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ESSAI SUR L'ORIGINE

DES

ARMOIRIES FÉODALES

ET SUR

L'IMPORTANCE DE LEUR ÉTUDE

AU POINT DE VUE DE LA CRITIQUE HISTORIQUE

PAR

Anatole de BARTHÉLEMY

(Extrait des Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 2.)

POITIERS
IMPRIMERIE DE A. DUPRÉ

RUE DES HAUTES-TREILLES, 13

1872

A M. ANATOLE CHABOUILLET

Conservateur du Cabinet des Antiques à la Bibliothèque nationale.

MON CHER AMI,

Il faut que je sois bien persuadé de l'intérêt que vous portez à tout ce qui touche à l'histoire, pour venir vous offrir, à titre de souvenir d'ami et de confrère, quelques pages sur la science héraldique. Dans le temps où nous vivons, une étude sur le blason pourrait paraître un travail futile à tout autre qu'à vous. Mais tous ceux qui vous connaissent, et qui vous apprécient, savent très-bien que les recherches les plus modestes ont un certain prix pour vous du moment où elles peuvent être utiles à l'histoire et à l'archéologie. Je ne viens pas vous signaler quelque médaille unique trouvée au fond de l'Inde, ni vous soumettre un cartouche révélant le nom inédit de quelque roi des trop nombreuses dynasties égyptiennes ; je viens tout simplement vous parler des armoiries féodales, et essayer de vous exposer de mon mieux, à leur égard, quelques idées qu'il me semble n'avoir lu nulle part.

Excusez les fautes de l'auteur, et, croyez-le, de vos amis, l'un des plus anciens en date et des plus affectueusement dévoués.

A. DE B.

Poitiers, le 20 janvier 1872.

BRUEL

ESSAI

SUR

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B 35

L'ORIGINE DES ARMOIRIES FÉODALES

ET SUR

L'IMPORTANCE DE LEUR ÉTUDE

AU POINT DE VUE DE LA CRITIQUE HISTORIQUE

Par M. ANATOLE DE BARTHÉLEMY.

Au milieu du XIXe siècle, une étude sur les origines et sur l'utilité du blason, au point de vue des travaux historiques, peut paraître un rêve d'archéologue. Il semble que tout doit avoir été dit sur cette question, qu'il n'y ait plus rien d'intéressant à découvrir sur un usage suranné, en apparence. Il semble que l'héraldique, avec ses figures bizarres, ses couleurs tranchantes et sa nomenclature spéciale, ait le droit de faire sourire certaines personnes, à peu près comme si elles entraient dans le laboratoire d'un alchimiste ou d'un astrologue. Des érudits veulent bien admettre que la connaissance matérielle des écus armoriés peut servir parfois à dater le monument, la statue, le manuscrit sur lesquels ils sont gravés, sculptés ou peints; mais on ne va guère plus loin.

Je vais tenter d'établir que l'étude du blason féodal,

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pendant une période que je fixerai, est souvent aussi utile à la critique historique que la connaissance d'un texte. Je chercherai à déterminer l'époque à laquelle ont commencé les armoiries proprement dites, leur caractère spécial. Je signalerai incidemment quelques armoiries inédites ou peu connues; enfin je rectifierai plusieurs erreurs héraldiques qui, par leur caractère quasi-officiel, peuvent dérouter les archéologues.

Je disais plus haut que, pour beaucoup de personnes, il semble qu'aujourd'hui il n'y ait plus rien à dire sur l'art ou, pour parler plus correctement, sur la science héraldique je reviendrai sur la préférence que je donne à ce dernier mot; c'est une grave erreur.

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Les nombreux ouvrages relatifs aux armoiries, publiés antérieurement à 1789, ne contiennent rien de précis sur l'origine des blasons féodaux. Les hérauts d'armes étaient, à cet égard, d'une ignorance incompréhensible. Quelquefois, lorsqu'ils ont essayé de rompre le silence, ils n'ont fait qu'accréditer des fables, souvent ridicules, inventées par les familles intéressées qui cherchaient à rattacher leur illustration aux temps les plus reculés de l'histoire nationale: ainsi, ils n'hésitaient pas à rappeler des concessions d'armoiries faites par Clovis, Charlemagne, Louis VII et Philippe-Auguste. D'autres se sont bornés à attribuer l'origine des armoiries aux tournois, puis aux croisades; on a voulu enfin en faire honneur aux Orientaux, qui n'en ont jamais eu. A tous ces systèmes il ne manque que des preuves sérieuses.

Non-seulement les hérauts se préoccupaient peu de l'origine des armoiries féodales, mais encore ils ignoraient complétement les armes primitives de plusieurs familles historiques. Cherchez, par exemple, dans les recueils les plus

anciens, manuscrits ou imprimés, les blasons primitifs des maisons de Blois, de Rohan, de Clermont ou Beauvoisis, d'Avaugour, etc., vous feuilleterez vainement. Le fait peut s'expliquer facilement.

Nous verrons plus loin que le blason féodal, à l'origine, tenait au fief et non à la personne du détenteur de celui-ci. Or, à certains moments, sous saint Louis et Philippe le Bel, bon nombre de fiefs passèrent des maisons qui les avaient possédés depuis leur création à des familles nouvelles. Parmi celles-ci, il s'en trouvait qui n'avaient aucun intérêt à conserver le souvenir des anciens possesseurs. Les hérauts, institués au commencement du xiv siècle, (1) n'avaient souci que des familles existant de leur temps, et s'occupaient peu des prédécesseurs auprès desquels les nouveaux propriétaires jouaient souvent le rôle de parvenus.

Les hérauts n'ont qu'un mérite, c'est d'avoir établi une nomenclature assez parfaite pour que la description d'un blason, faite d'après les termes consacrés, en donne une idée précise. C'est au point que si l'on demandait à vingt personnes étrangères les unes aux autres la reproduction graphique d'un blason d'après la définition héraldique, on obtiendrait vingt dessins identiques. — Quant au symbolisme, c'est-à-dire à la signification attribuée aux objets figurés sur les écus, ainsi qu'aux couleurs elles-mêmes, les hérauts d'armes n'ont fait qu'abuser d'un certain ordre d'idées, de manière à arriver aux conjectures les plus hasardées et les plus puériles. Je traiterai spécialement ce point dans un des paragraphes de ce travail.

Avant d'entrer en matière, je dois donner les motifs qui me font préférer le mot science au mot art pour tout ce qui

(1) On dit que les premiers hérauts d'armes, en Angleterre, furent institués au XVe siècle.

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