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as soots devant le vicaire de Jésus-Christ blessa son orgueil. Il Nata” jes distinctions réservées aux ambassadeurs, qui représowe, “a personne même de leurs maitres. A l'entendre, Alexande le laissait trop longtemps à genoux; il en faisait publiquement des plaintes, qui choquèrent même des Français présents a Rome, et qu'on eut la bonté de cacher au Pape. Le cardinal Chigi, qui rivalisait de courtoisie envers lui avec don Mario et don Agostino, obtint que son oncle l'invitat plus tôt à se lever, et fit remarquer qu'il suffisait de lui en dire « un mot, sans en remplir toute la cour. » D'Aubeville prétendit ensuite que le Pape ne le recevait pas assez souvent. Cependant un autre Français informait Lionne qu'Alexandre lui avait accordé audience « quasi aussi souvent qu'aux ambassadeurs et en plus grand nombre qu'à ses prédécesseurs, » Millet, Colbert, etc. 2. Ces rapports aigrissaient le Roi, et Lionne répondit : « On continuera à compter ici fort exactement le nombre des audiences que vous aurez de delà pour n'en user que de la même manière à l'égard de M. le nonce, et rien au delà. » Il y avait cependant une grande distance entre les deux ministres, pour lesquels il ne pouvait pas y avoir parité de traitement. Le Pape ne dédaigna pas de justifier les procédés de sa cour, et l'on va connaître la déférence et la bonne foi de Lionne. Le nonce, écrivit-il à d'Aubeville', << m'a tenu un long discours où il s'est expliqué plus avant que ces Messieurs n'avaient encore fait de la cause (à ce qu'ils disent) pour laquelle on vous avait si longtemps refusé l'audience. Ils prétendent qu'il paraît, par plusieurs lettres de M. le cardinal d'Ossat, qu'avant qu'il eût cette dignité, et étant évêque, chargé à Rome des affaires du Roi, il était tous les jours dans l'antichambre du Pape à épier les occasions favorables d'en avoir audience, sans témoigner qu'il eût droit de les demander et de ne se présenter point qu'on ne lui eût assigné l'heure. J'ai répondu que, si cela était vrai, l'usage, qui est le maître de pareilles choses, avait changé depuis celle-là, et que jamais, étant à Rome en la même qualité d'envoyé du Roi pour la guerre de Parme, en 1641 et 1642, je n'étais allé à l'antichambre de Sa Sainteté qu'étant assuré de l'avoir. Il est vrai, entre vous et moi,

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que j'y fus toujours avec M. de Fontenay, pour lors ambassadeur; mais je n'étais pas obligé de lui dire cette circonstance..... »

Alexandre s'étant rendu encore plus accessible, d'Aubeville ne parut plus à ses audiences, sous prétexte de ménager l'amourpropre du cardinal Antoine Barberini, chargé en titre des affaires du Roi. Voici pourtant l'accueil que lui faisait le Pape :

« Je ne fus pas, écrit-il à Lionne 1, plus d'un quart d'heure dans cette antichambre que M. Nini me vint prendre et me mena dans l'antichambre secrète qu'ils appellent, où je fus seul avec lui un quart d'heure, et pendant que l'ambassadeur extraordinaire d'Espagne était à l'audience. Dès qu'il en fut sorti, on me fit appeler. Je trouvai le Pape debout qui, immédiatement après lui avoir baisé les pieds, me fit lever et me dit qu'il y avait longtemps qu'il ne m'avait vu. Je lui répondis que cela était bien glorieux pour moi d'avoir pu être désiré de Sa Sainteté. Puis elle me dit qu'elle avait fait une chose qui serait fort agréable au Roi et aux reines, qui était d'avoir béatifié M. de Sales et ensuite d'avoir expédié un courrier pour en donner plus promptement avis à Leurs Majestés. » D'Aubeville aborde ensuite les affaires pendantes, et s'étonne de refus, cependant fort légitimes. Par exemple, le Pape ne veut accorder les bulles de l'archevêché de Reims au cardinal Antoine Barberini, présenté pour cette église sous le ministère de Mazarin, que si ce prélat se démet préalablement du camerlingat de l'Église Romaine, charge indépendante, qui ne peut se cumuler avec les obligations particulières d'un évêque français. Alexandre répond par un conseil qu'on ne peut assez louer : il exhorte le Roi à «< mettre dans l'archevêché de Reims un bon docteur de Sorbonne, dont il avait grand besoin, attendu la quantité de jansénistes qui sont dans ce diocèse. » D'Aubeville insiste sur la promotion de Mercœur le Pape promet d'y songer, mais en rappelant celle de Mancini qui est toute récente. « Il est bon, dit d'Aubeville en terminant son récit, de vous faire savoir, monseigneur, que l'on remarque à Rome que les Français y sont présentement fort caressés et que l'on dit que le Pape veut dorénavant bien vivre avec la France. Je m'aperçois de quelque changement dans la manière, mais on n'en voit point encore dans les actions, qui pourront avoir leur tour. »

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Cette bienveillance d'Alexandre pour la France et pour son jeune roi frappait tous les yeux: il n'y avait qu'à cultiver cette heureuse inclination. L'abbé de Bourlemont, auditeur de rote,

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pressait Lionne de donner en ce sens des instructions au duc de Créquy, désigné depuis le mois de novembre 1661 pour l'ambassade de Rome : « L'esprit de Sa Sainteté, écrit-il au ministre, étant très susceptible de ces impressions, et une douceur apparente, avec quelque sorte de déférence, l'engagent aisément et facilitent beaucoup les choses. Je prends la liberté, monseigneur, de vous écrire ceci, afin que vous en disiez ce que vous jugerez à - propos à M. l'ambassadeur qui doit venir, et je crois que, moyennant Dieu, la bonne disposition où paraissent les choses et la présence de M. l'ambassadeur, le Roi aura plus de contentement de cette cour pour l'avenir qu'il n'a eu par le passé. » Un autre Français, d'Elbène, commandeur de Malte et ambassadeur de sa religion à Rome, écrivait aussi à Lionne, son ami particulier, en lui annonçant une faveur accordée par le Pape à un fils du ministre : « A présent, je vous puis assurer que je crois, de la façon que me parla Sa Sainteté, que vous êtes mieux dans son esprit que vous n'y avez jamais été, puisque d'une heure et demie que je fus à mon audience, il s'en passa plus de demi-heure à parler sur votre sujet... Sa Sainteté me commanda de vous écrire qu'il oubliait tout le passé, et que vous vous assurassiez qu'en toute sorte de rencontre, il vous donnerait des marques de sa bonne volonté. » J'ai vu ensuite le cardinal-patron qui me montra, « de la bonne façon, avoir passion de vous servir en toute sorte d'occasion. Ils m'ont donné l'un et l'autre ces assurances de si bonne grâce que j'estime que vous leur en devez un remerciement2. Ce qui me paraît de Sa Sainteté et de tous ses parents avec qui j'ai quelque habitude est qu'ils iront au devant des choses qui seront faisables et qu'ils croiront qui pourront plaire à Sa Majesté, pourvu qu'on le demande avec moderation, et sans emportement, et avec le respect que l'on doit au vicaire de Jésus-Christ3. >>

Lionne recherchait et acceptait les grâces du Pape, lui écrivait courtoisement ainsi qu'à son neveu, mais ne désarmait pas. D'Aubeville, dont la mission allait prendre fin, se souciait moins que jamais d'apaiser les anciens ressentiments, sachant qu'il ne déplairait nullement à Lionne s'il en faisait naître de nouveaux :

1 Bourlemont vient de dire que l'ambassadeur d'Espagne a blessé le Pape par des manières trop hautaines.— 13 février 1662. — Rome, vol. CXLIV. 213 février. - Ibid.

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« Quant à l'ordre, lui écrit-il ', qu'il vous plaît de me donner de continuer le procédé que j'ai accoutumé de tenir, sans me mettre en peine de ce qu'on en pourra dire en cette cour et de ne pas faire cas des plaintes de M. Nini (maître de chambre du Pape et secrétaire des mémoriaux) qui disait que j'allumais le feu entre le Pape et le Roi, je vous dirai, monseigneur, qu'étant sujet et serviteur très zélé de Sa Majesté, et n'ayant pour but de mes actions que mon devoir, je ne craindrai pas de déplaire au Pape même, quand il sera question d'obéir au Roi et de faire le service de Sa Majesté. » On ne sera donc pas étonné d'apprendre qu'avant de quitter Rome ce ministre provoqua entre la cour pontificale et lui une querelle dont le souvenir ne fut pas sans influence sur l'affaire des Corses. Il réclamait pour sa maison et ses domestiques des immunités qui n'étaient même pas dues aux ambassadeurs en titre. Ses gens osèrent arracher aux sbires un criminel qui venait d'être arrêté. Il se préparait à braver la colère du Pape, lorsqu'il reconnut qu'il n'avait pas un seul approbateur de sa conduite, même parmi les partisans de la France. «Ayant demeuré d'accord, écrivit-il à Lionne2, que c'était un crime capital d'avoir fait violence à la justice, nous fùmes d'avis que j'irais trouver M. le cardinal Chigi. Je vis Son Éminence et lui dis que la bonté dont elle avait toujours usé à mon égard me donnait la hardiesse de lui venir rapporter ce qui était arrivé dans ma famille 3. Je fis donc relation à Son Éminence de cette histoire, et la suppliai très humblement d'ordonner que cette affaire se terminât avec moins de rigueur que se pourrait... Son Éminence me répondit avec toute sorte de civilité et avec des paroles si obligeantes que, siles suites y ont du rapport, la fin n'en sera pas considérable... » Lionne ne blame point d'Aubeville, et l'encourage au contraire par des paroles qu'il devrait se rappeler pendant l'ambassade de M. de Créquy. « Je souhaite, lui répondait-il, d'apprendre par le premier ordinaire que vous soyez hors de l'embarras où vous avaient mis vos gens avec les officiers du Pape. La manière dont vous avait parlé M. le cardinal Chigi me fait espérer que tout se sera passé avec douceur. Toute la prudence humaine ne saurait empécher ni prévenir, à Rome, de pareils accidents. » En même temps,

13 janvier- Rome, vol. CXLIV.

228 février 1662. — Ibid.

3 Du mot italien famiglia, gens de service, domestiques.

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Rome, vol. CXLIV.

il le prenait de très haut avec le nonce, et se plaignait le premier pour n'avoir pas à justifier l'agent du Roi. « Je parlai hier fortement à M. le nonce, dit-il 1, pour votre affaire des sbires. Après qu'il m'eut un peu exagéré la qualité de l'offense qu'il prétend qu'a reçue le Pape par l'enlèvement d'un prisonnier, il me promit d'en écrire favorablement, et m'assura que M. le cardinal Chigi lui avait témoigné par ses lettres d'être très disposé de vous obliger en cette affaire-là. » Le Pape cependant marquait à d'Aubeville la même bienveillance. La procédure suivait son cours avec une indulgente lenteur. Un estafier français demeurait en prison, mais le principal coupable avait été laissé dans une église, d'où son maître s'apprêtait à le faire évader sans autre répression qu'un jugement par contumace. «Je vous rends très humbles grâces, écrivait d'Aubeville à Lionne 2, de la bonté que vous avez eue de parler à M. le nonce de l'embarras où sont mes gens, sur quoi je suis persuadé que mondit sieur le nonce en a écrit à cette cour; que M. le cardinal Chigi en a parlé à Sa Sainteté, et qu'un petit garçon qui me servait à la cuisine, que l'on dit être le plus coupable de mes valets, sera condamné à être pendu. On lui fait son procès. Je tâcherai néanmoins d'en empêcher l'exécution. Il est maintenant dans une église d'où j'espère le tirer dans peu et le faire mener secrètement hors des États du Pape. Cependant mon estafier est toujours en prison. Je crois qu'il n'en sortira point que M. l'ambassadeur ne soit ici, et que l'on veut faire peur à ses gens, en faisant voir la rigueur que l'on tient à l'égard des miens. Mais cela pourrait produire un effet tout différent et irriter les gens de M. de Créquy, et d'autant qu'ils se persuaderont aisément qu'il n'y a rien à craindre pour eux, étant à M. l'ambassadeur. Dieu veuille que cela n'arrive pas, car les différends avec les sbires peuvent avoir de très fâcheuses conséquences! »

Trois jours auparavant, Lionne écrivait à d'Aubeville en des termes qui révèlent combien les sinistres prévisions de cet agent étaient justes, et sous quelles inspirations se préparait la nouvelle ambassade. « Je vous dirai seulement, sur le sujet de votre estafier qu'on retient encore en prison, que j'en ai parlé plusieurs fois bien fortement à M. le nonce, lequel m'a promis d'y faire

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