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Deux conditions sont donc requises pour qu'il y ait lieu à la répétition de l'indû 1. qu'un paiement indû ait été fait; 2° qu'il l'ait été par

erreur.

1341. PREMIÈRE CONDITION : paiement indû. Il peut y avoir paiement indû dans les trois hypothèses suivantes :

1o Paiement d'une dette qui n'existe pas. On peut citer comme exemple le cas où un héritier paie un billet revêtu de la fausse signature de son auteur. Cass., 19 janvier 1886, Sir., 86. 1. 200, et 25 janvier 1887, Sir., 87. 1. 224. Ce premier cas est prévu par un texte que nous connaissons déjà; c'est l'art. 1235 al. 1, ainsi conçu : « Tout » paiement suppose une dette: ce qui a été payé sans être dû, est sujet » à répétition »;

2o Paiement d'une dette existante fait à un autre qu'au véritable créancier, comme si je paie à Pierre ce que je dois à Paul. Cette deuxième hypothèse fait l'objet des prévisions de l'art. 1376, ainsi conçu : « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas » dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu »;

30 Paiement d'une dette existante fait par un autre que le débiteur, comme si je vous paie par erreur ce que vous doit Paul. C'est à ce dernier cas que se réfère l'art. 1377, dont l'alinéa 1 s'exprime en ces termes: « Lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a » acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier ».

A cette règle il existe toutefois une exception, que nous trouvons ainsi formulée dans l'art. 1377 al. 2 : « Néanmoins ce droit [le droit de » répéter] cesse dans les cas où le créancier a supprimé son titre par » suite du paiement, sauf le recours de celui qui a payé contre le véri» table débiteur ». J'ai reçu le paiement de ma créance d'un tiers, qui m'a payé par erreur croyant être débiteur; à la suite de ce paiement j'ai supprimé mon titre, que je considérais comme désormais inutile. Je ne serai pas tenu à la restitution de ce que j'ai reçu. Quelle en est la raison? Mon titre étant supprimé, il se peut que le véritable débiteur refuser de payer, et qu'il soit impossible de l'y contraindre faute de moyens de preuve. En supposant que cela arrive, sur qui devra retomber la perte ? sur moi ou sur celui dont j'ai reçu le paiement? Il a paru plus équitable que ce fût sur ce dernier; car c'est lui surtout qui est en faute, celui qui paie devant naturellement y regarder de plus près que celui qui reçoit. C'est pourquoi la loi décide qu'il ne pourra pas exercer la condictio indebiti contre moi; il aura seulement son recours contre le véritable débiteur.

Cette décision étant toute d'équité, la loi suppose bien évidemment que le créancier, qui a supprimé son titre à la suite du paiement, était de bonne foi. Dans le cas contraire, il n'y a plus aucun motif pour

établir une exception en sa faveur; le droit commun reprendrait donc son empire. Les travaux préparatoires sont formels dans ce sens.

Ce qui est plus douteux, c'est de savoir s'il faudrait étendre la disposition qui nous occupe au créancier qui, ayant reçu de bonne foi son paiement d'un autre que le débiteur, aurait laissé prescrire sa créance contre celui-ci, ou au créancier qui, à la suite du paiement, aurait renoncé aux sûretés attachées à sa créance ou négligé de les conserver. La plupart des auteurs admettent l'affirmative, en se fondant sur ce que cette matière est toute d'équité; or l'équité exige que la condictio indebiti soit refusée à celui qui a fait le paiement par erreur, toutes les fois qu'il est impossible de replacer celui qui a reçu le paiement dans la situation où il se trouvait auparavant; car autrement l'erreur du solvens nuirait au créancier : ce que ne permet pas d'admettre la règle Nemo ex facto alterius prægravari debet. Et cependant il y a contre cette solution une objection grave qui nous fait hésiter la disposition de l'art. 1377 in fine est exceptionnelle (argument du mot Néanmoins); or les dispositions exceptionnelles ne s'étendent pas d'un cas à un autre. Exceptio est strictissimæ interpretationis.

1342. SECONDE CONDITION: paiement fait par erreur. Pour qu'il y ait lieu à la condictio indebiti, il ne suffit pas qu'un paiement ait été fait indûment, il faut en outre qu'il ait été fait par erreur, et que l'erreur ait été la seule cause du paiement (Cass., 11 mars 1885, Sir., 86. 1. 49 et la note).

Cette condition, formellement exprimée par l'art. 1377, qui prévoit la dernière des hypothèses que nous venons d'indiquer, doit être considérée comme sous-entendue dans les art. 1235 et 1376. Les travaux préparatoires de la loi, notamment le discours du tribun Tarrible au corps législatif, attestent de la manière la plus formelle que le législateur a voulu s'en tenir sur ce point à la théorie traditionnelle. Or, en droit romain, la question ne faisait pas le moindre doute l'erreur était dans tous les cas une condition de recevabilité de la condictio indebiti. Et quidem si quis indebitum ignorans solvit, per hanc actionem condicere potest; sed si sciens se non debere solvit, cessat repetitio, dit la loi 1, § 1, D., De cond. indeb. XII, 6; et Pothier nous apprend que ces principes étaient suivis dans notre ancienne jurisprudence.

Rationnellement d'ailleurs on s'explique à merveille la nécessité de cette condition. La condictio indebiti, comme toutes les actions ayant leur source dans un quasicontrat, est fondée sur une raison d'équité, æquitatis ratione; or l'équité n'exige nullement que la loi vienne au secours de celui qui a payé sciemment ce qu'il ne devait pas; car il s'est volontairement imposé le préjudice qu'il souffre, et on peut justement lui appliquer l'adage Volenti non fit injuria. De deux choses l'une en effet: Ou la dette à laquelle le paiement paraissait s'appliquer n'existait pas, personne ne la devait, et alors celui qui, connaissant le véritable état des choses, a fait le paiement (ou plutôt la dation, car il ne peut pas y avoir paiement là où il n'y a pas dette, art. 1235) n'a guère pu avoir une autre intention que celle de faire une donation. Cujus per errorem dati repetitio est, ejus consulto dali donatio est, dit la loi 53, D., De reg. juris, L. 17; Ou bien le paiement a été fait en extinction d'une dette qui existait, mais dont le solvens n'était pas débiteur, et alors il a nécessairement voulu payer pour le compte du débiteur; le paiement n'est donc pas sans cause et il n'y a pas lieu à la condictio indebiti qui n'est qu'un cas particulier de la condictio sine causa. En ce sens, Cass., 11 mars 1885, Sir., 86. 4. 49.

D'après une autre opinion, l'erreur de celui qui a fait le paiement ne serait pas nécessaire pour la recevabilité de la condictio indebiti dans les hypothèses prévues par les art. 1235 et 1376, parce que la loi ne l'exige pas. Nous n'insistons pas sur la question, qui semble ne présenter que peu d'intérêt pratique.

Les partisans de l'une et de l'autre opinion paraissent d'ailleurs d'accord pour admettre qu'il n'y a pas à distinguer entre l'erreur de fait et l'erreur de droit : la dernière comme la première peut servir de fondement à une action en répétition. Cpr. Cass., 11 mars 1885, Sir., 86. 1. 49.

1343. Conformément à la règle Probatio incumbit ei qui agit, celui qui veut intenter la condictio indebiti doit prouver l'existence de toutes les conditions requises par la loi pour que son action soit recevable. Il doit donc établir: 1° le fait du paiement; 2° que ce paiement était cindû, c'est-à-dire qu'il n'existait aucune obligation civile ni naturelle pouvant lui servir de cause, ou, s'il en existait une, qu'il n'en était pas le débiteur, ou s'il était le débiteur, que celui auquel il a fait le paiement n'était pas le véritable créancier; 3° que ce paiement a été fait par erreur. La preuve de ces différents faits devra être fournie conformément aux règles du droit commun.

2. Des conséquences juridiques de la condictio indebiti.

1344. La condictio indebiti est une action en restitution. Le demandeur, celui qui a fait le paiement indû, le solvens, soutient que le défendeur, l'accipiens, est obligé de restituer ce qu'il a reçu. Cette obligation est plus ou moins étendue, suivant que l'accipiens est de ..bonne ou de mauvaise foi, ainsi que cela résulte des art. 1378 à 1380.

1° Aux termes de l'art. 1378: «S'il y a eu mauvaise foi de la part de » celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts » ou les fruits, du jour du paiement ». D'où l'on peut induire a contrario que, si l'accipiens est de bonne foi, il fait siens les fruits et intérêts; il n'aura donc à restituer dans ce cas que le capital.

2o Si la chose indûment reçue est un immeuble ou un meuble corporel, » celui qui l'a reçue s'oblige à la restituer en nature, si elle existe, ou sa » valeur, si elle est périe ou détériorée par sa faute; il est même garant » de sa perte par cas fortuit, s'il l'a reçue de mauvaise foi » (art 1379). Ce texte suppose que la chose indûment reçue est un corps certain, mobilier ou immobilier peu importe. L'accipiens en doit la restitution en nature. En supposant que la chose ait péri ou se soit détériorée, sera-t-il responsable de la perte ou des détériorations? La loi distingue. Si l'accipiens est de bonne foi, il ne répondra que des détériorations ou de la perte provenant de sa faute; s'il est de mauvaise foi, il répondra même des détériorations et de la perte résultant d'un cas fortuit. Mais comment la mauvaise foi de l'accipiens peut-elle produire ce résultat? Nous n'en voyons pas d'autre explication possible que celle-ci : la loi a considéré l'accipiens de mauvaise foi comme étant de plein droit en demeure de restituer. S'il en est ainsi, il faut nécessairement décider que l'accipiens de mauvaise foi ne sera pas responsable de tous les cas fortuits indistinctement, mais seulement de ceux dont sa demeure est la cause, c'est-à-dire de ceux qui n'auraient pas fait périr la chose si elle ne se fût pas trouvée entre ses mains (art. 1302 al. 2). En un mot, sa situation est de tous points la même que celle d'un débiteur en demeure, ni plus ni moins. Cpr. supra n. 886. Il existe une disposition plus rigoureuse relativement au voleur, que la loi rend responsable de tous les cas fortuits indistinctement (art. 1302 al. 4). Mais

l'accipiens de mauvaise foi n'est pas un voleur, et on ne peut par conséquent songer' à lui appliquer cette disposition, qui, par sa nature même, doit être interprétée restrictivement.

3o Au cas où l'accipiens a vendu la chose, il n'est tenu qu'à la restitution du prix par lui perçu, s'il est de bonne foi, et cela alors même que ce prix serait inférieur à la véritable valeur de la chose. Au contraire, l'accipiens de mauvaise foi peut, dans cette même hypothèse, être tenu de restituer une somme égale à la véritable valeur de la chose, sans préjudice de plus amples dommages et intérêts s'il y a lieu. C'est ce qui résulte par argument a contrario de l'art. 1380, ainsi conçu « Si celui qui a reçu de bonne foi a vendu la chose, il ne doit » restituer que le prix de la vente ».

Au cas où l'accipiens a aliéné la chose indûment reçue, celui qui l'a payée peut-il la revendiquer entre les mains du détenteur? Ecartons tout d'abord l'hypothèse, où, s'agissant d'un objet mobilier corporel, le détenteur serait en situation d'invoquer la règle En fait de meubles la possession vaut titre; nul doute qu'il ne puisse alors écarter l'action en revendication du propriétaire. Il faut donc supposer, pour que la question puisse s'élever, que la chose indûment payée est un immeuble, ou, si c'est un meuble, que le détenteur n'est pas protégé par la maxime En fait de meubles la possession vaut titre. Le droit romain refusait dans tous les cas l'action contre les tiers détenteurs; il partait de cette idée que le solvens avait eu l'intention de transférer la propriété à l'accipiens, et celui-ci l'intention de l'acquérir ce qui suffisait pour que la propriété fût transférée. N'étant plus propriétaire, le solvens ne pouvait donc pas revendiquer. La solution contraire nous semble devoir être admise dans notre droit actuel. Remarquons d'abord que le solvens n'a pas pu avoir l'intention de transférer la propriété, lorsque l'obligation, dont il croyait être tenu et en exécution de laquelle il a payé, était une obligation ayant par elle-même et par elle seule la vertu de transférer la propriété. Ainsi, persuadé à tort que mon père, dont je suis héritier, vous a vendu sa maison, je paie, c'est-à-dire que je vous délivre la maison. En effectuant ce paiement je n'ai pas pu avoir l'intention de vous transférer la propriété, puisque je vous croyais déjà propriétaire. Comment donc ce paiement, fait sans intention de vous rendre propriétaire, pourrait-il vous transférer la propriété? Et si l'on suppose que le solvens a eu l'intention de transférer la propriété à l'accipiens (ce qui peut arriver si l'obligation de donner, dont il croyait être tenu et en exécution de laquelle il a effectué le paiement, n'a pas pu transférer la propriété, par exemple s'il s'agissait d'une vente de dix hectares de terre à prendre dans un terrain plus grand), alors le paiement constitue une aliénation faite sur une fausse cause, et il doit être de nul effet, de même que le serait une obligation sur une fausse cause (art. 1131).

En deux mots, le paiement indû n'a pas pu rendre l'accipiens propriétaire, soit parce qu'il ne constituait pas un acte d'aliénation, s'il a été fait en exécution d'une obligation translative de propriété, soit parce qu'il constituait une aliénation sur fausse cause s'il a été fait en exécution d'une obligation de donner non translative de propriété. L'accipiens, n'étant pas devenu propriétaire, n'a pas pu lui-même transférer la propriété, d'après la règle Nemo dat quod non habet; le solvens est donc demeuré propriétaire, et par conséquent il peut revendiquer contre le détenteur.

* Mais, si l'accipiens a aliéné à titre onéreux, il va nécessairement être recherché par une action en garantie à la suite de l'éviction du détenteur, et sa bonne foi

ne lui permettra pas d'échapper à une condamnation en des dommages et intérêts, outre la restitution du prix (art. 1630). Autoriser le solvens à agir en revendication contre le tiers détenteur, c'est donc faire perdre à l'accipiens de bonne foi le bénéfice de l'art. 1380 qui le déclare tenu seulement de la restitution du prix de la vente. Quelques auteurs ont vu là une objection suffisante pour condamner d'une manière absolue le système qui permet au solvens d'agir en revendication contre les tiers détenteurs. En tout cas, l'objection ne serait concluante que dans les hypothèses, où l'éviction du détenteur pourrait donner lieu à un recours en garantie contre l'accipiens; elle n'aurait plus aucune portée dans tous les cas où ce recours en garantie n'existe pas, et notamment lorsque l'accipiens a aliéné à titre gratuit ou lorsqu'il a aliéné à titre onéreux avec clause de non-garantie. Cette remarque a servi de base à une autre opinion, qui admet la distinction suivante : l'action en revendication du solvens doit être admise contre les tiers détenteurs, toutes les fois qu'elle ne pourra pas réfléchir contre l'accipiens; dans le cas contraire elle devra être refusée. Mais nous n'admettons même pas ce moyen terme, et nous croyons que le solvens peut, dans tous les cas, exercer l'action en revendication contre le tiers détenteur. L'art. 1380 règle les rapports de l'accipiens et du solvens; il ne se préoccupe nullement des rapports du solvens avec les tiers détenteurs; il ne fait donc nul obstacle à l'action en revendication du solvens. Seulement si, à la suite de cette action, l'accipiens se trouve forcé, par suite de l'obligation de garantie dont il est tenu, de payer au tiers détenteur évincé une somme supérieure au prix qu'il a touché, il aura le droit de se retourner contre le solvens, et de lui dire « Dans mes rapports avec vous, je ne suis tenu que quatenus locupletior factus sum, et vous ne pouvez pas par votre fait m'imposer une charge plus lourde; je vous demande donc la restitution de tout ce que j'ai été condamné à payer en sus du prix que j'ai touché ».

1345. On voit que la bonne foi ou la mauvaise foi de l'accipiens joue un rôle important relativement à l'étendue des prestations dont il est tenu. Sur un point cependant sa situation est la même, qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi: « Celui auquel la chose est restituée », dit l'art. 1381, « doit tenir compte, même au possesseur de mauvaise foi, » de toutes les dépenses nécessaires et utiles qui ont été faites pour la » conservation de la chose ».

Les dépenses de conservation profitent au propriétaire qui reprend sa chose; car il aurait dû les faire, s'il fût demeuré en possession. En l'obligeant à les rembourser au possesseur de mauvaise foi, la loi ne fait que consacrer cette règle vulgaire d'équité, qui ne permet en aucun cas de s'enrichir aux dépens d'autrui.

La loi ne s'est préoccupée que des dépenses faites pour la conservation de la chose. Elle les qualifie, contrairement à la terminologie usitée, de nécessaires ou utiles, faisant probablement allusion par le mot nécessaires au cas où les dépenses sont urgentes, et par le mot utiles à celui où elles auraient pu être différées et constituent seulement un acte de sage et prévoyante administration. Vu le silence de la loi, il y aurait lieu d'appliquer les règles du droit commun en ce qui concerne les autres dépenses faites par l'accipiens, c'est-à-dire les dépenses d'amélioration, appelées ordinairement dépenses utiles, et les dépenses de pur agrément ou dépenses voluptuaires : ce qui conduit à dire que l'accipiens n'aurait droit à aucune indemnité pour ces dernières, sauf l'exercice du jus tollendi (arg. art. 599 al. 3), et qu'il devrait subir en ce qui concerne les premières l'application de l'art. 555.

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