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les ivrognes du canton s'y rendirent en foule; mais la sainte leur joua un bon tour; car, par un second miracle, l'eau continuant d'être toujours du vin pour les ouvriers, ne fut que de l'eau claire pour eux.

>> C'est ainsi que le peuple raconte l'origine de la fête qu'on célébrait tous les ans le 2 de juin. Maintenant la cérémonie est toujours remise au dimanche le plus prochain de la fête de sainte Clotilde. Après l'office des vêpres, le chapitre, composé du doyen, des chanoines, etc., etc., et précédé d'un fifre, de deux tambours et de deux violons, sort en chantant, de l'église collégiale d'Andelys; il marche en ordre processionnel avec le clergé de la Madeleine, celui de Saint-Sauveur, du petit Andelys et celui de quelques paroisses voisines; il est accompagné du corps de ville, des officiers de la haute-justice et des quatre confréries de la croix, de la trinité, de la charité, et de Notre-Dame-des-Anges, dont chaque membre tient une torche à la main.

» Le doyen porte une petite statue de vermeil, haute d'environ quinze pouces, représentant sainte Clotilde, qui tient dans ses mains une petite chapelle du même métal, où est renfermé un morceau de son crane, dont l'abbaye de SainteGeneviève de Paris a fait présent au chapitre. Son piédestal est un reliquaire de neuf à dix pouces de longueur, sur cinq de hauteur, qui renferme une côte de sainte Clotilde.

» Dans cet ordre, ils parviennent à une petite

place qui domine l'endroit d'où jaillit la fontaine“, et le doyen, perçant à peine avec son cortége la foule immense d'hommes et de femmes qui se pressent les uns les autres, dépose le reliquaire qui sert de piédestal à la statue, sur une table dẹ pierre soutenue par quatre colonnes d'un ordre. simple, et qui est couverte d'une riche moisson de fleurs.

» Aussitôt que le reliquaire est posé, le doyen s'avance précipitamment vers la fontaine, tenant seulement la statue de sainte Clotilde, et quand il est parvenu au bord du bassin de pierre qu'on y a pratiqué, il la plonge trois fois dans l'eau; au même instant deux hommes y versent des brocs de vin, sans doute pour servir de symbolę au miracle de sainte Clotide; et soudain les boiteux, les paralytiques, les goutteux, etc., qui sont rangés autour de la fontaine, s'y précipitent tous ensemble; car il est de croyance, que celui qui a le bonheur de s'y jeter le premier, est immanquablement guéri.

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» Le doyen reprend le reliquaire, et le clergé s'en retourne dans le même ordre qu'il est venu. Aussitôt que le reliquaire est enlevé, le peuple. s'empare des fleurs qui couvrent la table de pierre; on se les dispute, on se les arrache, on se bat pour les obtenir. Les coups de poings et les gourmades voltigent sur les joues des fidèles ; et quand il ne s'offre plus de matières à cet objet de leur dévotion, hommes et femmes frottent sur la pierre des chapeaux, des mouchoirs, des bas, des çu

lottes, auxquelles on attribue des vertus particulières.

» La même dévotion se manifeste auprès du bassin. On a pratiqué dans le mur qui l'avoisine, une petite niche où est une figure en bois, de sainte Clotilde, assez richement vêtue; elle est entourée de plusieurs douzaines de béquilles, qui attestent ses miracles passés. Mais comme le peuple ne saurait y atteindre, on se sert de longues perches, aų bout desquelles on suspend des colliers, des jarretières, des chapelets qu'on fait toucher à la figure; et ce travail occupe nombre de bras, pendant nombre de jours.

<«< Tout cela n'est encore rien en comparaison de ce qui se passe autour du bassin. La cuve de pierre qui le forme, peut avoir neuf pieds de longueur, quatre de largeur, et trois de profondeur :

il

y a une grille de fer qui la sépare en deux parties. Autrefois les hommes étaient d'un côté, et les femmes de l'autre, mais aujourd'hui on n'y regarde pas de si près. Figurez-vous trente à quarante hommes et femmes en chemise, qui se pressent, se poussent, tombent les uns sur les autres dans le bassin, qui sortent ensuite de l'eau, courent de là vers la table de pierre, en font trois fois le tour, passent trois fois dessous, puis, traversant une populace nombreuse, se rendent dans un large fossé qui règne le long du grand Andelys, où, déposant sa chemise mouillée devant les assistans, chacun se r'habille à l'aide de ses parens ou de ses amis; yous aurez une idée fidèle de cette pieuse saturnale.

» J'ai vu, pendant une heure à peu près, que j'eus la fermeté de contempler ce spectacle, plus de deux cents enfans, depuis l'âge de neuf à dix mois, jusqu'à celui de trois ans, plongés dans les eaux glacées de la fontaine, tordre leurs petits membres, et pousser des cris perçans, qui devraient faire saigner tous les coeurs sensibles. Tirons le rideau sur cette scène cruelle, et reposonsnous sur un tableau moins attristant pour l'hu

manité.

» Le soir amène une autre cérémonie. Vis-àvis de l'église, on allume un feu, au bruit des tambours ; et ceux des pèlerins qui ont le plus de foi, en prennent quelques charbons, qui les préservent, disent-ils, du tonnerre, des incendies, etc. Quand la nuit est venue, on dresse des tables sous des tentes; on mange, on boit, on crie; les uns se promènent, les autres dansent ou se couchent pêle-mêle, hommes, femmes et enfans.

>> Parmi les miracles attribués à l'eau salutaire de cette fontaine, on en cite un, arrivé il y a quelques années, dont toute la ville a été témoin. Une jeune paysanne, âgée de dix-huit ans, qu'on croyait attaquée d'hydropisie, et que son père fit baigner dans la fontaine, deux heures après devint mère d'un gros garçon; ce n'est cela pas en que gît le miracle, mais en ce qu'elle ne mourut pas des suites de l'immersion, et qu'elle et son fruit n'aient point été les victimes de l'ignorance des chirurgiens et d'une piété inconsidérée (1). »

(1) Lettre de M. Noël (inspecteur de l'université royale),

>> En face de la fontaine (ajoute M. Cadet de Gassicourt), est une maison où se placent pour leur argent, les spectateurs toujours nombreux. Le sang normand est beau, et si toutes les baigneuses n'ont pas de jolis traits, le plus grand nombre peut dédommager les yeux par d'autres

trésors. >>

Cette fète se fait toujours, et les demoiselles normandes paraissent y tenir beaucoup.

COLOMBE. Supplément à l'article. — La prose de sainte Colombe, dans le missel de Sens, dit que cette sainte ayant été liée pour être violée par un jeune homme, fut défendue par un ours femelle, car il faut de la décence. On la mit ensuite sur un bûcher que la pluie éteignit. Enfin on lui coupa la tête, les faiseurs de miracles n'ayant encore rien inventé qui puisse parer à ce genre de supplice (1). On représente aussi sainte Colombe avec un ours.

CRUCIFIX.

Supplément à l'article. - On révérait extrêmement à Marseille, au portail de l'église des Acoules, qui ne subsiste plus aujourd'hui, un vieux crucifix où Jésus était attaché, avec un habit d'évêque et la mitre en tête.

insérée dans le journal de Normandie du 14 juin 1788, citée dans le Voyage de Normandie, de M. Cadet de Gassicourt, tome II, page 77 et suiv.

(1) M. Cadet de Gassicourt, Voyage en Normandie, t. II, page 84.

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