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Semblablement on montre la forme de ses pieds, où il a marché, quand il s'est apparu à quelquesuns depuis son ascension, comme il y en a un à Rome, en l'église Saint-Laurent, au lieu où il rencontra saint Pierre, quand il lui prédit qu'il devait souffrir à Rome; un autre à Poitiers, à Sainte-Radegonde; un autre à Soissons; un autre à Arles. Je ne dispute point si JésusChrist a pu imprimer sur une pierre la forme de son pied; mais je dispute seulement du fait, et dis, que puisqu'il n'y en a nulle probation légitime, il faut tenir tout cela pour fable.

Mais la relique la plus fériale de cette espèce, est la forme de ses fesses, qui est à Reims en Champagne, sur une pierre derrière le grand autel. Et disent que cela fut fait du temps que Notre-Seigneur était devenu maçon, pour batir le portail de leur église. Ce blasphème est. si horrible et si exécrable, que j'ai honte d'en plus parler.

Passons donc outre, et voyons ce qui se dit de ses images, non point de celles qui se font communément par peintres, ou tailleurs, ou ménuisiers, car le nombre en est infini, mais de celles qui ont quelque dignité spéciale, pour être tenues en quelque singularité, comme reliques. Or, il y en a de deux sortes : les unes ont été faites miraculeusement, comme celle qui se montre à Rome, à l'église Sainte-Marie, qu'on appelle in porticu. Item, une autre à Saint-Jeande-Latran; item, une autre, en laquelle est pour

traite son effigie, en l'âge de douze ans ; item, celle de Lucques, que l'on dit avoir été faite par les anges, et laquelle on appelle vultus sanctus. Ce sont fables si frivoles, qu'il me semble avís que ce serait peine perdue, et même que je serais ridicule et inepte, si je m'amusais à les réfuter. Par quoi il suffit de les avoir notées en passant. Car on sait bien le métier des que ce n'est pas anges d'être peintres ; et que Notre-Seigneur Jésus veut être connu de nous, et se réduire en notre souvenance, autrement que par images charnelles.

Eusèbe récite bien, en l'histoire ecclésiastique, qu'il envoya au roi Abagarus son visage pourtrait' au vif; mais cela doit être aussi certain qu'un des Comments des chroniques de Mélusine(1). Toutefois, encore qu'ainsi fût, comment est-ce qu'ils l'ont eu du roi Abagarus? Car ils se vantent à Rome de l'avoir. Or Eusèbe ne dit pas qu'elle fût demeurée en être jusques à son temps. Mais il en parle par ouï-dire, comme d'une chose lointaine. Il est bien à présumer que six ou sept cents ans après, elle soit ressuscitée, et soit venue depuis Perse jusqu'à Rome.

Ils ont aussi-bien forgé les images de la croix, comme du corps. Car ils se vantent à Bresce (2)

(1) Comments est mis là pour chapitres, parce que les chapitres des chroniques ont toujours en titre : Comment la fée Mélusine fut vue dans son bain, etc.

(2) Brescia.

d'avoir la croix qui apparut à Constantin. De quoi je n'ai que faire d'en débattre à l'encontre d'eux, mais je les renvoie à ceux de Cortone, qui maintiennent fort et ferme, qu'elle est par devers eux. Qu'ils en plaident donc ensemble. Lors, que la partie qui aura gagné son procès vienne, et on lui répondra. Combien que la réponse soit facile, pour les convaincre de leur folie. Car ce qu'aucuns écrivains ont dit, qu'il apparut une croix à Constantin, n'est pas, à entendre d'une croix matérielle, mais d'une figure, qui lui était montrée au ciel en vision. Encore donc que cela fût vrai, on voit bien qu'ils ont trop lourdement erré par faute d'intelligence, Et ainsi ont bâti leurs abus sans fondement.

Quant est de la seconde espèce des images qu'on tient en reliques, pour quelques miracles qu'elles ont fait, en ce nombre sont compris les crucifix, auxquels la barbe croît, comme celui de SaintSalvador, et celui d'Orange. Si je m'arrête à remontrer quelle folie, ou plutôt bêtise, c'est de eroire cela, on se moquera de moi. Car la chose de soi-même est tant absurde, qu'il n'est jà métier que je mette peine à la réfuter. Toutefois, le pauvre monde est si stupide, que la plupart tient cela aussi certain que l'Évangile.

Je mets semblablement en ce rang, les crucifix qui ont parlé, dont la multitude est grande. Mais contentons-nous d'un pour exemple. A savoir, de celui de Saint-Denis en France. Il parla (ce disent-ils) pour rendre témoignage que l'église

était dédiée (1). Je laisse à penser si la chose le valait bien. Mais encore je leur demande, comment est-ce que le crucifix pouvait être adonc en l'église, vu que quand on les veut dédier, on en retire toutes les images? Comment est-ce donc qu'il s'était dérobé pour n'être point transporté avec les autres? Il faut dire qu'ils ont pensé tromper le monde fort à leur aise, vu qu'ils ne se sont souciés de se contredire apertement, mais qu'il leur a suffi de mentir à gueule déployée, ne se donnant point garde des répliques qu'on leur pouvait faire.

Il y a finalement des larmes, dont l'une est à Vendôme, une à Trier, une à Saint-Maximin, une à Saint-Pierre-le-Puellier d'Orléans, sans celles que je ne sais point. Les unes, comme ils disent, sont naturelles, comme celle de SaintMaximin, laquelle, selon leurs chroniques, tomba à Notre-Seigneur en lavant les pieds de ses apôtres; les autres sont miraculeuses, comme s'il était à croire que les crucifix de bois fussent si dépits que de pleurer. Mais il leur faut pardonner cette faute. Car ils ont eu honte que leurs marmousets n'en fissent autant que ceux des païens. Or les païens ont feint que leurs idoles pleuraient quelquefois. Ainsi nous pouvons mettre l'un avec l'autre.

De la Sainte Vierge.

Quant à la vierge Marie, pour ce qu'ils tien

(1) Quand les évêques vinrent pour faire la dédicace de

nent que son corps n'est plus en terre, le moyen leur est ôté de se vanter d'en avoir les os. Autrement je pense qu'ils eussent fait accroire au monde, qu'elle avait un corps pour remplir un grand charnier.

Au reste, ils se sont vengés sur ses cheveux, et sur son lait, pour avoir quelque chose de son corps. De ses cheveux, il y en a à Rome à SainteMarie-sus-Minerve, à Saint-Salvador en Espagne, à Mâcon, à Cluny, à Nevers, à Saint-Flour, à Saint-Jaquême, et en autres plusieurs lieux.

Du lait, il n'est jà métier de nombrer les lieux où il y en a. Et aussi ce ne serait jamais fait. Car il n'y a si petite villette, ni si méchant couvent, soit de moines, soit de nonains, où l'on n'en montre, les uns plus, les autres moins. Non pas qu'ils aient été honteux de se vanter d'en avoir pleines potées, mais pour ce qu'il leur semblait avis que leur mensonge serait plus couvert, s'ils n'en avaient que ce qui pourrait tenir dedans quelque montre de verre, ou de cristalin, afin qu'on n'en fit pas d'examen de plus près. Tant y a, que silla Sainte Vierge eût été une vache, ou qu'elle eût été nourrice toute sa vie, à grande peine en eût-elle pu rendre telle quantité.

D'autre part, je demanderais volontiers comment ce lait, qu'on montre aujourd'hui partout, s'est recueilli, pour le réserver en notre temps.

Péglise, ce crucifix leur dit que Jésus-Christ l'avait dédiée pendant la nuit,

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