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» elles des entrailles du profond Océan, et que j'ornerai de tous les dons de Zéphire et de » Flore. Là, se trouveront mille rafraîchisse» mens, mille mets précieux, des vins odorifé» rans, des guirlandes de roses, des lits splen» dides dans des palais magnifiques de cristal; » elles-mêmes seront plus belles encore que tout » le reste. Que ces nymphes amoureuses atten» dent mes guerriers avec mille plaisirs incon» nus au vulgaire, qu'elles y soient blessées par » l'Amour, et qu'elles leur accordent tout ce » que leurs yeux pourront désirer. Je veux que » dans ce royaume de Neptune, où moi-même >> j'ai pris naissance, il s'élève une race non » moins forte que belle ; je veux que ce monde » vil et méchant, qui se révolte contre ta puis»sance, ô Amour! apprenne à la connaître;

qu'il apprenne que ni mur de diamant, ni >> triste hypocrisie, ne peuvent le défendre » contre toi. En effet, qui pourrait te résister » sur la terre, si ton feu immortel brûle même >> au milieu des eaux? »

Tel est le projet de Vénus, tel est celui que l'Amour exécute; ils s'associent la Renommée, qui, en répandant en tous lieux la gloire des Portugais, enflamme pour eux les nymphes de la mer, avant même qu'elles aient pu les voir. L'île sur laquelle elles se réunissent flotte d'abord' au milieu des eaux, comme autrefois

Délos; mais elle se fixe à l'instant où le vaisseau arrive à sa vue. Rien n'égale la beauté des arbres couverts de fruits qui ornent ses paysages, des fleurs qui émaillent ses gazons; la mélodie des oiseaux qui chantent dans tous les bocages, la pureté des eaux dans lesquelles les nymphes se baignent, la coquetterie voluptueuse avec laquelle elles préviennent les héros; et elles fuient devant eux pour se laisser ensuite atteindre. Tout ce tableau magique, digne de ce qu'Ovide a jamais écrit de plus gracieux, mais aussi de plus voluptueux, se dissipe tout à coup à la fin du chant, au grand étonnement du lecteur, qui apprend inopinément qu'il a pris pour des réalités une allégorie; car le Camoëns, dévoilant à cette occasion toute sa mythologie, nous déclare que « ces »> nymphes si brillantes de l'Océan, que Thétis » et son île enchantée, ne sont autre chose >> les jouissances de l'honneur, qui donnent à la » vie quelque chose de sublime. Les préémi» nences glorieuses, les triomphes, un front » couronné de palmes et de lauriers, la gloire, » l'étonnement de tous, telles sont les vraies » délices de cette île. » Il ajoute que tous les dieux de l'antiquité n'étaient que de faibles humains, à qui la Renommée, pour récompenser leurs grandes actions, avait donné ces noms illustres.

que

Cependant, au commencement du chant dixième, le Camoëns reprend la même allégorie. Les belles nymphes ont conduit leurs amans dans des palais radieux; des vins délicieux écument dans toutes les coupes: « Une » sirène chante au milieu d'eux; ses accens >> retentissent dans ces vastes palais, et s'accor» dent avec les doux instrumens qui l'accom» pagnent. A l'instant le silence impose un frein >> aux vents; il fait couler plus doucement les »eaux murmurantes, et il endort les ani>> maux dans les demeures que la nature leur >> a données. »

Avant de dire quel était le chant de cette sirène qui prédisait l'avenir, le Camoëns invoque une dernière fois sa Muse; et il y a dans ses vers une tristesse qui touche d'autant plus profondément, qu'on se rappelle la cruelle misère à laquelle était réduit ce grand poète. « O » ma Calliope! je t'invoque ici, dans ce dernier >> travail, pour que tu me tiennes compte de ce » que j'ai déjà fait, et qu'au lieu de la récom» pense à laquelle je prétends en vain, tu ra>> nimes en moi le goût d'écrire qui se perd. » Déjà mes années descendent, déjà il ne me >> reste plus que peu de pas pour passer de l'été » à l'automne. La fortune a glacé mon génie; » hélas ! je ne songe plus à m'en vanter, à m'en » enorgueillir. Les soucis, les dégoûts m'entraî

» nent vers la rivière du noir oubli, du som» meil éternel. Mais, ô grande reine des Muses, >> accorde-moi d'accomplir le travail par lequel » je veux montrer combien j'aime ma na» tion (1). »

La sirène chante d'abord les grands hommes qui devaient conquérir les régions découvertes par Vasco de Gama, et illustrer le nom portugais dans les Indes. Le Camoëns avait inséré, dans son troisième et quatrième chant, toute l'histoire politique, toute l'histoire royale du Portugal; dans le sixième et le septième, il avait trouvé le moyen de faire entrer tout ce que la fable, tout ce que l'histoire avaient conservé sur la biographie de ses héros; ici un génie prophétique révèle tout l'avenir, depuis l'expédition de Gama jusqu'au temps où le Ca

(1) Canto x, Str. 8.

Aqui minha Calliope te invoco,

Neste trabalho extremo, porque em pago
Me tornes, dó que escrevo e em vao pertendo,
gosto
de escrever que vou perdendo.

Vao os annos descendo, e jà do Estio
Ha pouco que passar até o Outono;

A fortuna me faz o engeno frio,

Do qual já me naõ jacto, nem me abono;
Os desgostos me vao levando ao rio
Do negro esquecimento e eterno sono.
Mas tu me dá que cumpra o grao Rainha
Das Musas, co o que quero á naçao minha.

moëns lui-même a vécu; il complète ainsi l'histoire de Portugal, de manière à rendre la Lusiade le plus beau monument qui ait jamais été élevé à la gloire nationale d'aucun peuple. Les héros à venir passent en revue devant Gama. Le premier est le grand Pacheco, l'Achille du Portugal, le défenseur de Cochin, et le vainqueur du samorin, dont il doit défaire sept fois les armées; mais ses exploits inouis, accomplis avec une centaine de soldats, ne le sauveront point de l'ingratitude. Négligé par son roi, oublié par ses compatriotes, il mourra misérable dans un hôpital. Le célèbre Alphonse d'Albuquerque, le vainqueur d'Ormuz, celui dont les ravages s'étendirent sur tout le golfe persique, dans l'île de Goa, et jusqu'à l'opulente Malaca, est à son tour représenté; mais la sirène, en le célé brant, lui reproche sa sévérité envers ses soldats. Soarez, Menezez, Mascarenhas, Hector de Silveiras, et tous les autres qui s'acquirent un grand nom dans les Indes, sont introduits successivement avec les traits qui leur conviennent, et leurs titres de gloire. Malheureu sement pour l'honneur portugais, ceux-ci ne sont qu'une longue énumération de massacres, de meurtres et de pillages. Une excessive férocité caractérisa toutes les guerres que les Européens portèrent, au seizième siècle, dans les deux Indes. Les Portugais, comme les Espa

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