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Il est vrai que tous les auteurs modernes qui ont parlé de la querelle pascale du second siècle, rangent la Syrie et la Mésopotamie parmi les pays quartodécimans. C'est une erreur : elle provient précisément de ce qu'on assimilait au rite pascal d'Asie l'observance réprouvée à Nicée; les documents relatifs au quartodécimanisme du second siècle ne parlent jamais que de l'Asie. Eusèbe nous donne ici un témoignage d'autant plus important qu'il avait dépouillé une quantité de lettres synodales ou épiscopales contemporaines de la controverse elle-même: or, il ne parle absolument que de l'Asie, sauf en un passage, où il dit que le pape Victor voulut excommunier en masse les chrétientés de l'Asie entière et les églises limitrophes. Que faut-il entendre par ces derniers mots? Évidemment pas les églises de Syrie, de Mésopotamie ni de Cilicie, qui ne peuvent être considérées comme limitrophes, popo, de celles d'Asie. Au temps de Victor et de Polycrate, la province d'Asie, sauf les côtés où elle était baignée par la mer, était limitée par les trois provinces de Bithynie et Pont, de Galatie, de Lycie et Pamphylie3. Il n'est guère probable qu'Eusèbe ait eu en vue cette division de l'empire qui n'existait plus de son temps d'ailleurs, il cite lui-même la lettre synodale des évêques de la province de Pont, comme contraire à l'observance quartodécimane. Il est possible qu'il ait songé aux limites qu'avait de son temps la province d'Asie, réduite à une étroite bande de terre le long de la mer Égée; de cette façon, les églises limitrophes pourraient avoir appartenu à l'ancienne province d'Asie; mais il est encore plus probable que l'expression ouopot, tout en étant exclusive des lointaines provinces de Syrie, de Cilicie et de Mésopotamie,

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nius (?), publiée au 26 janvier dans les Acta Sanctorum (j'en ai entre les mains le texte grec, encore inédit, copié par mon jeune ami M. Romuald Desbassayns de Richemont), est un document écrit en Asie, au Ive siècle ; on y trouve une petite digression polémique contre les observateurs de la quatorzième lune.

Eusèbe, H. E., v. 23 et suiv.

2 Βίκτωρ αθρόως τῆς ̓Ασίας πάσης ἅμα ταῖς ὁμόροις ἐκκλησίαις τὰς παροικίας αποτέμνειν... πεινᾶται. Eus. Η. Ε. V. 24.

3 Cependant, la Lycaonie, originairement dépendante de la province de Galatie, fut, vers le temps de Septime-Sévère, réunie à celle de Cappadoce. Voir Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. I, Leipzig, 1873, p. 205, 207, 216; Mommsen, Mémoire sur les provinces romaines, Paris, 1867, p. 41. 4 H. E., V. 23.

n'a ici qu'une signification vague, et ne comprend tout au plus que quelques églises des provinces voisines de l'Asie proprement dite.

Du reste, nous ne sommes pas ici réduits aux conjectures, au moins en ce qui concerne la Mésopotamie. Dans l'énumération qu'il fait des synodes rassemblés à propos de la Pâque et qui tous, sauf celui d'Asie, opinèrent dans le sens du pape Victor, Eusèbe mentionne celui de la Syrie Palestine et celui de l'Osroène, ou Mésopotamie. Ces pays n'étaient donc pas quartodécimans; leur rite était le rite commun, le rite dominical. On peut regretter qu'il n'ait pas cité la décision du concile de la Syrie proprement dite, qui dut se tenir à Antioche; mais cette lacune dans nos informations n'est pas un argument contre ma thèse : Eusèbe d'ailleurs se plaint de n'avoir qu'un très petit nombre des écrits de Sérapion, alors évêque d'Antioche. Si l'évêque d'Antioche avait pris le parti des Asiatiques, son attitude aurait fait du bruit et Eusèbe l'eût difficilement ignorée.

V

LE COMPUT ROMAIN AU TEMPS DU CONCILE DE NICÉE.

Il reste une difficulté à résoudre. Le concile de Nicée, en condamnant l'usage des orientaux protopaschites, leur oppose l'observance universelle, notamment celle de Rome et d'Alexandrie. On pourrait croire qu'il régnait entre ces deux églises un accord absolu sur les déterminations pascales, et cependant il n'en est rien. J'ai déjà signalé plusieurs fois les différences assez graves qui les séparaient; il est bon de les grouper ensemble, afin qu'on voie bien en quoi ces deux grandes églises s'accordaient, en quoi elles différaient.

Elles différaient :

1° sur le cycle employé pour calculer l'âge de la lune ; à Rome on se servait du cycle de 84 ans, à Alexandrie du cycle de 19 ans ; 2o en ce que Rome n'admettait pas la Pâque du 15 de la lune,

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acceptée à Alexandrie; réciproquement, Alexandrie rejetait la Pâque du 22 de la lune, admise à Rome;

3o le mois lunaire pascal, ou mois de nisan, pouvait commencer à Rome dès le 5 mars; jamais à Alexandrie avant le 8 mars.

Ces différences étaient toutes assez graves; l'histoire du quatrième et du cinquième siècle montre qu'elles donnèrent lieu à de nombreuses controverses. Mais c'est la dernière surtout qui doit attirer notre attention.

En admettant que le 1er nisan pouvait tomber le 5 ou le 6 mars, Rome acceptait par là même des Pâques du 20 et du 21 mars, c'est-à-dire des Pâques antérieures à l'équinoxe. Elle était donc protopaschite, tout comme les orientaux condamnés à Nicée et les Audiens schismatiques de la Syrie et de la Mésopotamie. Elle pouvait, d'après son cycle, célébrer deux Pâques entre deux équinoxes de printemps consécutifs, c'est-à-dire deux Pâques dans la même année, ce qui allait contre les intentions du concile. Voyons ce qu'il faut penser de cette conséquence.

Il est clair que le concile de Nicée n'a point condamné l'usage romain, puisqu'il l'a proposé comme type à imiter. Mais comment a-t-il pu le faire sans se mettre en contradiction avec lui-même ? D'abord, le concile ne s'est pas préoccupé des questions de cycle; il ne s'est point demandé si le cycle de dix-neuf ans était plus ou moins exact que les autres. Cela résulte tant de la persévérance du cycle de 84 ans à Rome que de la description du cycle de huit ans par saint Épiphane et de son silence absolu sur celui de dix-neuf ans. Ensuite, ce que le concile voulait surtout écarter, c'était la subordination des déterminations chrétiennes au comput juif; ou plutôt, entre deux manières de calculer qui divisaient l'Orient, il entendit exclure celle qui, moins exacte en elle-même, pouvait sembler compromettre la dignité du christianisme.

Or, depuis longtemps, Rome avait un comput indépendant de celui des Juifs; c'est elle qui, de toutes les églises, paraît avoir adopté la première un procédé de calcul exclusivement chrétien. Le reproche fait aux protopaschites orientaux de s'assujettir aux déterminations juives, ne pouvait donc être soulevé contre elle. Il est vrai que, grâce à ses règles festales particulières, elle pouvait être amenée quelquefois à célébrer la Pâque avant l'équinoxe; mais l'observation de l'équinoxe était, pour le concile de Nicée, plutôt un moyen que le but lui-même.

D'ailleurs, il est facile de prouver qu'en fait, et quelles que fussent les exigences de son cycle, l'Église Romaine, à partir du quatrième siècle au moins, ne célébrait pas la Pâque avant l'équinoxe. Dès le milieu de ce siècle, il est de principe à Rome que la Pâque ne peut tomber avant le 22 mars . Quelquefois, dans des cas désespérés, où toutes les règles sont en défaut, on accepte une Pâque du 21 mars, mais comme un moindre mal. Au temps du pape saint Sylvestre et jusqu'à l'année du concile de Sardique (343), on était plus sévère encore. Les dates où la Pâque a été réellement célébrée à Rome, depuis 312 jusqu'à 343, se sont conservées dans une des tables de la chronographie philocalienne de 354 2; il ne s'y trouve aucune Pâque antérieure au 25 mars. On paraît nême avoir évité en 330 une Pâque du 22 mars. L'usage romain, sinon le calcul romain, était donc, au temps du concile de Nicée, d'acord avec la règle de ne pas devancer l'équinoxe; les documents synodaux officiels où les églises de Rome et d'Alexandrie sont indiquées comme exemples à suivre ne renferment aucune contradiction avec les faits.

L. DUCHESNE.

1 Ex die XI Kal. apr. usque in XI Kal. mai., dit le prologue du cycle romain (dans Krusch, Der 84 jährige Ostercyclus, p. 234, comp. p. 50). Dans la chronique syriaque des lettres festales de saint Athanase (Mai, Nova Bibl. PP. t VI, édition répétée dans la Patrologie grecque de Migne, t. XXVI, p. 1355), on trouve à l'année 349... Romani dicentes se ob traditionem a Petro apostolo acceptam haud progredi ultra diem XXVI Pharmuthi (21 avril XI Kal. mai.), neque citra XXX Phamenoth (26 mars)... Cette dernière date est évidemment altérée, ou plutôt il y a une confusion dans le texte, car c'est précisément la date de la Pâque de cette année 349. Mais le terme 26 Phamenoth 21 avril est bien indiqué, et comme le dernier siège pascal est nécessairement corrélatif du premier, il faut restituer neque citra XXVI Phamenoth ( 22 mars).

De Rossi, Inscr. Christ., t. 1, p. LXXXV. Je crois prudent de m'en tenir ici aux célébrations de fait; pendant cette période, les règles pascales romaines subirent une fluctuation qui n'a pas encore été suffisamment étudiée. Ainsi, il est probable que les sièges lunaires, au lieu de varier entre le 16 et le 22, comme au e siècle et depuis le milieu du ive, étaient réglés de telie façon que la Pâque pouvait tomber du 14 au 20. Cette anomalie, qui se perpétua dans le comput breton, jusqu'au viie siècle, cessa peu d'années après la mort de Sylvestre. Il n'est pas impossible que sa disparition soit en rapport avec la convention arrêtée à Sardique au sujet de la Pâque.

LE ROYAUME D'ADRIA.

ÉPISODE DE LA POLITIQUE FRANÇAISE EN ITALIE SOUS LE RÈGNE DE CHARLES VI

1393-1394.

Les négociations diplomatiques dont nous voulons retracer le tableau sont à la vérité demeurées sans résultat. Brusquement interrompues avant même d'être entrées dans la période active, elles n'ont exercé aucune influence sur les événements politiques contemporains et l'on comprend facilement qu'un oubli à peu près complet ait succédé au profond mystère dont elles furent toujours enveloppées. Cependant, quoiqu'elles n'occupent évidemment qu'une place très secondaire dans nos annales, elles n'en présentent pas moins un réel intérêt.

Nous sommes à la fin du XIVe siècle. L'Italie entière est en proie aux guerres civiles ou déchirée par des luttes sans cesse renaissantes. L'Église, désolée par le Grand Schisme d'Occident, subit une crise terrible qui semble l'entraîner à sa perte avant de se terminer par une éclatante manifestation de puissance et d'inébranlable fermeté. Deux prétendants se disputent à main armée l'héritage des rois Angevins de Naples. Partout la haine aveugle des partis: sur la chaire de Saint-Pierre, comme sur le trône de Naples, dans les Principautés du Nord comme dans les Républiques de Toscane, partout des rivaux acharnés, toujours trop disposés à sacrifier à leurs mesquines ambitions leur honneur, leurs véritables intérêts, la fortune et jusqu'à l'indépendance de leur patrie.

1 Comme on le verra plus bas, quelques-unes des pièces relatives à ces négociations ont été publiées, mais sans aucun commentaire, par MM.Champollion-Figeac et Douet d'Arcq. M. Vallet de Viriville leur à consacré huit ou dix lignes dans un article sur Louis d'Orléans (Nouvelle Biographie générale, t. XXXVIII, col. 800).

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