. Delsol, a été adopté par le sénat le 9 mars 1877. A l'heure où nous écrivons, il attend encore la sanction de la chambre des députés.

2. De l'Etat.

134. « A défaut de conjoint survivant, la succession est acquise à l'Etat », dit l'art. 768. Fiscus post omnes. C'est une application du principe que les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat (art. 713), ainsi qu'on le voit par l'art. 539 et par ces paroles de l'orateur du tribunat: « Ce qui n'appartient à aucun individu, appartient au corps de la société, qui représente l'universalité des citoyens. Jouissant pour l'avantage commun, il prévient les désordres qu'entraîneraient es prétentions de ceux qui s'efforceraient d'être les premiers occupants d'une succession vacante ».

On voit que l'Etat n'est pas à proprement parler un héritier, et qu'il était inutile, pour expliquer chez lui cette prétendue qualité, d'imaginer le dicton vulgaire : l'Etat est le cousin de tout le monde. Aussi les successions recueillies par l'Etat sont-elles dites en déshérence, expression qui est dérivée de deest heres et qui signifie que la succession manque d'héritier. Aucune succession n'en manquerait si l'Etat avait la qualité d'héritier, et le mot déshérence serait fort impropre.

Mais, bien que l'Etat ne soit pas un héritier, sa situation est à beaucoup d'égards la même que celle d'un héritier; car il succède à une universalité. De là l'obligation qui lui incombe de supporter les dettes du défunt, qui sont une charge de l'universalité constituant son patrimoine. De là aussi le droit pour l'Etat de répudier la succession si elle est onéreuse; on le lui a contesté à tort.

Les droits de l'Etat dans les successions en déshérence sont exercés en son nom par les agents de la régie de l'enregistrement et des domaines, que le code appelle ici par abréviation administration des domaines (art. 769 et 772).

Des formalités que doivent remplir le conjoint survivant et l'Etat, avant d'appréhender les biens

héréditaires.

135. Ces formalités ont pour but d'abord d'éveiller, au moyen de certaines mesures de publicité, l'attention des héritiers qui, ignorant peut-être l'ouverture de la succession, ont négligé de faire valoir leurs droits; puis de constater l'importance des biens héréditaires et d'en assurer, le cas échéant, la restitution aux véritables ayant droit. Elles consistent 1° dans l'obligation de faire apposer les scellés et dresser inventaire (art. 769); 2° dans l'envoi en possession et les mesures de publicité qui le précèdent (art. 770); 3° dans l'obligation de faire emploi du mobilier et de fournir caution (art. 771).

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Entrons dans les détails :

1° SCELLÉS. INVENTAIRE.

« Le conjoint survivant et l'administration des domai

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