Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

moins

mière origine, accoutumés à une vie moins solitaire; ils se formèrent par le commerce des hommes, non par la vie des châteaux; ils furent, en conséquence, moins sauvages, impérieux, moins fiers, moins fanatiques : d'autre part, un plus grand nombre de moçarabes se trouvant tout à coup incorporés à la nation, l'ifluence orientale se fit sentir sur eux plus vivement encore que sur les Castillans. L'amour occupa une partie plus grande encore de leur vie; il fut plus passionné, plus tendre, plus rêveur; et leur poésie est devenue un culte de leurs belles plus enthousiaste que celle d'aucun peuple de l'Europe.

Dans le plus beau pays de la terre, dans la patrie des orangers, sur ces collines où l'on recueille, presque sans soins, les vins les plus exquis, les Portugais ne semblent pas avoir poussé jamais très loin les connaissances et les soins de l'agriculture; aujourd'hui l'une des rives du Tage est presque déserte, et l'on voyage dans une vaste et fertile plaine, sans rencontrer une chaumière, un épi de blé, un monument de la vie de l'homme ou de son industrie. Les déserts sont abandonnés au pâturage, car proportionnellement à la population, le nombre des bergers est considérable; et ce n'est pas sans raison, qu'aux yeux des Portugais, la vie des champs se confond toujours avec

le soin de garder les troupeaux. La nation, partagée entre de hardis navigateurs, des soldats et des bergers, se montra plus propre à un grand développement d'énergie et de courage, qu'à l'activité persistante de l'industrie. L'amour, le désir de la gloire, la soif des aventures pouvaient faire supporter au Portugais les plus rudes fatigues, les plus sévères privations; car il s'était accoutumé à tout, comme matelot et comme berger; mais dès qu'il ne sentait plus l'aiguillon des passions, il retombait dans son indolence rêveuse. L'oisiveté des peuples du Midi n'affaiblit pas leur âme autant que celle des peuples du Nord; ce n'est pas à des jouissances grossières qu'ils s'abandonnent dans leur repos, mais à la contemplation, et aux douces influences d'un beau climat. Lors même qu'ils agissent le moins, ils vivent encore avec la nature. Quelque déchus de leur grandeur passée que soient les' Portugais dans les derniers siècles, ils rappellent encore avec orgueil la place qu'ils ont occupée dans l'histoire du monde. Une poignée de chevaliers avait fait en moins d'une génération la conquête d'un royaume ; et pendant huit siècles, les frontières de ce petit peuple n'ont jamais reculé, du moins en Europe. Des combats glorieux contre les Maures leur donnèrent une patrie qu'ils dûrent conquérir pied à pied. Dans des expé

ditions chevaleresques, ils secoururent, ils protégèrent leurs puissans voisins, les Castillans : les rois chrétiens de l'Espagne ne livrerent aux Maures aucune des grandes batailles qui signalent cette histoire, sans que les Portugais y fussent invités et y occupassent une place honorable. L'esprit de chevalerie les transporta, au commencement du quinzième siècle, au-delà du détroit de Gibraltar, et leur fit entreprendre de fonder un nouvel empire chréuien sur les frontières de Fez et de Maroc. Une plus vaste ambition, des espérances plus lointaines séduisirent au milieu du même siècle les héros qui gouvernaient le Portugal. L'infant don Henri, troisième fils de Jean Ier, Alphonse V, et Jean II, devinèrent la forme péninsulaire de l'Afrique, et le vaste océan qui embrasse le nonde. Les plus hardis navigateurs traverserent cette zone torride qu'on avait crue inhabitable, franchirent la ligne, virent s'élever sur leurs têtes un nouveau pôle, et se dirigèrent sur une mer inconnue par les constellations d'un ciel également inconnu; ils doublèrent enfin ce terrible cap des tempêtes, que le roi Jean II, avec une juste prévoyance, appela le Cap de Bonne-Espérance: ils ouvrirent aux Européens la route ignorée de l'Inde; et la conquête de ses plus riches royaumes, la conquête d'un empire qui égalait en étendue et en riches

A

ses, celui que les Anglais y possèdent aujour d'hui, fut l'ouvrage d'une poignée d'aventuriers. Cet empire est renversé, il est vrai, mais la langue des Portugais, monument de leur grandeur passée, est encore la langue du commerce de l'Inde et de l'Afrique; elle y sert à toutes les communications, comme la langue franque, au Levant.

La poésie commença dans la langue portugaise avec la monarchie, si même elle n'existait pas déjà parmi les Moçarabes. Manuel de Faria y Souza a conservé des chansons de Gonzalo Hermiguès et d'Egaz Moniz, deux chevaliers qui vécurent sous Alphonse Ier, et dont le dernier est représenté par le Camoëns comme un modèle d'héroïsme : on assure qu'il mourut de douleur, de l'infidélité de la belle Violante, à qui ses chants sont adressés. Mais ce que j'ai vu de ces poésies est presque inintelligible (1). De même que les vers de ces deux chevaliers sont' les monumens de la langue et de la versification portugaise au douzième siècle on conserve aussi quelques pièces obscures et à moitié barbares, qui appartiennent au treizième et au

(1) Manuel de Faria, qui les rapporte (Europa Portuguesa, T. III, P. IV, C. Ix, p. 379 et suiv.), dit que lui-même en comprend bien quelques paroles, mais qu'il

ne peut en former un sens.

TOME IV.

18

quatorzième siècle. La curiosité des antiquaires. leur a sur tout fait rechercher les vers du roi Denys, le législateur, et l'un des plus grands hommes du Portugal, qui règna de 1279 à 1325; ceux de son fils Alphonse IV, qui lui succéda et ceux de son fils naturel Alphonse Sanchez. On trouve même, dès cette époque reculée, quelques sonnets dans le mètre italien, évidem-. ment imités de Pétrarque, en sorte qu'on ne saurait douter que le commerce de Lisbonne n'eût introduit de bonne heure en Portugal, la connais sance des grands poètes italiens du quatorzième siècle, dont les chefs-d'oeuvre ne furent que beaucoup plus tard imités en Espagne. Cependant, tout ce qui reste de la poésie portugaise de l'an 1100 à l'an 1400, est du domaine des anti-, quaires bien plus que des littérateurs; on y peut chercher les progrès de la langue beaucoup plutôt que les développemens de l'esprit, ou ceux du caractère.

Ce n'est proprement qu'avec le quinzième siècle qu'on vit naître la littérature portugaise; et la même époque est aussi celle du plus grand développement du caractère national. Déjà depuis cent cinquante ans les Portugais possédaient les limites dans lesquelles ils sont renfermés encore aujourd'hui; dès l'an 1251, Alphonse III avait conquis le royaume des Alles Portugais, resserrés de toutes parts

[ocr errors]

garves;

« VorigeDoorgaan »