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premier-médecin du roi, était mort en 1646, et Vaultier lui avait succédé. Celui-ci, docteur de Montpellier, protégeait avec autant d'ardeur les médecins de cette Ecole, que son prédécesseur en mettait à les poursuivre. L'arrêt du parlement du 1er mars 1644 ne laissait exercer dans Paris et ses faubourgs que les médecins reçus dans cette ville, mais il permettait cependant cet exercice à ceux d'autres Facultés du royaume exerçant la médecine près de la personne du roi ou de la famille et maisons royales. Les lettres de conseillers-médecins du roi s'obtenaient par l'intermédiaire du premier-médecin, et la plupart des médecins de Montpellier rentrèrent dans Paris armés de ce titre que leur accordait aisément Vaultier. Soutenus successivement pendant plus de quarante ans par Vaultier, Vallot et d'Aquin, tous trois docteurs de Montpellier, les médecins des Facultés de province purent s'établir dans Paris sans même avoir recours à ce titre de conseiller-médecin du roi, et l'arrêt du 1er mars 1644 tomba ainsi peu à peu en désuétude.

La Faculté n'en continua pas moins sa guerre contre cette rentrée dans Paris des médecins étrangers à son Ecole, et surtout contre l'emploi par ces médecins des remèdes condamnés par elle. Non-seulement elle interdisait l'emploi de ces remèdes aux médecins parisiens, mais elle les poursuivait et les condamnait à l'amende honorable s'ils consultaient ou avaient des rapports avec ces excommuniés.

Déjà, depuis longtemps, les médecins des Universités provinciales sentaient la nécessité, à l'exemple de ce qu'avait fait autrefois Renaudot, de se réunir dans un centre commun afin de résister plus facilement aux attaques de l'Ecole de Paris, et de s'assurer aussi de la réalité des titres de ceux qui venaient exercer la médecine dans la capitale. En 1673, ils présentèrent leur projet à d'Aquin, alors premier-médecin du roi, et, le 1er avril de la même année, ils obtinrent du roi des lettres d'établissement d'une Chambre royale des Universités provinciales, devant laquelle tous les médecins des Facultés provinciales voulant exercer dans Paris devaient se présenter et y exhiber leurs brevets. Tous les médecins faisant partie de la Chambre royale se réunissaient une fois par semaine pour s'entendre et discuter sur les meilleures médications, donner des consultations et fournir gratuitement des médicaments aux pauvres.

La Faculté de médecine de Paris s'émut de l'établissement de cette Chambre et chercha par tous les moyens à en obtenir la dissolution. Mais, soutenue qu'elle était par le premier-médecin, celle-ci résista à toutes les attaques, et plusieurs arrêts du Conseil d'Etat et du Conseil privé en consolidèrent l'existence.

Il y avait vingt ans qu'elle était ainsi régulièrement établie et qu'elle résistait à tous les efforts faits pour la détruire, lorsque Fagon fut nommé premier-médecin du roi.

Jusqu'à l'élévation de Fagon à ce poste important, les divers médecins qui l'avaient occupé y étaient toujours restés jusqu'à leur mort. Il n'en fut pas ainsi cette fois. D'Aquin, le prédécesseur de Fagon, exilé de la Cour, mourut en disgrâce deux ans après la nomination de celui-ci. On verra dans le récit écrit par Fagon lui-même, dans le Journal, quel rôle il joua dans cet événement. Toujours est-il qu'il aimait fort peu d'Aquin, et qu'il devait s'intéresser fort peu aussi aux établissements fondés par lui.

L'élévation de Fagon fut accueillie avec des transports de joie par la Faculté de médecine de Paris, dont il était docteur. Elle pensait qu'elle allait avoir enfin raison de cette Chambre royale qui résistait depuis si longtemps à ses attaques. C'était au mois de novembre 1693 que Fagon fut nommé. Dès le mois de février 1694, elle fait présenter, en son nom, une requête au Conseil d'Etat demandant la révocation des lettres-patentes portant établissement de la Chambre royale des médecins des Universités provinciales, et, grâce au crédit du premier-médecin elle obtient, le 29 juin suivant, un arrêt ordonnant la suppression de cette Chambre et faisant expresse défense à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient. de professer la médecine dans la ville et faubourgs de Paris, s'ils ne sont docteurs ou licenciés en ladite Faculté de médecine de l'Université de Paris, ou médecins d'autres Facultés approuvées d'icelle (1).

La Faculté de médecine de Paris triomphait enfin des médecins de Montpellier, et la médecine galénique de la médecine chimique. Mais, à ce moment, c'était plutôt une question de personnes qu'une question de science, car, depuis l'époque où la Faculté et le Parlement avaient défendu l'emploi de l'émétique, le temps avait marché. Les Moreau, les Guy-Patin, les Riolan, n'étaient plus là pour lancer leurs anathèmes contre la médecine chimique. La Faculté de médecine de Paris autorisa les préparations antimoniales dans une assemblée générale de 1666, et le Parlement, par un arrêt de la même année, revenant sur celui rendu cent ans auparavant (2), en permit l'usage à tous les médecins qui le ju

(1) Voir Statuta Facultatis medicino Parisiensis, 1696. 1 vol. in-12°. (2) Le décret de la Faculté et l'arrêt du Parlement qui en défendent l'usage est de 1566, et celui qui le permet est de 1666.

geraient utile. Un grand nombre de médecins de Paris, Fagon à leur tête, n'avaient pas attendu cet arrêt et se servaient déjà de la pharmacopée chimique sans encourir les censures de la Faculté.

Les médecins composant la Chambre royale firent tous leurs efforts pour résister à l'arrêt qui ordonnait sa dissolution et qui les privait d'exercer leur art dans la capitale, mais ils furent forcés de céder, et plusieurs arrêts, confirmatifs du premier, les obligèrent de cesser leur résistance. Mais ce qui fit surtout disparaître toutes les oppositions, fut le parti pris par la Faculté de Paris de recevoir dans son sein, sans beaucoup de formalités, les médecins de la Chambre royale, dont le savoir du plus grand nombre avait déjà été apprécié par elle.

Depuis longtemps Fagon, quoique médecin de Paris, avait su reconnaitre tous les avantages qu'on pouvait retirer de l'emploi des médicaments repoussés avec obstination par la Faculté de médecine de Paris, et savait s'en servir avec habileté. Aussi, sa position élevée et l'immense influence dont il jouissait dans l'Ecole renversèrent bientôt tous les obstacles à l'union de ces deux doctrines, et l'on peut dire que, de ce moment, date le mouvement progressif qu'ont suivi les études médicales depuis cette époque jusqu'à nos jours.

Disons maintenant quelques mots des médecins de Louis XIV, en suivant, pour cette étude, l'ordre chronologique :

COUSINOT.

Cousinot (Jacques) est né à Paris. Il fut reçu docteur de la Faculté de médecine de Paris, en 1618. Si l'on en croit les Lettres de Guy-Patin, qui en parle avec éloge, sans cependant donner sur lui de grands détails, il paraissait très érudit. Il fut élu doyen de la Faculté de médecine de Paris, en novembre 1624. Cousinot épousa la fille de Bouvard, premier-médecin de Louis XIII. A la naissance du dauphin, il fut nommé son premier-médecin, grâce à la protection de son beau-père, et lorsque Louis XIV monta sur le trône, il continua sa charge auprès du jeune roi. Il était médecin galénique et, comme Bouvard, Guy-Patin et toute l'École de Paris, grand partisan de la saignée et des purgatifs. Amelot de la Houssaye dit que Bouvard, son beau-père, fit prendre à Louis XIII, en un an: 215 médecines, 212 lavements, et qu'il le fit saigner 47 fois. Cousinot mourut le 25 juin 1646, et ne resta par conséquent médecin de Louis XIV que trois ans.

Ce médecin a écrit un ouvrage intitulé: Discours sur les eaux de

Forges (Paris, 1631, in-4°), et une lettre où il répond à quelques objections faites à l'ouvrage précédent (1647, in-8°).

VAULTIER.

François Vaultier naquit à Arles, en 1590. Il alla tout jeune étudier la médecine à Montpellier, et y reçut le bonnet de docteur à l'âge de 22 ans. Après sa réception, Vaultier vint à Paris. D'une figure agréable, s'exprimant avec une grande facilité, il réussit rapidement, et ne tarda pas à devenir à la mode. Introduit à la cour, il fut bientôt le médecin de la reine Marie de Médicis. Ses bonnes manières et son esprit lui firent prendre un tel ascendant sur l'esprit de cette princesse, qu'on l'accusa de la gouverner. Louis XIII en fut tellement persuadé, qu'i! le déposséda de son emploi. Vaultier se jeta alors à corps perdu dans la cabale qui cherchait à renverser Richelieu. Arrêté après la journée des dupes, ainsi que tous les partisans des Marillac, il fut d'abord jeté dans les prisons de Senlis. Marie de Médicis réclamait fortement la liberté de Vautier, et le roi paraissait assez disposé à céder à ses demandes, espérant que la reine-mère quitterait Compiègne, où elle était alors, pour se rendre à Moulins, où il désirait qu'elle restât. Mais quand Richelieu vit qu'elle s'obstinait à rester à Compiègne, et qu'elle semblait même résolue à y prolonger son séjour, il décida le roi à faire transférer Vaultier à la Bastille pour couper court à toute communication entre ce médecin et la reine. Une fois à la Bastille, il n'en sortit plus qu'à la mort de Richelieu, c'est-à-dire qu'il resta dans cette prison d'État pendant près de douze années. Cette longue captivité n'altéra en rien les facultés de Vaultier, et lorsqu'il revint à la cour, il y jouit de la même faveur que du temps de la reine-mère. Il fut l'un des médecins qui soignèrent Louis XIII dans sa dernière maladie, et devint le médecin particulier de Mazarin; enfin, en 1646, à la mort de Jacques Cousinot, il fut nommé premier-médecin du roi Louis XIV.

Vaultier était tellement entré dans l'intimité du premier ministre et de la reine Anne d'Autriche, que depuis plusieurs années on s'attendait à cette nomination.

Guy-Patin le détestait parce qu'il était grand partisan de l'émétique et de tous les remèdes chimiques en horreur à ce satirique médecin. En

1644, il écrivait à Belin, médecin de Troyes, qui lui demandait si Vaultier était en effet médecin du roi, comme le bruit s'en était répandu dans les provinces: « M. Vaultier n'est pas médecin du roi, mais il l'était de la feue reine-mère, et fut mis prisonnier à la Bastille l'an 1630, d'où il ne sortit que douze ans après. Il vit le feu roi en sa maladie, comme M. Moreau et M. de la Vigne. M. le cardinal Mazarin étant tombé malade à Fontainebleau, il y est allé comme étant son médecin ordinaire. On ne parle pas de lui pour cela davantage du tout, et, je vous prie de m'en croire, M. Séguin, premier-médecin de la reine, l'a vu tous les jours avec lui, et un troisième qui était de quartier. Ce n'est pas grand cas d'avoir guéri une double-tierce assez légère en un homme fort, tel qu'est M. le cardinal Mazarin, qui est de bonne taille et de bon âge. Pour premier-médecin du roi, il ne le sera pas de sitôt ; il faudrait bien du changement. Le bruit que vous avez ouï courut ici le mois passé et fut aussitôt étourdi par une réponse que fit la reine. Il est en une posture pour n'y venir jamais, étant médecin du premier ministre, qui serait une affaire fort suspecte. Le cardinal de Richelieu ne voulut pas mettre son médecin, M. Citois, en cette première place, combien qu'il eût tout pouvoir, de peur d'augmenter le soupçon qu'on avait déjà de lui, et de ruiner la grande fortune à laquelle il était déjà parvenu. La reine le connaît bien et ne l'aime point, et je sais bien pourquoi. Elle sait bien aussi qu'il n'est pas grand médecin, joint que M. Cousinot est si bien dans son esprit qu'il ne sortira de cette charge qu'en quittant la vie... M. Vaultier est fort riche, il a une bonne abbaye, force argent comptant, mais peu de crédit, hormis qu'il peut être considéré comme médecin du cardinal Mazarin, qui n'est pas si grande chose, vu qu'en cette nature d'affaires, tel qui est aujourd'hui en faction n'y sera pas dans un mois. M. Cousinot, d'un autre côté, se tient assuré. Le pauvre homme n'a besoin que de santé, encore vivra-t-il? habet adhuc patrem in vivis. M. Vaultier médit de notre Faculté assez souvent, et nous le savons bien, il dit que nous n'avons que la saignée et le séné, et se vante d'avoir de grands secrets en chimie..... Quand M. Vaultier serait premier-médecin du roi (ce qui n'est point viande prête), il ne nous pourrait pas nuire; au contraire, il aurait besoin de charrier droit et de nous avoir pour amis, ce qu'il ferait infailliblement pour se conserver. Tous les hommes particuliers meurent, mais les compagnies ne meurent pas... Que peut faire M. Vaultier, dont le plus grand crédit qu'il ait, est qu'il est médecin d'un premier ministre ; ce qui lui donnera plus de vogue, quelque argent ou quelque bénéfice d'avantage, et rien de plus. Il se pi

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