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Joncquet, dans laquelle il explique tout ce qui a été fait et tout ce que se propose de faire le premier-médecin du roi pour rendre ce jardin le plus utile et le premier du monde. A la suite de cette épître se trouve un poème en vers latins, de Fagon, consacré à la louange de Vallot, le Restaurateur du Jardin-Royal.

On peut voir, dans le Journal de la santé du roi, combien la médication de Vallot était énergique. Elle fut néanmoins presque toujours heureuse. On lui reprocha cependant la mort de la reine d'Angleterre, Henriette, fille de Henri IV, et femme de Charles I, réfugiée en France depuis la mort de son mari. Guy-Patin détestait Vallot comme il détestait tous les médecins chimistes, aussi attribue-t-il la mort de la reine à une pilule d'opium que lui aurait fait prendre le premier-médecin : « Les charlatans, dit-il, tâchent, avec leurs remèdes chimiques, de passer pour habiles gens et plus savants que les autres; mais ils s'y trompent bien souvent, et, an lieu d'être médecins, ils deviennent empoisonneurs. » Et enfin il ajoute une épigramme qui, dit-il, court contre Vallot, et que voici :

Le croiriez-vous, race future,
Que la fille du grand Henri
Eût, en mourant, même aventure

Que feu son père et son mari?

Tous trois sont morts par assassin :

Ravaillac, Cromwel, médecin.

Henri, d'un coup de bayonnette,
Charles finit sur un billot,

Et maintenant meurt Henriette,
Par l'ignorance de Vallot.

A la mort de Belleval, chancelier de la Faculté de Montpellier, Vallot fut nommé pour le remplacer. Cette place lui donna la haute main sur cette Faculté, et lui permit de nommer, aux régences vacantes, sans cesser pour cela son service auprès du roi. « Habenti dabitur, s'écrie GuyPatin à cette nouvelle, ainsi la fortune de la Cour fait tout. »>

Vallot était d'une constitution délicate, et, de plus, sujet à de fréquents accès d'asthme accompagnés souvent de crachements de sang, ce qui ne l'empêcha pas de pousser assez loin sa carrière, car il était âgé de 76 ans lorsqu'il mourut, le 9 août 1671, au Jardin des Plantes, où il s'était retiré depuis qu'il sentait sa fin approcher. Voici comment GuyPatin rend compte à Falconnet de la maladie et de la mort de Vallot;

c'est l'oraison funèbre du premier-médecin du roi écrite par son impitoyable ennemi : « Vallot est au lit, fort pressé de son asthme; peu s'en fallut qu'il n'étouffât avant-hier au soir, mais il fut délivré par une copieuse saignée ; il a reçu l'extrême-onction, c'est pour lui rendre les genoux plus souples pour le grand voyage qui lui reste à faire. Il n'a été qu'un charlatan en ce monde, mais je ne sais ce qu'il fera en l'autre, s'il n'y vient crieur de noir à noircir, ou de quelqu'autre métier où on puisse gagner beaucoup d'argent, qu'il a toujours extrêmement aimé. Pour son honneur, il est mort au Jardin-Royal, le 9 août, à six heures après midi; on ne l'a point vu mourir, et on l'a trouvé mort en son lit. »>

Vallot laissa une très grande fortune à ses enfants. Il avait quatre fils dont aucun ne fut médecin, et trois filles. L'aîné de ses fils était conseiller au Grand-Conseil; le second, évêque de Nevers; le troisième, chanoine de Notre-Dame de Paris, et le quatrième, capitaine aux gardes. Quant à ses filles, elles se firent toutes trois religieuses.

D'AQUIN.

Antoine d'Aquin est né à Paris, vers 1620. Son grand-père, savant rabbin de Carpentras, du nom de Mardochée, fut obligé de quitter Carpentras, en 1610, à cause du penchant qu'il montrait pour le christianisme. Il alla dans le royaume de Naples et se fit baptiser à Aquino, dont il prit le nom. A son retour en France, il supprima la terminaison et se fit appeler d'Aquin.

Arrivé à Paris, Louis XIII le nomma professeur au Collège de France et interprète pour la langue hébraïque. Le père d'Antoine fit aussi sa principale étude de la science rabbinique, et se rendit très habile dans les langues orientales. Le goût d'Antoine d'Aquin fut plus porté vers les sciences médicales, que vers les études de ses pères. Il alla étudier la médecine à Montpellier et fut reçu docteur en 1648. Revenu à Paris après ses études, il se lia avec Vallot et épousa la nièce de sa femme. Ce mariage lui ouvrit le chemin de la fortune. François Guénaut, premiermédecin de la reine Marie-Thérèse d'Autriche, femme de Louis XIV, étant mort en 1667, il obtint cette charge par le crédit de Vallot. GuyPatin annonce ainsi cette nomination dans une de ses lettres : « Le roi a donné la place de médecin de la reine, que tenait Guénaut, au jeune

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d'Aquin, à la recommandation de M. Vallot, dont la femme est tante de la femme de ce M. d'Aquin : Sic vara sequitur vibiam. »

Vallot, souvent arrêté par son asthme et ses crachements de sang, se faisait remplacer auprès du roi par d'Aquin. Dans les premiers jours de l'année 1671, le roi, se préparant à commencer la campagne de Flandre, et Vallot ne pouvant l'accompagner, fit venir d'Aquin qui le suivit et lui donna des soins pendant tout le temps qu'il resta à l'armée. Vallot mourut le 9 août de cette même année. « Enfin, le pauvre M. Vallot, que l'affection et l'inquiétude avaient amené tout mourant en Flandre auprès de S. M., dit d'Aquin dans le Journal, après s'être bien défendu, laissa en mourant, le huitième d'août, la charge de premier-médecin vacante, et ouvrit la porte à toutes les brigues et toutes les poursuites de quantité de prétendants qui ont si longtemps partagé la Cour. »

Ce fut, en effet, huit mois après la mort de Vallot, en avril 1672, que le roi lui donna un successeur, et l'on doit penser à combien d'intrigues dut donner lieu la nomination à une place aussi importante. D'Aquin, déjà premier-médecin de la reine, et depuis la mort de Vallot remplissant ses fonctions auprès du monarque, avait sans doute de grandes chances de lui succéder. Mais, dans ce pays de la Cour, le sol est si mobile que, malgré ses chances de succès, d'Aquin aurait bien pu échouer, si, en habile courtisan, il n'avait eu le soin de s'assurer un protecteur tout puissant auprès de Louis XIV. Depuis plusieurs années Mme de Montespan avait remplacé Me de la Vallière dans le cœur du roi. D'Aquin avait eu l'adresse de s'insinuer dans les bonnes grâces de la nouvelle maîtresse, et, par son influence, il l'emporta sur ses concurrents. D'un esprit suffisant et hautain, il paraissait si sûr de sa nomination que, dans le Journal de la santé du roi, il l'annonce comme une chose à laquelle il s'attendait parfaitement, et d'une manière assez légère, entre deux purgatifs donnés au roi : « Sa Majesté, dit-il, ne se ressentant plus de ses vapeurs et jouissant d'une santé digne d'elle, voulut continuer dans la précaution dont elle avait tant de fois ressenti si visiblement les effets, et se préparer, le 26 du mois de mars, par un lavement, à son bouillon purgatif, qu'elle prit le 27, et duquel elle fut fort bien purgée. Et enfin, le 18 d'avril, le roi étant à Saint-Germain dans le dessein de remplir la place de premier-médecin, vacante depuis neuf mois, me demanda à la reine, à laquelle il m'avait donné depuis cinq ans, pour me mettre auprès de lui, et me faire succéder à M. Vallot, ainsi que j'avais fait à M. Guénaut ; et pour se préparer d'autant mieux aux grandes fatigues qu'il prévoyait bien avoir dans la guerre qu'il entreprenait pour mettre

les Hollandais à leur devoir, il se voulut purger encore une fois, quoiqu'il l'eût été il n'y avait pas un mois. »

La pratique médicale de d'Aquin était à peu près celle de Vallot; mais l'on voit dans le Journal une différence sensible dans l'application de cette médecine aux indispositions du roi.

Vallot, médecin avant tout, confiant dans sa science et hardi dans sa pratique, ne cédait à aucune considération lorsqu'il croyait l'application d'un remède nécessaire à la santé de son auguste malade. D'Aquin, au contraire, encore plus courtisan que médecin, craignant souvent de contrarier son malade et de nuire par là à son crédit, lui faisait de fréquentes concessions pouvant ne pas être toujours sans inconvénients pour la santé du roi. C'est ainsi, par exemple, que Louis XIV ayant une très grande peur de la saignée, il n'ose pas lui tirer de sang, quoiqu'il fût sujet à de violents étourdissements, et qu'il est obligé d'entrer dans les théories les plus extraordinaires pour expliquer sa conduite (1).

S'il n'osait pas prescrire de saignée au roi, il n'en était pas ainsi pour les autres, et le mauvais emploi qu'il en fit dans la dernière maladie de la reine Marie-Thérèse, lui attira une scène fâcheuse qui eut un grand retentissement parmi les courtisans du château de Versailles, et ne fut pas sans influence sur la disgrâce dont il fut frappé quelques années après.

Le 20 juillet 1683, Louis XIV et Marie-Thérèse étaient revenus à Versailles, après un voyage en Bourgogne, dans lequel ni l'un ni l'autre n'avait paru éprouver le moindre malaise. La reine, depuis son retour, prenait grand plaisir à voir jouer tous les jours les eaux du parc. Rien chez elle n'indiquait l'apparence d'une maladie. La fraîcheur de son teint et l'embonpoint qu'elle avait pris depuis son voyage, semblaient au contraire annoncer la plus brillante santé. Le 26, elle ressentit quelques légers malaises qui se continuèrent le lendemain et auxquels on fit peu d'attention. Mais, dans la nuit du 27 au 28, les malaises étant devenus plus considérables et la fièvre s'étant développée, le médecin de la reine, Fagon, fut appelé et s'aperçut qu'une tumeur s'était développée sous l'aisselle du côté gauche. Une saignée fut immédiatement pratiquée. Le soir, les douleurs augmentèrent et la fièvre redoubla pendant la nuit suivante. Le 30, l'on eut des inquiétudes sérieuses. D'Aquin, Fagon et Moreau, premiers-médecins du roi, de la reine et de la dauphine, se réunirent en consultation. On discuta longuement sur les remèdes à employer contre cette maladie, dont la marche rapide et insi

(1) Voir l'année 1675.

dieuse semblait déconcerter la science des médecins. D'Aquin proposa une saignée du pied, contre laquelle Fagon s'éleva avec force, la regardant comme inopportune et devant affaiblir inutilement la reine. Mais d'Aquin tint fortement à son opinion, et cette opinion ayant été partagée par Moreau, la saignée fut prescrite. Dionis, chirurgien de la reine, et, comme tel, chargé de la faire, appela, avant de l'exécuter, l'attention des consultants sur la tumeur de l'aisselle, de beaucoup augmentée, et qui lui paraissait la cause de tous les accidents. Son opinion n'eut aucune influence sur la résolution des médecins, et la saignée fut pratiquée. Peu d'instants après la saignée, la reine se trouva dans une grande faiblesse. Son état devenant de plus en plus alarmant, les médecins se réunirent de nouveau, et décidèrent de lui donner l'émétique; mais ce remède, sur lequel on avait paru compter, ne produisit aucun effet, et quelques instants après, la reine expirait dans les bras d'une de ses dames l'aidant à se retourner. L'autopsie, faite le lendemain, montra combien les médecins avaient eu tort de repousser les observations du chirurgien, car on reconnut alors que cette tumeur de l'aisselle gauche, dont on n'avait pas voulu s'occuper, n'était autre qu'un abcès considérable. N'ayant pu trouver issue au dehors, il s'était fait jour dans l'intérieur de la poitrine en traversant la plèvre, et avait en quelque sorte asphyxié cette malheureuse princesse.

Cette mort, si extraordinaire et si rapide, frappa d'effroi toute la Cour. Personne ne s'en rendait compte, et comme elle était survenue peu de temps après la saignée ordonnée par d'Aquin, et à laquelle Fagon avait voulu s'opposer, tout le monde l'attribua à cette saignée. On en était tellement persuadé que, peu d'instants avant que la reine expirât, M. de Villacerf, ayant rencontré d'Aquin dans l'antichambre et s'étant laissé aller à toute l'exaspération causée par cette mort, la lui reprocha hautement et s'emporta contre lui jusqu'à le frapper.

Malgré cette scène fâcheuse et le retentissement qu'elle eut à la Cour, d'Aquin sut encore se maintenir dans les bonnes grâces du roi. Par son crédit, il fit nommer son frère médecin-ordinaire du roi; l'aîné de ses fils était déjà dans le conseil, et son autre fils, évêque de Fréjus. Mais d'Aquin, dit Saint-Simon, était grand courtisan, mais rêtře, avare et avide; ses demandes incessantes commençaient à fatiguer le roi. Un fait, raconté par Astruc, laisse voir ce que Louis XIV en pensait, et montre en même temps toute la suffisance de d'Aquin. «On vint dire au roi, un matin à son lever, qu'un vieil officier que Louis XIV connaissait et aimait, était mort dans la nuit; sur quoi le roi répondit qu'il en était

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