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plois de séjourner habituellement dans la capitale du royaume ou du moins dans ses propriétés d'Espagne les plus voisines de la cour, ne négligea-t-il pas le berceau de sa maison ?

Jean de Jaxu, loin d'oublier jamais qu'il était né en decà des monts, considéra toujours, et avec raison, son château natal comme le véritable centre de toute sa famille. Ce fut l'habitude constante de sa vie de profiter de tous les loisirs qu'il pouvait dérober à ses hautes fonctions pour visiter ses terres de Basse-Navarre, et aller habiter le château de Jaxu, se montrant particulièrement jaloux de maintenir cette demeure dans tous ses privilèges et honneurs 2. Il y amenait quelquefois sa famille ; mais même alors qu'elle ne l'accompagnait pas, il avait toujours avec lui François, son plus jeune fils 3.

Cet enfant était l'objet d'une affection spéciale. S'il chargeait le fameux docteur Navarre de la première culture de son esprit, il ne cédait à personne le soin de former ses sentiments et son cœur. Un goût précoce pour l'étude, des ardeurs généreuses qui se faisaient jour déjà, une raison charmante, une âme pétrie de délicatesse et d'honneur le séduisaient. Il espérait beaucoup de lui, et se plaisait à voir ce fils, plein de promesses, croître et se développer dans sa noble et antique maison natale 5.

Les malheurs du royaume vinrent bientôt troubler ces doux loisirs et interrompre le charme de ces occupations paternelles.

Jean d'Albret et Catherine venaient de retourner à Pau, pour se remettre un instant en contact avec leurs populations de Béarn, lorsqu'ils mandent incontinent auprès d'eux le président de leur conseil royal de Navarre. Peu rassurés pour la sécurité de leurs États en voyant ce qui se passe en Italie, ils lui communiquent leurs inquié

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◄ Como Don Juan de Jaso era la Cabeza de esta familia, por ser senor de su palacio de Jaso, cuidó, mientras vivió, y dieron lugar las guerras que despues se siguieron, de su conservacion en el lustre y honor primitivo. Anales de Nav., t. V, p. 128. L'importance de ce texte et de ceux qui vont suivre sera notre excuse pour avoir multiplié ici les citations.

2. Y aun siendo yá Presidente del Real consejo de Navarra, fue algunas veces á visitarle, y residir en él los tiempos que le vacaban por su ministerio. Anales, loc. cit.

3 Con esta ocasion llevaba consigo á su hijo Francisco. » Anales, ibid. 4 «Lo podria saber meyor el Doctor Navarro, que estaba en Roma, porque trato al P. Francisco Xavier desde su ninez, y que de las cosas de aquel tiempo podria dar mejor razon que ninguno de y los que entonces habia por acá.» Anales, t. V, p. 126. — Il avait treize ans de plus que François Xavier, et était parent rapproché de la mère de son jeune élève : son vrai nom est Martin Azpilcuéta.

5 Y aun lé dejaba por mas tiempo para que se criase en su casa nativa. Anales de Nav., t. V, p. 128.

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La Sainte-Ligue se formait contre le roi de France entre Jules II,

tudes, et, après avoir délibéré, on décide qu'il se rendra, accompagné de deux conseillers royaux, auprès de Ferdinand le Catholique, pour sonder ses intentions, et, en cas de besoin, faire appel à sa raison et à sa justice. L'ambassadeur s'acquitte de sa mission. A son retour en Béarn, il rapportait, avec de bonnes paroles, une impression défavorable. L'esprit du roi d'Aragon, sous des dehors bienveillants, lui avait paru au fond indécis et comme partagé entre des déterminations contraires; dans les conjonctures présentes, ce n'était guère propre à rassurer nos princes. Aussi s'empressèrent-ils de rentrer en Navarre en même temps que leur ambassadeur 1.

Néanmoins les États de 1512, assemblés à Tudéla, se montrèrent plus dévoués que jamais. Loin de marchander ce qu'on leur demandait, ils offrirent à Jean d'Albret et à Catherine tout ce qui serait nécessaire pour défendre non seulement les deux Navarres, mais encore leurs autres possessions de France 2.

Ces propositions généreuses ne purent être mises à profit. Quelques mois après le duc d'Albe, commandant l'armée du roi d'Aragon, s'avançait pour se jeter avec les Anglais sur Bayonne 3, quand tout à coup, à la hauteur de Vitoria, en pleine paix, sans déclaration de guerre, il lance son armée sur la Navarre, va droit à Pampelune, où rien n'était préparé pour la défense, et s'en empare: en quelques jours la Navarre est conquise. Pour ne pas tomber au pouvoir du vainqueur, Jean d'Albret et Catherine se voient contraints de repasser les monts, amenant leur fils Henri et leurs trois filles. Le maréchal Pierre de Navarre, le connétable Alphonse de Péralta et le noble président du conseil, Jean de Jaxu, à la tête d'une foule de gentilshommes et de conseillers royaux leur font cortège et vont partager leur infortune 5.

Ferdinand, les Vénitiens et le roi d'Angleterre; de son côté Louis XII favorisait la convocation du concile de Pise, et allait envoyer le jeune Gaston de Foix pour commander ses troupes d'Italie.

1 Anales de Navarra, t. V, p. 169 et 170.

2 Anales de Navarra, t. V, p. 201; Yanguas, Diccion de Antig., t. III, p. 254-256. Jean et Catherine, rois de Navarre, possédaient en outre le comté de Foix, la Seigneurie de Béarn, le comté de Bigorre, etc.

3 Cette expédition, suite de la Sainte-Ligue, était destinée à faire diversion à la guerre d'Italie. Les Anglais se présentèrent au port du Passage près de Saint-Sébastien. Leur chef, invité par le duc d'Albe à prendre part au coup de main sur la Navarre, s'y refusa disant qu'il avait ordre d'attaquer Bayonne et la Guienne, mais non pas la Navarre. N'osant s'engager seuls contre les troupes françaises commandées par le duc de Longueville et La Palice, mécontents d'ailleurs du manque de foi des Espagnols, les Anglais repartirent sans avoir débarqué.

Anales de Navarra, t. V, p. 249.

5 < ..... entre ellos Don Juan de Jasso, presidente de consejo y padre de San Francisco Xavier... Anales de Nav., t. V, p. 249.

T. XXVIII. 1er JUILLET 1880.

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Le père de François-Xavier se plaçait ainsi au poste de fidélité qu'il n'abandonnera plus, tant que durera sa vie. Depuis ce jour, en effet, jusqu'à l'année 1524 où toute prétention effective dut cesser, pas une tentative en faveur des souverains légitimes ne se produira où il ne soit aussitôt de cœur et d'âme, pour laquelle il n'emploie son influence et toutes les ressources personnelles dont il dispose.

Non seulement ses fils, mais tous les seigneurs de sa parenté montrèrent la même droiture et une égale loyauté. Dans une première expédition de Jean d'Albret, nous voyons figurer parmi ses plus actifs partisans le beau-père de Miguel de Xavier, Martin de Goni1. Jean d'Albret descend dans la tombe en 1516, suivi, huit mois après, de la reine Catherine. Cette double perte ne ralentit le zèle d'aucun membre de cette famille; tous furent unanimes à reconnaître sur-lechamp pour vrai et unique roi leur fils Henri.

Il est vrai que les vainqueurs, tout en ayant pour eux la force, n'étaient guère sûrs de leur droit. Ferdinand le Catholique garde longtemps la Navarre en sequestre et n'ose la dire sienne 2. CharlesQuint, dans des traités, promet de la rendre 3. Quoique la conservant toujours, cet empereur et même Philippe II, son fils, avaient encore parfois quelques remords, et consultaient alors à ce sujet les plus savants hommes. S'étant adressés un jour au docteur Navarre, considéré comme l'un des premiers théologiens de son temps, celui-ci eut la franchise de leur répondre que leur conscience et leur devoir exigeaient qu'ils restituassent cette province à son maître légitime .

La conduite de ceux qui soutenaient la cause de ce maître légitime n'était donc pas de l'obstination; ils se dévouaient pour la justice. Les conséquences regrettables qui s'ensuivirent pour la famille de Jaxu l'honorent grandement et font briller davantage sa générosité et sa noblesse.

En 1521, au nom du roi Henri, une armée française entre en Navarre 5, emporte Pampelune et conquiert tout le royaume en quelques jours Mais peu de temps après, par un retour subit de for

1 Anales de Navarra, t. V, p. 262 et 263.

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« Solo se habia llamado depositario del reyno de Navarra y con este nombre le habia gobernado. » Anales, t. V, p. 219.

3 Traité de Noyon.

4 De Thou, Histoire (Bâle, 1742), t. VI, p. 632.

5 Il s'agit ici de Henri II de Navarre, fils de Jean d'Albret et de Catherine de Béarn. L'armée française était commandée par André de Foix, seigneur de Lesparre et frère de Lautrec.

6 Ignace de Loyola fut l'âme de la résistance dans la citadelle de Pampelune. Quand Lesparre commença à tirer le canon, le jeune gentilhomme excitait ses soldats, l'épée à la main, à découvert sur la muraille. Dans cet instant un boulet lui brise une jambe et le renverse dans le fossé. Les Français, toujours amis du courage, recueillent le blessé avec respect et, après

tune, elle le perd presque aussi rapidement dans la plaine de Noain 1. Dans ses rangs sont: Miguel de Xavier, Jean d'Azpilcuéta 3, Valentin de Jaxu, Jean d'Olloqué 5, Martin de Goni ; il n'y manque que François de Jaxu, trop jeune encore et retenu par ses études d'humanités 7.

Cette défaite ne les empêcha pas de donner un nouveau témoignage de leur fidélité. L'amiral Bonivet, dans cette même année 1521, était allé s'emparer de Fontarrabie au nom de Henry d'Albret. Les Français l'occupaient depuis deux ans lorsque Charles-Quint, ayant pris ses mesures pour la recouvrer, vint en faire le siège. A la nouvelle que ce dernier boulevard de leur roi va lui être enlevé, tous les hommes de Noain, les mêmes, se jettent précipitamment dans la place et combattent non pour la victoire,―ils savaient qu'elle ne serait pas à eux, mais pour l'honneur. Forcés de capituler, il leur est donné de sortir en déployant pour la dernière fois leur bannière 8.

La famille de Jean de Jaxu, après la capitulation de Fontarrabie, reçut par un acte solennel le complet pardon de Charles-Quint, et recouvra ses châteaux, et ses terres situés en Espagne avec les titres et privilèges qui y étaient attachés, à deux conditions dans l'intervalle de quinze jours, tous les membres devaient se résoudre à aller

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les premiers pansements, apprenant qu'il était du Guipuscoa, ils le font transporter dans son château. Une ardeur semblable, on va le voir, anime pendant ce temps les frères de François Xavier; mais c'est pour servir et faire triompher la cause dont Ignace était l'adversaire. Ces deux familles que la politique et la guerre divisent, se trouvent à cette heure dans deux camps opposés. Bientôt la religion, opérant ses merveilles, les unira à la vie et à la mort par leurs représentants les plus illustres. Au moment d'ensevelir saint François Xavier mort dans une chaumière indienne, en ouvrant son pauvre vêtement, on trouvera sur sa poitrine dans un médaillon de cuivre, une relique qui ne l'avait jamais quitté : la signature d'Ignace de Loyola.

Lesparre, maître de la Navarre, passa l'Ebre, s'arrêta inutilement au siège de Logrono, donnant ainsi le temps aux généraux de Charles-Quint revenus de leur surprise, de rassembler des forces pendant que les siennes diminuaient. Il fut ramené sur Pampelune et livra imprudemment bataille sans avoir même pour cela réuni toutes les troupes dont il aurait pu disposer. 2 Fils aîné de Jean de Jaxu.

3 Son second fils.

Son neveu, fils de Pierre de Jaxu (voir le tableau généalogique). 5 Son beau-frère, marié à Marguerite de Jaxu.

6 Père d'Isabelle de Goni, mariée à Miguel de Xavier. Leur présence à Noain et leur participation à toute cette guerre sont attestées sur pièces officielles par Yanguas, Diccionario de Antiguedades, tome IV, p. 64, art. Azpilcuéta, p. 152, art. Goni, p. 163, art. Jaso, p. 165, art. Javier et p. 301, art. Reyes. Voir aussi Anales, t. V, p. 367.

7 Il était dans sa seizième année.

8 25 mars, jour de l'Annonciation de l'année 1524. Yanguas, Diccion. t. VI, p. 301; Anales, t. V, p. 420.

habiter de nouveau leurs propriétés, et à prêter les serments voulus. Ils se soumirent du consentement de leur père 1.

Celui-ci étant passé dans la Navarre française, y finit ses jours bientôt après : nous aimons à croire que ce fut dans le château même où il était né. A ses derniers moments, il put se rendre le témoignage que sa vie avait été une vie de devoir et d'honneur. Il mourait après avoir donné à ses souverains légitimes toutes les preuves d'attachement qu'un sujet privilégié peut donner; il mourait après avoir parfaitement élevé une famille digne de son rang, et dont l'avenir venait d'être inopinément assuré. Et cependant, à ces satisfactions venaient se joindre des pensées bien amères : d'une part, la séparation de son berceau natal d'avec les autres possessions de sa famille lui apparaissait comme irréparablement effectuée; de l'autre, les nouveaux souverains de la Navarre, qui avaient trop de motifs pour poursuivre sa mémoire de leurs ressentiments, lui semblaient devoir ne jamais peut-être permettre à ses enfants d'en hériter et laisser ainsi s'éteindre parmi eux le nom paternel.

1 Cet acte de Charles-Quint, daté de Burgos le 29 avril 1524, est intégralement reproduit dans le Diccionario de Antiguedades, tome IV, art. Reyes, reinado de Carlos 5o, page 297. Son importance devrait nous le faire reproduire ici à notre tour; mais il n'occupe pas moins de onze pages du Diccionario. Nous en donnerons simplement une courte analyse L'empereur, après avoir rappelé la prise de possession de la Navarre par Ferdinand son aïeul, y parle de la tentative des Français en 1521. Beaucoup de Navarrais les appelèrent alors favorisant leur entreprise et participèrent à l'attaque de Pampelune, au sac de los Arcos, au siège de Logrono; mais tous furent vaincus et complètement défaits par son armée à la bataille de Noain. Ils ont passé encore depuis du côté des Français, quand ceux-ci vinrent s'emparer de Maya et de Fontarrabie. Aussi leurs biens avaient-ils été confisqués, et ils avaient mérité pour eux-mêmes la peine capitale. Cependant à la plupart d'entre eux il a accordé le pardon par un acte signé à Pampelune le 22 décembre 1523. Malgré cela des Navarrais se sont trouvés encore à Fontarrabie qui a été reprise cette présente année de 1524. Le général vice-roi, leur ayant accordé une capitulation, l'empereur, pour le bien de son royaume de Navarre et pour mettre fin aux passions et aux discordes ennemies, veut la ratifier. De son plein pouvoir il pardonne à Miguel seigneur de Xavier, à Jean d'Azpilcuéta son frère et au capitaine Valentin de Jaxu... à Martin de Goni, etc., perdonamos al Senor de Xavier, Johan de Azpilcuéta su hermano, y al capitan Valentin de Jaso..,. è Martin de Goni..... personas navarras, nuestros subditos y vasallos del dicho reyno........ con tanto que dentro de dos meses que se cuentan desde el dicho dia de 29 de Febrero y veinte dias despues de la data de esta nuestra carta de perdon, seais obligados de venir à vuestras casas y hacer la solemnidad y juramento que se requiere. » Moyennant ces conditions toute faute, tout crime, tout souvenir est effacé pour eux; tous les privilèges antérieurs, tous les honneurs auxquels ils avaient droit, leur sont rendus (Archivo de comptos, Papeles sueltos, leg. 23, carp. 76).

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