Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

de la tierce-opposition: la fraude fait exception à toutes les règles (1).

M. Tessier (2) professe une doctrine contraire. Il reconnaît, il est vrai, au mari le droit d'intenter seul toutes les actions, même pétitoires, relatives à la dot, comme aussi le droit d'y défendre seul. Mais, suivant lui, les jugements ainsi rendus n'ont d'autorité que vis-à-vis du mari, et n'en ont point vis-à-vis de la femme, qui peut se pourvoir par la tierce-opposition, toutes les fois qu'elle n'a pas figuré en nom dans le procès.

Ce système, on ne craint pas de le dire, va directement contre l'esprit du régime dotal. Le Code, en donnant au mari seul le droit de poursuivre les détenteurs comme les débiteurs de la dot, a voulu que la femme ne fût pas engagée inutilement dans des contestations où son mari a le plus grand intérêt à la bien défendre. Or, ce but est complétement manqué, si les jugements. rendus avec le mari n'obligent pas la femme; car les tiers, pour leur sûreté, ne manqueront jamais alors d'appeler celle-ci en

cause.

La mise en cause de la femme, d'un autre côté, ne peut produire que l'un de ces résultats : ou la femme, et ce sera le cas le plus ordinaire, se reposera entièrement sur son mari pour diriger l'attaque ou la défense, et alors sa mise en cause occasionnera un surcroît de frais en pure perte; ou la femme aura des vues différentes de celles de son mari, et alors celui-ci n'aura plus pour l'administration de la dot cette incontestable suprématie que la loi pourtant a voulu certainement lui accorder.

M. Tessier argumente par analogie des principes admis en matière de communauté, d'après lesquels le mari peut bien intenter seul les actions pétitoires relatives aux propres de la femme, ou y défendre en tant qu'il y a intérêt, mais non pas de manière à préjudicier aux droits de la femme comme propriétaire. Mais il n'y a nulle analogie entre la femme commune et la femme dotale. Outre la différence de texte fort remarquable qui existe entre l'art. 1428 et l'art. 1549, on peut invoquer la différence qui existe entre la situation de la femme mariée en communauté et celle de la femme dotale. La première est loin de demeurer étrangère aux affaires; elle peut, en effet, aliéner ses propres avec le consentement de son mari; elle peut aussi s'engager avec lui, et partant, rien de surprenant que, dans certains cas,

(1) V. MM. Duranton, t. XV, nos 398 et 399; Zachariæ, t. III, p. 571. (2) T. II, p. 137, n° 835.

la loi veuille qu'elle plaide aussi avec lui. La femme dotale, au contraire, ne pouvant ni aliéner sa dot ni l'obliger, on ne voit pas pourquoi on la ferait sortir de cette incapacité absolue dans laquelle elle a voulu se placer pour la contraindre à figurer dans des contestations relatives à sa dot. En deux mots, la femme commune peut se mêler quelquefois aux procès, parce qu'elle se mêle quelquefois aux affaires; la femme dotale restant étrangère aux affaires doit rester aussi étrangère aux procès, et la nécessité de la communication des affaires qui l'intéressent au ministère public remplace, avec assez d'avantage pour elle, le rôle muet auquel elle s'est volontairement réduite.

484. Les principes que nous venons d'exposer souffrent pourtant des restrictions notables.

La première est relative aux partages dans lesquels la femme se trouve intéressée à raison de sa dot.

L'art. 818 du Code civil dispose en effet : « Le mari peut, sans le concours de sa femme, provoquer le partage des objets meubles ou immeubles à elle échus qui tombent dans la communauté. A l'égard des objets qui ne tombent pas en communauté, le mari ne peut en provoquer le partage sans le concours de sa femme; il peut seulement, s'il a le droit de jouir de ses biens, demander un partage provisionnel. Les cohéritiers de la femme ne peuvent provoquer le partage définitif qu'en mettant en cause le mari et la femme. >>

Ce texte s'applique, par la généralité de ses termes, aussi bien au régime dotal qu'au régime de la communauté. La preuve que le législateur n'a pas eu exclusivement en vue le régime de la communauté, c'est qu'il embrasse, dans ses prévisions, le cas où le mari jouit des biens de sa femme, et le cas où il n'en jouit point, et que, dans le régime de la communauté, ou même dans le régime simplement exclusif de communauté, le mari en jouit toujours. Or, si l'on est obligé de reconnaître que l'art. 818 ne s'applique pas seulement au régime de la communauté, il faut de toute nécessité reconnaître qu'il s'applique au régime dotal aussi bien qu'à celui de la séparation de biens (1).

(1) C'est en effet l'avis de la grande majorité des auteurs. V. MM. Toullier, XIV, nos 156 et suiv., 215; Chabot, Des successions, sur l'art 818, no 3; Proudhon, De l'usufruit, t. III, no 1245; Duranton, t. VII, no 125, et t. XV, nos 395 et 396; Bellot, t. IV, p. 137 et 412; Malpel, Des successions, no 244; Vazeille, ibid, sur l'art. 818, no 3; Tessier, De la dot, t. II, no 838; Marcadé, sur l'art. 818, no 2; A. Dalloz, vo Partage, no 93; Zachariæ, t. III, p. 571. La jurisprudence se prononce aussi dans le même sens. V. l'arrêt déjà cité de

A la vérité, l'art. 1549, d'après lequel le mari peut seul poursuivre les débiteurs et détenteurs de la dot, est postérieur en promulgation à l'art. 818; mais il n'est pas à présumer qu'il ait voulu déroger à ce dernier article, car il est de principe, au contraire, que les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales, in toto jure, generi per speciem derogatur.

Il y a un motif particulier d'ailleurs pour exiger le concours de la femme dans les partages; c'est que, dans les autres actions, l'intérêt du mari et celui de la femme s'identifient en général complétement, la dot ne pouvant s'accroître ou diminuer sans que le mari et la femme en profitent ou en souffrent en même temps. Dans les partages, au contraire, l'intérêt de la femme. peut souvent être opposé à celui du mari, celui-ci ayant intérêt à recevoir plus de valeurs mobilières dont il pourra disposer que de valeurs immobilières, tandis que la femme a un intérêt tout contraire (1).

Est-ce a dire, au surplus, que le mari puisse, avec le concours de la femme, procéder à l'amiable à un partage auquel la dot est intéressée? Cette conséquence serait erronée; mais ce n'est pas le cas de traiter ici cette question: elle trouvera mieux sa place dans notre quatorzième section.

La seconde restriction au droit qu'a le mari de défendre seul aux actions concernant la dot est relative au cas d'expropriation forcée de l'immeuble dotal. D'après l'art. 2208, en effet, l'expropriation des immeubles faisant partie de la communauté est poursuivie contre le mari seul, quoique la femme soit obligée à la dette; mais l'expropriation des immeubles de la femme non entrés dans la communauté doit être poursuivie à la fois contre la femme et contre le mari. Or, l'immeuble dotal appartient évi

la cour de Toulouse, du 1er pluviôse an x (aff. Record). Adde: Agen, 24 février 1809 (aff. Breuil); Nîmes, 12 mars 1835 (aff. Boyer); Paris, 14 juillet 1845 (le prince de la Moskowa). Il existe néanmoins des autorités en sens contraire. V. MM. Delvincourt, t. II, p. 140, note 3, édit. de 1824; Chardon, De la puissance maritale, no 253; Benoit, t. I, no 117, Dalloz aîné, Ancien répertoire, t. X, p. 304 et suiv.; Aix, 9 janvier 1810 (aff. Michel).

(1) Notons, au reste, que dans tous les cas, si la femme se trouve déjà en instance avec son mari, elle ne peut être admise par justice, au refus de celuici, à poursuivre seule et par action séparée le partage de ses biens dotaux, alors d'ailleurs qu'aucune opposition d'intérêt ne s'est encore manifestée entre elle et son mari. La cour de Paris s'était prononcée en ce sens par l'arrêt cité à la note précédente; et le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté par la cour suprême. Civ. rej., 21 janvier 1846.

demment à cette dernière classe, et l'on n'a pas même la ressource de dire ici que l'art. 1549 a dérogé à l'art. 2208, puisque c'est ce dernier qui est postérieur en promulgation. Aussi l'opinion de M. Delvincourt (1), d'après lequel l'expropriation forcée de l'immeuble dotal pourrait être poursuivie contre le mari seul, n'a-t-elle trouvé aucun écho dans les auteurs qui ont écrit après lui (2).

Cette seconde exception peut avoir pour cause le grand intérêt de la femme à n'être pas dépouillée à son insu d'un immeuble qui lui appartient sans conteste, auquel elle attache peut-être une grande valeur d'affection, et dont elle peut souvent empêcher la vente, soit en engageant ses paraphernaux, soit en offrant au créancier de bonnes cautions.

485. Nous n'avons plus qu'à examiner à la charge de qui doivent rester les dépens des procès auxquels la dot peut donner lieu, et ce n'est pas le point le moins délicat.

Parlons d'abord du cas où le mari a figuré seul dans l'instance.

Si le procès soutenu par le mari a trait seulement à la jouissance, le mari en doit évidemment supporter tous les frais sans répétition, puisque l'usufruitier, dans les mêmes circonstances, ne peut exercer aucune répétition contre le nu propriétaire (C. civ., art. 613).

Si le procès a trait au fond du droit, les anciens auteurs (3) s'accordaient à reconnaître que le mari peut répéter, à la dissolution du mariage, les frais dont il a fait l'avance. Cette décision équitable doit encore être suivie sous le Code, à moins que la contestation soutenue par le mari ne soit visiblement mal fondée, auquel cas tous les frais devraient rester à la charge du mari (4); et s'il veut se prémunir contre une pareille chance, la prudence lui conseille de ne former aucune action et de ne s'engager dans aucun recours sans obtenir une consultation favorable de jurisconsultes jouissant de quelque autorité. Dans ce

(1) T. III, p. 181 des notes, note 4, édit. de 1824.

(2) V. notamment, MM. Duranton, t. XV, no 397; Tessier, t. II, p. 151; Zachariæ, t. III, p. 571.

(3) V. notamment Despeisses, De la dot, sect. m, nos 75 et 76, 3o; Lapeyrère, lettre D, no 31; Faber C, liv. V, tit. vII, déf. 27, p. 533, et liv. V, tit. vn, déf. 52, p. 524; Fontanella, De pact. nupt., clause 7, glos. 3, part. xi, nos 34 et 35, et les autres auteurs cités par M. Tessier, t. II, note 928, p. 189.

(4) C'est aussi l'opinion de MM. Tessier, loc. cit., et Benoit, t. I, nos 236 et 237, et t. II, no 453.

cas, le tiers qui a gagné le procès ne peut avoir aucune action directe contre la femme.

Si le mari et la femme ont figuré tous deux dans un procès touchant au fond du droit, et que ce procès ait été gagné, il y a lieu, à plus forte raison, de procéder comme dans le cas précédent, puisqu'il est évident que le mari a eu raison de soutenir la contestation ainsi, le mari qui a fait l'avance des frais, doit retenir, lors de la restitution de la dot, ceux qu'il n'a pu recouvrer de la partie adverse.

Reste maintenant à savoir comment doivent être supportés les frais par les époux figurant ensemble dans le procès, quand ils succombent.

A cet égard, nous faisons une distinction. Si la présence de la femme dans la cause n'était nullement nécessaire, la condition de la femme ne saurait être aggravée par cette mise en cause inutile; le mari, par conséquent, serait seul tenu personnellement sauf son recours, tel que de droit, lors de la dissolution du mariage. Si, au contraire, la présence de la femme était nécessaire pour assurer l'effet de l'action, comme dans les cas de partage et d'expropriation forcée, il serait équitable d'appliquer aux époux qui auraient soutenu ensemble une mauvaise contestation le principe d'après lequel les dépens se divisent par tête entre les parties condamnées, toutes les fois qu'il n'y a pas de raisons particulières pour les diviser autrement.

Quant au point de savoir si la portion de dépens mise à la charge de la femme peut être poursuivie non-seulement sur ses biens paraphernaux, mais encore sur ses biens dotaux, nous nous en occuperons dans le § 3 de notre huitième section.

SECTION VII.

DE L'INALIENABILITÉ DU FONDS DOTAL.

Sommaire.

486. Motifs qui ont fait admettre sous le Code l'inaliénabilité du fonds dotal. 487. Texte de l'art. 1554. Quels sont les actes qu'on doit considérer comme des aliénations?

488. Le principe de l'inaliénabilité s'étend-il aux fruits? Distinctions. 489. Des aliénations antérieures à la célébration du mariage.

490. L'inaliénabilité cesse avec le mariage, mais la dot ne peut être poursuivie pour des obligations antérieures.

491. La femme peut disposer par testament ou par donation entre époux de ses biens dotaux, mais non point par une institution contractuelle.

« VorigeDoorgaan »