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Car nous ne lisons pas que jamais aucun ait eu cette curiosité. Il est bien dit que les pasteurs ont adoré Jésus-Christ, que les sages lui ont offert leurs présens, mais il n'est point dit qu'ils aient rapporté du lait pour récompense. Saint Luc récite bien ce que Siméon prédit à la Vierge, mais il ne dit pas qu'il lui demanda de son lait. Quand on ne regarderait que ce point, il ne faut jà les arguer davantage pour montrer combien cette folie est contre toute raison, et sans couverture aucune. Et c'est merveille, puisqu'ils ne pouvaient avoir autre chose du corps, qu'ils ne se soient avisés de rogner ses ongles, et de choses semblables: mais il faut dire que tout ne leur est pas venu en mémoire.

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Le reste qu'ils ont des reliques de Notre-Dame, est son bagage. Premièrement il y en a Lune chemise à Chartres, de laquelle on fait une idole assez renommée, et à Aix en Allemagne une autre. Je laisse là comment c'est qu'ils les ont pu avoir. Car c'est chose certaine, que les apôtres et les vrais chrétiens de leur temps n'ont pas été si badins que de s'amuser à telles manigances. Mais qu'on regarde seulement la forme, et je quitte le jeu, si on n'aperçoit à l'œil leur impudence. Quand on fait la montre à Aix en Allemagne de la chemise que nous avons dit être là, on montre au bout d'une perche, comme une longue aube de prêtre. Or quand la vierge Marie aurait été une géante, à grande peine eût-elle porté une si grande che mise..

Et pour lui donner meilleur lustre, on porte quant et quant les chaussettes de saint Joseph, qui seraient pour un petit enfant ou un nain. Le proverbe dit qu'un menteur doit avoir bonne mémoire, de peur de se couper par oubli. Ils ont mal gardé cette règle, quand ils n'ont pensé de faire meilleure proportion entre les chausses du mari, et la chemise de la femme. Qu'on aille maintenant baiser bien dévotement ces reliques, lesquels n'ont autre apparence de vérité.

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De ses couvre-chefs, je n'en sais que deux : à Triers un, en l'abbaye Saint-Maximin ; à Lisio en Italie, un autre. Mais je voudrais qu'on avisât de quelle toile ils sont, et si on les portait de telle façon en ce temps-là, au pays de Judée. Je voudrais aussi qu'on fît comparaison de l'un à l'autre, pour voir comment ils s'entre-semblent. A Bologne ils en ont un fronteau. Quelqu'un me demandera, si je pense que ce fronteau soit une chose controuvée. Je réponds que j'en estime autant que de sa ceinture, qui est à Prato, et de celle qui est à Notre-Dame de Montserrat. Item, de sa pantoufle, qui est à Saint-Jaquème, et d'un de ses souliers, qui est à Saint-Flour.

Quand il n'y aurait autre chose, tout homme de moyenne prudence sait bien que ce n'a pas été la façon des fidèles, de ramasser ainsi chausses et souliers, pour faire des reliques ; et que jamais il n'en fut fait mention, de plus de cinq cents ans après la mort de la vierge Marie. Qu'en faut-il donc plus arguer; comme si la chose était dou

teuse? Même ils ont voulu faire accroire à la sainte vierge Marie qu'elle était fort curieuse à se parer et tétonner. Car ils montrent deux de ses peignes: l'un à Rome, en l'église de Saint-Martin; et l'autre à Saint-Jean-le-grand de Besançon, sans ceux qui se pourraient montrer ailleurs. Si cela n'est se moquer de la sainte Vierge, je n'entends point ce que c'est que moquerie.

Ils n'ont point aussi oublié l'anneau de ses épousailles; car ils l'ont à Pérouse. Pour ce que maintenant la coutume est que le mari donne un anneau à sa femme en l'épousant, ils ont imaginé qu'il se faisait ainsi adonc. Et sans en faire plus longue inquisition, ils ont député un anneau à cet usage, beau et riche, ne considérant point la pauvreté en laquelle a vécu la Sainte Vierge.

De ses robes, ils en ont à Rome à Saint-Jeande-Latran. Item, en l'église Sainte-Barbe. Item, à Sainte-Marie-sus-Minerve. Item, en l'église Saint-Blaise. Et à Saint-Salvador en Espagne, pour le moins ils se disent en avoir des pièces. J'ai bien encore ouï nommer d'autres lieux, mais il ne m'en souvient. Pour montrer la fausseté en cet endroit, il ne faudrait que regarder la matière. Car il leur a semblé avis, qu'il leur était aussi facile d'attribuer à la vierge Marie des vêtemens à leur poste, que de vêtir les images ainsi qu'ils les

vêtent.

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Il reste à parler des images, non point des communes, mais de celles qui sont en recommandation par-dessus les autres, pour quelque

singularité. Or ils font accroire à saint Luc qu'il en peignit quatre à Rome, au lieu où est maintenant l'église de Sainte-Marie, qu'ils appelent in via Latá. L'une se montre là en un oratoire, laquelle il fit (comme ils disent) à sa dévotion, avec l'anneau duquel saint Joseph l'avait épousée. Il s'en montre, à Rome même, un autre à SainteMarie-la-Neuve, laquelle ils disent avoir été faite ainsi saint Luc en Troade, et que depuis elle leur a été apportée par un ange. Item, une autre à Sainte-Marie d'Ara-cæli, en telle forme qu'elle était auprès de la croix. Mais à Saint-Augustin ils se vantent d'avoir la principale; car c'est celle, si on les croit, que saint Luc portait toujours avec soi, jusqu'à la faire enterrer en son sépulcre.

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Je vous prie, quel blasphème, de faire d'un saint évangéliste un idolâtre parfait? Et même quelle couleur ont-ils pour persuader que saint Luc ait été peintre ? Saint Paul le nomme bien médecin mais du métier de peintre, je ne sais où ils l'ont songé. Et quand ainsi serait qu'il s'en fût mêlé, il est autant à présumer qu'il eût voulu peindre la vierge Marie, comme un Jupiter ou une Vénus, ou quelque autre idole. Ce n'était pas la façon des chrétiens, d'avoir des images'; et n'a été long-temps après, jusqu'à ce que l'église ait été corrompue de superstitions. D'autre part, tous les anglets (1) du monde sont pleins des images de la vierge Marie, qu'on dit qu'il a faites, comme

(1) Pour tous les coins du monde.

à Cambrai, et deçà et delà; mais en quelle forme? Il y a autant d'honnêtété, comme qui voudrait pourtraire une femme dissolue. Voilà comment Dieu les a aveuglés, qu'ils n'ont eu considération non plus que bêtes brutes.

Combien que je ne m'étonne pas trop de ce qu'ils ont imputé à saint Luc d'avoir fait des images de la Vierge, vu qu'ils ont bien osé imposer le semblable au prophète Jérémie, témoin le Puy, en Auvergne il serait temps, je crois, que le pauvre monde ouvrit les yeux une fois pour voir ce qui est tant manifeste.

Je laisse à parler de saint Joseph, dont les uns en ont des pantoufles, comme en l'abbaye SaintSimeon de Triers; les autres ses chausses, comme nous avons déjà dit; les autres ses ossemens. Il me suffit de l'exemple que j'ai allégué, pour découvrir la sottise qui y est.

De saint Michel.

Je mettrai ici saint Michel, afin qu'il fasse compagnie à la vierge Marie. On pensera que je me gaudisse, en récitant les reliques d'un ange; car les joueurs de farce même se sont moqués.' Mais les cafards n'ont pas laissé pourtant d'abuser tout à bon escient le pauvre peuple. Car à Carcassonne ils se vantent d'en avoir des reliques; et pareillement à Saint-Julien de Tours au grand Saint-Michel, qui est si bien fréquenté de pèlerins, on montre son braquemart qui est comme un poignard à usage de petit enfant et son bou

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