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>> point connu de vous, vous ne soupçonnez » point mon existence. Cependant soyez atten>>tif au langage des petits; souvent c'est d'eux >> que vient la louange la plus parfaite. Une » honnête étude, unie à une longue expé>>rience, n'a point manqué à ma vie; le génie

n'y manqua pas non plus, et vous verrez ici » des choses qu'on trouve rarement réunies. >> Pour vous servir, j'ai accoutumé mon bras >> aux armes; pour vous chanter, j'ai donné >> mon esprit aux muses; il ne m'a manqué que » d'être accueilli de vous, par qui la vertu doit >> être appréciée. Si le Ciel me l'accorde, si votre >> courage tente une nouvelle entreprise digne » d'être chantée, comme mon esprit le prophé>> tise d'après vos nobles inclinations; si vous >> rendez votre vue plus redoutable que celle de » Méduse au mont Atlas, si vous défaites dans » les plaines d'Ampeluse les Maures de Maroc » et de Tarudant, ma muse déjà exténuée remplira avec joie le monde de votre nom; en » sorte qu'on verra en vous un nouvel Alexandre, qui n'aura point, comme l'ancien, à » porter envie au bonheur d'Achille. »

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CHAPITRE XXXIX.

Poésies diverses de Camoëns; Gil Vicente,
Rodriguez Lobo, Cortereal,
Cortereal, historiens
tugais du seizième siècle.

por

Nous avons donné une longue attention au chef-d'œuvre de la poésie portugaise. La Lusiade est un ouvrage d'une conception si nouvelle, si grande et si nationale, qu'il paraissait important d'en faire connaître non-seulement quelques épisodes déjà célèbres, mais le plan, l'ensemble et le but de l'auteur. Nous nous plaisions d'ailleurs à y voir réunis tous les titres de gloire d'une nation peu connue; nous y trouvions aussi, en quelque sorte, le complément de la poésie espagnole, et le poëme épique qui avait manqué à cette littérature. Tout le reste de la poésie portugaise est à peine connu hors de ce royaume; ceux-mêmes qui se sont proposé d'étudier les littératures étrangères, ignorent souvent jusqu'au nom des autres poètes portugais; leurs œuvres sont si rares, qu'à peine des voyages et des recherches dans les bibliothèques publiques et privées, m'en ont fait voir la moindre partie. La plupart des Por

tugais ne connaissent guère mieux leurs propres richesses. J'ai vu des hommes revenant de Lisbonne qui avaient eu le désir d'en rapporter des livres, comme monument de leur séjour dans ce pays curieux, et les libraires mêmes n'avaient su rien leur indiquer au-delà du Camoëns.

Le genre de composition dans lequel les Espagnols ont montré le plus d'invention, et possèdent le plus de richesses, manque presque absolument aux Portugais ; leur littérature dramatique est très - pauvre. Ils n'ont qu'un seul poète populaire qui ait écrit selon l'esprit de la nation; c'est Gil Vicente dont nous parlerons bientôt; leurs autres pièces sont des comédies et des tragédies érudites, faites d'après l'étude des anciens plutôt que selon les besoins du théâtre; ce sont des essais de quelques hommes distingués dans un genre encore inconnu pour eux, plutôt que des ouvrages achevés, goûtés du public, et qui fassent école. Ils se sont mal soutenus à la représentation, et sur le théâtre de Lisbonne on ne voit guère que des opéras italiens, et des comédies espagnoles représentées dans leur langue primitive.

C'est là cependant le seul genre de poésie qui n'ait pas été cultivé avec succès par cette nation ingénieuse. Le même esprit chevaleresque et romantique qui animait les Espagnols, enflammait aussi les Portugais, peut-être même à un

degré supérieur encore, parce qu'ils se sentaient appelés à faire de plus grandes choses avec moins de forces. Engagés dans des combats continuels avec des ennemis sur lesquels ils conquirent pied à pied leur patrie; sans communication avec le reste de l'Europe, excepté au travers d'une nation rivale qui occupait toutes leurs frontières, resserrés entre la mer et les montagnes, et forcés d'exercer, sur le vaste Océan, l'esprit aventureux qui ne trouvait plus de nourriture dans leur étroite enceinte; accoutumés ainsi aux tempêtes et à cette imposante image de l'infini, que nous présentent les mers sans bornes, ils réunissaient aussi dans leurs pays les objets les plus rians et les plus magnifiques. Dans la patrie des orangers et des myrtes, dans des vallons charmans, et sur des montagnes qui présentent tous les aspects du globe et toutes les températures, ils avaient trouvé tout ce qui peut développer l'imagination et disposer l'âme à la poésie. Leur langue, si elle n'avait pas toute la dignité et l'harmonie sonore de l'espagnol, si elle était un peu trop abondante en voyelles et en syllabes nasales, était du moins harmonieuse et douce, à l'égal de l'italienne; elle avait dans son accent quelque chose de plus sensible, et semblait plus propre encore à chanter l'amour. Sa richesse et sa souplesse lui permettaient les ornemens les plus brillans et les

figures les plus hardies; sa construction, bien plus variée et bien plus libre que celle du français, lui laissait produire, par la position des mots, un effet bien plus frappant. La poésie fut en Portugal, plus que dans aucun pays, le délassement des guerriers plutôt que la gloire d'un homme. Les passions vives du Midi s'exprimaient presque sans art dans des vers qui coulaient avec facilité d'une âme impétueuse, et que l'harmonie de la langue et l'abondance des rimes faisaient achever sans effort. Le poète était satisfait par cet essor qu'il avait donné à sa pensée; ses auditeurs y avaient à peine accordé quelque attention; ils ne trouvaient dans les vers d'autrui que ce qu'ils croyaient trouver en eux-mêmes, et le plus grand talent ne procurait aucune célébrité. Le Camoëns vécut ignoré et mourut misérable, quoique dès ses premières années, et avant son voyage aux Indes, il eût donné des preuves de son prodigieux talent pour les vers. La Lusiade même, dont il se fit deux éditions en 1572, n'attira point sur lui l'attention de ses compatriotes ou les bienfaits de son prince; et pendant les sept années qu'il vécut encore, il soutint sa malheureuse existence par des aumônes qu'on accordait, non au poète immortel, à l'homme qui a illustré sa nation, mais à l'esclave inconnu qui errait pour lui dans les rues, sans prononcer

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