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REVUE DES RECUEILS PÉRIODIQUES

PERIODIQUES FRANÇAIS.

Une polémique s'est récemment engagée entre divers savants, au sujet de l'extinction de la puissance des Druides en Gaule. Une note de M. d'Arbois de Jubainville affirmait, par l'examen de tous les passages où les auteurs anciens parlent des Druides, que leur institut périt par la persécution romaine. M. Fustel de Coulanges, répondant à M. d'Arbois de Jubainville, a trouvé le terme de persécution trop vague; il spécifie que les Druides ont été persécutés en deux choses : 1o on a proscrit leurs pratiques sanguinaires; 2° on a supprimé leur organisation hiérarchique. Mais les Druides n'ont pas été persécutés en ce sens qu'on ait interdit le culte de leurs divinités ou qu'on ait fait violence à leurs personnes. A son tour, M. V. Duruy, dans sa note Comment périt l'Institut druidique3, pense que la persécution dirigée par Auguste et par Tibère contre les Druides fut d'une nature toute spéciale et qu'elle détermina celle que, plus tard, Trajan fit endurer aux chrétiens. Les Romains, fort tolérants à l'égard des cultes étrangers, admettaient dans leur panthéon les divinités des peuples vaincus : ce procédé d'absorption leur réussit partout, sauf avec les Juifs qui, croyant à un Dieu unique, ne pouvaient accepter cette union sacrilège, et avec les Druides qui, formant un clergé national, perdaient leur pouvoir si leurs dieux perdaient leur caractère gaulois. Un sénatus-consulte de l'an 94 interdisait aux Romains les sacrifices humains Auguste appliqua cette loi aux Druides; une autre loi romaine interdisait les associations qui n'étaient point consacrées

1 Revue archéologique, livr. de décembre 1879. 2 Revue archéologique, livr. de février 1880.

3 Revue archéologique, livr. d'avril 1880.

par un sénatus-consulte: cette prescription de police fut appliquée contre les Druides. C'est ainsi que la persécution d'Auguste fut légale, et résulta de l'application aux vaincus de lois faites pour les vainqueurs. Tibère fit de même en appliquant aux pratiques druidiques les lois édictées contre la magie; c'est la règle de conduite prescrite à Pline le Jeune par Trajan.

-Les inscriptions et autres objets gallo-romains découverts à Bourbonne-les-Bains, et conservés aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, ont fourni à M. Chabouillet l'occasion d'un long mémoire dans lequel ce savant a groupé et discuté toutes les inscriptions connues se rapportant aux divinités Borvo et Damona'. C'est un chapitre important de l'histoire du panthéon gallo-romain, car on sait que Borvo était le dieu gaulois des eaux thermales, que les Romains ont fait entrer dans leur panthéon en l'identifiant avec Apollon. Borvo a donné son nom à toutes les localités portant le nom de Bourbon ou un nom formé sur le même thème étymologique; quant à Damona, elle est beaucoup moins connue, et les ex-voto qui la mentionnent ne donnent aucun détail sur son culte ou sa nature. Toutes les inscriptions relevées par M. Chabouillet ont été recueillies sur le sol de la Gaule, ce qui spécifie bien le caractère exclusivement gaulois des deux divinités; il n'y a d'exception que pour quelques ex-voto recueillis en Espagne, où les Gaulois ont, comme on le sait, fait de grandes invasions.

Le Senchus Mór est un traité de jurisprudence écrit en vieil irlandais, qui était en usage dès l'époque mérovingienne, mais dont le manuscrit le plus ancien ne remonte qu'au quatorzième siècle. M. d'Arbois de Jubainville vient de consacrer à ce recueil, aussi intéressant au point de vue littéraire qu'au point de vue juridique, un premier mémoire où il examine les rapports intrinsèques du Senchus Môr avec la littérature épique, grammaticale, hagiographique et canonique de l'Irlande. Le résumé du savant travail de M. d'Arbois de Jubainville peut se formuler ainsi : 1o Le texte du Senchus Mor renferme des allusions au cycle épique de la mythologie irlandaise qui a été connu de Nonnius dès le milieu du neuvième siècle; 2o Il se rattache au cycle de Conchobar et de Cúchulainn, qui a pour base des événements approximativement contemporains de la date de la naissance de Jésus-Christ; 3o On n'y trouve aucune allusion au cycle de Finn Mac Cumail et d'Oisin qui a pour base des événements du second et du troisième siècle de notre ère; 4o Le Senchus Môr est cité dans le Glossaire du Cornac qui remonte à la fin du neuvième

Revue archéologique, livr. de janvier 1880 et suiv.

2 Nouvelle revue historique de droit français et étranger, livr. de marsavril 1880.

siècle. Enfin M. d'Arbois de Jubanville, en emparant les vetrines contennes dans le Senchus Mir avec les usages de la plus ancienne littérature de l'Irlande, constate un accord parfait. « Rien dice, ditil, ne nous autorise à contester les documents qui font remonter audelà de saint Patrice la composition premiere da Senchus Mir, et qui attribuent à saint Patrice lui-même les quelques elements de christianisme contenus dans cet antique document. »

- On sait combien furent fréquentes, apres le triomphe déñnitif du christianisme, les imprécations de saint Chrysostome, saint Augustin, saint Basile, saint Jérôme, contre l'orgueil et la dureté des riches. Les Péres de l'Église voulaient, sinon ramener les riches chrétiens à la stricte observance des conseils évangéliques, du moins les empecher de les trop perdre de vue. Mais dans les siècles de persécution, pendant la première ferveur religieuse, on ne s'était point encore écarté de ces conseils pris à la lettre, particulièrement en ce qui concerne le renoncement aux biens de ce monde. M. Edmond le Blant, dans son étude sur La richesse et le christianisme à l'âge des persecutions1, établit par de nombreux faits que le riche converti renonçait souvent à ses biens en faveur des indigents; sans quoi il se fut heurté à une sorte de suspicion auprès de ses nouveaux frères. Ce rigorisme exagéré, pratiqué par un très grand nombre de chrétiens, entravait la diffusion de la foi nouvelle, au moins dans les classes élevées. Aussi, des docteurs comme Clément d'Alexandrie élèvent la voix pour soutenir que l'âme des riches peut gagner le ciel sans renoncer aux biens terrestres, et pour démontrer que, dans l'Évangile, il faut savoir distinguer le précepte du conseil.

- M. l'abbé Nid a terminé la première partie de son Étude sur les origines du siège épiscopal de Belley. C'est un travail sérieusement fait, et où l'on trouve, notamment pour la géographie historique, des identifications de noms de lieux fort ingénieuses. Mais l'auteur a été amené à traiter un sujet épineux, sur lequel bataillent depuis longtemps, et aujourd'hui plus que jamais, les savants les plus compétents. Il s'agit de la première évangélisation des Gaules. M. Nid défend la thèse de l'apostolicité; il interprète à la lettre les expressions des auteurs, tant de fois cités, où l'on dit que la foi chrétienne a été enseignée en Gaule dès l'origine, et il conclut de là à l'institution apostolique de la plupart de nos sièges épiscopaux. Nous nous garderons bien de prendre parti dans cette difficile question. Nous ajouterons seulement que, de l'avis de M. Nid, Belley ne peut revendiquer pour son siège un titulaire historique que dans le courant du cinquième siècle.

Revue archéologique, livr. d'avril 1880.

Revue de la soc. litt. hist. et archéol. de l'Ain, nov.-déc. 1879.

Les Études sur la chronologie des rois de France et de Bourgogne de M. A. Bruel sont une série d'observations tirées des deux premiers volumes du Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny par le même auteur; elles s'appliquent à la période qui s'étend depuis le règne de Louis le Débonnaire jusqu'à la fin de la dynastie carolingienne. La principale difficulté de la chronologie du moyen-âge, dans la période qui a précédé le XIIe siècle, est l'absence du millésime, qui ne parait que sur de rares documents. Comme il se rencontre un grand nombre de princes portant le même nom, il en résulte qu'à moins de synchronismes tout à fait accidentels, il est presque impossible d'attribuer à tel ou tel prince des actes datés du règne d'un Louis, d'un Charles, d'un Lothaire, d'un Carloman. M. Bruel a pourtant réussi à préciser les dates des nombreuses chartes qu'il avait à examiner ; il a même quelquefois, pour des actes irréguliers, proposé des rectifications appuyées sur de sérieuses inductions, et son travail sera grandement apprécié de ceux qui s'occupent de l'histoire carolingienne dans ses menus détails.

-Dans une note brève et substantielle sur une bulle d'Honorius III relative à l'enseignement du droit romain dans l'Université de Paris2, M. Adolphe Tardif, professeur à l'École des chartes, répond à une accusation formulée ainsi contre l'Église par M. Caillemer : « L'Église, dit ce dernier, ne voyait pas avec faveur les progrès réalisés par le droit civil. Les papes proclamaient bien que la Sainte Église ne rejette pas le service des lois séculières, mais ils ne désiraient pas que leur étude fût trop répandue. Honorius III, en 1220, avait prohibé rigoureusement, sous peine d'excommunication, l'enseignement du droit civil à Paris, et dans les lieux voisins, et cette prohibition fut, théoriquement au moins, maintenue pendant plus de quatre siècles. » M. Tardif rappelle que le droit romain était depuis longtemps enseigné dans les écoles épiscopales et abbatiales; que les universités fondées par les papes comportaient l'enseignement du droit romain; que la politique des papes a toujours été d'encourager l'enseignement du droit romain pour lutter contre l'influence des coutumes germaniques. Quant à la bulle de 1220 (1219) elle ne concerne que l'Université de Paris, et M. Tardif prouve, avec le témoignage de Philippe-leBel qui n'est pas suspect, que le pape Honorius n'a rendu cette bulle que grâce à l'intervention de Philippe-Auguste qui demanda au pape d'interdire l'enseignement du droit romain dans la nouvelle Université de Paris. Ainsi, il demeure établi que la bulle de 1219 n'était pas motu proprio dictée par un sentiment d'hostilité contre le droit écrit,

1 Bibliothèque de l'École des chartes, 1re livr. de 1880.

2 Nouvelle revue historique de droit franç. et étranger, mars-avril 1880.

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sentiment contraire aux traditions constantes de la cour romaine. La courte notice. que M. J. Quicherat a consacrée à Jean de Meungest suivie d'un document inédit, extrait des Archives nationales, qui établit que le célèbre poète, sur la vie duquel il reste si peu de chose, avait cessé de vivre au mois de novembre 1305. Sa maison, dans laquelle il composa le Roman de la Rose, était la dernière de la paroisse Saint-Benoît, à Paris, sur le grand chemin qui continuait la rue Saint-Jacques, hors de l'enceinte de Philippe-Auguste. Aujour d'hui, l'emplacement de la maison de Jean de Meung est fixé, par M. J. Quicherat, à la hauteur du no 218 du faubourg Saint-Jacques. Le livre de M. Edoardo Alvisi sur César Borgia, publié il y a deux ans, a fourni à M. Alfred Maury l'occasion d'un mémoire intitulé: Une réhabilitation de César Borgia 2. Déjà M. Gregorovius avait consacré, en 1876, à Lucrèce Borgia, une étude dans laquelle cette princesse est loin de ressembler au portrait repoussant qu'ont fait d'elle particulièrement les historiens protestants. Aujourd'hui, M. Maury déclare qu'il faut se mettre en garde contre les jugements portés généralement sur César Borgia. La perfidie de ce prince n'est point aussi noire qu'on l'a prétendu. Lorsqu'au commencement de 1495, César abandonna le roi de France Charles VIII, auquel il avait prêté serment de fidélité, cette conduite s'explique, sans se justifier complètement, par les sentiments des Italiens à ce moment et les menaces des Espagnols. M. Maury reconnaît de même que l'accusation de fratricide portée contre César, à l'occasion de la disparition du duc de Gandia, en 1497, ne repose que sur des apparences peu vraisemblables. Le cardinal Jean Borgia ne fut pas, non plus, empoisonné par son cousin, comme on l'a dit: il mourut de la fièvre à Urbin, en se rendant à Rome pour les fêtes du jubilé. « L'intervention d'un crime, dit M. Maury, est assurément impossible » dans la mort des deux Manfredi, prisonniers de César Borgia; des doutes sérieux planent sur l'imputation au fils d'Alexandre VI de la mort d'Alphonse d'Aragon; enfin, «< la cruauté reprochée à César dans la guerre, le goût` du sang qu'on lui a attribué, sont en désaccord avec ses actes comme duc de Romagne ; il gouverna ses États avec intelligence et modération. » M. Maury conclut que la carrière de César Borgia ne fut pas sans grandeur et sans éclat. « Si des crimes l'ont ternie, ils semblent au moins n'avoir pas eu toute l'énormité qu'on leur a supposée. Ce qu'il a pu y avoir de perfide et d'odieux dans les actes de César eut sa source dans les détestables principes qu'admettait la politique du temps, politique dont Machiavel nous a donné le code dans ce livre du

1 Bibliothèque de l'École des chartes, 1re livr. de 1880. 2 Revue Historique, livr. de mai-juin 1880.

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