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vice, comme officier dans un régiment d'infanterie. Dans la guerre, avec la Turquie, il fut attaché au maréchal comte Romantzof, en qualité de secrétaire pour les affaires de la Valachie et de la Moldavie. Aux fêtes de la paix avec les Turcs, en 1775, l'impératrice Catherine II le nomma secrétaire d'état avec le titre de colonel; puis il fut nommé successivement conseiller privé, maître de la cour, et enfin, membre du collége des affaires étrangères. Il dut un avancement si rapide au talent qu'il avait de rédiger avec une promptitude et une correction extraordinaires. Un jour que l'impératrice l'avait chargé de la rédaction d'un ukase, il perdit de vue cet objet, et revint auprès d'elle sans s'en être occupé. La princesse demanda aussitôt à voir le projet, et Bezborodko, sans se déconcerter, tire de sa poche une feuille de papier, où il paraît lire, sans la moindre hésitation, l'ukase projeté. Catherine en approuve la rédaction, et prend la feuille pour la signer; mais s'apercevant alors seulement que le papier sur le quel son secrétaire a semblé lire l'ukase, ne contient qu'un écrit insignifiant, loin de blâmer sa ruse, elle le complimenta sur son extrême facilité, et ce fut là, dit-on, l'origine de sa fortune. La haute faveur dont il jouissait ne l'empêcha pas toutefois d'éprouver une mortification à laquelle il ne dut pas être insensible. On prétend qu'il persécutait une jolie danseuse, parce qu'elle avait refusé sa protection. L'impératrice reprocha hautement à Bezborodko son injustice, et lui imposa

même l'obligation de fournir une dot pour marier cette jeune fille. En 1791, après la mort du maréchal prince Potemkin, il fut envoyé à Jassy, avec le titre de grand-plénipotentiaire, pour traiter avec la porte Ottomane, de la paix qu'il signa. A son retour à |: Saint-Pétersbourg, il fut récompensé par l'ordre de Saint-André, et obtint alors un immense crédit; mais il ne tarda pas à être | supplanté par le favori Platon Zouboff, qui ne lui laissa presque plas d'influence. Cependant, au couronnement de l'empereur Paul, en 1797, il fut créé prince, avec le titre d'altesse, et promu au grade de chancelier. Il occupa cette place jusqu'au mois de mars 1799, qu'il mourut, à SaintPétersbourg, à la suite de plusieurs attaques de paralysie. Cet homme distingué était doué d'un esprit vif et profond; ses connaissances étaient aussi variées qu'étendues, et sa mémoire tenait du prodige. Ses amis, dans sa jeumesse, l'ont mise plusieurs fois à une épreuve bien singulière. On le réveillait dans son premier sommeil, et on lui faisait des questions sur les époques précises des événemens les plus reculés : à moitié endormi, il répondait toujours avec une exactitude imperturbable. Voyageant un jour avec plusieurs personnes, la conversation tomba par hasard sur un vieux militaire nommé commandant dans une petite forteresse au pied du Caucase; le prince Bezborodko fit aussitôt l'histoire de tous les commandans de cette forteresse, en les désignant l'un après l'autre, par leur nom, leur rang, et

l'espace de temps pendant lequel ils occupèrent ce commandement. Un de ceux qui l'écoutaient, s'imaginant qu'il pouvait y avoir un peu de charlatanisme dans cet effort de mémoire, nota les noms et les dates cités, prit des informations au collège de la guerre, et trouva, à son grand étonnement, que Bezborodko ne s'était trompé sur aucun point. Il laissa une fortune immense qu'il devait en grande partie à la munificence de l'empereur Paul, qui d'un trait de plume lui donna, un jour, deux cent cinquante mille roubles de rente. Le prince Bezborodko aimait passionnément les arts; il a laissé une belle collection de tableaux; son peintre favori était Vernet; il avait réuni trente-deux de ses ouvrages dont il avait orné les murs de sa chambre à coucher. Il ne s'était pas marié, et toute sa fortune passa à son frère. Constamment occupé des affaires des relations extérieures, on n'a trouvé dans ses papiers, ni mémoires, ni même aucun fragment historique; mais ses instructions aux ambassadeurs, ses dépêches officielles et ses manifestes, sont généralement cités comme des modèles. La facilité avec laquelle il travaillait a été donnée à bien peu de ministres. Pour gagner du temps, il écrivait au crayon, et d'une manière si abrégée, qu'un seul de ses secrétaires pouvait déchiffrer son écriture. Le comte Simon Worontzof, ambassadeur de Russie à Londres, fut son ami.

BEZENVAL (PIERRE-VICTOR, BARON DE), que d'autres biographes écrivent BESENVAL. De l'es

prit, quelques talens, n'annoncent pas toujours un vrai mérite. M. de Bezenval possédait de brillantes qualités, il y joignait beaucoup d'ambition; on le crut longtemps un homme distingué, mais la révolution survint, et sa nullité fut bientôt reconnue. Né à Soleure, en 1722, d'une famille que l'on croit originaire de la Savoie, il entra au service dès l'âge de 9 ans, dans le régiment des gardes-suisses, commandé par son père. Il fit la campagne de 1755, celle de 1748, en Bohême, en qualité d'aide-de-camp du maréchal de Broglie, et enfin celles d'Hanovre. Il montra de la valeur dans cette longue guerre, et prit part aux affaires d'Asteinbeck, de Filinghausen et de Clostercamp. M. de Bezenval désirait vivement et se donna beaucoup de peine pour arriver au commandement en chef; mais il ne parvint qu'au grade de maréchal de camp, qu'il reçut en 1757. Après la paix de 1762, il se transporta sur un théâtre, où son esprit, sa figure, l'originalité de ses manières devaient le faire remarquer. Il eut de grands succès à la cour, sous tous les rapports; alors les officiers suisses étaient à la mode. Parvenu au grade de lieutenant-général, il fut nommé inspecteur - général des Suisses et Grisons, et grand' croix de l'ordre de Saint-Louis. Le crédit que M. de Bezenval avait obtenu dans l'esprit de la reine Marie-Antoinette, s'accroissait chaque jour, et devint tel, qu'avec plus de fermeté et d'élévation, il aurait pu le faire servir à l'intérêt de la royauté. Mais

ce général n'était point à la hauteur de l'époque célèbre de 1789. Quelques intrigues de femmes et quelques renvois de ministres, furent les seuls actes par lesquels il signala sa faveur. Cependant M. de Bezenval ne cessait de se prononcer pour ce qu'on appelait alors les mesures énergiques c'est le mot des courtisans quand ils ont peur. Il censurait la conduite incertaine des conseillers du roi, avec une amertume qui contrastait trop avec sa propre faiblesse. A l'affaire du 14 juillet, on lui confia le commandement de l'intérieur, et il gâta tout par ses irrésolutions. On vit alors qu'il était plus facile à M. de Bezenval de briller à la cour, que de la défendre. Nous avons vu de grands hommes d'état de salons, disparaître tout à coup quand ils ont été ministres. Toutefois après cette journée, M. de Bezenval sentit tout ce qu'il avait à craindre pour lui-même, et il prit la fuite; mais arrêté à Villenaux, il fut enfermé dans la tour de BrieComte-Robert. Après une assez longue détention, il fut envoyé à Paris, et traduit devant le Châtelet, malgré les efforts de M. Necker, alors ministre, pour obtenir sa liberté. Ce fait seul prouve combien la révolution était forte dès sa naissance. L'instruction de son procès, ses propres aveux, prouvaient qu'il avait eu des intelligences, au 14 juillet, a

vec le gouverneur et le commandant de la Bastille, MM. de Launay et de Pujet. Cependant l'intervention de la cour, et surtout celle de Mirabeau, que les amis de M. de Bezenval intéressèrent en sa faveur, parvinrent à le faire déclarer innocent. Il se retira aussitôt des affaires, et vécut dans l'obscurité la plus profonde, jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée le 27 juin 1794. C'est sans doute à cette obscurité que le baron de Bezenval dut la tranquillité dans laquelle il passa ses derniers jours; car, malgré l'idée de bonheur qu'il avait lui-même attachée au fatalisme de son existence, son nom était devenu trop odieux au peuple, pour qu'il eût pu sauver sa vie, lorsque tant d'hommes beaucoup moins suspects la perdirent, si le gouvernement d'alors cût eu connaissance de la retraite où il vivait à Paris. On a de lui des épigrammes et des couplets assez scandaleux, sur quelques aventures galantes de la cour. Le vicomte de Ségur, son héritier, n'a pas eu honte de les faire paraître, de 1805 à 1807, sous le titre de Mémoires, en 4 vol. in-8°. La famille du général a désavoué ces productions, probablement sorties de la plume de M. de Bezenval, mais que son légataire n'aurait pas dû publier, s'il avait eu un sentiment plus juste du respect qu'il devait à la mémoire de son bienfaiteur.

FIN DU SECOND VOLUME.

DU SECOND VOLUME.

· BACHEVILLE (LES FRÈRES) ne se sont pas moins rendus recommandables par leur amitié fraternelle que par leur bravoure, leur dévouement à la patrie, et les persécutions dont ils ont été l'objet. Issus d'une famille estimable de Trévoux, département de l'Ain, ces deux frères, entrés fort jeunes dans la carrière des armes, parvinrent l'un et l'autre au grade de capitaine dans le corps de héros qu'on appelle aujourd'hui l'ex-garde. Leur courage et leur intrépidité leur méritèrent de bonne heure la décoration des braves. Tous deux ils avaient fait les campagnes glorieuses qui ont illustré les armes françaises, depuis l'an 12 (1804) jusqu'en 1814. A la première abdication de l'empereur, l'aîné seul, Barthélemy, né en 1784, obtint l'honneur de l'accompagner dans son exil. De retour avec lui de l'île d'Elbe, il le suivit encore au jour du dernier combat; et après la funeste bataille de Waterloo, il se retira avec son frère dans leur ville natale, au sein de leur famille. Mais le génie proscripteur de 1815 vint bientôt troubler leur tranquillité, et sous le prétexte qu'ils sortaient du département, en allant voir leurs parens dans une ville voisine, on voulut les arrêter. S'é

Supp. 2 vol.

tant soustraits à cette mesure arbitraire, les deux frères furent forcés de se cacher, et bientôt de se dérober par la fuite aux persécutions qu'on leur préparait. En effet, pour avoir, dit-on, résisté à la gendarmerie, leur tête fut mise à prix, et la cour prevôtale du département du Rhône, séant à Lyon, s'empressa, le 9 juillet 1816, de condamner les frères Bacheville, savoir: l'aîné à la peine de mort, et le second à deux ans d'emprisonnement, pour prétendue rébellion à la force armée. Cependant les deux frères s'étaient réfugiés en Suisse; mais bientôt informés que le signalement de Barthélemy était affiché à Lausanne et dans tout le canton de Vaud, ils vécurent retirés au fond d'un bois : là un ministre protestant, homme véritablement religieux, car il était humain et secourable, leur apportait, chaque jour, dans leur solitude les objets nécessaires à leur subsistance, et enfin il leur procura les moyens de partir pour la Pologne, comme ouvriers genevois. De là, ils passèrent en Valachie. Barthélemy seul se rendit à Bucharest, puis à Constantinople, parcourut les îles de l'Archipel, visita Athènes et Corinthe, et pour éviter la peste qui ravageait ces bek

les contrées, il se réfugia à Janina, avec des lettres d'introduction pour Ali-pacha, qui lui fit un accueil bienveillant, non pas à cause de ces lettres, mais d'après une recommandation bien plus puissante à ses yeux, une action de bravoure. Barthélemy avait voyagé dans l'Albanie avec une caravane de 50 hommes, qui fut attaquée par 200 janissaires licenciés, devenus brigands: il prit le commandement de la caravane, et mit en fuite les janissaires, dont il tua lui-même le chef. Cependant le frère de Barthélemy, Antoine, ayant voulu le rejoindre, s'était rendu à Constantinople, où il demanda un passe-port à l'ambassadeur français. M. le marquis de Rivière ne le refusa point, mais, par une singulière prévoyance, il y fit transcrire le jugement des deux frères, avec ordre, à la gendarme rie de France, de le faire conduire de brigade en brigade jusqu'à Lyon. A Paris on n'eût pas agi avec plus de rigueur. Antoine partit pour la Perse, d'où il se rendit successivement à Alep, à Bagdad, à Bassora, et à Mascate, dans l'Arabie-Heureuse, où succombant enfin aux longues fatigues du désert, et au chagrin de son exil forcé, il mourut dans le mois de juin 1820. Quoique Ali-pacha admît Barthélemy à sa table, à boire dans sa coupe, à fumer dans sa pipe, et à d'autres honneurs

dont les Orientaux sont si jaloux et si peu prodigues, Barthélemy ne put se familiariser avec les horreurs dont le cruel pacha lerendait témoin chaque jour, souvent pour l'étonner, plus souvent pour lui plaire; car` Ali-pacha l'avait pris en amitié. Il aima mieux revoir sa patrie, dût-il lui sacrifier sa tête. Après avoir obtenu un passe-port du consul anglais, il arriva sur les frontières de la France, et se constitua prisonnier afin de purger sa contumace. La cour royale de Lyon prononça qu'il n'y avait pas lieu à le poursuivre, et qu'il serait sur-le-champ mis en liberté, justice d'autant plus remarquable qu'elle fut rendue d'après les mêmes pièces qui avaient fait condamner Barthélemy à mort trois ans plus tôt. Profondément affligé de la perte de son frère, mort dans l'exil volontaire qu'il avait dû s'imposer, Barthélemy Bacheville, privé de sa demi-solde après tant de persécu tions et de malheurs, a présenté une pétition à la chambre des députés, au mois de juillet 1821. Cette réclamation, vivement appuyée par l'un des plus zélés défenseurs de nos libertés constitutionnelles, M. de Corcelles, qui a prononcé à cette occasion un discours plein d'énergie, a obtenu de l'assemblée une recommandation auprès du ministre de la guerre.

FIN DU SUPPLÉMENT.

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