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récit s'accorde presque en tout avec d'autres documents histori ques, et qui a tout l'air d'avoir été un des disciples de Méthode. On ne peut donc rejeter la date qu'il donne (885), sans y être contraint par l'évidence. La conjecture proposée par M. Ewald, loin d'apporter avec elle l'évidence, nous laisse dans le vague et se met en contradiction avec la tradition séculaire des églises slaves, qui célèbrent la mémoire de saint Méthode par une fête particulière, le 6 avril,jour indiqué par son biographe. On la trouve marquée à ce jour dans des livres liturgiques d'une haute antiquité,par exemple dans l'Évangile glagolitique d'Assémani et le Livre de Savva, qui sont du XIe siècle, dans les Menées slavonnes du x1° siècle, conservées à la bibliothèque synodale de Moscou; de plus, dans les actes des apôtres du couvent serbe de Schischatovaz, de 1324, pour ne pas citer les calendriers moins anciens '. Cette unanimité des documents liturgiques suppose l'existence d'une source commune et fort ancienne, qui n'est autre que le témoignage du biographe pannonien, recueilli de la bouche même des disciples de saint Méthode, et, en tout cas, formant le premier anneau de la chaîne traditionnelle 2.

La conjecture de M. Ewald, plaçant la mort de Méthode en 887 ou en 888, contredit un autre fait, généralement admis par les historiens, à savoir l'expulsion de ses disciples de la Moravie, arrivée en 866 3. Ce bannissement, opéré manu militari, et précédé de bien des mauvais traitements infligés aux disciples de l'apôtre défunt, dut avoir lieu vers le printemps de cette année plutôt que vers la fin. Personne, que je sache, ne les a fait séjourner en Moravie jusqu'en 877.

Entre ces deux événements, dont la gravité saute aux yeux, et qui durent se graver profondément dans la mémoire des slaves contemporains, vient se placer l'élection d'Etienne VI, laquelle eut lieu vers la fin d'août ou au commencement de septembre le mardi saint tombait justement au 6 avril. Rarement les dates sont munies par les écrivains d'un pareil luxe de détails.

1 Calendrier oriental, par l'archim. Serge, t. II, p. 89.

2 La Vie de saint Clément disciple de Méthode,écrite en grec, dit que celui-ci mourut dans la 24° année de son épiscopat (p. XIII et 10, ed. Miklosich, 1847); cela doit s'entendre plutôt de toute sa carrière apostolique laquelle commença, en effet, en 862.

3 Dudik, Geschichte Mährens, I, 283; Dümmler, Pannonische Legende, p. 199, de l'éd. académique, et Gischichte des Oostfränkischen-Reichs, II, p. 258. 4 Vita Clementis, p. XV.

885. Cette date, historiquement certaine, permet de restreindre davantage le cercle des recherches chronologiques relativement à la confection des deux documents émanés du successeur d'Adrien III.

Il est évident que ni l'un ni l'autre ne pouvait être rédigé avant l'élection d'Étienne au pontificat. En outre le Commonitoire suppose, à n'en pas douter, d'une part la mort de l'archevêque Méthode; de l'autre la présence en Moravie de Gorazde et des autres disciples; d'où il suit que ce document ne saurait être postérieur à leur expulsion. Nous voilà obligé, bon gré, mal gré, de le placer dans l'intervalle de temps qui s'écoula entre l'élection d'Étienne VI et le bannissement de Gorazde. La marche des événements porte à lui assigner les derniers mois de l'année 885, plutôt que les commencements de l'année suivante. Méthode était déjà mort depuis plus de six mois; il était dans l'intérêt de Wiching, évêque suffragant et représentant du parti allemand, de hâter la ruine définitive de l'œuvre détestée de son prédécesseur, et, pour cela, d'empêcher à tout prix la nomination de Gorazde au siège archiepiscopal, de crainte de trouver en lui un autre Méthode. Il est naturel de supposer qu'aussitôt après le décès du saint archevêque, Wiching s'empressa de se rendre à Rome, afin de prévenir le souverain pontife en sa faveur et d'obtenir la succession au premier siège de la Pannonie.Il n'aura pas manqué de représenter au pape le triste état où se trouvait l'Église morave, les discordes qui divisaient le clergé allemand et indigène, et de rejeter la cause de ce dualisme religieux sur Méthode et ses partisans. La nomination de Gorazde, faite par celui-ci avec le consentement de son entourage, donnait à Wiching une excellente occasion d'accuser le défunt d'arbitraire, d'empiètement sur les droits du siège apostolique, et de représenter Gorazde comme usurpateur de l'Église pannonienne, ainsi que le commonitoire le laisse entendre. Ces négociations, commencées sous Adrien III et continuées sous Étienne VI, aboutirent probablement en octobre ou novembre; et Wiching, dont le voyage à Rome est attesté par la lettre du pape à Sviatopolk, revint dans le pays avec le titre d'administrateur de l'Église pannonienne et plein de triomphe. On peut supposer qu'il fit le chemin en compagnie des légats porteurs des instructions et de la lettre à Sviatopolk que le lecteur connaît. Comme il jouissait de la pleine confiance de ce prince et avait le pouvoir

en main, étant seul évêque dans ce vaste pays, rien ne s'opposait plus à l'exécution de ses desseins. Les ordres du pape étaient d'ailleurs formels : les récalcitrants et les contumaces devaient être retranchés de la communion des fidèles et au besoin bannis du pays. Wiching n'était pas homme à ménager ses adversaires. L'épuration du clergé commença aussitôt après son arrivée; au printemps suivant, les disciples de saint Méthode furent conduits à la frontière.

Toutes ces considérations, suggérées par des faits historiques si retentissants dans le monde slave tout entier, empêchent d'accepter les conclusions auxquelles M. Ewald crut devoir s'arrêter, en étudiant la chronologie des deux documents émanés d'Étienne VI.

Les difficultés qu'il a voulu écarter sont incomparablement plus faciles à résoudre que celles qu'il a fait surgir. Je crois avoir suffisamment répondu aux siennes, en me servant, en partie, des armes fournies par lui-même, et de la méthode si sage qui consiste à procéder dans les recherches du connu à l'inconnu, et dont sa belle étude offre un éclatant exemple. La date de la mort de Méthode donnée par son ancien biographe ', l'expulsion de ses disciples, l'avènement du pape Étienne VI, voilà les trois points qui m'ont servi d'appui, et me font maintenir les propositions suivantes :

1° La lettre d'Étienne VI à Sviatopolk a été écrite après la mort de saint Méthode, aussi bien que l'Instruction donnée par le même pape à ses légats;

2o L'un et l'autre écrit datent de 885, ou, au plus tard, des premiers commencements de l'année suivante;

3o Le témoignage de l'ancien biographe, plaçant la mort de Méthode en l'année 885 (six avril), est seul admissible; — il trouve dans le commonitoire d'Étienne V une nouvelle confirmation.

En me séparant sur ces points de l'opinion de M. Ewald, je me fais un vrai plaisir de reconnaître le service qu'il a rendu à la science historique, en proclamant l'authenticité de la lettre d'Étienne VI, objet de tant de controverses, défendue par quelques-uns, rejetée par le plus grand nombre

3

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et en

1 Son récit se trouve déjà dans les manuscrits des xire et XIIIe siècles. 2 Wattenbach, Lavrovski, Bilbasov.

3 Ginzel, Ratchki, Erben, Dudik, Dümmler, Hergenrother, Voronov, etc.

attirant l'attention des historiens sur le Commonitoire du même pape, ainsi que sur les lettres de Jean VIII. Naguères encore un auteur russe écrivait ces lignes significatives: «Dans l'histoire des dernières années de saint Méthode la critique ne connaît point de problème plus difficile à résoudre que la lettre d'Étienne VI à Sviatopolk; c'est la question des questions, le noeud le plus inextricable; on trouvera à peine deux auteurs qui soient absolument du même avis touchant ce document1. >> Aujourd'hui, grâce aux Régestes du British Museum, et à leur docte interprète, M. Ewald, ce langage ne serait plus de mise. Terminons.

Dans cette étude, trop longue peut-être, et pourtant bien incomplète, mon intention a été non pas de faire un traité, mais uniquement de signaler à ceux que cela intéresse une nouvelle source historique relative à l'histoire des immortels apôtres des slaves, et d'en faire ressortir l'importance. Voilà pourquoi je me suis borné à donner un aperçu général des régestes du British Museum d'après le travail de M. Ewald, pour insister davantage sur les lettres de Jean VIII et Étienne VI, se rapportant à saint Méthode, qui a évangélisé la Pannonie. Ces documents éclairent la grande figure de l'apôtre slave de clartés aussi inattendues que glorieuses; lorsque les continuateurs de Pertz en auront donné le texte complet, la lumière, sans aucun doute, deviendra plus abondante. On comprend que le cadre restreint de cette étude ne permettait pas de donner tous les développements nécessaires aux questions évoquées par les documents pontificaux qui nous occupaient. Par la même raison, presque rien n'a été dit de la conduite des Souverains Pontifes à l'égard de saint Méthode et de la liturgie slavonne. Ce point, si important dans l'histoire des apôtres des Slaves, ne manque pas de difficultés, cela est vrai; mais il est également vrai qu'une étude impartiale des actes de la papauté à leur égard tourne à sa gloire, en constatant la profonde sagesse, la grande élévation des vues et l'inaltérable charité qui la guidaient dans l'accomplissement de sa divine mission sur la terre.

1 Voronov, Cyrille et Méthode. Kiev, 1877, p. 293.

J. MARTINOV.

LES COMMENCEMENTS

DE LA MARINE MILITAIRE

SOUS PHILIPPE-LE-BEL

Ce fut jusqu'à nos jours une opinion très répandue, qu'au moyen âge les rois de France ne possédaient ni vaisseaux ni marins; qu'en cas de guerre maritime ils s'adressaient à des armateurs étrangers, le plus souvent Vénitiens, Pisans ou Gênois, et leur nolisaient des navires, auxquels s'ajoutaient ceux qu'on avait pu se procurer dans les différents ports du royaume. Quelques érudits même ont cru pouvoir soutenir que, si la constitution régulière de l'armée de terre date en France de Charles VII, il faut descendre jusqu'à François Ier pour trouver l'établissement d'une marine royale.

Tel est l'avis clairement énoncé par Legrand d'Aussy dans un intéressant travail dont la Classe des sciences morales et politiques de l'Institut a entendu la lecture à la fin du siècle dernier, et qui est inséré au tome II de ses Mémoires: « Les rois, dit le savant académicien, par une suite nécessaire de l'affaiblissement où le système féodal avait réduit leur puissance, n'avaient et ne pouvaient même entretenir d'armée sur pied. Il en fut de même pour les guerres de mer; ils n'eurent ni arsenaux, ni ateliers de construction, ni marine en activité constante... En fait de mer, c'est sous François Ier qu'on voit commencer l'établissement d'une marine royale. » Et à la fin de son mémoire, Legrand d'Aussy répète, presque dans les mêmes termes, en se résumant : « Nos rois, pendant bien des siècles, n'eurent pas de marine réglée; et aucun même, jusqu'à François Ier, ne paraît avoir senti la nécessité d'en avoir une 1. >>

1 Mémoires de l'Institut, classe des sciences morales et politiques, t. II, p. 324, 371.

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