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doit simplement les intérêts du jour de la dissolution. Or, on sait que le législateur ne se préoccupe guère que des cas ordinaires. Donc la loi, en parlant spécialement des immeubles dans l'article 1571, n'a pas plus entendu exclure la dot mobilière que dans les articles où elle parle de l'inaliénabilité du fonds dotal, elle n'a entendu rendre la dot mobilière aliénable.

La raison de décider est, en effet, la même, toutes les fois qu'il s'agit de produits périodiques, tels que la toison d'un troupeau (1), les dividendes ou répartitions annuelles ou semestrielles attachés à des actions de finance ou d'industrie, etc.; car un bon père de famille règle la dépense de ces sortes de produits de manière à ce qu'il puisse atteindre l'année suivante.

657. Mais lorsqu'il s'agit de produits tout à fait accidentels et aléatoires, tels que le croît de certains animaux, la location de certains meubles, etc., comme il est fort difficile, avant comme après la cessation de la jouissance du mari, d'en fixer exactement le chiffre, il semblerait plus conforme à l'intérêt même des parties d'attribuer irrévocablement au mari tout ce qu'il aurait reçu sans fraude jusqu'à la dissolution du mariage, mais rien au delà.

SECTION XVII.

DES PRIVILEGES DE VIDUITÉ ET DES ÉPARGNES DES FEMMES.

Sommaire.

658. Les priviléges de viduité se réduisent à trois.

- Art. 1570.

659. La veuve n'a droit aux aliments et à l'habitation durant l'an du deuil que

lorsqu'elle était dotée.

660. Comment se règlent les habits de deuil?

661. La veuve peut exiger une somme d'argent pour son deuil.

662. Comment se règle le droit d'habitation?

663. La femme peut exiger des aliments durant l'an de deuil, quoique la dot consiste exclusivement en objets dont elle a conservé la propriété. 664. Les aliments comprennent les frais de maladie.

665. Les aliments se règlent uniquement sur les besoins de la veuve, qui n'y a pas droit si ses revenus paraphernaux suffisent à sa subsistance. 666. La veuve mineure a capacité pour opter entre les aliments et les intérêts ou fruits de la dot.

667. L'option une fois faite est irrévocable. Quand est-elle censée faite? 668. A qui appartiennent les épargnes faites par la femme durant le mariage?

· Distinctions.

659. Nous avons dit dans notre introduction

(1) La loi 7, § 9, D., Sol. mat., est formelle sur ce point.

que la plupart

des anciennes coutumes accordaient aux veuves d'amples douaires sur les biens de leurs maris, et que, dans les pays de droit écrit, on admettait aussi généralement la femme indigente à recueillir, à défaut d'enfants, une partie de la succession de son mari. Les auteurs du Code civil, loin d'être aussi généreux, se sont montrés, à l'égard des veuves, d'une parcimonie qui ressemble à de l'injustice.

Les priviléges accordés à la veuve qui s'était mariée sous le régime dotal se réduisent à trois, indiqués dans la seconde disposition de l'art. 1570, ainsi conçue : « Si c'est par la mort du mari (que le mariage est dissous), la femme a le droit d'exiger les intérêts de sa dot pendant l'an du deuil, ou de se faire fournir des aliments pendant ledit temps aux dépens de la succession du mari; mais dans les deux cas, l'habitation durant cette année et les habits de deuil doivent lui être fournis sur la succession, et sans imputation sur les intérêts à elle dus. » Ainsi, droit de se faire fournir des aliments durant l'année du deuil, droit d'habitation durant le même temps, et habits de deuil, voilà les seuls avantages, si l'on peut appeler cela des avantages, que le Code civil accorde aux veuves. Elles ont bien aussi, aux termes de l'art. 1566, le droit de retenir, dans tous les cas, les linges et hardes qui étaient à leur usage lors du décès du mari; mais l'art. 1566, ainsi que nous l'avons dit précédemment, paraît applicable aux femmes séparées de corps ou de biens comme aux veuves, et ne constitue point dès lors un droit privatif pour ces dernières.

659. Quoi qu'il en soit, avant de reprendre chacun des droits indiqués dans l'art. 1570 du Code civil, il convient d'abord d'examiner si ces droits peuvent être réclamés seulement par la veuve qui avait une dot dont le mari a joui, ou s'ils peuvent l'être aussi par celle qui n'avait aucune dot.

Les termes de l'art. 1570 et la place qu'il occupe dans le Code favorisent la première opinion. L'art. 1570, en effet, dit que la femme a le choix d'exiger les intérêts de sa dot ou des aliments durant l'an de deuil; il suppose donc qu'elle a une dot. Cet article, d'ailleurs, se trouve placé dans la section de la restitution de la dot, où le législateur suppose toujours qu'il y a une dot à restituer. Nous croyons donc que les droits de viduité ne peuvent être réclamés dans toute leur étendue par la femme que lorsqu'elle avait une dot dont son mari a joui (1). Il est bien juste,

(1) Conf. M. Merlin, Rép., vo Viduité. L'opinion contraire est pourtant

en effet, quand le mari a joui et s'est peut-être enrichi des fruits de la dot durant le mariage, que sa veuve, le mariage dissous, obtienne un léger dédommagement. Mais si, au contraire, le mari n'a joui d'aucune dot, soit que la femme ne s'en fût constitué aucune, soit même qu'elle se fût constitué des biens à venir qui ne lui seraient pas échus, il semble assez juste qu'à dater de la dissolution du mariage la femme s'entretienne à l'aide de ses propres revenus ou de son travail, dût-elle sentir un peu les rigueurs de l'indigence.

Les habits de deuil, toutefois, peuvent être réclamés dans tous les cas comme une créance, parce que c'est une obligation de bienséance pour la femme de les porter, et que c'est la mort du mari qui donne naissance à cette obligation; quant à l'habitation, la décence exige aussi que la femme ne puisse être expulsée qu'après un temps moral suffisant pour qu'elle trouve une autre demeure. Il serait immoral que, dès le lendemain de la mort de son mari, une veuve pût être chassée de l'habitation qu'elle occupait, sans avoir un réduit où elle pût répandre ses larmes et donner cours à sa douleur. Le délai laissé à la veuve doit être naturellement le délai fixé par l'art. 1465 du Code, au chapitre de la communauté, c'est-à-dire de trois mois et quarante jours; même, à notre avis, la femme mariée sous le régime dotal comme la femme commune, ne doit pas de loyers durant ce délai, quoique les raisons de décider ne soient pas complétement les mêmes. Pour une classe de personnes aussi digne d'intérêt que celle des veuves, c'est bien le cas de dire que les dispositions favorables doivent être étendues, favores ampliandi, au moins quand il s'agit d'un objet important. Toutefois, nous ne pensons pas que les veuves non communes et non dotées puissent jamais réclamer des aliments contre la succession de leurs maris, ni prendre leur nourriture sur les provisions existantes lors du décès de ces derniers, même durant le délai fixé par l'art. 1465, parce qu'elles se trouvent dans une position bien moins intéressante, sous ce rapport, que les veuves communes, dont la dot ou tout au moins les revenus de la dot ont profité au mari.

660. Reprenons chacun des droits de viduité indiqués dans l'art. 1570, pour en bien préciser la portée.

plus généralement adoptée. V. MM. Benoit, t. II, no 141; A. Dalloz, vo Dot n° 517; Sériziat, no 290; Taulier, t. V, p. 361. Elle est conforme à l'ancienne jurisprudence; mais les auteurs du Code civil, on l'a dit, avaient des tendances moins favorables aux veuves.

Les habits de deuil comprennent non-seulement ceux de la femme elle-même, mais encore ceux de ses enfants et de ses domestiques (1). Ils sont réglés suivant la condition des personnes, et participent aux priviléges dont jouissent les frais funéraires aux termes de l'art. 2102, no 2, du Code civil; ils sont, en effet, de même nature, et, dans certaines contrées, les funérailles, ou du moins le service qui les suit de près, c'est-à-dire la neuvaine, ne peuvent se faire convenablement sans que la femme elle-même y assiste, à plus forte raison, les domestiques (2).

Les habits de deuil comprennent seulement les vêtements que la femme est obligée de porter dans les premiers temps de sa viduité. Ils ne comprennent pas ceux qu'elle prendrait plus tard, parce que les premiers seraient usés, ni, à plus forte raison, les habits d'étoffes plus élégantes, connus sous le nom de demi-deuil, qui marquent une tristesse décroissante et prête à se perdre dans l'oubli.

661. Quant au choix, à la confection, et à la fourniture des habits de deuil, il ne convient pas que les héritiers du mari s'en occupent. Ces soins appartiennent à la veuve; si les usages commandent la couleur de ses vêtements, ils lui laissent une certaine latitude dans l'arrangement, dont il lui serait certainement pénible d'être privée. La veuve peut donc exiger que la valeur du deuil lui soit fournie en argent (3).

662. L'habitation est due à la veuve durant l'année du deuil, c'est-à-dire durant l'année entière, et non pas seulement durant les dix mois pendant lesquels l'art. 228 du Code civil ne lui permet pas de contracter un nouveau mariage. Toutefois cela souffrirait exception si au bout des dix mois elle contractait une nouvelle union; les convenances ne lui permettraient pas de recevoir son nouvel époux dans l'habitation où elle aurait vu mourir le premier.

La femme a le droit d'exiger', pour son habitation, le local nécessaire à elle et à ses domestiques; et l'étendue de ce local est déterminée d'après la position sociale. Pour la veuve de l'ouvrier ou du paysan, une seule chambre peut souvent suf

(1) V. MM. Dalloz aîné, Ancien Rép., t. X, p. 366, no 43; Taulier, t. V, p. 369.

(2) Contrà, MM. Benoit, t. II, no 146; Dalloz aîné, Ancien Rép., t. X, p. 366, no 44; Sériziat, no 300.

(3) MM. Sériziat, no 299; Taulier, t. V, p. 369.

fire, tandis que pour les veuves d'une condition élevée un appartement complet avec ses dépendances peut sembler indispensable (1).

Si les époux habitaient une maison ou un appartement loués et que la location vînt à expirer avant la fin de l'année, les héritiers du mari devraient, jusqu'à la fin de cette année, procurer un autre logement convenable à la femme, car la loi ne distingue pas (2). Mais si les époux habitaient une maison appartenant à la femme, celle-ci ne serait pas fondée à exiger une indemnité des héritiers du mari, car le motif de bienséance qui a fait accorder à la femme le droit d'habitation n'existant plus alors, ce bénéfice doit cesser: cessante ratione legis, cessat lex. L'art. 1465 fournit d'ailleurs une analogie puissante pour le décider ainsi (3).

663. Les habits de deuil et l'habitation sont dus à la femme en sus des intérêts ou des fruits de la dot : il en est autrement du dernier privilége de viduité accordé par l'art. 1570. En effet, le droit pour la veuve d'obtenir des aliments durant l'an de deuil, ne se cumule pas avec les intérêts ou les fruits; la femme a seulement l'option entre les aliments et la restitution des intérêts ou des fruits.

La femme peut opter pour des aliments, lors même que sa dot consisterait exclusivement en immeubles ou autres objets qui, étant restés sa propriété, devraient, en principe, lui être restitués immédiatement. Quelques auteurs (4) décident la question autrement; ils attachent au mot intérêt employé dans la seconde disposition de l'art. 1570 plus d'importance qu'il n'en a. Qu'importe en effet la nature de la dot, quand il s'agit de prévenir la détresse de la femme! La femme, il est vrai, a le droit en principe de reprendre immédiatement les objets dont elle a conservé la propriété, mais ce droit est facultatif; et si elle n'en use point, la loi ne dit pas qu'on puisse l'y contraindre.

664. Dans son acception ordinaire, le mot aliment embrasse.non-seulement la nourriture, mais encore tout ce qui est nécessaire à l'entretien tant en santé qu'en maladie. Mais cette

(1) MM. Benoit, t. II, no 144; Dalloz aîné, Ancien Rép., t. X, p. 365, no 40. (2) MM. Benoit, t. II, no 145; Bellot, t. IV, p. 267.

(3) La cour d'Aix a jugé, dans ce sens, que la veuve à qui son mari a légué la maison qu'ils habitaient ensemble, n'est point fondée à réclamer des héritiers du mari une autre habitation, ou à exiger d'eux une indemnité en argent. Arrêt du 2 mai 1839 (aff. Talamel).

(4) MM. Bellot, t. IV, p. 266; Duranton, t. XV, n° 572. Contrà, Sériziat, n° 295.

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