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tranche la difficulté dans le sens de cette dernière appréciation en décidant, soit par l'art. 1516, soit par l'art. 1525, que les clauses de l'espèce ne sont point réputées un avantage sujet aux règles relatives aux donations, soit quant au fond, soit quant à la forme, mais que ces clauses contiennent de simples conventions de mariage entre associés. D'après cela, il semble incontestable que les dispositions prévues par les art. 1520 et suivants du Code civil ne doivent rendre exigible ni un droit particulier sur le contrat de mariage, ni un droit proportionnel au moment de la réalisation.

350. Toutefois cette conséquence n'a pas été admise sans difficultés. Plusieurs arrêts avaient expressément consacré sur ce point une doctrine contraire. Les avantages stipulés entre époux, disaient ces arrêts, sont éventuels, et ne s'ouvrent au profit du survivant qu'au décès de l'autre époux; ce n'est donc qu'à cette époque que la transmission peut s'opérer. La loi ne porte aucune exception pour les gains de survie ou autres avantages du survivant; les dispositions des art. 1515, 1516, 1520 du Code civil, en réglant les conventions qu'elles rappellent, et en les exceptant des règles relatives aux donations, ne portent aucune dérogation à la loi du 22 frimaire an VII, et ne peuvent recevoir aucune application, relativement aux droits dus pour la transmission des avantages stipulés en faveur du survivant, dont la loi civile fixe l'ouverture à la mort naturelle ou civile (1).

Cette jurisprudence, dont le tort était de séparer la loi civile de la loi fiscale, et de supposer que l'exigibilité du droit d'enregistrement peut être déterminée autrement que par les effets des contrats d'après la loi civile, cette jurisprudence a été bientôt abandonnée. La Cour de cassation n'a pas tardé à reconnaître que les époux forment, en vertu des art. 1520 et suivants, une espèce de contrat aléatoire ayant pour objet de déterminer quel sera le propriétaire définitif de tous les biens de la communauté ou d'une part plus forte que celle de son conjoint; que cette stipulation ne présente aucun caractère de libéralité même vis-à-vis de la régie, puisqu'elle n'est pas sujette à réduction, et enfin que ce n'est pas comme donataire que l'un des époux en profite, mais bien comme propriétaire ab initio et comme ayant été investi de tout temps de ce qu'il prend dans la communauté (2).

(1) V. Civ. cass., 19 août 1806 (aff. Brauwer); 5 novembre 1806 (aff. Simon), et 26 mai 1807 (aff. Kampenéers).

(2) V. Civ. rej., 6 mars 1822 (aff. Tribart).

L'administration elle-même a reconnu que cette dernière jurisprudence devait être suivie, que les avantages entre époux, lorsqu'ils résultent d'une convention de l'espèce, sont une condition du mariage, et ne peuvent être réputés à titre de succession, s'ils n'ont pour objet que des biens résultant du travail commun (1).

351. Mais il faut, comme l'indique ici la régie, que les époux disposent entre eux des biens résultant du travail commun ou faisant partie de la communauté. Si la convention s'étendait, en outre, aux biens propres des époux, le survivant ne pourrait devenir propriétaire, relativement à ces biens, que par l'effet d'une libéralité. Par conséquent, le contrat de mariage donnerait ouverture, dans cette hypothèse, à un droit fixe de 5 fr. indépendamment du droit à percevoir sur le contrat de mariage, sauf, à l'événement, un droit proportionnel de mutation par décès (2).

352. Ce n'est pas tout: même en disposant des biens de la communauté, l'intention des parties a pu être de gratifier le survivant, et non pas de faire une convention entre associés. Au point de vue de la loi civile, ces deux conventions seraient essentiellement différentes : la première serait soumise aux règles de la réduction; la seconde échapperait, au contraire, à ces règles, sauf dans le cas prévu par l'art. 1527. Cette différence, on le conçoit bien, doit se reproduire dans l'application de la loi fiscale, et modifier les règles de la perception; c'est ainsi que, tandis que les conventions de la dernière espèce sont affranchies de tout droit autre que le droit fixe auquel le contrat de mariage est soumis, celles de la première espèce donnent ouverture sur le contrat à un droit fixe indépendant, et, à l'événement, à un droit de mutation par décès.

La jurisprudence présente, sur ce point, des décisions fort

(1) C'est dans ce sens qu'a été prise l'instruction générale du 8 janvier 1824, citée au tome Ier, no 226. Depuis, la régie s'est conformée à cette doctrine en acquiesçant, par délibération du 29 avril 1834 à un jugement du 18 décembre 1833. par lequel le tribunal de la Seine a décidé que la clause d'un contrat de mariage portant que le survivant des époux recueili ra, à titre de gain de survie, l'universalité des biens de la communauté, est une convention de mariage, et non une donation, et en conséquence que le survivant, au décès de l'un des époux, n'est point tenu d'acquitter le droit de mutation sur la moitié des biens de la communauté (aff. Répond).

(2) V. Conf. Civ. cass., 15 février 1841 (aff. Bertrand), arrêt déjà cité sous le no 345.

nombreuses; tantôt elle a décidé que la clause contractuelle, portant que la fortune tant mobilière qu'immobilière des époux formera une seule masse 'qui appartiendra au survivant, doit être considérée comme une stipulation entre associés, dans le sens de l'art. 1525, quand même la clause contiendrait une stipulation de réduction en cas d'existence d'enfants, et serait qualifiée de donation mutuelle (1); tantôt elle s'est prononcée en sens contraire (2).

Ces solutions opposées ne sont cependant pas contradictoires; elles tiennent à l'appréciation des termes et des diverses clauses du contrat de mariage. On ne doit donc pas chercher à concilier des décisions auxquelles les circonstances particulières de chaque espèce servent de principal fondement. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les dénominations qui ont été données à l'acte ne doivent pas, en principe, déterminer la perception, et que l'enregistrement doit être réglé en considération du caractère réel de l'acte et en raison de l'intention véritable des parties (3).

Nous n'insisterons pas plus sur les avantages conventionnels, auxquels se réfère d'ailleurs une partie des observations que nous avons présentées en traitant du préciput (4); mais nous devons ajouter quelques mots sur des avantages d'une autre espèce qui n'existent plus dans le système de la loi nouvelle, mais dont on retrouve encore les effets dans la pratique : nous voulons parler des anciens avantages légaux.

353. Nous l'avons dit dans nos observations préliminaires sur la clause de préciput (5), quelques coutumes attribuaient, sous des dénominations diverses, au survivant des époux, certains avantages, soit sur les biens de la communauté, soit sur les biens de l'époux prédécédé. La loi du 17 nivôse an II a aboli, comme on le sait, ces avantages légaux; mais, en les prohibant

(1) V. Civ. rej., 24 novembre 1834 (aff. Wetzels). V. Conf. un jugement rendu par le tribunal de Lille le 20 décembre 1845 (aff. Fiévet).

(2) V. Civ. cass., 15 février 1832 (aff. Baillif).

(3) Un jugement récent du tribunal de Lille, rapporté dans le Journal du Notariat du 5 décembre 1846 (2a série, no 272), a consacré cette règle d'interprétation en décidant que lorsque la stipulation d'une part inégale dans les biens de la communauté est faite dans un contrat de mariage, avec la qualification de donation, elle peut, malgré cette dénomination, être considérée comme n'étant réellement qu'une convention de mariage et entre associés. — Jugement du 14 septembre 1846 (aff. Baudry).

(4) V. notamment le no 311 et l'instruction générale qui y est analysée. (5) V. suprà, no 274.

pour l'avenir, la loi de nivôse n'a porté aucune atteinte à ceux qui existaient déjà en vertu de mariages contractés avant la promulgation de la loi. De là vient la question de savoir si ces avantages, lorsqu'ils se réalisent aujourd'hui, sont affranchis ou non du droit proportionnel?

Sur ce point aussi, la jurisprudence a été incertaine et flottante. La cour de cassation a longtemps considéré que ces sortes d'avantages n'étaient acquis au survivant qu'à l'événement du décès de son conjoint, et, par ce motif, elle déclarait la réalisation de l'avantage passible du droit proportionnel en vertu de la loi de frimaire an VII, qui assujettit à cette espèce de droit. toute transmission de meubles ou d'immeubles (1).

Mais la cour de cassation a abandonné depuis cette jurisprudence, et elle a consacré, par trois arrêts successifs très-solidement motivés, l'exemption du droit, en se fondant sur cette considération, infiniment plus vraie, que la mutation, dans le cas proposé, n'est que l'effet d'un droit préexistant (2).

354. En ce qui concerne les avantages conventionnels stipulés avant la promulgation du Code civil, mais sous l'empire de la loi de l'an II, il nous semble que la réalisation du droit ne doit pas rendre exigible le droit proportionnel de mutation. Les art. 1520 et suiv. du Code civil ne sont pas introductifs d'un droit nouveau; les principes que ces articles ont consacrés existaient déjà sous l'ancienne jurisprudence, et l'on reconnaissait généralement que les stipulations autorisées par ces articles étaient une simple convention, une loi du contrat de communauté, et non pas une donation. Or, si elles constituaient autrefois comme aujourd'hui une simple convention entre associés, il est juste que l'application de la loi fiscale se fasse à l'égard de ces conventions comme à l'égard des conventions semblables, stipulées sous l'empire du Code civil. (3).

(1) V. Civ. cass., 23 floréal an XIII (aff. Neyers); 20 frim. an xiv (aff. Olin¬ ger), et 3 août 1808 (aff. Dursel).

(2) V. Civ. rej., 30 mars 1825 (aff. Delaunay); 26 juin 1826 (aff. Quertier), et Req. rej., 22 juillet 1828 (aff. Morand).

(3) Néanmoins la question est controversée en jurisprudence. Deux jugements, l'un du tribunal de Douai, en date du 1er février 1845 (aff. Hespel), l'autre du tribunal d'Arras, en date du 9 juin 1846 (aff. Godart), ont consacré la doctrine ci-dessus exposée; mais le tribunal de Lille s'est prononcé en sens contraire par jugement du 4 juillet 1844 (aff. Depers-Delbecque). V. ces divers jugements au Contrôleur, no 7522, et aux Archives du notariat, no 810.

SECTION V.

DISPOSITIONS COMMUNES AUX DIVERS RÉGIMES DE COMMUNAUTÉ CONJUGALE.

Sommaire.

355. Les époux peuvent modifier comme ils l'entendent leurs conventions matrimoniales. - Art. 1527, § 1 et 2.

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356. Ces modifications ne sont pas en thèse générale considérées autrement que comme des conventions entre associés.

357. Mais elles prennent le caractère d'un avantage réductible lorsque l'un des époux ou tous deux ont des enfants d'un précédent mariage. — Art. 1527, § 3, et 1496. Il importe peu que les époux aient eu ou non l'intention de se procurer un avantage.

358. L'avantage résultant d'une succession échue pendant le mariage rentre dans la règle;

359. Mais non pas celui qui résulterait de l'inégalité des revenus des époux. 360. Suite.

361. L'avantage n'est pas nul de plein droit en ce qui concerne l'excédant: il est seulement réductible.

362. L'existence d'un avantage excessif doit donc être prouvée.

Par quels

moyens ? 363. Les enfants du premier lit ont qualité pour former l'action; les enfants du second lit en profitent indirectement, et quelquefois ils peuvent agir directement eux-mêmes.

364. Mais le conjoint remarié de qui procède l'avantage ne le peut pas;

critique d'un arrêt contraire.

365. L'action ne peut être formée qu'après le décès de l'époux remarié; le droit est suspendu, en cas de dissolution de la communauté, par la séparation de corps ou de biens.

366. Le droit d'agir est subordonné à la qualité d'héritier.

367. Comment s'opère le retranchement.

368. Du droit d'enregistrement.

369. Texte de l'art. 1528. Conclusion.

Conséquences

355. Nous avons eu souvent l'occasion de dire que les diverses combinaisons prévues, par le législateur, dans les dispositions si nombreuses qui ont trait à la communauté conventionnelle, ne sont pas limitatives. Les conventions réglées par la loi sont comme des exemples que la sollicitude du législateur propose aux futurs époux, en leur laissant d'ailleurs, pour le règlement de leur société conjugale, une liberté qui n'est limitée que par l'intérêt des mœurs et le respect dû à la loi. C'est ce qu'expriment les premiers paragraphes de l'art. 1527, qui, d'ailleurs, ne font que reproduire en d'autres termes le texte de l'article 1387. « Ce qui est dit aux huit sections ci-dessus, porte en effet cet article, ne limite pas à leurs dispositions précises les

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