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D'un autre côté, tous les frais que l'emploi nécessite sont à la charge de la femme, puisqu'aux termes de l'art. 1593 du Code, les frais d'actes et autres accessoires de la vente sont à la charge de l'acheteur.

La troisième conséquence enfin, consacrée par l'art. 1553, c'est que la chose acquise en emploi est dotale, et ne peut par conséquent être aliénée. Elle ne peut pas l'être, même en faisant un nouvel emploi; en quoi la clause d'emploi diffère de la faculté d'aliéner donnée au mari à charge de remploi, laquelle autorise une série d'aliénations indéfinies, qui sont toujours l'accomplissement de la même condition (1). En effet, le but de la clause d'emploi est de donner à la dot la même fixité que si la chose acquise avait été dotale dès l'origine, tandis que par la clause de remploi, les parties se proposent uniquement d'en prévenir la perte.

429. Passons aux conséquences du défaut d'emploi, et de l'emploi irrégulier, et distinguons le cas où la dot n'a pas été payée de celui où elle l'a été.

Si la dot n'a pas été payée, le défaut d'emploi autorise le débiteur à refuser le payement du capital de la dot; mais il peut être contraint à en payer les intérêts, car ces intérêts sont destinés à subvenir aux besoins journaliers du ménage. Le mari peut et doit aussi faire pour la conservation du capital tous les actes conservatoires que la prudence conseille; requérir, par exemple, des inscriptions hypothécaires; produire dans des distributions ou des ordres, etc., et obtenir au besoin de la justice l'autorisation d'exiger le versement de la dot à la caisse des consignations en attendant que l'emploi puisse être effectué.

430. Si la dot a été payée, voici les nombreuses questions qui se présentent. Le débiteur qui a payé le mari est-il responsable vis-à-vis de la femme? Celle-ci peut-elle l'actionner pour cet objet directement ou seulement après discussion des biens du mari? Le débiteur de son côté peut-il répéter, avant toute recherche de la part de la femme, ce qu'il a payé au mari? Quel est enfin le sort des acquisitions faites par le mari à titre d'emploi, quand cet emploi n'était pas obligatoire pour la femme?

Le premier point n'est susceptible, à nos yeux, d'aucune difficulté. Le débiteur de la dot est responsable vis-à-vis de la femme quand il a payé sans justification d'emploi, et un arrêt contraire

(1) C'est ce que reconnaît aussi M, Sériziat, sur l'art. 1153, p. 137, no 125.

de la cour de Paris (1) nous semble devoir être classé parmi les grandes erreurs.

Dans l'intérêt de qui en effet le contrat contient-il la clause d'emploi ? Ce n'est évidemment ni dans l'intérêt du mari puisque cette clause le gêne, ni dans l'intérêt du débiteur de la dot, à qui il est indifférent que le mari s'enrichisse ou qu'il se ruine. Ce ne peut donc être que dans l'intérêt de la femme; comment comprendre alors que le débiteur de la dot puisse, en payant sans emploi, sacrifier le seul intérêt qu'on a voulu garantir! Si l'on trouve dans l'ancien droit quelques autorités en sens contraire (2), il faut l'attribuer en partie à ce que les contrats de mariage avaient un caractère moins public et moins incommutable qu'ils ne l'ont aujourd'hui.

Ainsi, selon nous, point de distinction entre les débiteurs de la dot qui ont figuré dans le contrat de mariage et ceux qui n'y ont pas figuré. Si les premiers sont liés par la clause d'emploi parce qu'ils en ont eu nécessairement connaissance, les seconds doivent l'être également parce qu'ils ont pu facilement l'acquérir en exigeant la représentation du pacte matrimonial, et qu'ils ont commis une faute s'ils ne l'ont point fait.

431. Mais de ce que les débiteurs de la dot sont responsables, s'ensuit-il que la femme qui a recouvré la disposition de ses droits puisse agir contre eux directement, ou bien doit-elle différer à les actionner jusqu'après la discussion préalable des biens du mari? Pour ce dernier sentiment, on peut dire que la clause d'emploi n'ayant pour but que d'empêcher la perte de la dot, il suffit pour que ce but soit atteint de donner à la femme un recours subsidiaire. L'opinion contraire nous semble pourtant préférable. Tout payement en effet, pour être libératoire, doit être fait à une personne qui ait capacité pour le recevoir; or, quand la clause d'emploi a été stipulée, le mari n'a capacité pour recevoir la dot qu'à cette condition; donc, sans cette condition, il n'en peut consentir quittance. Ajoutons que la clause d'emploi semble garantir à la femme qu'à la dissolution du mariage elle recouvrera sa dot sans contestation ni délai, et que sous ce point

(1) Arrêt du 4 juin 1831 (aff. Roy c. Vaufreland). Cet arrêt est approuvé par M. Duranton, t. XV, no 487. Mais notre opinion a pour elle le suffrage de MM. Toullier, t. XIV, no 14, p. 153 et 154, et Tessier, t. II, p. 129, note 828, qui cite deux arrêts contraires à celui de la cour de Paris.

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(2) V. notamment Roussilhe, t. I, no 183. - Les nombreuses autorités recueillies par M. Tessier, t. II, p. 130, no 828, prouvent d'ailleurs que l'opinion de Roussilhe comptait peu de partisans.

de vue un recours simplement subsidiaire contre le débiteur qui a indûment payé ne remplirait pas complétement l'objet de la clause.

432. Mais si le payement fait au mari sans qu'il ait fait l'emploi n'est pas libératoire, il en résulte d'un autre côté que le débiteur peut répéter contre le mari ce qu'il a payé, tant que celui-ci n'a pas encore fait un emploi régulier. Il se trouve à cet égard dans la position d'un débiteur conditionnel auquel la condictio indebiti n'est jamais refusée, toutes les fois qu'il a payé avant l'événement de la condition.

433. Quel est enfin le sort des acquisitions faites par le mari à titre d'emploi, lorsque l'emploi n'est pas valable (par exemple s'il a employé les deniers à l'achat d'une maison, quand le contrat lui imposait l'obligation de les employer en biens fonds); la propriété passe-t-elle sur la tête de la femme ou sur celle du mari, ou reste-t-elle au vendeur? D'abord elle ne passe pas sur la tête de la femme, puisque le mandat qu'elle est censée avoir donné au mari dans le contrat de mariage ne saurait s'appliquer aux acquisitions qui ont été faites. Elle passe donc au mari, si celui-ci n'a pas donné connaissance du contrat de mariage au vendeur, ou s'il s'est engagé personnellement; sinon l'acquisition demeure sans effet et la propriété reste à celui qui l'a vendue. Il faut appliquer en un mot à ce cas la disposition de l'art. 1897, suivant lequel le mandataire qui a donné à la partie avec qui a contracté en cette qualité une suffisante connaissance de ses pouvoirs, n'est tenu d'aucune garantie pour ce qui a été fait au delà, s'il ne s'y est personnellement soumis.

434. Ajoutons en finissant que l'emploi peut n'avoir été fait d'une manière utile que pour partie. Il n'en produit pas moins tous ses effets, et la responsabilité du débiteur de la dot ne s'applique alors qu'à l'excédant de cette dot sur la somme employée. L'emploi ne serait nul pour le tout, qu'autant qu'il résulterait des termes du contrat de mariage que la dot ne pouvait être employée que tout entière.

Le débiteur de la dot cesse même d'être responsable de l'excédant de la dot sur la somme réellement employée, quand le chiffre de l'acquisition a été grossi à dessein de faciliter au mari les moyens de s'approprier cet excédant, sans d'ailleurs que le débiteur pût douter de cette fraude. Mais la responsabilité pèserait alors non-seulement sur le mari, mais encore sur le vendeur qui se serait rendu complice de la fraude.

Disons encore qu'un emploi nul peut être confirmé par la

femme quand elle a recouvré la libre disposition de ses droits; mais cette confirmation laisse subsister tous les droits que le mari aurait pu concéder à des tiers dans l'intervalle, parce qu'il s'agit ici d'un acte entaché d'une nullité absolue, et qu'en principe, la ratification d'un tel acte ne saurait avoir d'effet rétroactif au préjudice des tiers (1).

SECTION VI.

DES DROITS DU MARI SUR LES BIENS DOTAUX, ET DE SES OBLIGATIONS A RAISON DES MÊMES BIENS.

435. Nous arrivons ici à l'une des divisions les plus importantes de notre chapitre, et, pour procéder avec méthode, nous nous occuperons des droits du mari et de ses obligations dans deux paragraphes séparés, réservant pour un troisième l'exposé des règles relatives aux procès auxquels la dot peut donner nais

sance.

§ 1er. Des droits du mari.

Sommaire.

436. Dans le droit romain, le mari pouvait, à bon droit, être appelé le maître de la dot.

437. Cette qualification pouvait lui convenir encore sous l'ancienne jurisprudence.

438. Elle ne serait plus juste aujourd'hui.

439. Le mari n'est plus qu'usufruitier et administrateur de la dot.

l'art. 1549.

Texte de

440. Le mari, à titre d'administrateur, peut recevoir le remboursement de tous les capitaux, même des rentes foncières;

441. Et il a besoin de l'assistance d'un curateur, s'il est mineur.

442. Droits du mari sur les fruits civils de la dot.

443. Droits du mari sur les fruits naturels et industriels.

444. Doit-il faire compte des frais de labours et de semences exposés avant

le mariage?

445. De la dot consistant en choses fongibles.

446. De la dot consistant en un usufruit ou en une rente viagère.

447. De la dot consistant en objets qui se détériorent par l'usage sans se con

sommer.

(1) V. MM. Tessier, De la dot, t. II, p. 79, note 753, et Troplong, Des hypothèques, t. II, no 496.

448. Des droits du mari sur les taillis, les pépinières et les futaies. 449. Le mari a droit à une indemnité pour les coupes qu'il aurait pu faire et qu'il n'a pas faites.

450. Le mari a droit à une indemnité pour toutes les améliorations et constructions qu'il a faites sur le bien dotal.

451. Le mari jouit de toutes les augmentations naturelles survenues au fonds dotal, et des servitudes attachées à ce fonds.

452. Des droits du mari sur les carrières et sur les tourbières.

453. Des droits du mari sur les mines.

454. Le mari n'a pas droit au trésor découvert dans le fonds dotal. 455. Le mari peut donner à ferme, mais il ne peut céder son droit.

456. Dans quelle mesure le mari peut-il répéter les améliorations faites au fonds dotal?

457. Le mari peut être privé de la dot pour abus de jouissance.

458. Quand la chose périt en partie, les droits du mari subsistent sur ce qui

reste.

459. Les droits du mari peuvent être restreints par une convention qui attribuerait à la femme une partie des revenus.

460. Effets de cette clause.

461. Il peut être convenu que le mari n'aura pas l'administration des biens de sa femme,

462. Ou qu'il aura l'administration sans la jouissance,

463. Ou enfin qu'il n'aura ni l'administration ni la jouissance.

464. Le droit d'administration, toutefois, ne peut être scindé entre la femme et le mari.

436. Pour bien comprendre la nature des droits du mari sur la dot, il n'est pas inutile de remonter aux principes de la législation romaine.

Nous avons dit dans notre introduction historique, que dans les premiers temps de Rome, la femme par le seul fait du mariage tombait vraisemblablement au pouvoir du mari, in manu; que le mari acquérait dès lors nécessairement tout ce qui pouvait appartenir à la femme, étant à tous égards son maître et son seigneur.

Quand l'usage vint, et il existait peut-être déjà longtemps avant la loi des douze tables, quand l'usage vint de contracter des mariages qui n'entraînaient pas par eux-mêmes cette sujétion de la femme, il devint nécessaire de distinguer les biens que celle-ci apportait au mari, de ceux qu'elle entendait se ré

server.

Pour les premiers, les droits du mari durent, par une analogie fort naturelle, être assimilés à ceux qu'il avait sur tous les biens de la femme indistinctement, quand la manus pesait sur cette dernière. A la vérité, il y avait lieu à la restitution de la dot dans

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