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ravissante. A cette vue, tous deux s'adressant à Soumbha, leur maître, s'écrient avec étonnement : «Quelle est, ô grand roi, cette femme dont l'éclat resplendit sur l'Himavat? Jamais beauté plus parfaite n'apparut à nos yeux. Connais, ô roi puissant, quelle est cette déesse, et qu'elle tombe en ton pouvoir. Devant toi est la plus belle des femmes, aux membres délicats, et dont la splendeur éclaire l'Himavat; roi des Deityas, tu dois la voir. Les joyaux, les pierreries, les éléphans, les chevaux, tout ce que renferment de plus précieux les trois mondes, tout cela brille maintenant dans ta demeure. Eiravatas, le roi des éléphans, glorieux partage d'Indra, l'arbre Paridjata, le cheval Outcheisravas et le char que traînent des cygnes, sont réunis dans ta cour. Tu possèdes cet admirable joyau, l'ornement de Vichnou, et le trésor Mahapadma, dont le dieu des richesses fut jadis le maître. L'Océan t'a donné un bracelet fait de lotus sans taches, et Varouna son ombrelle d'où découle l'or. Tu as conquis le char de guerre que montait Pradjapati, et ce glaive que les dieux ont nommé le vainqueur de la mort. Ton frère Nisoumbha possède la guirlande du roi des eaux et mille espèces de pierreries. Agni t'a donné deux riches vêtemens purifiés par le feu. En un mot, roi des Deityas, tu possèdes tout ce que les mondes ont de plus précieux; que ne cherches-tu à posséder aussi la plus belle des femmes ?» Ainsi parlèrent Tchanda et Mounda, et leur roi les ayant entendus, envoya Sougriva en ambassade vers Dévi : «Va, » lui dit-il, «< appelle cette belle femme, et si elle consent à te suivre, amène-la aussitôt en ma présence. » Sougriva part, et après son arrivée au lieu où habite la déesse, au sommet brillant de la montagne, il lui adresse la parole avec une voix plus douce que le miel. »>

Sougriva ne fait guère que répéter en substance la longue énumération que l'on vient d'entendre des richesses et des trésors de Soumbha; il finit par proposer à la déesse de prendre son maître pour époux. « Il dit, et Dourga Bhagavati, celle qui conserve la création tout entière, fit un rire profond. La déesse répond à l'envoyé qu'un vœu a dès long-temps lié

:

son imprévoyance celui qui l'aura vaincue dans le combat, pourra seul prétendre à sa main. Les menaces de Sougriva ne l'émeuvent pas plus que ses prières; elle persiste avec une amère dérision dans la résolution qu'elle a formée.

Les cinq chants qui suivent, jusqu'au X inclusivement, sont remplis des victoires réitérées de Dourga contre ses ennemis furieux. Doumralotchana, Tchanda et Mounda, généraux de Soumbha, sont successivement tués, et la déesse prend des deux derniers les surnoms de Tchandika et de Tchamounda. Soumbha s'avance contre elle en personne : mais les Sactis ou forces des dieux principaux accourent de leur côté pour la soutenir, et les huit Matris ou Mères font un terrible carnage des démons qui s'enfuient de toute part. Ractavidja seul, dont le sang fécond enfantait des milliers d'Asouras dès qu'il arrosait la terre, se présente pour combattre la redoutable et multiple divinité : celle-ci aussitôt ordonne à Cali de boire le sang qui coule des blessures du géant, et Ractavidja tombe

I

1 Conf. p. 195, 249 sq.—Ces Sactis on Matris, ne répondent past oujours exactement aux huit Vasous, et les énumérations qu'en donnent les Ponranas et autres livres sont fort diverses. Voy. Paterson, et surtout les notes de Colebrooke sur l'essai de ce savant, t. VIII, p. 69, 82 sqq., des Asiatic Researches: on y trouvera traduite en anglais la description des Matris assemblées pour combattre les démons, telle que la fait ici le DéviMahatmya. «L'énergie de chaque dieu, exactement semblable à lui, avec la même forme, la même décoration, la même monture, vint, etc. » Les huit Sactis énumérées dans ce passage sont: Brahmani ou Brahmi, qui préside à l'orient; Maheswari au sud; Caumari (de Comara ou Cartikeya) à l'occident; Vaichnavi ( ailleurs Narayani) au sud-est; Varahi (Varaha-avatara) au nord; Narasinhi (Narasinha-avatara) au nordest; Aindri (d'Indra), probablement au sud-ouest; Tchandika, surnommée Aparadjita, l'invincible, au nord-ouest. Dans un autre passage du Markandeya-Pourana, Narasinhi disparaît, et Chamounda ou Tchamounda semble figurer à sa place; ailleurs, cette dernière paraît, au contraire, tenir la place d'Aindri. Paterson observe très-bien que Maheswari, montée sur un bœuf, rappelle Europe enlevée par Jupiter; et Brahmi, sur un cygne, Léda.

épuisé. C'est en vain que Soumbha appelle à son secours Nisoumbha son frère; ce dernier périt comme tant d'autres, et Soumbha s'écrie plein de rage: « Ne t'enorgueillis pas de tes succès, ô déesse; tu triomphes, mais l'honneur de tes victoires est loin de t'appartenir tout entier. » La déesse répond: « Je suis seule dans le monde; quelle autre que moi existe dans l'univers? regarde et vois ces forces diverses rentrer en mon sein.» A ces mots, toutes les Sactis sont absorbées par Dévi qui reste seule en face de l'Asoura. Une dernière lutte s'engage, lutte funeste à Soumbha, mais salutaire au monde qui recouvre enfin la paix. Les chants XI, XII et XIII terminent le poëme, et comme ils ne seraient pour nous que d'un intérêt très-secondaire, nous ne les comprendrons point dans cette courte, quoique fidèle analyse 2.

1 En rapprochant le combat de Dourga contre Racta-vidja, du combat précédent de la déesse contre Mahicha ou Mahichasoura à tête de taureau ou de buffle, et du sujet qui représente la même divinité montée sur un lion et terrassant le monstre-taureau, dans notre planche VIII, fig. 34 (coll. IV, 33, et l'Explicat.), on est frappé entre autres rapports avec la mythologie classique, de celui que Paterson a déjà indiqué: Rhæcum retorsisti leonis Unguibus horribilique mala, dit Horace (Od. XIX, lib. II) en s'adressant à Bacchus qui, dans la guerre des géans contre les dieux, terrassa sous la forme d'un lion, Rhæcus ou plutôt Rhætus, dont le nom se retrouve dans Racta-Vidja (semence de sang). Ce dernier trait a échappé au savant anglais. Conf. Asiat. Res., vol. VIII, p. 51, 75 sq., et la pl. ibid.

* Nous regrettons toutefois que le défaut d'espace nous empêche de donner un nouvel extrait du chant onzième, que nous avons entre les mains, et où Dévi, après sa dernière victoire, prédit aux dieux sous la conduite d'Agni, ses incarnations futures. Du moins, n'achèverons-nous pas cet article sans avoir appelé l'attention du lecteur sur une forme nouvelle de Dévi- havani, Anną Pourna Dévi (la déesse de l'abondante nourriture), qui répond de tout point à l'Anna Perenna des anciens Latins (Anna, Annona); aussi bien que sur la triple alliance de Siva sous le nom de Bala-Rama, de Vichnou sous celui de Djagannatha ( Crichna ) et de Dévi sous celui de Soubhadra, dans le temple de Jagrenat, dont nous avons déjà parlé plus d'une fois. Il faut lire à ce sujet les recherches

Note 9 (chap. III, p. 181-183, 190, etc.).

Les systèmes de la chronologie mythique des Hindous, avec un fond commun, les quatre âges (Yougas), les âges divins ou grands Ages (Mahayougas), les Manwantaras et les Calpas, ne sont pas moins divers, dans leurs développemens, que les systèmes de géographie fabuleuse qui se rencontrent chez le même peuple. Chaque secte a le sien, et on les trouve toujours plus arbitraires, plus artificiels, plus bizarrement enflés de chiffres, à mesure qu'ils se rapprochent de nous. Ils ne semblent même pas toujours très-conséquens, ni dans le rapport des périodes dont ils sont formés, ni dans la nature, la succession et l'étendue des révolutions qu'ils assignent à la fin de ces différentes périodes. Ces variantes ne pourront être complétement recueillies et appréciées que par la comparaison des Pouranas, soit entre eux, soit avec les autres livres religieux et les traités scientifiques d'astronomie; et peut-être une main habile saisissant le fil de l'analogie, qui, au défaut de l'observation, paraît avoir dirigé constamment les inventeurs, retrouvera-t-elle un jour tout l'enchaînement de ces théories monstrueuses, où la poésie et le calcul ont formé une alliance presque inconnue à notre Occident.

Le système développé dans les lois de Menou, qui est aussi celui du Bhagavat-gîta', doit, en attendant, nous servir de base; il est le plus simple et, à quelques égards, le plus vaste et le plus philosophique de tous : il repose sur la double éternité de Dieu et du monde; car Brahmå produit et reproduit ce

neuves et les rapprochemens pleins d'intérêt de Paterson, dans le mémoire cité, p. 61, 69 sqq., avec les additions de Colebrooke, p. 85. — On trouvera dans le t. V des Asiatic Researches, des fragmens traduits par Blaquière, du Calika-Pourana, qui jetteront un nouveau jour sur le caractère et sur le culte de la divinité qui a donné son nom à ce poëme. Conf. Colebrooke, t. X, p. 454 sqq.; et ci-après, note 16.

1 Voy. la note 6, supra, et le Bhagavat-gita, lect. 8° et 9o. Conf. Majer, Brahma, p. 218 sqq.; Bentley dans les Asiatic Researches, t.VIII, p. 236 sq.

visible univers, dans un ordre perpétuellement invariable, et il est dit que la série des créations et des destructions ou régénérations est sans fin. Voici le détail des quatre âges et la réduction des années divines en années humaines :

Age Crita ou Satya, 4,000 ann. div. formant 1,440,000 ann. hum. Plus, pour le crépuscule

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Total général : 12,000 ann. div. formant 4,320,000 années humaines de 360 jours, qui composent un âge des dieux ou Mahayouga, dont il faut 71 pour faire un Manwantara, en ajoutant toutefois un Satyayouga au commencement, de cette sorte:

71 Mahayougas Plus, pour le Satya

306,720,000 années humaines;
1,728,000

Darée du Manwantara 308,448,000.

Chaque Menou est supposé régner seulement dans le Satya qui précède son Antara et dans celui de chaque âge divin: maintenant les 14 Manwantaras formant 4,318,272,000 années, et précédés aussi d'un Satya 1,728,000,

donnent au total 4,320,000,000,

durée du Calpa ou jour de Brahmâ, équivalente à 1000 Mahayougas.

On voit que la base de tous ces calculs est au fond la pé

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