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de toute garantie le conjoint qui avait fait l'ameublissement. Enfin, dans le troisième système, on décidait indistinctement que le conjoint qui avait mis l'immeuble dans la communauté, était tenu, en cas d'éviction, de faire raison de la valeur à la communauté, parce que, disait-on, le contrat de société est un contrat de commerce, et que quoique l'une des parties y apporte plus que l'autre, ce contrat n'est pas censé renfermer une donation, celle des parties qui apporte moins étant présumée suppléer en industrie à ce qu'elle apporte de moins en effet. Pothier, qui avait d'abord émis la seconde de ces opinions (1), a fini par se ranger à la troisième (2). C'est aussi dans ce dernier sens que la question a été généralement résolue sous l'empire du Code civil (3). Le principe émis ci-dessus, que l'ameublissement ne constitue pas, par lui-même, une libéralité, soit quant à la forme, soit quant au fond, nous conduit, par voie de conséquence, à la même solution.

163. S'il s'agit d'un ameublissement déterminé de la deuxième espèce, c'est-à-dire si l'immeuble ou les immeubles n'ont été ameublis que jusqu'à concurrence d'une certaine somme, les effets de l'ameublissement ne comportent pas, en raison même de la limitation qui a été faite, une aussi grande étendue. Toutefois, la règle générale, à notre avis, reste la même : l'ameublissement a pour effet de rendre l'immeuble ou les immeubles qui en sont frappés biens de la communauté jusqu'à concurrence de la portion ameublie. On a dit, et c'est l'opinion à peu près unanime des auteurs, que, dans ce cas, la communauté n'acquiert qu'une créance d'une somme à prendre sur tel bien, une créance qui aurait uniquement pour gage l'immeuble ameubli; et l'on a fait sur ce fondement la critique de la loi, en ce que, dans ce système, les effets de l'ameublissement déterminé se confondraient, dans ce cas du moins, avec ceux de l'ameublissement indéterminé dont nous allons parler bientôt, et en ce qu'il y aurait contradiction entre le premier et le troisième paragraphe de l'article 1507. Cette critique n'est pas fondée; à notre avis, on prête à la loi une contradiction dans laquelle elle ne nous semble pas être tombée.

Le législateur n'a pas dit, en effet, pour l'ameublissement dé

(1) V. Introduction à la coutume d'Orléans, de la communauté, no 53. (2) V. Traité de la communauté, no 311.

(3) V. MM. Delvincourt, t. III, p. 83, note, édit. de 1824; Toullier, t. XIII, no 344; Battur, t. II, no 401; Duranton, t. XV, no 70.

terminé de quelque manière qu'il soit stipulé, total ou partiel, comme il l'a dit pour l'ameublissement indéterminé, que la convention ne rendrait point la communauté propriétaire de l'immeuble ameubli; c'est précisément le principe contraire qu'il a établi d'une manière générale. Tel est l'objet du premier paragraphe de l'art. 1507, qui, se référant à l'article précédent, dans lequel la loi signale, comme ameublissement déterminé, aussi bien celui qui affecte un immeuble en totalité que celui qui a lieu seulement jusqu'à concurrence d'une certaine somme, dispose que «l'effet de l'ameublissement déterminé est de rendre l'immeuble ou les immeubles qui en sont frappés biens de la communauté comme les meubles mêmes. » Voilà la règle générale, et encore une fois elle est posée immédiatement après la disposition qui signale les deux modes d'ameublissement déterminé ; elle domine donc tous les cas, et, par conséquent, il est vrai de dire de l'ameublissement déterminé jusqu'à concurrence de telle somme, comme de l'ameublissement déterminé de tel immeuble en totalité, que la convention a pour effet de rendre l'immeuble ameubli bien de la communauté. Toute la différence consiste en ce que la communauté, dans le premier cas, est propriétaire exclusive de l'immeuble ameubli, tandis que, dans le second, elle n'est propriétaire que pour partie, et se trouve, relativement à l'immeuble ameubli, dans l'indivision avec le conjoint qui a fait l'ameublissement (1).

(1) Cette doctrine a été solidement établie dans un jugement rendu, en matière fiscale, par le tribunal de Laon, le 5 janvier 1833. Nous extrayons de ce jugement la partie qui se rapporte à la difficulté dont il s'agit; les motifs du jugement répondent péremptoirement, selon nous, aux théories émises par les auteurs sur ce point délicat : « Attendu, dit le tribunal, que l'art. 1506, en statuant que l'ameublissement est déterminé lorsque l'époux a déclaré ameublir et mettre en communauté tel immeuble en totalité ou jusqu'à concurrence d'une certaine somme, n'autorise pas à conclure que c'est la somme promise qui entre en communauté, et non l'immeuble; qu'au contraire cet article, en faisant cesser toute incertitude sur l'objet qui avait fait la matière de l'engagement, incertitude qui aurait pu résulter de la stipulation d'ameublissement jusqu'à concurrence d'une certaine somme, a voulu empêcher que la convention ne fût attaquée plus tard, en vertu de l'art. 1108 du Code civil, comme n'ayant pas d'objet certain; qu'il a décidé, en donnant la qualité de déterminée à une portion déterminable d'un immeuble désigné, que c'était la portion même de l'immeuble et non la somme pour laquelle il avait été ameubli qui entrait en communauté; que l'héritage ameubli jusqu'à concurrence de 20,000 fr., l'est pour un tiers, s'il en vaut soixante; pour moitié, s'il en vaut quarante; que cette interprétation résulte de l'art. 1507, § 3, qui, en parlant

164. Mais cette différence est essentielle à remarquer; elle explique et justifie la distinction faite par les SS 2 et 3 de l'art. 1507 entre les pouvoirs accordés au mari, dans le cas où tels et tels immeubles de la femme sont ameublis en totalité, et ceux qui lui sont conférés dans le cas d'un ameublissement jusqu'à concurrence d'une certaine somme.

Dans le premier cas, le mari, d'après le § 2 de l'art. 1507, peut non-seulement hypothéquer l'immeuble ameubli, mais encore l'aliéner sans le consentement de sa femme. Pourquoi? Parce que la communauté a acquis un droit exclusif de propriété.

Dans le second cas, le mari, aux termes du § 3 du même article, ne peut pas aliéner l'immeuble sans le consentement de la femme, et il ne peut même l'hypothéquer, sans ce consentement, que jusqu'à concurrence de la portion ameublie. Pourquoi? Nous ne dirons pas avec MM. Championnière et Rigaud (1) que c'est parce qu'il convenait de renfermer les droits du mari ou de la communauté dans les limites qui sont assignés aux pouvoirs de tout propriétaire indivis; car rien ne s'oppose à ce que le propriétaire indivis vende la part qu'il a dans la propriété. Mais il importait à la femme que le mari ne pût pas, en disposant de la portion ameublie, lui donner un copropriétaire qui aurait, lui, le droit que n'a pas la communauté, d'invoquer, contre la femme du moins, le principe que nul n'est tenu de rester dans l'indivision, et l'exposer ainsi à l'aliénation, sans aucun rècours possible, d'un immeuble dont elle peut espérer de reprendre un jour la possession entière, par l'exerciee de la faculté que l'art. 1509 lui réserve. Tel a pu être le motif pour lequel le législateur, tout en permettant au mari d'hypothéquer, sans le consentement de la femme, l'immeuble jusqu'à concurrence de la portion ameublie, lui a interdit de vendre sans ce consentement (2).

165. D'après cela, nous pensons, contre l'opinion exprimée par la majorité des auteurs, que l'ameublissement fait par la

de l'héritage ameubli jusqu'à concurrence d'une certaine somme, porte que le mari peut hypothéquer jusqu'à concurrence de la portion ameublie, au lieu de dire de la somme pour laquelle il a été ameubli. »

(1) Tr. des droits d'enregistrement, t. IV, no 2892.

(2) Le résultat final de l'hypothèque peut amener aussi l'aliénation de la propriété; mais, d'un côté, on peut dire que c'est là une chance à laquelle la femme a bien voulu s'exposer, et, d'un autre côté, il importait, pour que l'ameublissement atteignit son but, que le mari, privé, dans ce cas, du droit de vendre, ne fût pas privé aussi de la faculté d'hypothéquer. V., à cet égard, ce que nous disons infrù, no 170.

femme de tel ou tel immeuble jusqu'à concurrence non pas d'une certaine somme, mais d'une portion indiquée de l'immeuble, comme la moitié, le tiers, le quart, ne donne pas au mari le droit d'aliéner, sans le consentement de la femme, la portion ameublie, ni même celui d'hypothéquer cet immeuble autrement que jusqu'à concurrence de cette portion. La raison de décider, selon nous, est qu'il y a, entre ce cas et le précédent, une similitude parfaite dans la position des parties; le résultat doit donc être identique dans l'un et dans l'autre, en ce qui concerne la mesure des droits et des pouvoirs accordés au mari (1).

166. Toutefois, il y a, sous d'autres rapports, entre ces deux clauses, quelques différences qui résultent de la nature même des choses.

L'ameublissement de tel immeuble, jusqu'à concurrence d'une certaine somme, limite par cela même l'apport qui ne devra, dans aucun cas, dépasser la somme déterminée.

Ainsi, l'immeuble ameubli vient-il à périr, il a péri pour la communauté qui, n'ayant plus de bien sur lequel asseoir l'ameublissement stipulé, se trouve par cela même déchue de son droit.

Au contraire, l'immeuble vient-il à augmenter de valeur, la communauté n'y gagne rien; sans doute l'immeuble était devenu, par l'effet de l'ameublissement, bien de la communauté, mais il n'était devenu tel que jusqu'à concurrence d'une somme fixée; l'ameublissement ne peut donc pas l'affecter au delà de cette

somme.

L'immeuble vient-il à diminuer de valeur, la communauté n'en souffre que tout autant que l'immeuble se trouve réduit à une valeur inférieure à la somme jusqu'à concurrence de laquelle il avait été ameubli. Si ce qui reste de l'immeuble est égal à l'ameublissement, la communauté conserve tout son droit; car l'immeuble était dans la communauté pour une somme dont il doit répondre, dès l'instant qu'il n'est pas complétement anéanti.

167. L'ameublissement déterminé jusqu'à concurrence d'une portion de l'immeuble ameubli produit, sinon dans tous les cas ci-dessus, du moins dans l'un d'eux, des conséquences diffé

(1) Seul, M. Delvincourt a soutenu, mais par d'autres motifs, que l'ameublissement partiel doit être, sous ce rapport, assimilé à celui qui est fait jusqu'à concurrence d'une certaine somme. V. t. III, p. 83, notes, édit. de 1824. V. en sens contraire, MM. Toullier, t. XIII, no 330; Duranton, t. XV, nos 62 et 63; Zachariæ, t. III, p. 528, au texte et à la note 3.

rentes. L'immeuble étant tombé dans la communauté jusqu'à concurrence de la portion déterminée, il s'ensuit qu'il est aux risques de la communauté; il y est même d'une manière plus complète que dans le cas précédent : non-seulement la communauté supporte la perte ou la détérioration auxquelles l'immeuble était soumis, mais encore elle profite des augmentations de valeur dont cet immeuble a pu être l'objet. L'ameublissement de l'immeuble jusqu'à concurrence d'une quotité, par exemple, de la moitié, du tiers ou du quart, implique la transmission à la communauté de la moitié, du tiers, du quart de cet immeuble tel qu'il se comportera au moment du partage (arg. de l'art. 1509). C'est donc à cette portion quelle qu'elle soit que la communauté aura droit.

Ainsi, supposons que l'immeuble, valant 40,000 f., par exemple, et ameubli jusqu'à concurrence d'une moitié, ait souffert une dépréciation de 10,000 fr., la communauté supportera cette perte partielle dans la proportion de la part qu'elle avait dans l'immeuble; ainsi, la valeur à laquelle elle pourra prétendre sera non plus les 20,000 fr. auxquels elle aurait eu droit si l'immeuble n'avait pas subi de détérioration, mais bien 15,000 fr. formant la moitié des 30,000 fr., valeur à laquelle l'immeuble s'est trouvé réduit.

Supposons au contraire que l'immeuble valant 40,000 fr. au moment du mariage aît été ameubli jusqu'à concurrence de la moitié, s'il arrive qu'au moment du partage l'immeuble vaille 50,000 fr., la communauté aura droit non plus à 20,000 fr., mais bien à 25,000 fr.

Que si l'immeuble avait péri en totalité au moment du partage, la communauté aurait perdu tous ses droits.

Passons maintenant aux effets des ameublissements indéterminés.

168. Il résulte de l'art. 1508 du Code civil qué cet ameublissement ne rend pas la communauté propriétaire des immeubles qui en font l'objet. Tel était aussi le principe dans l'ancienne jurisprudence. Tant que l'ameublissement demeure indéterminé, disait Pothier (1), tant que les parties n'ont pas réglé entre elles lequel des immeubles entrerait dans la communauté, aucun n'y est entré, et la communauté n'a qu'un simple droit de créance et une simple action contre le conjoint qui a fait l'ameublissement, pour l'obliger, lors de la dissolution de la communauté, à comprendre dans la masse des biens de la communauté

(1) De la communauté, no 313.

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